Délaissant les ressources aléatoires de la cueillette et de la chasse pour mettre en oeuvre une production plus pérenne d’espèces végétales ou animales sélectionnées pour se nourrir, l’Homme inventa l’agriculture. Basée sur des observations judicieuses, celle-ci s’enrichit au fil du temps d’un savoir, au départ pragmatique, puis de plus en plus raisonné reposant sur la compréhension des phénomènes et du fonctionnement des milieux agricoles et des organismes vivants que sont les plantes cultivées et le bétail. Le développement d’une agriculture moins tâtonnante et plus productive repose dès le XIXe siècle sur l’essor des connaissances en chimie, physique et biologie, au XXe siècle en génétique, biochimie, biologie moléculaire avec la découverte de la structure chimique de l’ADN qui ouvrit la porte à la génomique, aux biotechnologies et au génie génétique, et au XXIe siècle sur l’informatique.
La structure physico-chimique des organismes vivants, le fonctionnement intime des cellules et des organes, les métabolismes ont pu être appréhendés grâce à de nouveaux appareils de mesure, d’observation et d’analyse des constituants chimiques. Les réactions biochimiques en sont la clef. La chimie analytique qui se perfectionne avec des instruments de mesure de plus en plus précis et sophistiqués (spectromètre, chromatographe, etc.) contribue à mieux comprendre les phénomènes de transformation au sein des organismes vivants. Ainsi, on sait aujourd’hui que les engrais à base d’azote, de phosphore et de potassium sont indispensables au développement des plantules. La protection des cultures contre leurs bio-agresseurs que sont les micro-organismes pathogènes, les insectes ravageurs ou encore les adventices indésirables, nécessite de comprendre l’essence des interactions et les mécanismes des relations au sein des populations ou d’une espèce, et entre les espèces. La communication entre les organismes au sein des écosystèmes met en jeu des médiateurs chimiques qui sont étudiés par une nouvelle discipline, l’Ecologie chimique, qui vit le jour en 1970.
À la moitié du XXe siècle, fort des succès remportés par le DDT (dichloro-diphényle-trichloro-éthane), un insecticide organochloré utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale pour juguler des épidémies et maladies (typhus, malaria), le contrôle des insectes ravageurs et des maladies par les produits phytopharmaceutiques de synthèse a permis de sauver des récoltes, de libérer les écoliers des campagnes d’hannetonnage, d’assainir les milieux et d’améliorer les conditions de vie des agriculteurs. Mais ces succès se sont accompagnés dans certains cas d’effets environnementaux négatifs par manque de connaissances. Aujourd’hui une compréhension plus étayée des phénomènes développe de nouvelles façons d’interagir, les démarches agro-écologique, biotechnologique et numérique afin de limiter les nuisances de ces bioagresseurs tout en préservant au mieux les milieux physico-chimiques dans lesquels nous vivons.
De ce survol historique, une évidence s’impose : la chimie est bien la discipline-clef pour appréhender l’évolution de l’agriculture et un des outils nécessaires à sa durabilité.
Vidéo de la conférence (durée 30:35)
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