Petrus Jacobus Kipp (1808-1864) était né à Utrecht où il avait étudié la pharmacie. En 1830 il s’était installé à Delft comme pharmacien et marchand de produits chimiques et d’instruments de laboratoire. Le commerce d’appareils de laboratoire était ancien à Delft, celui des frères Bayens occupait 14 ouvriers vers 1820. En 1850 Kipp proposait un catalogue de 734 articles.
Il avait inventé un appareil en verre pour produire de petites quantités de gaz avec la possibilité d’interrompre la production à son gré. On l’utilisait dans les établissements d’enseignement du 20e siècle pendant les séances de manipulation que nous appelions familièrement « pêche aux ions ». Il s’agissait de reconnaître la nature des cations dans une solution aqueuse saline. L’appareil est composé de deux parties : une base de deux sphères superposées communicantes munies chacune d’un orifice latéral, et une ampoule qui pénètre dans les deux sphères en s’introduisant par le haut. Dans l’orifice latéral de la partie basse de l’appareil on introduisait du sulfure de fer (pyrite) et on rebouchait l’orifice, l’ampoule contenait une solution d’acide (chlorhydrique ou sulfurique) qui pouvait s’écouler sur la pyrite. Leur réaction produisait du sulfure d’hydrogène gazeux qui se répandait dans la partie sphérique et qui pouvait s’échapper par l’orifice latéral ouvert de la sphère supérieure. Celui-ci était muni d’un tube à dégagement qu’on fermait ou ouvrait à volonté. Par ce tube on envoyait le gaz barbotter dans la solution à analyser.
Quand la solution ne contenait qu’un sel dessous, et si l’addition d’acide chlorhydrique ne donnait pas de précipité, [signalant la présence de plomb, argent, ou mercure (I)], on faisait barboter H2S dans la solution légèrement acidifiée et chauffée vers 70 °C. H2S précipitait certains cations sous forme de sulfures. On filtrait, on lavait le précipité et on en mettait un peu dans un tube avec une solution de sulfure d’ammonium. S’il se solubilisait on identifiait le cation présent dans la liqueur primitive par la couleur de son sulfure, rouge orange pour l’antimoine, jaune serin (et soluble dans l’ammoniaque) pour l’arsenic, jaune sale (et insoluble dans l’ammoniaque) pour l’étain (IV), chocolat pour l’étain (II), brun noir pour l’or. Si le précipité de sulfure était insoluble dans la solution de sulfure d’ammonium et s’il était jaune et soluble dans l’acide nitrique, c’était du cadmium. S’il était noir, ce pouvait être du cuivre, du bismuth ou du mercure (II). La couleur du précipité donné par la liqueur primitive additionnée de potasse permettait de distinguer le cuivre (bleue), du bismuth (blanc), et du mercure (II) (jaune).
À cause de l’odeur nauséabonde et de la toxicité de l’hydrogène sulfuré, l’appareil était maintenu sous la hotte.
L’appareil de Kipp est une page de l’instrumentation pour la chimie minérale. On procède aujourd’hui avec une sensibilité incomparablement meilleure par des méthodes physiques quantitative (spectroscopie d’absorption atomique) pour analyser des produits minéraux.
Dans un autre usage le dispositif permet de fabriquer des gaz : le dispositif pouvait servir à produire du dioxyde de carbone en utilisant du marbre au lieu de pyrite, et du dihydrogène en utilisant du fer.
Orgue de pharmacien chimiste
Pour en savoir plus
Le pharmacien P.-J. Kipp (1808-1864) et son appareil, H.-A.-M. Snelders, Revue d’histoire de la pharmacie 212 (1972) pp. 3-12
Crédits illustrations :
- Appareil de Kipp. MNHN, photo : B. Bodo ; planche Encyclopédie Chimique, E. Fremy (1882)
- Orgue de pharmacien-chimiste, WIkimedia Commons, licence CC0
Niveau de lecture : pour tous
Nature de la ressource : article