Qui dans sa vie n’a pas vu en automne le jeu des couleurs magnifiques des feuilles de la majorité des arbres qui nous entourent ? Jaune de toutes les nuances, orange, rouge feu, rouge byzantin…
En effet l’arbre, n’ayant pas des moyens de déplacement, ne peut s’abriter pendant les mois rudes de l’hiver. Il a donc développé sa propre stratégie de survie contre le gel.
Il préfère sacrifier ses feuilles, celles qui occupent le plus de surface exposée, pour se protéger de la dessiccation et garder ses branches, tronc et racines. L’ensemble des structures restantes est protégée soit par l’écorce (branches et tronc) soit par la terre (racines).
Aussitôt que la luminosité baisse et que les premiers froids paraissent, l’arbre, grâce à des molécules senseurs (réceptrices), va réaliser la venue de l’hiver ; l’ordre va être donné pour secréter une petite molécule hormone qui s’appelle éthylène (1), molécule bien connue par ailleurs de l’industrie pétrochimique.
La biosynthèse de l’éthylène va alors se réaliser grâce à une succession complexe d’étapes chimiques à partir de la méthionine (2), qui est un acide aminé essentiel pour la constitution des protéines.
L’éthylène va déclencher un deuxième mécanisme, celui de fabrication de « liège » autour des veinules ou artérioles qui amènent la sève (le sang des arbres) vers le feuillage pour le nourrir et l’hydrater ; un « bouchon » est formé qui empêche l’alimentation des feuilles (3). L’avenir de ces feuilles dépend désormais du vent… L’hiver s’installe mais la chimie de l’arbre lui a encore sauvé la vie, pour une nouvelle année.
La chlorophylle (4), cette molécule responsable de la couleur verte intense et qui assure le processus de la photosynthèse (5), va être progressivement dégradée par le froid.
Le vert disparait pour laisser place à d’autres colorants, cachés jusqu’alors par la couleur verte. Ce sont les caroténoïdes (6) (substances chimiques de la carotte) ou les anthocyanines (substances chimiques des choux).
La danse des couleurs est amorcée ; tous les jours, à chaque instant de la journée et en fonction de la luminosité, des nuances variées régalent nos yeux.
Pourquoi certains arbres ne perdent pas leur feuillage ?
Le cas des conifères en est un exemple didactique.
Leur feuillage en forme d’aiguilles diminue substantiellement la surface d’exposition. Par ailleurs, il s’agit d’arbres résineux qui laissent autour de chaque aiguille une fine couche de résine qui sert de vêtement de protection, comparable à la cire secrétée par les canards qui nagent dans l’eau, indifféremment de la température ambiante.
La stratégie des plantes est une source d’émerveillement ! (7)
Constantin Agouridas, Françoise Brénon et l'équipe Question du mois de Mediachimie
(1) Éthylène ou éthène H2C=CH2
(2) La méthionine existe sous 2 structures, images l’une de l’autre dans un miroir. Par exemple la S-méthionine a pour formule :
(3) Ce processus s’appelle l’abscission.
(5) Dans le processus de photosynthèse, la chlorophylle absorbe l’énergie solaire afin de permettre au dioxyde de carbone et à l’eau, présents dans l’air ambiant, de se combiner pour produire des hydrates de carbone (sucre) et libérer du dioxygène.
(6) Caroténoïdes : Il s’agit d’une famille contenant environ 600 molécules différentes. Elles ont en commun de présenter une longue alternance de simples et doubles liaisons, responsable de leur couleur. Par exemple le lycopène a pour formule :
(7) C’est ainsi que certains arbres sécrètent de l'éthylène et d'autres gaz pour empêcher la végétation d'envahir leurs pieds et que sous stress thermique les arbres émettent de l'éthylène, d'où l'inflammation rapide et spectaculaire de l'arbre entier lors des incendies de forêt.
Liens:
[1] https://www.mediachimie.org/send-friend/1931/?ajax
[2] https://www.mediachimie.org/print/print/1931