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Combinaisons en néoprène® calcaire ou en néoprène® aux coquilles d’huîtres : renouvelables ou non ?

Vous pratiquez la plongée sous-marine, le surf ou autres sports nautiques et vous utilisez des combinaisons isothermes en « néoprène® ». Au moment d’acheter votre combinaison vous vous posez la question : laquelle choisir
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Vous pratiquez la plongée sous-marine, le surf ou autres sports nautiques et vous utilisez des combinaisons isothermes en « néoprène® ». Au moment d’acheter votre combinaison vous vous posez la question : laquelle choisir qui soit à la fois performante et respectueuse de l’environnement ? Une recherche sur Internet avec le mot-clef « néoprène » vous propose des alternatives écologiques à leur fabrication.

Voici quelques propositions trouvées et reprises de très nombreuses fois sur Internet par les services commerciaux de vendeurs de combinaisons.

Alors décryptons tous ces mots et posons-nous la question : comment peut-on fabriquer une combinaison en néoprène® à partir de pétrole ou à partir de calcaire et celle-ci est-elle une alternative écologique ?

Tout d’abord qu’est-ce que le néoprène® ? [1] [2]

C’est un nom commercial (iv) devenu un nom courant pour désigner le caoutchouc de polychloroprène (noté souvent par le sigle CR pour Chloroprène Rubber). Il n’existe pas dans la nature (v), c’est donc un produit de synthèse.

Il faut disposer d’une molécule monomère, le chloroprène (vi), qui pourra réagir sur elle-même un très grand nombre de fois pour former de très longues chaines moléculaires où les atomes de carbone s’enchainent, pour conduire au polymère, le polychloroprène (cf. figure1).

chloroprène
polychloroprène
(n peut être de plusieurs milliers)
H2C=CH-CCl=CH2
-(CH2-CCl=CH-CH2)n-

Figure 1

 

Il faut donc tout d’abord créer le chloroprène.

Il existe 2 voies de synthèse : soit à partir du pétrole (de très loin la plus répandue depuis 1960) soit à partir d’un mélange de calcaire et de charbon [1] [2] [3] [4].

La première voie passe par l’obtention de butadiène molécule obtenue en très grande quantité (vii) au cours du vapocraquage des essences légères issues du pétrole (viii)(ix).

La deuxième voie passe par l’obtention d’acétylène à partir de calcaire ou limestone (x) et de charbon. Le calcaire est du carbonate de calcium CaCO3 et le charbon est la source de carbone C. 


Tableau comparatif des 2 voies par Françoise Brénon

 

Les atomes de carbone surlignés en jaune (C) proviennent du carbonate de calcium, ceux surlignés en turquoise (C) proviennent du charbon et ceux surlignés en rose (C) proviennent du pétrole. Mais bien sûr, la molécule de chloroprène qu’elle soit dérivée du pétrole ou du calcaire est chimiquement unique. Les atomes de carbone n’ont pas de mémoire !

Et observons que le carbone contenu initialement dans le calcaire se trouve dans CO2 formé (réaction 1).

Alors cette deuxième voie est-elle plus respectueuse de l’environnement ?

Certes elle n’utilise pas de pétrole, ressource non-renouvelable. Mais les mines de calcaire non plus ne sont pas renouvelables et surtout les atomes de carbone provenant du carbonate de calcium se trouvent dans  CO2 dégagé ! Au total, pour cette voie, le dioxyde de carbone formé provient pour moitié du carbonate, CO2, cf. réaction (1) et pour l’autre moitié du charbon CO2, cf. réactions (3 et 3’).

Enfin ce procédé très énergivore soulève la question de l’énergie électrique utilisée : est-elle verte et renouvelable, ou non ?

Peut-on dire que « le néoprène calcaire se compose à 99.7% de carbonate de calcium ? »

Cette phrase qui apparait dans de nombreuses communications commerciales n’a pas de sens : elle laisserait à penser que la combinaison est essentiellement constituée de calcaire pratiquement pur ce qui est absurde ou que les atomes de carbone du polychloroprène sont ceux issus du carbonate CaCO3, ce qui est faux.

En effet, pour que le carbonate de calcium soit considéré comme la matière première durable de la fabrication du néoprène, il aurait fallu que l’atome de carbone contenu dans CaCO3 soit la source des atomes de carbone qui constituent la chaine polymérique du néoprène. Or il n’en est rien : le carbone présent dans la chaine du néoprène -(CH2-CCl=CH-CH2)n- provient exclusivement du charbon. On devrait plutôt l’appeler le néoprène charbon !

Remplacer le calcaire des mines par des coquilles d’huîtres : quelle conséquence ? Cela rend effectivement le carbonate de calcium renouvelable, mais cela s’accompagne toujours du même dégagement de CO2 et ne change pas la source des atomes de carbone du chloroprène.

Quant à l’obtention de carbone, nécessaire à la réaction (2) issue de coke, elle est très polluante. Celle à partir de charbon de bois l’est moins et est biosourcée, mais peut être source de déforestation.

Le néoprène limestone est-il biologique ?

Le terme biologique signifie « Qui a rapport à la vie, aux organismes vivants ». Alors, affirmer que le néoprène calcaire ou limestone issu de mines est un néoprène biologique traduit ici une utilisation inappropriée voire trompeuse du terme biologique !

C’est la double utilisation de la coquille d’huître et de carbone biosourcé, ce qui n’est pas cité dans les articles, qui permettrait de donner à cette fabrication un caractère renouvelable (tout en restant très énergivore et en libérant du CO2).

Comment passe-t-on aux mousses néoprène ?

C’est en réalité ces étapes qui vont différencier les qualités des mousses dont sont faites les combinaisons.

Tout d’abord le chloroprène est polymérisé en polychloroprène (xi). Il existe plusieurs grades et viscosités de polychloroprènes. Il est à noter que le chloroprène est fabriqué seulement pour la synthèse du polychloroprène et qu’il existe peu de producteurs dans le monde (xii).

Les fabricants de mousse achètent le polychloroprène aux producteurs précédents. Pour réaliser la mousse, ce polymère est mélangé avec une huile qui sert de liant, des charges renforçantes comme le noir de carbone (xiii), des réactifs pour mener à bien la vulcanisation (xiv), c’est-à-dire créer des ponts entre les différentes chaines de polychloroprène, et divers additifs (xv) dont un générant des bulles de gaz in situ, pour conduire à des mousses alvéolées vendues sous formes de feuilles de différentes épaisseurs.

Le noir de carbone peut provenir de pneus recyclés qui vont subir d’abord une pyrolyse (xvi) [5].

Les procédés mis en jeu peuvent fortement varier d’un fabricant (xvii) à l’autre et vont conduire à des mousses néoprène de différentes qualités.

Et la combinaison ?

Le fabricant de combinaisons achète et sélectionne la qualité et l’épaisseur des feuilles de mousse de néoprène et les associe à des tissus extensibles (xviii) en plusieurs couches contre collées. Les étapes finales sont du ressort de la confection. La qualité des coutures, assemblage cousu-collé est importante pour l’étanchéité.

Alors quelle alternative au pétrole ou au charbon pour une combinaison néoprène ?

Utiliser par exemple des déchets ou résidus agricoles constituant une biomasse pour obtenir un butadiène biosourcé [6].

Les sociétés Michelin, IFPEN et Axens sont très impliquées dans cette approche à partir d’éthanol issu de cette biomasse et démarrent une unité expérimentale en France en 2024 (xix). Ce procédé présente globalement une très faible émission de gaz à effet de serre. Le chloroprène obtenu à partir de ce butadiène biosourcé serait une piste plus écologique.

Et dans une approche d’économie circulaire il faut récupérer les combinaisons usagées. Actuellement des filières se mettent en place. Pour le moment, certaines combinaisons sont broyées mais le résidu est utilisé dans d’autres applications (xx).

Remarque : il existe d’autres combinaisons pour les sports nautiques utilisant par exemple du caoutchouc naturel (naturel rubber NR) ou des mélanges. Elles ne doivent pas porter le nom de néoprène synonyme de polychloroprène. Certains noms commerciaux ambigus sont aussi des sources de confusion.

Conclusion

Il ne faut pas se laisser tromper par les termes chocs utilisés à mauvais escient sans prise en compte de la réalité scientifique comme argument de vente mais il faut développer son esprit critique. Afin de prouver techniquement et scientifiquement que l’option retenue puisse être déclarée « plus respectueuse de l’environnement », il est nécessaire de réaliser l’analyse du cycle de vie du produit fini intégrant toutes les étapes de fabrication et elle doit prendre en compte une multitude de critères selon les principes de la chimie verte [7].

Par exemple tenir compte ici :

  • du bilan énergétique global selon les deux voies, sans oublier l’extraction du calcaire ou le ramassage des coquilles et du transport à l’usine pour la voie acétylène ;
  • du type de source de carbone dans le cas de la voie acétylène à comparer à la source pétrole ;
  • des émissions de dioxyde de carbone et leurs éventuelles compensations lors de l’usage de réactifs biosourcés.

Françoise Brénon et Gérard Roussel

 

 

(i) https://yamamoto-bio.com/material-e/sus2.html

(ii) Des combinaisons de surf à base de coquilles d’huître, ADEME Magazine (mars 2021) ADEME, Agence de la transition écologique.

(iii) Par exemple dans Ouest France sous le titre « Des combinaisons marines fabriquées avec des coquilles d’huîtres » (publié le 2/06/2021) et dans Le Parisien avec le titre « A La Rochelle, une combinaison de surf fabriquée à base de coquilles d’huîtres » (publié le 1/02/2020)

(iv )Néoprène est un nom de marque de la compagnie américaine Dupont, donné dès 1930, à son produit à base de polychloroprène.

(v) Contrairement au caoutchouc naturel, (NR, pour Natural Rubber), obtenu à partir de la sève de l’hévéa.

(vi) En nomenclature il s’appelle le 2-chlorobuta-1,3-diène

(vii) Le butadiène est aussi très utilisé pour l’obtention d’autres caoutchoucs synthétiques et 40 % de sa production est consommée par les pneumatiques.

(viii) Raffinage pétrolier, fiche pédagogique sur le site Connaissancedesenergies.org

(ix) Vapocraquage = cassures de molécules en présence de vapeur d’eau, pour obtenir des molécules de longueur plus courtes. La température est voisine de 700 °C et varie selon la composition de l’essence légère dont on part. https://lelementarium.fr/focus/vapocraquage-des-hydrocarbures/ et https://fr.wikipedia.org/wiki/Vapocraquage

(x) Limestone est le mot anglais pour calcaire.

(xi) Exemples de grades de polychloroprène société DENKA (Japon)

(xii) Les fabricants de chloroprène et de polychloroprène sont, en 2024, Asahi Kasei (Japon), BRP Manufacturing (USA), Canada Rubber Group, Chongqing Changshou Chemical (Chine), Denka (Japon) qui a repris l’activité de Dupont de Nemours aux USA en 2014 et produit le CR aux USA à partir du butadiène, et au Japon à partir du calcaire et du charbon (voir page 9 et 10 de General Introduction and Some Advances on Denka Neoprene® Latex (PDF)), ARLENXEAO (Pays-Bas / France), Macro International (USA), SHOWA DENKO K.K. (Japon), Tosoh (Japon) et Zenith Industrial Rubber Products (Inde).
Sources : https://www.researchandmarkets.com/reports/5143078/global-neoprene-market-2020-2024?w=4 et https://www.usinenouvelle.com/article/arlanxeo-totalement-aux-mains-de-saudi-aramco.N1240402

(xiii) L’ajout de noir de carbone donne la couleur noire aux combinaisons. Mais c’est surtout un excellent agent de protection contre les UV et l’abrasion et il apporte une ténacité à la mousse caoutchoutique. Il peut représenter 30 % de la mousse.

(xiv) Le système de vulcanisation contient de l’oxyde de zinc ZnO, de l’acide stéarique, du soufre ou produits soufrés et des accélérateurs de vulcanisation.

(xv) Parmi ces additifs on trouve des antioxygène, anti-ozone, ignifugeant et des composés générant un gaz (azote en général).

(xvi) La pyrolyse des pneus, préalablement broyés, consiste en une décomposition chimique par une très forte augmentation de température en l'absence d'oxygène, pour conduire à du carbone.

(xvii) Le leader mondial du marché dans la production de mousse néoprène pour combinaison est la société SHEICO basée à Taïwan et qui a ses usines dans l’Asie du Sud-Est.

(xviii) Fibres synthétiques telles que le polyester ou l’élasthanne dérivé du polyuréthane.

(xix) Inauguration d’un démonstrateur en janvier 2024. Voir https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/inauguration-du-1er-demonstrateur-industriel-francais-production-butadiene-partir-dethanol-biosource et le schéma réactionnel sur le site de l’IFPEN.

(xx) https://surfwear.sooruz.com/webshop/fr/153-recyclage-combinaison-surf
 

 

Pour en savoir plus
[1] Le néoprène, L. Dollinger et P. Ledesma-Diaz-Caneja (2017) sur le site Ramène ta science (Chimie Paris ParisTech PSL)
[2] Manufacture and use of chloroprene monomer, M Lynch, Chemico-Biological Interactions, 135-136 (2001) pp. 155-167
[3] Chloroprène par la voie du pétrole sur le Portail Substances Chimiques de l’INERIS
https://substances.ineris.fr/fr/substance/getDocument/2557 (PDF)
[4] The footprint chronicles: green neoprene? (PDF) 2012 Patagonia
[5] Vidéo d’obtention de la mousse de néoprène (en anglais) par la société Sheico disponible sur YouTube
[6] Les chimistes dans : La chimie du végétal comme substitut du pétrole, F. Brénon et G. Roussel, Série Les Chimistes dans (Mediachimie.org)
[7] La chimie peut-elle se mettre au vert ?, Eric Bausson, Dossier pédagogique Éditions Nathan / Fondation de la Maison de la Chimie (Mediachimie.org)

 

Crédit illustration : Kate Baucherel / Pixabay, licence de contenu Pixabay

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Qu'est-ce que le caramel ?

Le caramel aurait été inventé vers l'an 1000 par les arabes au cours de la manipulation du sirop de canne à sucre. Son nom, apparu au XVIIe siècle viendrait, via le portugais camelo, du latin Calamellus, diminutif de
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Le caramel aurait été inventé vers l'an 1000 par les arabes au cours de la manipulation du sirop de canne à sucre. Son nom, apparu au XVIIe siècle viendrait, via le portugais camelo, du latin Calamellus, diminutif de calamus, « roseau », à cause de l'analogie de forme entre le sucre durci et la tige de roseau (i).

Il ne faut pas confondre les caramels, friandises dures ou molles, contenant généralement du caramel et d'autres ingrédients (ii), et le caramel, c'est à dire la substance brune à l'odeur et au goût caractéristiques. Pour faire du caramel à la maison, on chauffe du sucre dans une casserole, éventuellement après l'avoir dissous dans un peu d'eau. Selon la durée de cuisson, on aura un caramel clair ou un caramel plus foncé.

Mais quel est donc que ce composé coloré et comment se forme-t-il ?

Les réactions

À la cuisine

Quand on chauffe la solution de sucre (ou le sucre en poudre seul), de l'eau s'évapore (la température est alors de 100°C) et le composé reste blanc. Si on continue, la température s'élève, et une couleur dorée ainsi que la bonne odeur caractéristique du caramel apparaissent vers 160°C. Si on continue à chauffer, la couleur s'intensifie et le caramel devient brun. Le stade « caramel blond » est difficile à saisir, car dès que la température de 160°C est atteinte, cela va très vite évoluer (iii)… Les industriels, pour faire des substances conférant le parfum caramel, ajoutent des produits qui vont ralentir cette évolution, comme de la crème, qui donnera des caramels mous, ou du beurre, du sel, du citron etc. (ii). Ces caramels modifiés seront alors considérés comme des additifs des friandises auxquelles ils sont ajoutés.

Que se passe-t-il ?

Si la glace fond lorsqu’on la chauffe, on la retrouve en refroidissant. C’est réversible. Pas pour le caramel.

C'est que la glace est un composé unique, H-O-H, alors que le sucre de table ou saccharose (iv), C12H22O11, est un disaccharide (v) formé de deux molécules, glucose (cycle à 6 atomes) et fructose (cycle à 5), chacune de formule C6H12O6 liées de façon très spécifique (fig. 1).


Figure 1 (vi). Formule du saccharose (G-F), du glucose (G) ou α-D-glucopyranose, du fructose (F) ou β-D-fructofuranose.

Lors du chauffage, ces deux molécules vont se séparer, et peuvent réagir l'une sur l'autre, soit comme initialement, G-F, soit F-G ou G-G ou F-F et cela en diverses positions. En outre, ces monoses sont fragiles, et comme on le verra plus loin, peuvent se modifier, ce qui complique encore les choses. En regardant les formules, avec toutes ces fonctions alcool, on comprend la difficulté de répondre à la question « qu'est-ce que le caramel ? ».

Il y a environ 200 ans Péligot [1] a fait la première publication sur le sujet, et ce n'est qu'en 1989 [2] que la fraction volatile du caramel, responsable de son odeur, a été identifiée comme le 5-(hydroxyméthyl)-2-furfuraldéhyde (fig. 2). Mais pendant longtemps, on a ignoré la nature exacte du caramel.

Figure 2 (vii). 5-(hydroxyméthyl)-2-furfuraldéhyde

Un peu plus de chimie et l'élucidation du mystère

Souvent, quand vous parlez de la chimie du caramel, on vous répond « Ah oui, bien sûr, la réaction de Maillard ! ». Ce n'est pas exact, cette dernière est caractéristique de la saveur des viandes grillées,
et nécessite la présence de protéines ou d'acides aminés [3]. Mais la caramélisation appartient, comme la réaction de Maillard, au groupe des réactions de brunissement non enzymatique des aliments. Un article de 2000 [4] élucide complètement le mystère.

Lorsqu'on chauffe la solution de saccharose, le disaccharide s'hydrolyse en glucose et fructose. Une catalyse acide facilite la réaction, d'où l'addition recommandée de jus de citron pour faire du caramel. Le fructose donne rapidement des dianhydrides de fructose (DAF) par dimérisation (fig. 3). On sait que les monoses, représentés sous forme cyclique, sont des acétals cycliques et qu'ils sont en équilibre avec la forme ouverte (fig. 4). C'est ce qui permet d'expliquer la formation des anhydrides. Mais il y a de multiples possibilités et plusieurs isomères en équilibre. Ces molécules se retrouvent à plus de 80% dans le caramel fait avec du fructose.


Figure 3. Exemple de dianhydride de fructose, DAF
Source : L'Actualité chimique (novembre 2000) p 25 (schéma 1) [4]

 

Figure 4 (viii). Formes ouvertes du glucose (à gauche) et du fructose (à droite)

Le glucose peut s'additionner aux DAF en les glycosylant, ce qui donne des glucosyl-DAF (plusieurs, selon le groupe OH auquel il s'attache). Il peut aussi se polymériser en oligosaccharides. Sous la dénomination polydextrose, ces polymères (fig. 5) sont des additifs alimentaires autorisés utilisés comme « agents de charge » sous la dénomination de E1200. Un agent de charge est un composé qui n'est pas digestible et augmente la quantité de produit sans augmenter la valeur énergétique (ici, 1 kcal/g).


Figure 5. Exemple de polydextrose (agent de charges)
Source Heli Putaala

Authentification des caramels

Le caramel dit « aromatique » est un ingrédient largement utilisé pour l’aromatisation des desserts lactés, et le caramel « colorant » est un additif de nombreuses boissons, eaux de vie, aliments pour animaux ou encore de produits pharmaceutiques. Ces deux types de caramels sont définis depuis 1988 par la norme Afnor NF V00-100 (ix), comme devant provenir exclusivement du traitement thermique ménagé de sucres alimentaires en présence de catalyseurs définis (jus de citron, vinaigre, acide citrique...). Pour contrôler ces caramels, on peut rechercher l'agent odorant 5-(hydroxyméthyl)-2-furfuraldéhyde (fig. 2) , mais comme ce produit est commercial et bon marché, il pourrait donc être volontairement ajouté, ce qui rend sa seule recherche peu sûre. La recherche des DAFs est un moyen plus efficace de contrôle de l'authenticité des caramels commerciaux.

En cette période de consommation de friandises, il est important de savoir ce que l'on mange !

Nicole Moreau et l’équipe Question du mois

 

(i) Dictionnaire historique de la langue française, édition Le Robert

(ii) par exemple, dans le célèbre Carambar, on peut trouver : mono- et diglycérides d'acides gras – sirop de glucose – lait écrémé concentré sucré – sucre – huile de coprah hydrogénée – cacao maigre en poudre – sel – arôme artificiel – gélatine – cannelle, ou autres suivant le type de carambar.

(iii) H. This « A propos de caramel .

(iv) On trouve parfois le nom de sucrose, qui ne doit pas être utilisé en français, car c'est un " faux ami ", c'est le mot anglais désignant le saccharose. Le nom du saccharose dans la nomenclature est le α-D-glucopyranosyl-(1-2)-β-D-fructofuranoside.

(v) Les sucres simples sont des monosaccharides ou monoses. On parle ensuite de di-, tri-saccharides, etc.

(vi) saccharose, Don A. Carlson, Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0
glucose ou α-D-glucopyranose, Wikimedia Commons, domaine public
fructose ou β-D-fructofuranose, Wikimedia Commons, domaine public

(vii) 5-(hydroxyméthyl)-2-furfuraldéhyde , Wikimedia Commons, domaine public

(viii) glucose Christopher King, travail personnel, Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0
fructose , Wikimedia Commons, licence GPL

(ix) Afnor NF V00-100
 

 

Pour en savoir plus

[1] Péligot E., Ann. Chim. Phys., 2nd Ser. (1838) 67, p. 113
[2] Cottier L., Descotes G., Neyret C., Nigay H., Ind. Aliment. Agric. (1989) 106, p. 567
[3] Ledl F., Schleicher E., Angew. Chem., Int. Ed. Engl. (1990) 29, p. 565
[4] Les molécules de la caramélisation : structure et méthodologies de détection et d'évaluation, Defaye J., Garcia Fernandez J.M., Ratsimba V., L'Actualité chimique (novembre 2000) p. 26-27
[5] Et pour sourire à propos du caramel : « Caramel » - produit du jour- Société Chimique de France (SCF)

 

Crédit illustration : --Where next Columbus? (talk) Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0

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Pourquoi ne faut-il pas jeter son smartphone hors d’usage ?

Vous avez peut-être reçu en cadeau le dernier bijou électronique qu’est votre smartphone. Mais savez-vous que c’est un condensé de chimie au sein d’un assemblage très complexe souvent comparé à un mille feuille ? Figure
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Vous avez peut-être reçu en cadeau le dernier bijou électronique qu’est votre smartphone. Mais savez-vous que c’est un condensé de chimie au sein d’un assemblage très complexe souvent comparé à un mille feuille ?


Figure 1. Structure en mille feuille. Source : capture de la vidéo
La chimie cachée du smartphone ! (Blablareau au labo)

L’écran tactile qui permet à vos doigts de sélectionner des lettres sur le clavier, agrandir les images, bref en un mot à « cliquer » … est constitué d’un verre résistant à base d’aluminosilicate(i) avec un peu d’oxyde de potassium pour limiter les fissures superficielles. En plus petites quantités il contient également des éléments chimiques qui contribuent par exemple à la vivacité des couleurs de l’affichage comme le lanthane (La) ou d’autres qui limitent l’émission de lumière UV.

Derrière l’écran tactile se trouve la dalle d’affichage qui permet à l’écran d’être lumineux et de reconstituer de très belles images colorées. La dalle est caractérisée par un très grand nombre de pixels (en moyenne 2,5 millions). A chaque pixel est associée une couleur qui sera émise grâce à des LED ou des OLED(ii) selon le type de votre smartphone. De nombreuses terres rares telles que Ytrium (Y), Lanthane (La), Terbium (Tb), Thulium (Tm), Praséodyme (Pr), Europium (Eu), Dysprosium (Dy), Gadolinium (Gd) et Cérium (Ce) sont utilisées sur l’ensemble des dalles d’affichage LCD et OLED.

Pour continuer la description du mille-feuille, il y a plusieurs cartes de circuit imprimés où sont soudés les circuits intégrés et les processeurs, les « cerveaux » du smartphone. Ceux-ci sont constitués de milliers de transistors contenant les puces qui commandent les fonctions de votre appareil. Les éléments chimiques qui s’y trouvent peuvent être regroupés selon la fonction à laquelle ils contribuent.

Le câblage nécessite du cuivre (Cu), de l’argent (Ag), de l’or (Au) et du tantale (Ta).

Pour le microphone il faut du nickel (Ni) et des terres rares telles que du dysprosium (Dy), du praséodyme (Pr), du terbium (Tb), du néodyme (Nd) et du gadolinium (Gd).

Les puces ont besoin de silicium (Si) ultrapur dans lequel est incorporé en quantités infinitésimales de l’antimoine (Sb), de l’arsenic (As), du phosphore (P) et du galium (Ga). On parle de dopage du silicium.

Et le tout doit être soudé, le plus souvent avec un mélange étain, plomb (Sn, Pb), ou pour les soudures sans plomb avec un mélange étain, cuivre, nickel (Sn, Cu, Ni) et plus rarement car très coûteux avec un mélange étain argent cuivre (Sn, Ag, Cu).

Tout cela ne peut pas fonctionner sans une batterie performante, puissante et légère. Actuellement vos smartphones possèdent des batteries lithium-ion dont la cathode contient les éléments lithium (Li), cobalt (Co), manganèse (Mn) et nickel (Ni) et l’anode du carbone graphite. L’électrolyte contient des composés organiques et des sels à base de lithium, phosphore et fluor(iii).

La majorité des boitiers est en matière plastique, donc à base de carbone et d’hydrogène, dans lequel un peu de brome (Br) est présent pour jouer le rôle de retardateur de flamme. Des composés à base de nickel sont également incorporés pour limiter les interférences électromagnétiques. Dans certains cas les boitiers sont en alliage de magnésium.

Alors oui la liste des éléments chimiques présents dans un smartphone est longue et on estime qu’elle représente environ la moitié de la classification périodique !

Beaucoup de ces éléments sont devenus des matériaux critiques soit parce qu’ils sont en quantité limitée sur la planète ce qui conduira à un épuisement de la ressource non renouvelable, soit que leurs disponibilités, leurs répartitions et leurs accès rencontrent des problèmes de géopolitique. Sans compter certaines conditions d’extraction dans quelques pays qui soulèvent de véritables questions éthiques.

Les procédés d’extraction et de purification sont consommateurs d’énergie et pour certains, sources de pollution. Il faut donc impérativement améliorer toutes les étapes.

Enfin le smartphone aura fait environ 4 fois le tour de la terre avant de vous être vendu entre l’extraction des matières premières, la fabrication des principaux composants, l’assemblage et la distribution, toutes ces étapes ne se faisant pas dans les mêmes pays (fig. 2). Donc son bilan carbone est très mauvais.

Figure 2. Source : Les défis du CEA #244 : les matériaux critiques, Smartphone, une mine urbaine, p.27

Alors prenez en soin et utilisez le plus longtemps possible votre smartphone, changez la batterie quand elle devient défaillante, faites réparer quand c’est possible avant de décider d’en changer.

Et alors ne jetez pas votre smartphone. Plusieurs solutions existent : il peut être reconditionné ou subir des transformations pour récupérer les matières premières.

Pour cela apporter le dans le bac de récupération des objets électroniques soit de votre déchetterie soit dans les bacs dédiés en ville ou via le circuit de récupération « ecosystème »(iv).

On en est qu’au début mais le recyclage devient impératif(v).

À ce jour certains matériaux présents dans les cartes électroniques comme l’or l’argent et le cuivre sont récupérés car ils ont une haute valeur marchande. Les coques en plastique sont incinérées. Mais il faut mettre en place le développement du recyclage des autres et tout particulièrement des terres rares et du lithium.

Les procédés sont difficiles à mettre en place compte tenu de la complexité du produit dont on part mais cela avance.

Donc plus il y aura de smartphones mais aussi de tablettes récupérées, plus cela deviendra une mine de seconde main, et plus les procédés de recyclage pourront trouver une base économique viable.

Un beau défi pour les chimistes !

Françoise Brénon
 

 

(i) Les verres en aluminosilicates contiennent des oxydes de silicium et d’aluminium (SiO2 et Al2O3). L’oxyde de potassium a pour formule K2O.

(ii) Il y a deux types de smartphones sur le marché soit à cristaux liquides (LCD) soit à AMOLED. Les smartphones dit à cristaux liquides utilisent des LED et les autres smartphones dit à AMOLED utilisent des OLED. LED est le sigle anglais pour diode électroluminescente. OLED est le sigle anglais pour diode organique électroluminescente

(iii) LiPF6

(iv) ecosystem je donne mon téléphone

(v) Pour en savoir plus aller voir la conférence en ligne Le recyclage des terres rares : une stratégie d’approvisionnement à la taille de leurs enjeux du colloque « Chimie, Recyclage et Économie circulaire » du 8 novembre 2023

 

Pour en savoir plus

La chimie cachée du smartphone ! (vidéo) R. Blareau et F. Brénon. Mediachimie / Blablareau au labo. Les fonctionnements des écrans tactiles et de la dalle d’affichage à Amoled y sont décrits en détail en plus des diverses compositions chimiques.

Exploser un smartphone, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier  et P. Rigny, in La chimie dans les Technologies de l'Information et de la Communication, collection Chimie et junior Mediachimie – EDP Sciences (page 56 et suivantes). Entre autres, le fonctionnement des smartphones à cristaux liquides (LCD) y est détaillé.

Accumulateur lithium-ion : une révolution technologique portable ! (vidéo) R. Blareau et F. Brénon, Mediachimie / Blablareau au labo

Garder son smartphone le plus longtemps possible , sur le site de l'ADEME

Zoom sur Les progrès de l’optoélectronique : des LED aux OLED, J.-P. Foulon (Mediachimie.org)

Pour les problématiques et les solutions liées au recyclage : Colloque Chimie, Recyclage et Économie circulaire du 8/11/2023 à la Fondation de la maison de la chimie

Pour les problématiques relatives aux matériaux critiques : Colloque Chimie et Matériaux stratégiques de novembre 2022 à la Fondation de la maison de la chimie
 

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Qu'entend-on par biochar ?

Biochar est un mot résultant de la contraction en anglais de « biocharcoal » qui désigne un charbon d’origine végétale. Le biochar est proposé pour l’amendement des sols afin d’en augmenter les qualités et les rendements
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Biochar est un mot résultant de la contraction en anglais de « biocharcoal » qui désigne un charbon d’origine végétale.

Le biochar est proposé pour l’amendement des sols afin d’en augmenter les qualités et les rendements des productions agricoles.

Le biochar est issu de la biomasse provenant de déchets de bois formulés sous forme de pellets et non issue de la coupe de bois, ce qui évite les déforestations provoquées pour l’obtention traditionnelle du charbon de bois.

Le biochar est produit par pyrolyse de ces déchets, procédé qui consiste en un chauffage modéré entre 250°C et 650°C en l’absence de dioxygène. Il en résulte la production de produits gazeux (méthane et dihydrogène utilisables comme combustibles) mais aussi des produits liquides (hydrocarbures à usage de biocarburant) et d’un composé solide noir qui est le biochar. C’est un procédé sans émission de CO2, qui a été mis au point depuis une douzaine d’années à la suite des travaux de l’équipe Lehmann de l’Université Cornell à Ithaca dans l’état de New York.

La pyrolyse lente vers 350°C conduit à une formation à 35 % de biochar et 10 % de gaz (i). Ainsi il faut presque 4 tonnes de déchets de bois à 75 % de matière sèche pour produire 1 tonne de biochar avec une pureté pouvant atteindre 90 %, qui dans ce cas est appelé le biochar premium.

L’entreprise Pronatura a mis au point une technologie permettant aux machines actuelles de fonctionner 7 jours sur 7 et 24h sur 24 et de produire de 1 à 5 tonnes de biochar par jour. Le rendement (masse de biochar / masse de la biomasse à 15 % humidité) peut atteindre 45 %.

La porosité du biochar obtenu lui confère une surface spécifique (ii) de 420 m2/g qui conduit à de grandes capacités d’adsorption : c’est en quelque sorte un réservoir qui peut stocker jusqu’à deux fois et demie son volume en eau ! Quand la plante a besoin d’eau, pendant les périodes de sécheresse, elle ira la chercher dans ce que le biochar a stocké. Par ailleurs le biochar, en présence d’eau, donne un pH basique (entre 7 et 10) ce qui peut permettre de rééquilibrer l’acidité des sols.

Les effets de l’utilisation du biochar sur les augmentations de rendement concernant les cultures dans les zones tropicales comme celles des zones tempérées sont considérables : tomates +177 %, coton +100 %, maïs +150 %, blé +170 % par exemple !

Des startups sont actives sur ce secteur, en particulier « NetZero » cofondée par le climatologue Jean Jouzel.

La société Terra Fertilis à Argentan, dans l’Orne, est la seule entreprise en France à bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’ANSES : plusieurs villes en achètent pour leurs espaces verts, tout comme des pépiniéristes ainsi que des maraîchers et de nombreuses coopératives agricoles qui manifestent de plus en plus d’intérêt pour la culture du maïs et de la betterave.

Mais le biochar est aussi une solution pour la séquestration à long terme du carbone : une tonne de biochar stocke jusqu’à 3 tonnes de CO2. Actuellement le prix de revient du biochar varie entre 500 et 1000 € la tonne. La valorisation en crédits carbone peut alors être estimée à 300 € /ha. Ceci montre que l’intérêt économique dépend essentiellement du montant des crédits carbone (actuellement fixé à 40 € la tonne de carbone).

Les perspectives de l’utilisation du biochar sont nombreuses en dehors de l’agriculture. Par exemple les producteurs de silicium remplacent le charbon par du biochar dans la réduction industrielle de la silice, SiO2 + C = Si + CO2, ce qui conduit à un bilan carbone neutre car le carbone du biochar provient du bois.

Enfin, la Société Soler qui a deux usines dans l’Aube et une autre en Gironde est le leader en France de la production de biochar avec plus de 50 000 tonnes dans un marché national de 130 000 tonnes.

Il ne faut pas confondre le biochar avec le noir de carbone qui sert actuellement essentiellement à l’industrie des pneumatiques.

Et ne broyez pas du noir !

Jean-Pierre Foulon et l’équipe question du mois

 

(i) Il s’agit de pourcentage en masse.
(ii) La surface spécifique d’un matériau traduit sa capacité à fixer à l’échelle microscopique des molécules à sa surface. Exprimée en m²/g, c’est la surface disponible par unité de masse du matériau.

 

Pour en savoir plus :
Site Pleinchamp : Tout savoir ou presque sur le biochar (2023)
Site de Pro-Natura International : le biochar est un intrant qui augmente les rendements agricoles de manière écologique en séquestrant du carbone (2019)
Rapport du GIEC (2022) : Mitigation of climative change (chapitre 7)

Pour rappel
Un charbon très tendance, Jean-Claude Bernier, éditorial du 23 mai 2016 (Mediachimie.org)
 

Crédit illustration : Biochar après production, Oregon Department of Forestry FlickR, CC BY 2.0, Wikimedia commons

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Pourquoi recycler les anciennes radiographies médicales ?

À la suite du décès d’une personne âgée, la collecte des radiographies d’une longue vie peut atteindre plusieurs kilos. Qu’en faire ? Nous nous limiterons au cas des radiographies médicales argentiques que nos
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À la suite du décès d’une personne âgée, la collecte des radiographies d’une longue vie peut atteindre plusieurs kilos. Qu’en faire ?

Nous nous limiterons au cas des radiographies médicales argentiques que nos grands-parents et parents ont dans leurs placards et qui sont encore produites (cas des mammographies, des radios des hanches, clichés dentaires…). Celles-ci peuvent être déposées dans des centres de radiologie ou des pharmacies ou dans des déchetteries ayant des contenants dédiés.

Les radiographies médicales de type argentiques doivent être éliminées dans des filières spécifiques : enfouies elles entrainent une pollution de la nappe phréatique et incinérées une pollution de l’air en raison de la présence d’argent (1).

Premier tri

Les radiographies sont d’abord triées manuellement pour séparer le papier (emballage, compte-rendu) du film proprement dit. Celui-ci est avant impression un support en PET (PolyEthylene Terephthalate en anglais) recouvert d’une émulsion (contenant des cristaux d’halogénures d’argent (i) de 0,2 à 4 µm dans de la gélatine (ii)) et d’un revêtement de protection en gélatine pure (2). L’obtention de la radiographie se fait par réduction des ions Ag+ en argent métallique. Lorsque la radiographie arrive au circuit de recyclage elle se compose du support PET et d’un dépôt d’argent métallique incrusté dans la gélatine.

Le papier récupéré (avec un pourcentage massique de 3 à 40%) est broyé puis recyclé dans la filière papier.

Quant au film, il est plongé successivement dans des bains enzymatiques constituées de gélatinases. La gélatine recouvrant le film est alors hydrolysée et devient soluble dans l’eau. On sépare ainsi le support en PET (solide), qui sera recyclé dans la filière plastique, des jus de lavage (liquide) qui contiennent les enzymes et l’argent.

Recyclage du PET

Le PET est un polyester, polymère thermoplastique obtenu par la polycondensation de l’acide téréphtalique et de l’éthylène glycol selon (4) :

Un des recyclages possibles consiste depuis peu en une dépolymérisation à l’aide d’enzymes pour revenir in fine aux monomères, au diacide et à l’éthylène glycol (5).

L’autre mode de recyclage possible consiste à refondre le PET puis à l’utiliser dans une autre application comme les fibres polyesters par exemple.

Recyclage du jus pour obtenir l’argent

Ce jus est placé en filtre-presse : cet équipement permet la séparation liquide/solide à l’aide d’une filtration sous pression et de récupérer d’un côté le bain enzymatique qui est utilisé en boucle fermé et de l’autre les boues argentifères. Celles-ci sont alors calcinées. Les cendres de calcination sont fondues et on récupère ainsi l’argent métallique.

Ainsi chacun des constituants peut être recyclé : le papier, la matière plastique (PET) et l’argent qui représente moins de 1% du poids des films argentiques mais qui a une forte valeur ajoutée.

En résumé

Quelques chiffres

En France, en 2022 l’argent recyclé ne représente qu’une centaine de tonnes soit moins de 2% de l’argent recyclé mondialement (6), et seule une partie provient des radiographies mais « chaque geste compte ». Les besoins en argent sont pourtant importants : en particulier 90 % des cellules photovoltaïques sont formées d’une fine couche d’argent et représentent 15 % de leur coût de revient (7).

 

Lydie Amann et l’équipe question du mois

 

(i) Les halogénures d’argent utilisés sont des bromures d’argent AgBr ou chlorures d’argent AgCl.
(ii) La gélatine est un mélange de protéine et d’eau qui forme un gel.
 

Pour en savoir plus
(1) Voir les sites web des sociétés "Rhône Alpes Argent" et "Chastanier radiographies" (en particulier pour cette dernière société la page "Radiographies" et la page "Archives médicales > Visite virtuelle de l'usine")
(2) La réalisation du support est comparable à celle des films argentiques pour photographies. Consulter Photographie/Émulsions argentiques/Préparation des surfaces sensibles noir et blanc sur wikilivres.
(3.a) Fin de vie des plastiques : le mariage réussi des plastiques et des enzymes/ressource/fin-de-vie-des-plastiques-le-mariage-r%C3%A9ussi-des-plastiques-et-des-enzymes A. Marty, article et conférence, Colloque Chimie et biologie de synthèse, Fondation de la Maison de la chimie (2018)
(3.b) Vidéo sur la biodégradation du PET, Déchets plastiques : les enzymes font le ménage, Coproduction Fondation de la Maison de la Chimie/Virtuel
(4) Comment le recyclage en chimie contribue-t-il à l'économie circulaire ? Fiche Grand Oral Nathan Mediachimie pp. 6-7
(5) Recyclage des plastiques sur le site IFP Énergies nouvelles
(6) Enquête mondiale sur l’argent 2023 World Silver Survey sur le site The Silver Institute
(7) Données industrielles relatives à l’argent sur le site de l’Elementarium

 

Crédit illustration : com329329 / Pixabay

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Pourquoi économiser l’eau potable est-il aussi source d’économie d’énergie ?

Le 22 mars 2023 était la journée mondiale de l’eau qui met l'accent sur l'importance de l'eau douce. L’assemblée générale des Nations-Unies (1) soutient la réalisation de l'objectif de développement durable : eau propre
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Le 22 mars 2023 était la journée mondiale de l’eau qui met l'accent sur l'importance de l'eau douce. L’assemblée générale des Nations-Unies (1) soutient la réalisation de l'objectif de développement durable : eau propre et assainissement, pour tous d'ici à 2030.

Si l’eau recouvre 72 % de la surface du globe, son volume étant estimé à 1400 millions de km3 (2), elle est à 97,2 % salée et présente dans les océans et les mers intérieures. Il y a donc 2,8 % d’eau douce sur la Terre mais seulement 0,7 % sont disponibles (nappes phréatiques et minoritairement lacs et rivières) pour les besoins vitaux. En effet le reste de l’eau douce se trouve sous forme de glace et neige. L’augmentation de la population mondiale et le changement climatique accentuent cette demande sur cette réserve limitée en eau douce.

Mais l’accès à l’eau douce ne suffit pas. Encore faut-il qu’elle soit potable. 1/4 de la population mondiale, soit 2, milliards de personnes, vit sans accès à l’eau potable. En France l’eau courante au robinet n’est pas une pratique si ancienne. Cosette (3) allait chercher l’eau de la rivière avec son seau. C’était aux environs de 1820 et cette eau n’était pas contrôlée. Il a fallu attendre 1930 pour que 30 % des communes en France aient un réseau d’approvisionnement en eau potable et ce n’est qu’en 1980 que la quasi-totalité de la population y a eu accès. En 2020, en France, la consommation moyenne en eau potable quotidienne est de 149 L/personne (4).

De la source au robinet : comment obtient-on de l’eau potable ?

Plusieurs procédés de production d’eau potable existent selon l’origine de la ressource : eau souterraine (nappes phréatiques), eau de rivière, eau de surface, eau de mer.

Il s’agit in fine de fournir une eau propre à la consommation, c’est-à-dire claire et exempte de virus et de bactéries et de toute matière organique naturelle ou issue de pollutions (médicaments, pesticides…).

Le traitement des eaux issues des nappes phréatiques d’eau douce accessibles ou des eaux de rivières suit globalement les étapes suivantes (5) : pompage de l’eau, stockage provisoire d’eau brute à traiter, dégrillage puis tamisage, dans certaines unités élimination d’une partie du calcaire contenue dans l’eau (décarbonatation) par précipitation puis filtration, pré-ozonation, filtrations sur argile, post-ozonation, filtration sur charbon actif puis chloration avant acheminement via les canalisations jusqu’à l’usager final. Il y a passage par les châteaux d’eau pour maintenir la pression dans le réseau de distribution. Une étape supplémentaire pour éliminer les nitrates pourra être nécessaire dans certaines régions à l’agriculture intensive.

La molécule d’ozone ou trioxygène, de formule O3, est un gaz instable, donc produit sur le site de traitement de l’eau par décharge électrique (arc électrique) dans le dioxygène (6). L’ozone a un très fort pouvoir oxydant et est virucide et bactéricide. Il participe aussi à l’élimination des odeurs.

La pré-ozonation utilise de l’ozone faiblement concentré et permet de déstructurer les particules colloïdales et les macromolécules et d’oxyder le fer et le manganèse dans les eaux souterraines peu chargées en matière organique. Dans la post-ozonation, sa concentration est plus forte et le temps de contact plus long. Elle permet la destruction des molécules organiques.

La filtration sur charbon actif, permet in fine la rétention des micro-résidus issus de la post ozonation. Puis, l’eau de Javel (7) est utilisée pour l’étape dite de « chloration ». Cette chloration est nécessaire pour maintenir l’absence de virus et bactéries tout au long des kilomètres du réseau. L’ozone ne pourrait pas remplir ce rôle car, trop instable, elle ne reste pas dans l’eau contrairement à l’eau de Javel. Il y a toutefois des points de contrôles régulièrement répartis sur le réseau afin de réajuster si nécessaire sa concentration.

Toutes ces étapes consomment de l’électricité.

Le traitement de l’eau de mer

Avant de la rendre potable il faut préalablement ajouter l’étape de désalinisation. Deux procédés existent : la distillation et l’osmose inverse. Ces procédés consomment beaucoup d’énergie. L’osmose inverse est majoritairement préférée de nos jours car moins gourmande en énergie.

Le procédé d’osmose inverse nécessite l’usage d’une membrane semi-perméable (8) séparant deux compartiments, dont l’un d’entre eux contient l’eau de mer salée. Il faut alors exercer dans ce compartiment une pression supérieure à la pression osmotique (9), ce qui force alors l'eau à passer, via la membrane semi-perméable, dans l’autre compartiment où l’eau pure qui s’y accumule est sans sel. Dans la pratique la pression exercée évolue entre 50 et 70 bars. De nombreuses recherches ont lieu pour diminuer le coût énergétique et passent par l’amélioration de la perméabilité de la membrane permettant d’abaisser la pression à exercer, tout en conservant sa sélectivité. De grand espoirs sont mis dans des membranes biomimétiques hautement sélectives (10).

Près de 100 millions de m3 d’eau par jour sont produits par dessalement d’eau de mer, dans environ 15 000 installations situées dans 150 pays.

Une fois dessalée, l’eau doit être potabilisée selon les étapes préalablement citées. Il est aussi souvent nécessaire de réintroduire quelques sels minéraux pour la rendre consommable.

Du lavabo à la rivière : comment traite-t-on les eaux usées ?

Les eaux usées sont les eaux que nous rejetons vers les égouts, quand on fait la vaisselle et le ménage, quand nous nous lavons, quand nous allons aux toilettes… Il s’agit de dépolluer ces eaux usées, avant de les rejeter dans la rivière. Mais attention, cette eau dépolluée n’est pas potable.

Il est nécessaire dans un premier temps de séparer les matières en suspension des eaux usées.  Après une étape de décantation qui permet de séparer l’eau à traiter des huiles et graisses qui surnagent et des sables et solides plus denses, l’eau sale subit un traitement biologique aérobie. Des bactéries et micro-organismes naturels « digèrent » les contaminants organiques en présence de l’oxygène de l’air.

Ces traitements biologiques sont très efficaces, très résistants aux variations de température et peuvent être utilisés efficacement dans presque tous les climats. L’eau ainsi dépolluée est rejetée à la rivière.

Dans certaines unités, l’eau peut, avant rejet à la rivière, subir une ultrafiltration membranaire. Une membrane perméable est constituée d’un tube souple présentant des micro-perforations, jouant le rôle de filtre, capables de retenir des protéines ayant une taille de 0,03 µm. L’eau et les ions monovalents (comme les ions sodium et chlorure), ainsi que les ions divalents comme les ions calcium ou manganèse passent la barrière de la membrane avec l’eau. L’eau rejetée à la rivière a alors la qualité d’une eau de piscine.

Par ailleurs les boues issues du traitement biologique peuvent subir un traitement anaérobie, produisant du méthane, CH4, nommé biogaz, source d’énergie. Ainsi les unités d’épuration des eaux usées, tendent de plus en plus à être autonomes en énergie.

Comment recycler les eaux usées ?

On peut l’envisager pour l’irrigation et le nettoyage de la voirie par exemple. Aujourd’hui seulement 0,6 % des eaux usées sont réutilisées en France alors qu’en Italie le pourcentage est de 8 %, 14 % en Espagne et 84 % en Israël.

Aux Sables d’Olonne en Vendée vient de démarrer la construction d’une usine de recyclage des eaux usées afin d’obtenir de l’eau potable, dans le cadre du programme Jourdain (11). Cette usine est une usine pilote pour la France et pour l’Europe. Le nom Jourdain est à la fois inspiré du fleuve Jourdain et du Bourgeois gentilhomme de Molière ! (12)

Cette usine sera connectée à la station d’épuration voisine et l’eau sera nettoyée en cinq étapes : ultrafiltration, osmose inverse, traitement aux UV qui élimine les microbes pathogènes avec une fiabilité de 99,99%, puis une chloration à l’eau de Javel, une filtration et enfin une reminéralisation (13).

Eau et Énergie : l’interdépendance

Comme on vient de le voir, l’ensemble du cycle de l’eau consomme de l’énergie, du pompage à l‘épuration. Cela représente 2 à 3 % de l’énergie mondiale utilisée. Dans les zones urbaines, 1 à 18 % de l’électricité sont utilisés pour traiter et transporter les eaux potables et usées.

La figure 1, indique des fourchettes de valeurs concernant la consommation en électricité des différentes opérations décrites précédemment tout au long du cycle de l’eau. Selon les cas de figure, le captage, la potabilisation, la distribution, la collecte et l’épuration de 1 m3 nécessitent entre 1,8 et 9,5 kWh.

 
Figure 1 : Besoins en électricité dans le cycle de l’eau. Source : Eau et énergie sont indissociables p. 12 (14) 

La consommation énergétique dépend également de la nature de l’eau à traiter. Dans le tableau 1, les trois premières lignes concernent des eaux brutes toutes distribuées sans être embouteillées.

 
Tableau 1 : Consommation énergétique en fonction de l’eau à traiter. Source : Eau et énergie sont indissociables p. 12 (14) 

Concernant l’eau en bouteille : il s’agit d’eaux minérales ou de source (15), issues d’eaux souterraines, microbiologiquement saines, et non traitées. Leur impact énergétique très élevé provient majoritairement des matières premières et de l’énergie nécessaires à la fabrication des bouteilles.

On retiendra donc que « Économiser l’eau revient à économiser aussi l’énergie ».

 

On peut identifier trois axes principaux pour réduire la consommation d’énergie dans le cycle de l’eau :

  • développer de nouveaux concepts de stations d’épuration permettant de récupérer la chaleur et de produire de l’électricité́ à partir du biogaz ;
  • mettre au point des membranes d’ultrafiltration et d’osmose inverse moins énergivores ;
  • identifier tous les moyens de récupération de l’énergie consommée par les mises en pression au sein des procédés.

L’eau est essentielle à la vie. Il n’existe pas de substitut. Si l’énergie peut être renouvelable, l’eau n’est pas renouvelable ; depuis l’époque des dinosaures, la quantité́ d’eau douce sur la Terre n’a pratiquement pas évolué́. Il convient donc de la réutiliser au maximum. L’accroissement de la population, l’augmentation des standards de vie, la production de nourriture et l’industrialisation sans cesse croissante, engendrent une pression sur les ressources en eau qui n’a fait que croitre au cours des décennies. De plus, la pollution et la contamination des ressources en eau douce ont comme conséquence une diminution continue des réserves de qualité́ disponibles.

On notera qu’en France il existe un seul réseau de distribution d’eau à savoir d’eau potable et qu’il faut donc impérativement l’entretenir pour éviter les fuites (estimées à 20 %, soit pour 5 litres d’eau mis en distribution, 1 litre d’eau revient au milieu naturel sans passer par le consommateur) (16), ce qui est considérable. Et pour les citoyens que nous sommes, faisons tous ces petits et grands gestes pour ne pas gâcher l’eau (17).

Françoise Brénon et Odile Garreau

 

 

(1) Journée mondiale de l’eau des Nations-Unies
(2) L’Eau dans l'Univers, sur le site Eau France, le service public d'information sur l'eau
(3) Les Misérables de Victor Hugo
(4) Le service public d'information sur l'économie de l'eau
(5) Pour mieux comprendre ces étapes, consultez la fiche Chimie et… en fiches L’eau, une ressource indispensable pour la ville de A. Charles, A. Harari et J.-Cl. Bernier (Mediachimie.org) et le Memento degremont® Procédés et technologies  (SUEZ)
(6) Pour en savoir plus sur l’obtention de l’ozone, voir le Memento degremont® Génération de l’ozone (SUEZ) et sur l’ozone en général, la question du mois L’ozone : bon ou mauvais ? L. Amann (Mediachimie.org)
(7) L’eau de Javel est une solution basique contenant les ions hypochlorite ClO-. Compte tenu du pH de l’eau distribuée, qui est proche de 7,5, il y a coexistence de l’ion ClO- et de la molécule d’acide hypochloreux HClO qui est le composé le plus virucide et bactéricide des deux, car non ionique il traverse plus facilement la membrane cellulaire. L’eau de Javel : sa chimie et son action biochimique,  de G. Durliat, J.-L. Vignes et  J.-N. Joffin, Bulletin de l'Union des physiciens, n° 792, vol. 91 (mars 1997)  pp. 451-471
(8) Une membrane semi-perméable laisse passer l’eau mais pas les ions plus gros que la molécule d'eau, comme le sont les ions sodium Na+ et chlorure Cl-.
(9) La pression osmotique correspond à la différence des pressions exercées de part et d'autre d'une membrane semi-perméable par deux liquides contenant des ions de concentrations différentes.
Pour en savoir plus : L’osmose inverse, de J. Nahmias L’Actualité chimique n° 404 (février 2016) pp. 63-64
(10) Les canaux artificiels d’eau : des membranes biomimétiques pour le dessalement, de M. Barboiu, L’Actualité chimique n° 470 (février 2022) pp. 33-34
(11) Le Programme Jourdain sur le site Vendée Eau
(12) Le nom du programme évoque le fleuve Jourdain qui traverse Israël. Sa ressource partagée par les pays qui le bordent devient limitée. Israël est devenu un modèle pour sa réutilisation de plus de 90% de son eau potable et 50 % de son eau recyclée est consacrée à l’arrosage des terres cultivées.
Le nom fait aussi référence au Bourgeois gentilhomme ! Voir le Programme Jourdain sur le site de Veolia
(13) Pour en savoir plus consulter la fiche Chimie et… en fiches L’eau, une ressource indispensable pour la ville (figure2) de A. Charles, A. Harari et J.-Cl. Bernier (Mediachimie.org)
(14) Conférence et ressource Eau et énergie sont indissociables, de M. Florette et L. Duvivier, Colloque Chimie et enjeux énergétiques, Fondation de la Maison de la chimie (2012).
(15) Eaux conditionnées sur le site du Ministère, de la santé et de la prévention
(16) Rendement des réseaux d’eau potable, statistiques de 2012, sur le site Eau France, le service public d'information sur l'eau
(17) Consulter Comment économiser l’eau dans mon logement ?, sur le site Tout sur mon eau (SUEZ)

 

Crédit illustration : PublicDomainPictures/Pixabay

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Comment les retardateurs de flamme (RF) minimisent-ils les risques d’incendie ?

Depuis toujours la sécurité incendie a été la préoccupation des sociétés. Dès le XVIe siècle, les tentures des théâtres parisiens ont été traitées pour les rendre ininflammables. Mais c’est Gay-Lussac qui a publié en 1821
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Depuis toujours la sécurité incendie a été la préoccupation des sociétés. Dès le XVIe siècle, les tentures des théâtres parisiens ont été traitées pour les rendre ininflammables. Mais c’est Gay-Lussac qui a publié en 1821 les premiers travaux scientifiques avec une note sur la propriété qu’ont les matières salines de rendre les tissus incombustibles (1).

Les feux de forêt souvent décrits dans les médias résultent de la combustion de l’élément carbone du bois. Le bois est un biopolymère composite tridimensionnel constitué de trois polymères de type polyglycoside : la cellulose (50%), l’hémicellulose (25%) et la lignine (25%). La combustion libère du dioxyde et du monoxyde de carbone (CO2 et CO), mais aussi des composés organiques volatils (COV), tels que des dérivés benzéniques ou terpéniques, qui sont très inflammables au contact de l’oxygène de l’air. De tout temps on a arrosé les feux avec de l’eau qui en se vaporisant chasse l’air et prive ainsi le feu en oxygène tout en faisant baisser la température. Peu à peu des additifs ont été ajoutés pour retarder les combustions et la propagation des flammes, ils sont appelés retardateurs de flamme (RF). Ils sont aussi ajoutés dans l’eau lors des largages aériens (2).

Pour protéger le bois des agressions extérieures (humidité, UV, champignons, insectes…), des revêtements ont été réalisés avec des peintures et des vernis. Ceux-ci contiennent des liants qui sont des polymères notés ici généralement R1H donc constitués principalement d’éléments réducteurs comme l’hydrogène et le carbone, et qui peuvent rendre inflammables ces polymères en présence d’une source de chaleur et de l’oxygène de l’air. Il est donc ajouté des RF aux peintures et vernis. De même des RF sont en général utilisés dans de nombreux plastiques de la vie courante pour atteindre des propriétés ignifugeantes reconnues.

Qualitativement on évoque les étapes suivantes quand un polymère brûle :

  • i) l’échauffement qui pour les thermoplastiques les ramollit et les fait fondre contrairement aux thermodurcissables à réseau 3D réticulés qui se ramollissent peu ou pas.
  • ii) la décomposition : au-delà d’une température critique, les liaisons se cassent pour former notamment des radicaux H. et O., engendrant des molécules organiques plus légères et inflammables.
  • iii) l’inflammation : qui dépend de la cinétique des décompositions des polymères, et des concentrations en dioxygène (O2) et en COV. L’inflammation se perpétue tant que la combustion des polymères continue pour générer des gaz combustibles (3).

Les modes d’action des RF sont présentés comme suit :

  • i) « empoisonner » la phase gazeuse en inhibant les réactions radicalaires par des réactions de transfert ou de recombinaison. Les premiers RF étaient des dérivés halogénés notés RX, qui conduisent aux équations de réaction : RX + R1H → R – R1 + HX
  • L’hydracide HX formé a un rôle inhibiteur vis-à-vis des radicaux H. et HO., qui sont présents dans la flamme selon les équations suivantes : HX + H. → H2 + X. et HX + HO. → H2O + X.
  • ii) refroidir et protéger le polymère en ajoutant des hydroxydes métalliques d’aluminium ou de magnésium. Ils doivent être incorporés en grande quantité (60% en masse !) pour avoir une efficacité notable mais ceci entraîne une perte sensible des propriétés mécaniques du polymère. Leur décomposition vers 200 °C s’accompagne de la formation respective d’oxydes d’aluminium ou de magnésium ce qui constitue une couche protectrice ralentissant la dégradation du polymère ; c’est l’étape dite de la céramisation.
  • iii) le matériau, chauffé au-delà d’une certaine température critique se gonfle en donnant une barrière alvéolaire, susceptible de protéger le polymère : c’est l’étape d’intumescence.

Ceci nécessite alors des formulations précises avec principalement trois composés :

  • a) d’abord une source acide avec souvent des phosphates d’ammonium (par exemple (NH4)3PO4) qui chauffés vers 200°C, se décomposent en ammoniac gazeux et en acide phosphorique ce qui conduit à un pH acide (i) voisin de 2, hydrolysant alors les liaisons chimiques du polymère ;
  • b) ensuite une source de carbone apportée par des sucres (ex : le maltose) ou des polyholosides (ex : l’amidon) et susceptibles de « charbonner » c’est à-dire conduisant à un résidu de carbone (appelé char) ;
  • c) enfin un agent gonflant de type azoté (par exemple la guanidine de formule (NH2)2 C=NH) qui par chauffage se sublime pour donner un dégagement gazeux d’ammoniac provoquant l’expansion du char. De même l’ammoniac libéré par la décomposition du phosphate d’ammonium participe au gonflement.

 

  • iv) des nanocomposites (de dimension inférieure à 100 nm) incorporés dans le polymère à des taux inférieurs à 10%, se sont révélés avoir des propriétés de tenue au feu remarquables : des argiles de type montmorillonite ou des nanoparticules d’oxyde de titane, de silice, des nanotubes de carbone par exemple ont été ainsi utilisés pour réduire de l’ordre de 50 % le risque d’inflammation du polymère (3).

Des normes de performances des RF ont été établies principalement par des mesures de calorimétrie : d’extinction de flamme (ISO 4589), d’inflammabilité (ISO 5660), de propagation de flamme (ISO 5658-2). Ces mesures sont utiles pour une approche prescriptive en particulier dans les secteurs du bâtiment, des transports publics (trains, avions, bateau…) mais aussi pour aider la recherche des causes des sinistres et valider les logiciels de simulation des incendies. Les mesures au calorimètre précisent le débit calorifique, soit le flux d’énergie thermique dégagée lors de la combustion du matériau. La technique consiste à mesurer la consommation en oxygène car la chaleur dégagée par la combustion est proportionnelle à la quantité d’oxygène correspondante. Le principe est simple : la combustion est provoquée dans un volume de contrôle et les effluents gazeux sont collectés via une hotte vers un conduit d’extraction dans lequel ils sont analysés (4).

Les RF peuvent dégager des fumées toxiques pour l’environnement et la santé humaine par migration et lessivage des produits lors de températures élevées et dans des atmosphères humides (5-6). Plus de 40 % des matières plastiques produits en Europe renferment des additifs de type RF. Leurs propriétés chimiques sont décrites sur le site européen ECHA. Parmi les 69 RF utilisés en Europe, 12 d’entre eux sont en cours de réévaluation de toxicité, notamment les dérivés bromés. Par ailleurs des RF contenus dans des polymères usagés sont triés par flottation (différence de densité) et détectés par transmission aux rayons X. Des unités encore au stade de pilote sont en cours pour fabriquer de nouveau des polymères ignifugés (7) ! Des normes de toxicité spécifiques sont éditées notamment dans les transports ferroviaires (8).

Pour obtenir des matériaux polymères possédant des RF, il faut créer des liaisons fortes entre le matériau polymère et les RF. Des travaux récents (2022) de M. Denis et al., de l’université de Montpellier, ont permis de mettre au point la synthèse d’un oligomère protégeant le bois, aux propriétés encore plus respectueuses de l’environnement. Il s’agit de la réaction d’un dérivé phosphoré fonctionnalisé avec un motif vinyle silane (de formule générale CH2 = CH -SiMe3) conduisant à une résine. Des peintures formulées avec ces résines modifiées ont été évaluées au calorimètre à cône et ont montré d’excellentes propriétés ignifugeantes : un bois recouvert d’un vernis, contenant 30% de cet oligomère, présente une réduction du dégagement de chaleur maximum de plus de 55 % (9)!

Jean-Pierre Foulon

(i) L’équation de réaction mise en jeu lors du chauffage s’écrit : (NH4)3PO4 → 3 NH3 (g) + H3PO4

 

Pour en savoir plus :
(1) Note sur la propriété qu'ont les matières salines de rendre les tissues incombustibles, de L.J. Gay-Lussac, Annales de Chimie et de Physique (1821), T. 18, p. 211-218 (consultable sur GALLICA), la bibliothèque numérique de la BNF et de ses partenaires
(2) La chimie des feux de forêt, de J.-C. Bernier, éditorial (30/08/2018), site Mediachimie.org
(3) Retardateurs de flamme et polymères des propriétés fonctionnelles, communication personnelle (2023) de S. Bourbigot et G. Fontaine (École Centrale-Lille) 
(4) La calorimétrie des procédés et de la sécurité, de F. Stoessel, L'Actualité chimique (Juin 2019) N°&nbs^p;441, p 28
(5) Retardateurs de flamme sur le site Wikipedia
(6) Propriétés dangereuses des retardateurs de flamme dans les plastiques, Rapport d’appui de l’INERIS (du 4 /12/2021)
(7) Site ECHA ( rechercher flame retardant)
(8) Réaction et résistance au feu des matériaux composant les trains EN 45545-2 et EN 45545-3 sur le site CREPIM
(9) Des résines alkydes hydrides aux propriétés ignifugeantes pour la formulation de revêtements, de M. Denis, L'Actualité chimique (Mai-Juin 2023) N° 484-485, p. 78
 

Crédit illustration : Hans/Pixabay

- Question du mois
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Avec quels matériaux sont fabriquées les éoliennes et comment les recycler ?

Comment fonctionne une éolienne ?L’éolienne ou « aérogénérateur » est la version moderne du moulin à vent dont l’utilisation remonte au 7e siècle en Asie Mineure. Son nom vient d’Éole, « dieu du vent, vif, rapide,
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Comment fonctionne une éolienne ?

L’éolienne ou « aérogénérateur » est la version moderne du moulin à vent dont l’utilisation remonte au 7e siècle en Asie Mineure. Son nom vient d’Éole, « dieu du vent, vif, rapide, inconstant ».

Elle transforme l’énergie cinétique du vent - gratuite, renouvelable mais intermittente - en énergie mécanique. Celle-ci est ensuite convertie en énergie électrique via un alternateur. Par exemple dans une éolienne à entrainement direct, le vent agit sur des pales qui entraînent la rotation d’un axe (ou arbre) sur lequel est fixé un aimant cylindrique, lui-même placé au sein d’un bobinage en cuivre (stator), ce qui induit une tension électrique aux bornes de celle-ci.(i)

Cette électricité est ensuite acheminée à l'aide de câbles conducteurs vers le lieu de stockage ou d’utilisation.

L’alternateur transforme l’énergie mécanique (rotation d’une roue sous l’effet d’un courant liquide ou gazeux) en énergie électrique. C’est l’élément de base des centrales électriques à charbon, gaz ou pétrole ainsi que des centrales nucléaires et des éoliennes. Source : De la force musculaire aux énergies renouvelables in La chimie, l'énergie et le climat, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2017) p. 29

Quels éléments constituent une éolienne ?

Une éolienne comporte 3 parties principales :

  • Une tour (ou mât) qui élève le système dans les zones ventées. Elle est en acier et/ou en béton, solidement ancrée dans le sol ou dans les fonds marins s’ils sont peu profonds au voisinage des côtes. Il existe aussi désormais des éoliennes flottantes en pleine mer (offshore) ancrées aux fonds marins par des câbles.
    Le mât peut atteindre plus de 100 m de hauteur et ses fondations accueillent une masse de béton d’environ 600 à 800 tonnes (95% du poids de l’éolienne…).
  • Les pales (au nombre de deux ou trois) qui tournent sous l’action du vent peuvent avoir de 25 à 50 mètres de long. Elles doivent donc être mécaniquement solides, légères et résistantes à la corrosion. C’est pourquoi, pour pouvoir les mouler, elles sont fabriquées jusqu’à ce jour dans un matériau composite thermodurcissable(ii), qui répond à ces contraintes et qui est constitué de fibre de carbone ou de fibre de verre piégées dans une résine(iii) époxy ou polyester(iv). Malheureusement les polymères thermodurcissables ne sont pas recyclables. De nouvelles résines à caractère thermoplastique et recyclables voient le jour(v).
  • La nacelle qui est le cœur de la machine. Elle abrite tous les composants essentiels qui transforment l'énergie cinétique du vent, en énergie mécanique de rotation et in fine en électricité.
    On y trouve :
    • Un système mécanique d’engrenages et de moyeux pour la transmission et l’accélération de la rotation produite par le vent.
    • L'alternateur ; certains des aimants permanents utilisés contiennent au moins un des éléments magnétiques suivants : fer, cobalt ou nickel, alliés à des métaux de terres rares (néodyme, dysprosium, samarium).
      L’alliage à base de fer, néodyme et bore, noté FeNdB (de formule exacte Nd2Fe14B) est un exemple d’aimant puissant. À ce jour, l’usage de ces aimants puissants concerne essentiellement les éoliennes en mer, avec la technologie synchrone à entrainement direct et seulement 6,2% des éoliennes terrestres françaises recourent à celle-ci(vi). Les câbles pour injecter l’électricité produite dans le réseau ou pour la stocker via des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) ou dans des batteries.

Pourquoi et comment recycler une éolienne ?

La durée de vie moyenne est de 25 ans. Les plus anciennes éoliennes installées sont déjà en bout de course et doivent être remplacées.

La réglementation de plus en plus contraignante exige, lors d’un démantèlement, la remise en état des lieux d’implantation et le recyclage des matériaux au-delà de 90%.

Étant donné le développement attendu des parcs éoliens sur terre et en mer, le recyclage des éoliennes en fin de vie doit largement se développer, entre autres pour économiser les matières premières nécessaires.

Le prix de revient d’une éolienne industrielle de 5 MW est estimé à 5 millions d’euros, soit 1 million par MW. Ce coût élevé justifie la récupération et le recyclage des constituants.

Récupération du béton ou de l’acier

Elle est déjà opérationnelle, car le béton et l’acier sont présents en grande quantité dans maintes autres productions.

Les parties métalliques comme le mât (s’il est en acier) et le rotor (axe solidaire des pales) se recyclent sans problème dans les filières existantes. La valeur marchande de ces métaux justifie le démontage d’une éolienne.

Le béton, composé de ciment, d'eau, de sable et de gravillons, peut parfaitement être concassé ou broyé et réutilisé pour former de nouvelles briques, éléments de construction ou revêtements de route.

Pour les métaux tels que le cuivre, leur récupération et recyclage sont largement répandus.

Les problèmes se posent avant tout pour les pales et certains aimants et la recherche se concentre sur leurs recyclages.

Les aimants permanents

Actuellement, la technologie avec aimants permanents contenant des terres rares reste modeste en France(vii). Mais les quantités à recycler bien que minimes sont précieuses.

Ces terres rares proviennent majoritairement de Chine et leur coût est croissant. Toutefois l’exploitation de nouvelles sources se développe ailleurs, pour s’affranchir de cette dépendance(viii). Par ailleurs, leur extraction est très polluante et elles ont des propriétés physico-chimiques très voisines, rendant leur séparation difficile (dissolution sélective dans des solvants organiques).

Les aimants permanents sont actuellement traités par un procédé de décrépitation à l’hydrogène(ix) qui fournit une poudre qui présente une faible teneur en oxygène, réutilisable pour obtenir des aimants par frittage.

Un nouveau procédé chimique propose une alternative en remplaçant l’hydrogène par l’eau. Les aimants sont mis en contact avec de l’eau sous des pressions et températures modérées, ce qui conduit à la pulvérisation de l’aimant et permet une réutilisation des grains magnétiques.

Enfin, les grandes entreprises de l’éolien cherchent à développer des aimants de nouvelle génération pour s’affranchir de l’usage des terres rares.

Les pales

Le démontage et le transport des pales sont complexes. Comme le broyage et l’enfouissement ne sont plus autorisés, leur recyclage se limite pour l’instant au réemploi, par découpage ou usinage, des résines très solides qui les composent, ce qui fournit mobilier urbain, bouches à incendie, abris de vélos ou de bus, jeux de plein air, etc.

Cependant la recherche en matériaux développe une pale d’éolienne 100% recyclable, en composite fibres de carbone ou de verre piégées dans une résine thermoplastique(x). La méthode chimique de recyclage utilisée consiste alors dans un 1er temps à séparer la fibre de verre de la résine par fusion de celle-ci, puis à la dépolymériser complétement afin de récupérer les monomères purs qui permettront une nouvelle synthèse du polymère. Les tests grandeur nature sont en cours, en particulier sur les propriétés mécaniques de ce nouveau composite(xi). Dans le cas des fibres de carbone coûteuses et de plus en plus utilisées, des technologies sont mises en œuvre pour les récupérer(xii).

Conclusion

Le rendement d’une éolienne varie de 30 à 50% voire 65% de sa puissance théorique (en fonction de son implantation, de la taille des pales, de la force et des fluctuations du vent) ; l’éolienne fonctionne pour des vitesses du vent comprises entre 11 et 90 km/h.

L’énergie éolienne est la troisième source d'électricité décarbonée en France, (derrière les énergies nucléaire et hydraulique)(xiii). Elle est appelée à jouer un rôle majeur dans la transition vers des énergies décarbonées. Toutefois, l’obtention de l’acier et du béton nécessaires à sa construction et le démantèlement sont sources d’émission de dioxyde de carbone : en moyenne 14 g de CO2 par kWh pour l’éolien comparés à 4 g pour l’hydraulique, 16 g pour le nucléaire, 48 g pour le photovoltaïque, 469 g pour le gaz naturel et jusqu’à 1000 g pour le charbon(xiv).

On comprend donc la nécessité de bien choisir les matériaux et matières premières nécessaires à la construction des éoliennes et à leur fonctionnement optimal tout en ayant prévu dès leur conception le procédé de recyclage en fin de vie.

Andrée Harari et Françoise Brénon

 

 

(i) Il y a plusieurs types d’éoliennes : celles à entrainement direct dites synchrones, avec un rotor constitué d’aimants permanents et les asynchrones avec un rotor bobiné en cuivre, sans aimant, utilisées pour les éoliennes terrestres où l'entretien et révision sont plus faciles qu'en mer. Pour en savoir plus sur le fonctionnement d’une éolienne sans aimant, on consultera la ressource très pédagogique du blog de Timo van Neerden.
(ii) Un polymère thermodurcissable a une structure moléculaire tridimensionnelle, demeure à l’état solide une fois durci et sa forme ne peut alors plus être modifiée. Il ne peut pas être refondu.
(iii) On appelle résine le mélange liquide contenant des additifs et le ou les monomères réactifs initialement dilués.
(iv) Les composés de type époxy sont à base de Bisphénol A et les polyesters sont de type orthophtalique.
(v) On peut citer par exemple la résine Elium® de Arkema, à base de polyacrylate. Voir la fiche de préparation au Grand oral – Mediachimie/ Nathan « Quel rôle joue la chimie pour les matériaux stratégiques ? »
(vi) Selon un avis technique de l’Ademe datant d’octobre 2020, 6,2% des éoliennes terrestres françaises recouraient à cette technologie, soit 372 tonnes d’aimants permanents contenant 122 tonnes de néodyme et 17 tonnes de dysprosium. Les éoliennes asynchrones avec boites de vitesse n’utilisent pas d’aimant mais nécessitent plus d’entretien.
(vii) Terres rares, énergies renouvelables et stockage d'énergies Librairie Ademe
(viii) Ressources déjà connues au Brésil, au Viet Nam, en Russie, en Inde, en Australie… Nouveau gisement découvert en Laponie.
(ix) Décrépitation : l’aimant est placé sous hydrogène, qui diffuse et forme des poches qui font exploser la structure. La poudre obtenue est ultérieurement broyée et réutilisable pour obtenir des aimants par frittage.
(x) Un polymère thermoplastique est rigide à l’état solide mais se ramollit à la chaleur et peut être durci à nouveau.
(xi) Projet ZEBRA piloté par l’IRT Jules Verne et un consortium d’acteurs majeurs de l’industrie, dont Arkema, Corning…
(xii) Que faire des pales d’éoliennes ?, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
(xiii) Pour avoir une idée des productions d’énergie par l’éolien, dont les valeurs évoluent régulièrement, on pourra consulter les sites suivants : pour 2019 EDF l’éolien en chiffres 34,1 TWh représentant 6,3% de la production d’électricité et pour 2022 Ministère de la transition écologique avec 25,0 TWh au cours des trois premiers trimestres 2022, soit 7,4% de la consommation électrique française. Et le Vrai / faux sur l’éolien terrestre
(xiv) Rapport ADEME 2015- page 7- Impacts environnementaux de l'éolien français
 

 

Pour aller plus loin

Que faire des pales d’éoliennes ?, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
De la force musculaire aux énergies renouvelablesin La chimie, l’énergie et le climat, collection Chimie et junior (EDP Sciences, 2017) p. 29 à 31
Les enjeux matériaux pour la fabrication et le recyclage des éoliennes, Frédéric Petit (Siemens), résumé et conférence Colloque Chimie et matériaux stratégiques (9/11/2022)
Chimie métallurgique pour résoudre les problèmes des métaux rares, J.-C. Bernier, résumé et conférence Colloque Chimie et matériaux stratégiques (9/11/2022)

 

Crédit illustration : EdWhiteImages/Pixabay

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Pourquoi la vitamine C est-elle indispensable ?

La première chose à savoir est que nous ne sommes pas capables de synthétiser la vitamine C (i). Nous devons donc la trouver dans l’alimentation : les fruits colorés (agrumes, cassis, fraise, kiwi, ananas...) et les
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La première chose à savoir est que nous ne sommes pas capables de synthétiser la vitamine C (i). Nous devons donc la trouver dans l’alimentation : les fruits colorés (agrumes, cassis, fraise, kiwi, ananas...) et les légumes frais (poivron, brocoli, chou de Bruxelles...). L'apport nutritionnel quotidien conseillé est d'environ 100 mg chez l'adulte. Comme elle est très fragile, il faut choisir des aliments frais et crus ou très brièvement cuits. Elle se trouve facilement en pharmacie, mais il faut prendre garde à ne pas en consommer plus de 1 g/jour, car en excès elle peut être métabolisée (ii) en oxalate (iii) de calcium et éliminée dans les urines où elle est le composant majeur des calculs rénaux.

Propriétés

Chimiquement, il s'agit de l'acide ascorbique (a).

(a) acide L-(+)-ascorbique(b) acide déshydroascorbique

Nomenclature IUPAC :
(5R)-5-((11S)-1,2-dihydroxyethyl))-3,4-
dihydroxy-5-hydrofuran-one
 

 

Ses propriétés viennent de sa capacité à s'oxyder en acide déshydroascorbique (b). C'est donc un antioxydant, qui élimine les dérivés réactifs de l'oxygène (ou radicaux libres). On dit qu'il protège les cellules contre le stress oxydatif, qui est une oxydation des constituants de notre organisme due à un excès de ces radicaux libres (iv) qui sont très instables et oxydent d'autres molécules, ce qui leur confère un important effet cytotoxique (v).

Il n'y a pas de véritable forme de stockage de la vitamine C, et lorsque l'apport cesse les réserves chutent de moitié en 10 à 20 jours.

Le nom ascorbique vient du préfixe a, privatif, et de scorbut. Le scorbut est devenu une maladie rare, mais était très fréquent dès la Renaissance et jusqu'au XIXe siècle chez les marins au long cours. Il s'agit d'une carence en vitamine C, qui provoque un déchaussement des dents, un pourrissement des gencives, des hémorragies et pour finir la mort. Les marins n'avaient pas toujours le loisir de faire escale pour s'approvisionner en fruits et légumes frais. On peut encore l'observer aux USA chez les adolescents suivant un régime alimentaire aberrant (beignets et café noir, sandwich au beurre de cacahuète !).

Rôles physiologiques

On la pare de toutes les vertus : combat la fatigue, le vieillissement de la peau, améliore le tonus, aide à combattre les infections... Sans qu'elle soit la molécule magique que pensent certains, elle possède bien ces propriétés, ce qui sera expliqué plus loin. En 1970, le prix Nobel de chimie Linus Pauling écrivit un article "Vitamin C and the Common Cold" (vi) où il prescrivait de combattre un rhume débutant par la prise de 1 g par jour de vitamine C, ce qui a plutôt fait consensus. Utilisée pendant de courtes périodes à cette dose, elle ne semble pas toxique, puisqu'il a vécu jusqu'à 93 ans !

Elle catalyse l'hydroxylation des acides aminés proline (c) et lysine (d), constituants du collagène, qui entre dans la composition de la peau, de l’os, des dents, du cartilage (on comprend les symptômes du scorbut).

(c) proline(d) lysine

 

La carnitine (e), obtenue à partir de ces mêmes acides aminés, est importante dans la synthèse des acides gras et aussi dans la maintenance de la masse osseuse ; elle joue aussi un rôle dans l'athérosclérose et le risque cardiovasculaire. La vitamine C est essentielle à la synthèse de la carnitine.

(e) carnitine

 

Enfin ses propriétés anti-oxydantes lui confèrent de multiples rôles (synthèse d'hormones, fonctionnement des enzymes, du système immunitaire, absorption du fer par l'intestin).

Plus généralement, les carences en vitamine C, même plus discrètes que dans le scorbut, se manifestent par de l’asthénie, de l’amaigrissement, des céphalées, des douleurs osseuses, une moindre résistance aux infections et des troubles hémorragiques. Le traitement curatif et prophylactique des carences, d’origine alimentaire ou provoquées par des conditions particulières, constitue une indication indiscutable de la vitamine C. Elle est aussi préconisée comme stimulant des défenses de l’organisme au cours des infections virales comme la grippe et le coryza. Il est donc essentiel d'en consommer journellement (fruits et légumes frais).

Nicole Moreau et l’équipe question du mois

 

(i) La vitamine C est découverte en 1928 par Albert von Szent Györgyi, un scientifique hongrois (prix Nobel de médecine en 1937)
(ii) Le métabolisme est l'ensemble des réactions chimiques qui se déroulent à l'intérieur des cellules d'un être vivant, soit pour lui permettre de synthétiser les molécules qui lui sont essentielles pour se maintenir en vie et se reproduire (anabolisme), soit pour dégrader des molécules en excès voire toxiques (catabolisme).
(iii) Acide oxalique C2H2O4    oxalate de calcium Ca2+, OOC-COO ou Ca(COO)2
(iv) Un radical libre est une espèce chimique qui possède un électron non apparié et est très réactif.
(v) Cytotoxique: du grec cyto, cellule et toxique. Il s’agit d’un effet toxique pour les cellules d'un organisme
(vi) « La vitamine C et le rhume »
 

 

Pour aller plus loin

Chimie et alimentation : produits de synthèse / produits naturels, Pierre Feillet, in La chimie et l'alimentation (EDP Sciences, 2010) p. 17

Le vieillissement cutané : prévention et réparation, Philippe Piccerelle, Colloque Chimie, dermo-cosmétique et beauté (2016), Le rôle des vitamines dans le vieillissement cutané §4.4. p 102-103

La découverte des vitamines, Louis Irissou, Revue d'Histoire de la Pharmacie (1953) n° 137

François Martin apothicaire et explorateur, Louis Irissou, Revue d'Histoire de la Pharmacie (1946) n° 116, sur le premier apothicaire français s’étant rendu à Sumatra et qui a fait paraitre en 1604 un « Traité du scorbut » à la suite de son voyage où il recommande comme traitement l'emploi du jus de citron.

 

Crédit illustration : balt/Pixabay

- Question du mois
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Pourquoi se faire vacciner contre la grippe et la COVID ?

En raison de la probabilité de circulation concomitante cet hiver des virus grippaux et de la Covid-19, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande de coupler les campagnes de vaccination contre la grippe et la Covid-19 à
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En raison de la probabilité de circulation concomitante cet hiver des virus grippaux et de la Covid-19, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande de coupler les campagnes de vaccination contre la grippe et la Covid-19 à partir du 18 octobre 2022.

Plusieurs ressources ont fait le point sur les vaccins en général et sur le coronavirus (1). Le lecteur pourra s'y reporter. Rappelons que les vaccins dont nous allons parler ici sont des vaccins prophylactiques (2), et non thérapeutiques (3).

1. Le vaccin antigrippal

La grippe est une maladie respiratoire et aiguë qui est de retour chaque automne et ne disparaît qu’au printemps. Appartenant à la famille Influenza, les virus à l’origine de cette maladie sont de type A, B ou C.

Le vaccin contre la grippe est fabriqué à partir de virus inactivés et fragmentés. Il ne contient pas de virus vivant, et ne présente aucun risque de transmettre la grippe. L’organisme, au contact de ces fractions rendues inoffensives, va développer des anticorps, défenses immunitaires spécifiques qui le protégeront face au virus environ 15 jours après la vaccination.

Quelle est la composition du vaccin 2022-2023 ?

Les virus grippaux étant très changeants, il faut adapter chaque année le vaccin aux virus susceptibles de circuler (4) et revacciner chaque année. Le vaccin antigrippal pour l'hiver 2022-2023 cible les virus appartenant aux quatre différentes souches suivantes : un virus de type A/Victoria/2570/2019 (H1N1) ; un virus de type A/Darwin/9/2021 (H3N2) ; un virus de type B/Austria/1359417/2021 ; un virus de type B/Phuket/3073/2013.

On connaît déjà bien les virus H1N1 et H3N2, responsables essentiels de la grippe de 2018 caractérisée par 8 semaines d’épidémie en France et à l’origine de 1,8 million de consultations, de 65 600 passages aux urgences, de 11 000 hospitalisations et de 8100 décès (5).

Comment fabrique-t-on le vaccin contre la grippe ?

Les vaccins vivants atténués sont utilisés depuis 1921 comme le célèbre BCG (6) contre la tuberculose. Depuis une cinquantaine d'années, on fabrique les vaccins à l'aide d'œufs fertilisés. On injecte le virus par un petit trou à l'intérieur de ces œufs qui sont incubés 3 jours à 35°C. Le virus se multipliera à l'intérieur des cellules qui composent l'embryon de poulet. Une nuit à 5°C fait mourir les embryons, puis on récupère et purifie le blanc d'œuf. On tue alors le virus - et les bactéries éventuellement présentes - à l'aide d'un produit chimique (7), puis on purifie ces virus inactivés qui sont ensuite fragmentés (8), ce qui augmente la réponse immunitaire et diminue encore les risques. Le vaccin est alors prêt.

2. Le vaccin contre la COVID-19

Cette année en France, la Haute Autorité de Santé a recommandé des vaccins bivalents (9) qui protègent contre la souche initiale SARS-CoV-2 et son variant Omicron. Ce sont des vaccins à ARNm (10) dirigés contre les protéines de pointe (11) des virus. Les vaccins précédents restent efficaces contre les formes graves, les hospitalisations et les décès, mais les vaccins bivalents sont mieux adaptés aux virus qui circulent actuellement et peuvent éviter l'infection.

Le vaccin à ARNm est-il sans danger ?

La figure 1 montre comment la cellule eucaryote (12) va fabriquer les protéines : une cellule se compose d'un cytoplasme (13) à l'intérieur duquel est le noyau, séparé par une membrane difficile à franchir. À l'intérieur du noyau, l'ADN porteur de l'information génétique va être copié, c'est la réplication ; cet ADN va être reproduit sous forme d'ARN c'est la transcription ; cet ARN va perdre des fragments non utiles, c'est l'épissage qui conduit à l'ARN messager. Ce dernier traverse la membrane pour passer dans le cytoplasme, où il est traduit en protéines.

 

Figure 1.

Pour préparer le vaccin, comme l'ARNm est détruit dès qu'il pénètre dans l'organisme, on enveloppe l'ARNm fabriqué par synthèse (14) et codant pour les fragments de protéine de pointe dans une membrane artificielle (15) qui mime la membrane externe de la cellule. Lors de la vaccination, ce vecteur va pénétrer dans le cytoplasme où il introduit l'ARNm, mais il ne peut pas pénétrer dans le noyau. Il n'y a donc a priori pas de risque de modification du génome.

Mais ce premier vaccin à ARNm, préparé si vite, est-il vraiment sûr ? Il y a plusieurs arguments qui montrent que sa préparation n'a pas été « bâclée » :

  • i) Depuis 1990, une chercheuse hongroise, Katalin Karikó, a proposé d'utiliser l'ARNm dans des buts thérapeutiques (16)
  • ii) Ce nouveau type de vaccin a bénéficié des études de 2003 lors de l'épidémie de SARS CoV-1
  • iii) La synthèse du fragment d'ARN codant pour un fragment de la protéine de pointe a été très rapide, ce qui a accéléré les choses par rapport aux vaccins classiques
  • iv) La circulation très rapide du virus a permis d'obtenir des résultats plus rapidement.


3. Co-vaccination grippe Covid : est-ce sans danger ?

Selon une étude de Santé publique France (17), 25 % des personnes à risque comptent faire les deux vaccins en même temps. Dans un communiqué, l'Assurance maladie rassure : « la co-vaccination est sans danger : les données disponibles indiquent que la co-administration est généralement bien tolérée ». D'ailleurs, lors de la campagne de vaccination contre la grippe 2021-2022 qui était couplée avec celle contre la Covid-19, « aucun signal particulier n’a été identifié ». En cas d'impossibilité ou de refus de recevoir les deux vaccins en même temps, aucun délai n'est à respecter entre deux vaccinations.

Une question assez curieuse se pose : « pourquoi les gens ont-ils plus peur des vaccins que des médicaments ? " Il semblerait que ce soit d'abord la peur de la seringue ! Et le vaccin est une invention récente, du XIXe siècle, alors que l'homme se soigne avec des emplâtres, des tisanes depuis plus de mille ans. Enfin, de tout temps les hommes ont été plus préoccupés par la guérison des maladies que par leur prévention.

Nicole Jeanne Moreau et l’équipe Question du mois


 

(1) Zoom sur les vaccins (02/10/2020) ; Ensemble de ressources et de liens relatifs au coronavirus SARS-CoV-2 et à la pandémie de COVID-19 (mediachimie.org)
(2) Pour prévenir ou atténuer les effets d'une éventuelle infection par un agent pathogène naturel.
(3) Pour soigner ou aider le patient à lutter contre une maladie déjà survenue, par exemple un cancer.
(4) C’est l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui est chargée, en amont, de leur surveillance.
(5) Selon Santé publique France
(6) Bacille de Calmette et Guérin
(7) Formaldéhyde et/ou détergent
(8) Les vaccins à virions fragmentés contiennent des virus inactivés, qui ont été fragmentés au moyen d’un détergent, d’un solvant ou de ces deux substances. Réf: https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/rapports-publications/releve-maladies-transmissibles-canada-rmtc/numero-mensuel/2018-44/numero-6-7-juin-2018/article-2-resume-vaccin-sous-unitaire-vaccin-antigrippal-virion-fragmente.html
(9) Moderna ou Pfizer-BioNTech
(10) ARN messager
(11) Spicule ou spike
(12) Du grec eu, bien et caryos, noyau. Ce sont les cellules de tout être vivant autre que les bactéries.
(13) Du grec cyto, cellule et plasma, forme
(14) Ils sont synthétisés in vitro à l’aide d’une matrice d’ADN et d’une enzyme, l’ARN polymérase. L’ARN est ensuite purifié sur des colonnes de chromatographie, qui profitent des propriétés chimiques (pH ou affinité) pour séparer les composants de la solution et isoler le produit d’intérêt.
(15) Formée de lipides, de phospholipides et de cholestérol
Exemple de l’excipient du vaccin Pfizer :


 source  : wikipedia, domaine public, Lien

(16) Elle rejoint en 2013 BioNTech, un des deux laboratoires, avec Moderna, à l'origine du vaccin.
(17) https://www.has-sante.fr/jcms/p_3288855/fr/covid-19-et-grippe-la-has-precise-les-conditions-d-une-co-administration-des-vaccins

 

 

Crédits. Illustration : MasterTux/Pixabay ; Figure 1 : © N.J. Moreau