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Au début du XVIIIe siècle, la seule teinte bleue stable est le bleu outremer obtenu à partir d’une pierre précieuse, le lapis-lazuli. Cette couleur bleu est donc très chère. Entre 1704 et 1709, selon les sources, à Berlin, Heinrich Diesbach et Johann Conrad Dippel (1673-1734) veulent préparer un colorant rouge mais ils obtiennent accidentellement une nouvelle couleur bleue. Ce bleu fut obtenu par l’action du sulfate de fer (II), (FeSO4) sur un carbonate de potassium (K2CO3) qui contenait malencontreusement un cyanure jaune.

Diesbach et Dippel commercialisent ce nouveau pigment en gardant le secret de fabrication afin d’en conserver le monopole. Ce bleu porte alors le nom de Bleu de Prusse ou Bleu de Berlin. Le procédé de fabrication est dévoilé seulement en 1724 par John Woodward (1655-1728).

Tout au long du XVIIIe siècle, les chimistes vont s’intéresser à ce bleu. En 1756, Pierre Joseph Macquer (1718-1784) publie « Examen chymique du bleu de Prusse » (écriture de l’époque). Puis Carl Wilhelm Scheele (1742-1786) fait réagir du bleu de Prusse avec de l’acide sulfurique à chaud et obtient le cyanure d’hydrogène. Joseph Louis Proust (1754-1826) expose ses « Recherches sur le bleu de Prusse » en 1799 et c’est Louis Joseph Gay-Lussac (1778-1850) qui détermine sa composition en 1811. Le bleu de Prusse est au final un ferrocyanure de fer (III), hydraté : [Fe(III)]4[Fe(II)(CN)6]3 ,(H2O)x.

Ce pigment est le premier créé artificiellement. Les peintres européens l’utilisent dès 1710. Comme il a un pouvoir colorant élevé, il sert aussi en teinture. Lors de lessives de linges blancs jaunis, il est ajouté à l’eau de lavage afin d’obtenir à nouveau des linges blancs. De nos jours, il a de nombreuses applications. En mécanique, on vérifie l’ajustage de pièces plates au marbre. En chaudronnerie, il est utilisé comme couche de marquage car il résiste à l’eau et aux solvants. En chimie analytique, il sert à l’identification des ions cyanures. En médecine, il est très efficace pour éliminer le césium 137 et le thallium du corps humain et utilisé en cas d’irradiation.


T. Grison, La Teinture du Dix Neuvième Siècle en ce qui concerne la laine et les tissus, Paris, 1884 (Collections SEIN). Cliché G. E.

 

Pour en savoir plus

Fer : curiosités ; Bleu de Prusse, bleu de Turnbull, sur le site de l’UdPPC (Union des professeurs de physique et de chimie)

De la teinture des laines au moyen du Bleu de Prusse, de P. Raymond fils, Annales de chimie et de physique (Paris), 1828, t.39, pp. 44-77

De la teinture du bleu de Prusse, de Homassel, in Cours théorique et pratique sur l'art de la teinture en laine, soie, fil-coton, fabrique d'indienne en grand et petit teint, (1807), Edit. Courcier, Paris, pp. 277-278

Mémoire sur la composition de la matière colorante du bleu de Prusse, de J.-F. Clouet, Annales de chimie (Paris), (1791/10) t.11, pp.30-35

Auteur(s) : Texte : Catherine Marchal
Vidéo : Réalisation : François Demerliac ; Auteur scientifique : Catherine Marchal et Françoise Brénon ; Production : Fondation de la Maison de la Chimie / Virtuel
Niveau de lecture : pour tous
Nature de la ressource : vidéo
Mots-clés : Dippel, Diesbach, ferrocyanure de fer (III), césium 137, thallium