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Mots-clés : corps pur, espèce chimique, expériences, Joseph Louis Proust (1754-1826)

Les frères Proust, Joachim (1751-1819) et Joseph Louis (1754-1826), angevins, quittèrent tôt leur ville natale pour, dit-on, fuir des parents fort avares. Ils avaient fait de bonnes études et appris la chimie et la pharmacie avec leur père apothicaire. En 1777 ils se retrouvaient à Paris. Le cadet, appelé pour le distinguer de son père, ce qui était fréquent, par son second prénom, Louis, avait réussi par concours à devenir pharmacien de l’hôpital de la Salpêtrière. On disait « gagnant-maîtrise », il n’était pas rémunéré, mais logé et nourri, il pouvait utiliser les locaux et les ressources, produits et instruments, de l’apothicairerie de l’hôpital.

Les deux frères s’exercent à la confection de pyrophores, on désignait par ce nom des substances susceptibles de s’enflammer spontanément à l’air avec incandescence, et c’était un sujet « à la mode ». Les savants cherchaient à comprendre la chimie des combustions et la vitesse des réactions, les autres se passionnaient pour la confection de feux d’artifice. C’était une époque festive. Les deux chimistes sont téméraires, ils font détonner différentes substances transformées en charbons par calcination dans une capsule de terre, en versant dessus quelques gouttes d’acide nitrique. Un festival de pétards.

Un charbon provenant de carthame (une plante oléagineuse), réduit en poudre et récemment calciné, détonna très vivement, et les deux frères s’émerveillent de voir la poudre s’élever « comme une gerbe d’artifice très jolie ». Mais ils reconnaissent que « ces expériences sont capricieuses » et dangereuses : ayant opéré avec un charbon qui provenait de la calcination de verdet (acétate de cuivre), « il s’éleva de cette détonation une espèce de gaz que je respirai, et qui me mit dans un malaise incroyable ; il me survint un grand mal de tête, et une envie de vomir, je ressentis une douleur dans les poumons, qui sans gêner la respiration, m’incommoda beaucoup ».

Une autre fois, triturant de l’oxyde rouge de mercure (HgO) avec du soufre dans l’espoir de préparer du cinabre (espèce cristalline de sulfure de mercure, HgS de couleur rouge carmin), « le résultat fut que le dôme du fourneau sauta en l’air, tandis que la porte du foyer alla se briser contre une muraille et faillit de me frapper dans l’estomac », mais la poussière qui s’éleva de la détonation « est du cinabre d’un rouge violet ».

Le bureau de l’hôpital se plaint. Louis obtient un contrat d’enseignement et de recherche au pays basque espagnol, ce sont les débuts d’une grande aventure savante. Et Joachim trouve un emploi dans l’officine renommée d’Hilaire-Marin Rouelle où il côtoie de grands chimistes de son temps, Descroizilles, Darcet et Bertrand Pelletier, avant de reprendre la pharmacie familiale à Angers.

 

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Auteur(s) : Josette Fournier
Niveau de lecture : pour tous
Nature de la ressource : article