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Mots-clés : alliages ferreux, métallographie, archéométrie, architecture gothique, datation

L’incendie de 2019 a mis au jour des armatures de fer jusqu’ici inconnues dans la structure de Notre‐Dame de Paris. Ces découvertes ont conduit à la documentation systématique de ces usages dans la diachronie, des phases de construction des XIIe‐XIIIe siècles aux restaurations des XIXe‐XXe siècles.

Au‐delà de l’inventaire archéologique de ces armatures préalable à toute forme d’étude, l’analyse chimique des alliages ferreux qui les composent apporte un éclairage inédit sur les pratiques des bâtisseurs médiévaux et modernes, grâce aux méthodologies développées depuis une vingtaine d’années [1] : nature et qualité des matériaux mis en œuvre, procédés techniques de production utilisés et mise en forme par les forgerons [2], provenance et approvisionnement du métal pour le chantier [3]. Ces analyses permettent enfin de renseigner la chronologie de ces renforcements [4]. Grâce au chantier de restauration et à l’ensemble de ses acteurs, plusieurs dizaines d’armatures (agrafes, tirants, clous, armatures des décors…) ont pu être prélevées pour être soumises à ces investigations.

L’analyse métallographique de ces armatures révèle en premier lieu la nature des alliages ferreux mis en œuvre, très hétérogène, alliant fer, carbone, phosphore et de nombreuses inclusions non métalliques. Certaines pièces se démarquent toutefois par une composition très aciérée. Elle met également en évidence de nombreuses soudures, qui posent la question de la mise en forme de ces barres, par assemblage d’éléments plus petits, et incidemment la question de l’utilisation de matières recyclées et des circuits d’approvisionnement. L’analyse des inclusions de scories en éléments majeurs par MEB‐EDS, puis en éléments traces par LA‐ICP‐MS renseigne sur les procédés techniques utilisés, bas fourneau et haut fourneau, et les différentes sources de métal, illustrant l’activité du marché du fer sur la place parisienne. Enfin, six agrafes et deux clous ont pu être datés par la méthode du radiocarbone. Les résultats obtenus donnent des éléments nouveaux de compréhension des phases de construction et de consolidation de l’édifice.

 

Vidéo de la conférence (durée : 26:11)
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Références :
[1] M. L’Héritier, Le fer et le plomb dans la construction monumentale au Moyen Âge, de l’étude des sources écrites à l’analyse de la matière, Ædificare, 2019, p. 79–121
[2] P. Dillmann, M. L’Héritier, Slag inclusion analyses for studying ferrous alloys employed in French medieval buildings, JAS, 34, 2007, p. 1810–1823
A. Disser, P. Dillmann, M. Leroy, M. L’Héritier, S. Bauvais, P. Fluzin, Iron Supply for the Building of Metz Cathedral, Archaeometry. 59, 2017, p. 493–510
[4] S. Leroy, M. L’Héritier, E. Delqué‐Kolic, J.‐P. Dumoulin, C. Moreau, P. Dillmann, Consolidation or initial design? Radiocarbon dating of ancient iron alloys sheds light on the reinforcements of French Gothic Cathedrals, JAS, 53, 2015, p. 190–201
 

Auteur(s) : Maxime L’HERITIER, Maître de conférences en histoire médiévale, Université Paris 8, ArScAn CNRS UMR 7041
Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
Niveau de lecture : pour tous
Nature de la ressource : article + conférence