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Mots-clés : feu, pierre, métal, plomb, interdisciplinarité

Lors de l’incendie du 15 avril 2019, le feu a provoqué de nombreuses altérations chimiques des matériaux en présence, accompagnées bien sûr d’altérations physiques et mécaniques. L’eau utilisée par les pompiers n’a pas moins altéré matières et édifice, de même que celle, venue du ciel, qui a continué de pénétrer dans la cathédrale tant que l’échafaudage initial n’a pas été enlevé. Pierres, plomb, bien sûr, bois, fer et verre ont donc subi des modifications plus ou moins fortes, et dont les implications structurelles sont plus ou moins grandes.

Les scientifiques qui se sont portés au chevet de l’édifice sont pour une partie d’entre eux des spécialistes des matériaux anciens, issus de l’université ou du CNRS, ou de leur conservation et de leur restauration, et dans ce cas, plutôt issus du ministère de la Culture. Ils se sont trouvés confrontés à des altérations de nature diverse. Les températures atteintes ont par exemple transformé le plomb en oxydes, transportés par aérosol, qui se sont déposés sur tout l’intérieur de l’édifice et doivent être enlevés pour pouvoir rendre une cathédrale dépolluée et nettoyée aux fidèles et au public. Ces oxydes sont souvent venus s’ajouter à des plombs plus anciens, dus à la pollution automobile, ou à la saleté produite par l’activité au sein de la cathédrale. Le nettoyage des différents matériaux concernés (métal des grilles, bois du mobilier, peintures murales, vitraux, pierre) doit être mené selon des techniques qui peuvent aussi relever de processus chimiques mais qui doivent surtout respecter le matériau patrimonial original qui a subi déjà une première attaque. Dans certains cas, par ailleurs, ce plomb a fusionné avec la pierre créant quasiment un nouveau matériau. La pierre elle‐même sous l’effet de la chaleur connaît des modifications et des transformations qui se manifestent par des variations de couleur et d’aspects, significatifs de changements structurels internes.

L’eau peut entraîner la formation de sels, et de fortes altérations des matériaux en véhiculant différents matériaux à l’état de solutions, et c’est pourquoi les produits utilisés pour le nettoyage doivent être particulièrement bien choisis.

Par chance, les sculptures de la flèche par Viollet‐le‐Duc et Geoffroy‐Dechaume ont été déposées avant l’incendie et leur restauration a permis des observations précises sur leur histoire, et leur matérialité.

Enfin, au‐delà du clin d’œil, le chantier scientifique de Notre‐Dame en rassemblant des scientifiques venus de laboratoires et d’horizons très différents a contribué à former une véritable communauté et à rapprocher des gens qui ne se connaissaient pas et ne travaillaient pas ensemble, à renforcer l’interdisciplinarité des approches de ce bâtiment emblématique. Plus encore, de nouvelles méthodes de travail et de recherche, de nouveaux outils se sont mis en place pour rassembler ces connaissances et créer quasiment de nouveaux champs disciplinaires.

En cela, le chantier de Notre‐Dame a bien une dimension alchimique humaine.

 

Vidéo de la conférence (durée : 11:34)
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Vidéo de la conférence (durée : 12:23)
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Auteur(s) : Pascal LIÉVAUX, Conservateur général du patrimoine, délégation à l'inspection, à la recherche et à l'innovation, direction générale des Patrimoines et de l'Architecture et Aline MAGNIEN, Conservatrice générale du patrimoine, Directrice du Laboratoire de Recherche des Monuments historiques, Ministère de la Culture et de la Communication
Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
Niveau de lecture : pour tous
Nature de la ressource : article + conférence