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Mots-clés : iode, diiode, eau Javel, acide hypochloreux, HClO, ion hypochlorite, Buneau-Varilla

L’eau acheminée aux soldats du front était le lieu de prolifération de nombreux micro-organismes pathogènes sources de dysenteries et de la typhoïde. Et après les premières attaques aux gaz, l’état-major interdit formellement de boire l’eau qui se trouve sur le front car les gaz empoisonnent les eaux stagnantes.

Comment éliminer les micro-organismes pathogènes présents dans l’eau ?

Les méthodes ont évolué vers plus d’efficacité tout au long du conflit et diffèrent selon que l’on dispose d’eau en containers ou d’eau apportée directement et continûment par canalisation.

Pour l’eau fournie en containers le traitement se fait à l’iode avec 3 comprimés : 1 bleu, 1 blanc et 1 rouge. Patriote jusque dans le traitement de l’eau !

C’est en juillet 1902 que le pharmacien Auguste Georges et le médecin Villard [1] [2] décrivent une méthode d’épuration des eaux de boisson dans la revue de médecine et de pharmacie militaire. Les soldats disposent de 3  comprimés (i) :

  • Un comprimé bleu contenait de l’iodure et de l’iodate de potassium ainsi que du bleu de méthylène
  • Un comprimé blanc contenait du thiosulfate de sodium (ancien nom « hyposulfite de soude »)
  • Un comprimé rouge contenait de l’acide tannique


 
Comprimés tricolores (Musée du Service de Santé des Armées au Val-de-Grâce) source [2] ;
Tonnelet eau, Comprimés blancs et mode d'emploi (Photos F. Brénon au musée du Service de Santé des Armées au Val-de-Grâce)

Le mode d’emploi était le suivant : « Dissoudre 1 comprimé rouge avec 1 comprimé bleu dans ½ verre d’eau. Verser le liquide obtenu dans 10 L d’eau à traiter. Agiter. Attendre 10 min. Dissoudre 1 comprimé blanc dans un ½ verre d’eau. Verser cette solution dans les 10 L d’eau traités ».

Le comprimé bleu et le rouge dans l’eau engendraient du diiode, bactéricide et virulicide. Après avoir laissé agir, le comprimé blanc éliminait l’excès de diiode.

Plus en détail, les réactions mises en jeu et l’épuration étaient basées sur le principe suivant : le mélange d’iodure (I-) et d’iodate (IO3-) en présence d’acide (ici l’acide tannique) conduit à former du diiode (I2) dans le 1er récipient, selon la réaction :

IO3- + 5 I- + 6 H+ → 3 I2 + 3 H2O

Les proportions permettent de former une grande quantité de diiode.

L’agitation et le temps d’attente ont pour objet de faire réagir le diiode sur les microorganismes à éliminer.
Une fois l’action « d’épuration » par le diiode terminée, il faut éliminer l’excès de diiode restant. C’est le rôle du comprimé blanc qui permet de réaliser la réaction :

I2 + 2 S2O32- → S4O62- + 2 I-

Cette eau avait toutefois un gout iodé peu agréable.

Notons que le bleu de méthylène est à la fois un colorant et un bactéricide, l’acide tannique est un polyphénol de formule brute C76H52O46 et a aussi des propriétés astringentes et anti-diarrhéiques.

Traitement par les ions hypochlorite

Les ions hypochlorite ClO- sont disponibles :

  • soit sous forme de comprimés d’hypochlorite de calcium [Ca(ClO)2], stables et faciles d’emploi pour des usages ponctuels
  • soit présents dans l’eau de Javel, solution aqueuse basique de chlorure et d’hypochlorite de sodium, moins stable et plus délicate à utiliser.

L’eau de Javel tire son nom du village de Javel à l’ouest de Paris où elle a été fabriquée de 1784 à 1889. Elle a été utilisée d’abord pour ses propriétés de blanchiment du linge découvertes par Claude-Louis Berthollet (1748-1822) et puis pour ses propriétés désinfectantes en solution diluée étudiées tout particulièrement par Antoine-Germain Labarraque (1777-1850). L’eau de Javel est efficace pour lutter contre la propagation des maladies telles que la typhoïde et le choléra propagées par de l’eau contaminée.

On a montré depuis que l’eau de Javel est à la fois bactéricide et virulicide, propriétés dues aux ions hypochlorite et l’acide hypochloreux [3] [4].

À partir de 1915 le médecin Vincent et le pharmacien C. Gaillard [2] mettent au point une formule de comprimés d’hypochlorite de calcium et de sodium pour purifier l’eau de boisson.

En 1916, le service de santé décide de la javellisation de l’eau, traitement antimicrobien utilisant de l’eau de Javel. Deux méthodes sont possibles :

  • LA JAVELLISATION : la quantité d’eau de Javel à ajouter est fonction de la contamination. Les doses sont de 1 à 5 mg de chlore actif (ii) par litre. Si l’eau était alors dépourvue de microorganismes pathogènes, son goût fort en chlore la rendait très désagréable à boire.
  • LA VERDUNISATION [3] [4] [5] : le terme « verdunisation » provient de la Première Guerre mondiale au cours de laquelle cette technique a été utilisée à grande échelle pour désinfecter l’eau consommée par les « Poilus » de Verdun.

En effet, lors de la bataille de Verdun, l'Armée française, encerclée, ne disposait plus d'eau potable. Le commandant du Génie Philippe Buneau-Varilla (iii), en 1916 à Verdun, réussit à capter et à acheminer l'eau de la Meuse au moyen de puits, de pompes et de tuyaux jusqu’aux tranchées. Il mit au point un procédé automatique de potabilisation de cette eau en faisant injecter de l’eau de javel diluée juste à l'entrée des pompes centrifuges. Ce procédé préconise des doses d’eau de Javel de dix à cinquante fois plus faibles que la javellisation (de l’ordre de 0,1 mg de chlore actif par litre). Cette eau avait un bien meilleur goût que celle ayant subi une javellisation.

La différence dans l’efficacité vient du protocole : dans ce procédé, l’addition de l’eau de Javel est réalisée lentement avec un brassage vigoureux et prolongé. Ces conditions favorisent la dissolution du dioxyde de carbone contenu dans l’air, ce qui abaisse le pH et favorise le passage de l’ion hypochlorite à la forme acide hypochloreux, HClO, qui est plus bactéricide (iv) [3].

 

Notes

(i) La composition des comprimés et le mode d’emploi sont indiqués sur les étiquettes des flacons présentées au musée du Service de santé des armées du Val de Grâce (Paris). Les réactions chimiques proposées par F. Brénon en découlent.

(ii) Que signifie l’expression eau de Javel ou chlorure de chaux « à Y grammes en chlore actif » ?  L’eau de Javel comme le chlorure de chaux contiennent des ions chlorure, Cl-, et hypochlorite, ClO-, en mélange équimolaire. L’ajout d’un acide fait passer ClO- à l’état d’acide hypochloreux HClO. Et si le milieu devient très acide la réaction de HClO sur les ions Cl- provoque un dégagement de dichlore Cl2 selon la réaction :

HClO + H+ + Cl-→ Cl2 + H2O

 

(iii) Philippe Buneau-Varilla (1859–1940) était ingénieur polytechnicien. Le procédé de verdunisation qu’il a mis au point en 1916 a été utilisé par la suite dans une cinquantaine d’établissements publics industriels ou miniers et dans plus d’une centaine de villes.

(iv) Ph. Buneau-Varilla a également proposé une action des UV dans la purification de l’eau [6].

 

Bibliographie
[1] L’épuration de l’eau potable en campagne - Archives de médecine et de pharmacie militaire (juillet 1902) p. 30 à 33 – BnF Gallica

[2] Histoire des comprimés pharmaceutiques en France, des origines au début du XXème siècle, André Frogerais (2013) p. 17 à 20. HAL : hal-00787009v4

[3] L'eau de Javel : sa chimie et son action biochimique, G. Durliat, J.L. Vignes et J.N. Joffin, BUP n° 792 (1997) p. 451 à 469 et tout particulièrement page 464 où est expliqué le rôle du pH et le pouvoir bactéricide de l’acide hypochloreux.

[4] Site internet de la FAO sur les rôles des composés chlorés et iodés : L’hygiène dans l’industrie agroalimentaire . Dans cette ressource il faut toutefois corriger la réaction.
L'hypochlorite de sodium s'obtient suivant la réaction théorique suivante :
2 NaOH + 2 Cl → NaOCl + NaCl + H2O
par 2 NaOH + Cl2 →NaOCl + NaCl + H2O

[5] Ph. Bunau-Varilla, Guide pratique et théorique de la Verdunisation, Paris, J-B. Baillière (1930)

[6] Quelques documents sur la verdunisation des eaux , Ph. Buneau-Varilla, p. 40. BnF Gallica

[7] Bunau-Varilla et-la-verdunisation, article de La dépêche (1926)

 

Crédits illustrations
- Comprimés tricolores (Musée du Service de Santé des Armées au Val-de-Grâce) source [2] ;

- Tonnelet eau, Comprimés blancs et mode d'emploi (Photos F. Brénon au musée du Service de Santé des Armées au Val-de-Grâce)
- Couverture du livre
Quelques documents sur la verdunisation des eaux, Ph. Buneau-Varilla, bibliothèque Exército Portugal

Auteur(s) : Françoise Brénon
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Mots-clés : Kipp (1808-1864), gazomètre, sulfures

Petrus Jacobus Kipp (1808-1864) était né à Utrecht où il avait étudié la pharmacie. En 1830 il s’était installé à Delft comme pharmacien et marchand de produits chimiques et d’instruments de laboratoire. Le commerce d’appareils de laboratoire était ancien à Delft, celui des frères Bayens occupait 14 ouvriers vers 1820. En 1850 Kipp proposait un catalogue de 734 articles.

Il avait inventé un appareil en verre pour produire de petites quantités de gaz avec la possibilité d’interrompre la production à son gré. On l’utilisait dans les établissements d’enseignement du 20e siècle pendant les séances de manipulation que nous appelions familièrement « pêche aux ions ». Il s’agissait de reconnaître la nature des cations dans une solution aqueuse saline. L’appareil est composé de deux parties : une base de deux sphères superposées communicantes munies chacune d’un orifice latéral, et une ampoule qui pénètre dans les deux sphères en s’introduisant par le haut. Dans l’orifice latéral de la partie basse de l’appareil on introduisait du sulfure de fer (pyrite) et on rebouchait l’orifice, l’ampoule contenait une solution d’acide (chlorhydrique ou sulfurique) qui pouvait s’écouler sur la pyrite. Leur réaction produisait du sulfure d’hydrogène gazeux qui se répandait dans la partie sphérique et qui pouvait s’échapper par l’orifice latéral ouvert de la sphère supérieure. Celui-ci était muni d’un tube à dégagement qu’on fermait ou ouvrait à volonté. Par ce tube on envoyait le gaz barbotter dans la solution à analyser.

Quand la solution ne contenait qu’un sel dessous, et si l’addition d’acide chlorhydrique ne donnait pas de précipité, [signalant la présence de plomb, argent, ou mercure (I)], on faisait barboter H2S dans la solution légèrement acidifiée et chauffée vers 70 °C. H2S précipitait certains cations sous forme de sulfures. On filtrait, on lavait le précipité et on en mettait un peu dans un tube avec une solution de sulfure d’ammonium. S’il se solubilisait on identifiait le cation présent dans la liqueur primitive par la couleur de son sulfure, rouge orange pour l’antimoine, jaune serin (et soluble dans l’ammoniaque) pour l’arsenic, jaune sale (et insoluble dans l’ammoniaque) pour l’étain (IV), chocolat pour l’étain (II), brun noir pour l’or. Si le précipité de sulfure était insoluble dans la solution de sulfure d’ammonium et s’il était jaune et soluble dans l’acide nitrique, c’était du cadmium. S’il était noir, ce pouvait être du cuivre, du bismuth ou du mercure (II). La couleur du précipité donné par la liqueur primitive additionnée de potasse permettait de distinguer le cuivre (bleue), du bismuth (blanc), et du mercure (II) (jaune).

À cause de l’odeur nauséabonde et de la toxicité de l’hydrogène sulfuré, l’appareil était maintenu sous la hotte.

L’appareil de Kipp est une page de l’instrumentation pour la chimie minérale. On procède aujourd’hui avec une sensibilité incomparablement meilleure par des méthodes physiques quantitative (spectroscopie d’absorption atomique) pour analyser des produits minéraux.

Dans un autre usage le dispositif permet de fabriquer des gaz : le dispositif pouvait servir à produire du dioxyde de carbone en utilisant du marbre au lieu de pyrite, et du dihydrogène en utilisant du fer.


Orgue de pharmacien chimiste

 

Pour en savoir plus

 

Crédits illustrations :
- Appareil de Kipp. MNHN, photo : B. Bodo ; planche Encyclopédie Chimique, E. Fremy (1882)
- Orgue de pharmacien-chimiste, WIkimedia Commons, licence CC0

Auteur(s) : Josette Fournier
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Mots-clés : cocaïne, poison végétal, stupéfiant, overdose

Agatha Christie, née à Torquay en Angleterre le 15 septembre 1890, a obtenu un diplôme en pharmacie le 30 avril 1917 après avoir servi comme assistante chimiste dans un hôpital militaire pendant la Première Guerre mondiale. C’est pourquoi dans de nombreux romans policiers, elle utilise des poisons végétaux qui entraînent la mort. Les produits pris à faible dose servent souvent à soulager le malade et sont considérés comme des médicaments mais si la dose est supérieure, le produit peut devenir mortel. Ces produits proviennent de plantes qui, elles aussi, sont dangereuses dans les jardins.

Dans le roman La maison du péril, certains protagonistes consomment de la cocaïne. La cocaïne est obtenue à partir de l’Erythroxylum coca. C’est un arbrisseau qui pousse dans diverses régions d’Amérique du Sud, en Indonésie et dans l’Est africain. La formule chimique de la cocaïne est C17H21NO4 et sa formule développée est la suivante :

Elle est classifiée comme stupéfiant par la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 de l'ONU. Elle est illégale dans presque tous les pays, dépénalisée en République tchèque et au Portugal. La feuille de coca est utilisée depuis très longtemps par les indigènes des plateaux andins. La feuille de coca est mâchée ou prise en infusion pour les aider à résister à la fatigue et à l'altitude. Sous cette forme, la coca a un léger effet stimulant, comparable à celui de la caféine. Une feuille de coca contient 0,5% de cocaïne. Dès 1870, on voit apparaître la consommation populaire de vin dans lequel sont infusées préalablement des feuilles de coca. En 1871, le marché est dominé par une marque restée célèbre : le « vin Mariani », boisson tonique française du nom de Ange François Mariani dit Angelo Mariani (1838-1914), préparateur en pharmacie qui a fait macérer des feuilles de coca dans du vin de Bordeaux et a eu l'idée de commercialiser ce vin.

Quant au Coca-Cola, il est créé en 1886 par un pharmacien John Pemberton (1831-1888) pour une boisson à base de coca. De nos jours il n’y a plus de cocaïne dans le Coca-Cola.

Les décès dus à la cocaïne dépendent de facteurs liés à la santé (hypertension, insuffisance respiratoire, asthme, diabète), à une overdose (dose létale 1,2g) ou à une consommation associée à un mélange d’autres substances (tabac, alcool…).

 


Agatha Christie / Erythroxylum coca

Pour en savoir plus

 

Crédits illustrations :
-
Erythroxylum coca, Plantes médicinales de Köhler, Wikimedia Commons, domain public
- By Agatha Christie plaque -Torre Abbey.jpg: Violetrigaderivative work: F l a n k e r - Agatha Christie plaque -Torre Abbey.jpg, Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0

Auteur(s) : Catherine Marchal
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Mots-clés : Berta Karlik, William Bragg, Marie Curie, Franz Exner, Stefan Meyer, astate naturel, étalon de radioactivité

Au début du XXe siècle, deux pays ont construit un institut du radium, l’Autriche-Hongrie et la France. Celui de Vienne et celui de Paris ont eu de nombreux contacts. Dans les deux instituts, les femmes ont joué un grand rôle et ont été considérées. Elles ont quelquefois, à un moment donné, travaillé aussi bien à Vienne qu’à Paris.

À Vienne, Berta Karlik, née le 14 janvier 1904, soutient une thèse en physique nucléaire en 1927 sous la direction de Stefan Meyer (1872-1949) et de Hans Thirring (1888-1976). Puis elle enseigne les mathématiques et la physique dans le lycée où elle a fait ses études. Elle bénéficie d’une bourse en 1930 et peut se rendre à Londres afin de se perfectionner en cristallographie auprès de Sir William Bragg (1890-1971). Elle vient aussi à Paris et rencontre Marie Curie (1867-1934). À son retour à Vienne, elle entre à l’Institut du radium en 1931. Les femmes représentent 38% de l’effectif, Berta Karlik y fera toute sa carrière.

Avec Karl Przibram (1878-1973) et le suédois Hans Pettersson (1888-1966), elle travaille sur la synthèse de la fluorescence bleue de la fluorine, la bande bleue de la fluorescence est due à l’europium, élément chimique classé dans la famille des terres rares. Ce travail, comme d’autres sont indiqués, en France, dans la Revue générale des sciences pures et appliquées.

En 1933, elle reçoit avec Elisabeth Rona (1890-1981) le prix Haitinger de l’Académie autrichienne des sciences pour des recherches dans le domaine de la luminescence. Lorsque Pettersson quitte Vienne et retourne à Uppsala pour diriger l’institut océanographique ainsi que la station hydrographique de Bornö située dans le sud de la Suède près du Gullmarfjord, Berta Karlik comme Elisabeth Rona se rendront en Suède afin d’étudier la radioactivité de l’eau de mer et sa teneur maximale en éléments radioactifs.

Le 12 mars 1938, l’Allemagne annexe l’Autriche, les chercheurs juifs sont chassés de l’Institut. Berta Karlik peut continuer ses recherches car elle n’est pas juive.

Berta Karlik et Traude Cless-Bernert (1915-1998) mettent en évidence l’existence de l’astate naturel en 1944 alors qu’Emilio Segrè (1905-1989), Date R. Corson (1914-2012) et K.R. Mac Kenzie l’avaient obtenu, en 1940, au laboratoire en bombardant du bismuth avec des particules alpha (α) accélérées. Cet élément naturel existe en très faible quantité dans la nature, il est radioactif et instable, c’est un des produits de la désintégration de l’uranium, du thorium et du francium, dont un de ses isotopes est utilisé en radiothérapie. Pour cette nouvelle découverte, elle recevra un second prix Haitinger seule cette fois-ci en 1947.

Suite à la découverte de l’astate, elle devient directrice provisoire de l’Institut en 1945 à la place de Stefan Meyer qui est destitué comme juif et en 1947, lorsqu’il prend sa retraite, elle lui succède et conservera le poste jusqu’à sa propre retraite en 1974. À l’université de Vienne, elle est professeur associé en 1950 et en 1956, elle est la première femme professeur titulaire. Elle devient membre correspondant de l’Académie autrichienne des sciences dès 1954 et la première femme membre de cette institution en 1973.

Berta Karlik est nommée à la commission du bureau du chancelier fédéral comme conseiller sur les questions concernant l’énergie nucléaire. Les Nations-Unies organisent deux conférences à Genève du 8 au 20 août 1955 puis du 1er au 13 septembre 1958 sur les applications pacifiques de l’énergie nucléaire et elle est le représentant officiel de l’Autriche. En 1958, le congrès international porte le nom « L’atome pour la paix ».
Berta Karlik participe aussi à la commission pour la mesure des rayonnements ionisants du bureau international des poids et mesures à Sèvres. En 1958, il est décidé de créer un comité consultatif pour les étalons de mesure des radiations ionisantes. Elle est experte auprès du comité consultatif et chargée du groupe de travail qui doit faire des propositions sur l’étalon de radioactivité. C’est l’étalon international conservé à l’Institut du radium à Paris qui sera déplacé vers le bureau international des poids et mesures.

En 1974 elle prend sa retraite mais continue à travailler à l’institut. Elle meurt le 4 février 1990.

Retracer les recherches et la vie de Berta Karlik permet de décrire les premiers temps de la radioactivité et le rôle que les femmes y ont joué.

 

Monument à la physicienne Berta Karlik (1904-1990) dans la cour de l'Université de Vienne (artiste : Thomas Baumann).
Source : Sandra Folie, travail personnel, Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 4.0

 

Pour en savoir plus

Auteur(s) : Catherine Marchal
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Pour aller plus loin avec la question 3

Le glyphosate est une substance désherbante à large spectre d’action utilisée en zones agricoles, forestières et non agricoles : désherbage des vignes et des vergers, élimination des végétaux ou des intercultures avant de semer les cultures annuelles type céréale, désherbage des voies ferrées et des sites industriels… Il est absorbé par les feuilles après pulvérisation et agit en perturbant la croissance des plantes par inhibition d’une enzyme essentielle à la biosynthèse d’acides aminés aromatiques dans les plantes.

Pour aller plus loin avec la question 5

L’utilisation des produits à base de glyphosate suscite des inquiétudes diverses :

  • Impact sur la santé humaine : de nombreuses études ont soulevé des interrogations sur les éventuels effets cancérigènes et perturbations endocrines du glyphosate et de son métabolite l’acide aminométhylphosphonique (AMPA, il peut avoir d’autres origines car il est contenu en grande quantité dans les détergents, les agents contre la corrosion et la formation du tartre) mais aussi du tensioactif (POEA).
  • Résistance des mauvaises herbes : l’utilisation répétée des produits à base de glyphosate a conduit à l’apparition de plantes résistantes, ce qui rend son efficacité limitée et nécessite l’emploi de quantités de plus en plus importantes.
  • Impact sur la biodiversité : l’élimination de « mauvaises herbes » peut réduire l’habitat de nombreuses espèces végétales et animales.
  • Contamination de l’eau et des sols : les molécules telles que le glyphosate, ses produits de dégradation ou le tensioactif peuvent migrer dans les sols et les eaux, pouvant ainsi les contaminer. Cela soulève des inquiétudes sur la qualité de l’eau et de la vie aquatique.
Mots-clés : glyphosate, herbicide, Roundup, POEA
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Biosourcés, biodégradables et compostables, les polyhydroxyalcanoates (PHAs) sont considérés comme une alternative prometteuse aux plastiques traditionnels, particulièrement polluants. Leur coût élevé, les limites de leurs propriétés mécaniques et la concurrence avec d’autres produits recyclés n’en font certes pas un produit miracle, mais ils restent à ce jour une solution intéressante.

Auteur(s) : Sarah Costes et Roméo Marmin (École publique de journalisme de Tours, finalistes du Grand Prix des Jeunes Journalistes de la Chimie 2024)
Source : Grand Prix Jeunes Journalistes de la Chimie 2024
Mots-clés : plastique, PHA, biodégradable, pollution, microplastiques
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Ces dernières années, de nouvelles techniques d’imagerie scientifique facilitent l’étude d’oeuvres archéologiques. À l’été 2024, une équipe du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) révèle, grâce à ces outils, l’existence de retouches sur des peintures funéraires de la vallée des rois à Louxor. Quels sont ces nouveaux procédés ? Et comment la chimie participe-t-elle à lever les mystères de l’ère pharaonique ?

Auteur(s) : Caroline Barathon et Cléa Dubray (École de journalisme de Grenoble, lauréates du Grand Prix des Jeunes Journalistes de la Chimie 2024)
Source : Grand Prix Jeunes Journalistes de la Chimie 2024
Mots-clés : égyptologie, imagerie chimique, pigments, peinture, rayons X
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Face à l'urgence climatique, les industriels du ciment innovent pour se décarboner. Pour gagner des parts de marché, les ciments alternatifs doivent encore surmonter certaines limites techniques et économiques.

Auteur(s) : Morgane Anneix et Juliette Laffont (École de journalisme Sciences Po Paris, finalistes du Grand Prix des Jeunes Journalistes de la Chimie 2024)
Source : Grand Prix Jeunes Journalistes de la Chimie 2024
Mots-clés : ciment, climat, clinker, décarbonation, industrie
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Mots-clés : système endocrinien, glande endocrine, hormone, altération, ECHA, PEPPER, REACH

L’activité endocrinienne c’est la vie, la perturbation endocrinienne pose un problème.

Qu’est ce que le système endocrinien ?

Le système endocrinien est l'ensemble des glandes (dites « endocrines ») qui libèrent des hormones dans le sang : ovaires chez les femmes, testicules chez les hommes et pour tous, thyroïde et parathyroïdes, hypophyse, hypothalamus, pancréas (ilôts), glandes surrénales (fig. 1).


Figure 1. Source (6)

Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien (PE) ?

D’après l’OMS (2012), un PE est défini comme « une substance ou un mélange de substances qui altère les fonctions du système endocrinien et, de ce fait, induit des effets nocifs sur la santé d’un organisme intact, de ses descendants ou de (sous-)populations ».

De nombreux sites internet sont consacrés à la description des enjeux liés aux PEs , INSERM, INRS, ANSES… (1) (2) (3) (4) (5).

Pour reprendre les principaux points sur le PE, il s’agit d’un produit chimique, naturel ou artificiel, qui peut bloquer, imiter ou perturber une fonction hormonale, ce système émetteur « des signaux hormonaux » qui orchestre les principales fonctions essentielles : métabolisme, immunité, reproduction, cognition, etc.

De nombreuses études ont confirmé que les PEs peuvent avoir une large batterie d’effets sur les humains et sur la faune, diminution des facultés reproductrices, malformations sexuelles, pubertés précoces, certains cancers (sein, ovaires, prostate, testicules), retard de développement cognitif, réponse altérée au stress, obésité, diabète… et aussi affecter la biodiversité.

C’est d’ailleurs dans ce domaine que les premières alertes ont été lancées : diminution de populations d’espèces aviaires, féminisation de poissons, altération de la reproduction des alligators, etc.

La notion de PE a été conceptualisée en 1991 par 21 scientifiques réunis à Wingspread (Wisconsin, USA) à l’initiative de Theo Colborn, zoologiste et épidémiologiste américaine. Il était déjà connu que des substances avaient telle ou telle action endocrine. Lors de la conférence ces phénomènes ont été regroupés et nommés. Il était alors surtout question de l’altération du développement sexuel par des produits chimiques et de l’interaction homme/vie sauvage. Depuis, le champ couvert s’est enrichi par l’identification d’un nombre croissant de dommages potentiels.

Quelle démarche pour qualifier qu’un produit est un PE ?

Dans sa rédaction, la définition du PE est simple mais elle demande en fait de caractériser trois éléments (fig. 2) :

  • la substance doit agir sur le système endocrinien ;
  • elle doit conduire à un effet nocif ;
  • et l’effet doit être causé par l'action sur le système endocrinien (le "de ce fait" de la définition).

Cette triple caractérisation ajoute encore, en termes d'essais biologiques nécessaires, à la variété des mécanismes d'action qu’il faut prendre en compte.


Figure 2 : les 3 facteurs définissant un perturbateur endocrinien

Ainsi une substance chimique interférant avec l’équilibre hormonal de l’organisme vivant résultant et conduisant à un effet néfaste pourra être qualifié de « substance de perturbateur endocrinien » sous réserve d’établir que ce lien (causal) est plausible biologiquement à partir des connaissances existantes sur la substance et son mode d’action.

Par exemple, ce lien a été établi pour diverses substances provoquant une inhibition de l'aromatase (mode d’action), impliquées dans la différenciation des gonades et conduisant à un sex-ratio biaisé (effet adverse) en faveur des mâles. Diverses populations de poissons ont vu ainsi leur nombre diminuer. Ainsi, des substances telles que le propiconazole (fongicide) présentant ce type d’effet ont été identifiées formellement comme des perturbateurs endocriniens.

Comment est-on exposé aux PEs dans la vie quotidienne ?

Quand on voit la variété des glandes endocrines, on comprend que les produits susceptibles de les perturber peuvent être très nombreux. Et, du fait des faibles quantités d’hormones mises en jeu dans tant de fonctions vitales, l’exposition à des PEs, peut avoir un impact à des niveaux très faibles.

Nous pouvons respirer, manger, boire et être en contact avec des PEs chaque jour. Ils peuvent être présents à l’intérieur de nos habitations, écoles et lieux de travail dans ce que nous mangeons ou respirons dans ces lieux ou dans l’environnement au sens large. Les études de « biomonitoring » (mesure de substances chimiques présentes dans le corps humain) ont révélé la présence de nombreux PEs chez la plupart des personnes testées, y compris les nouveau-nés.

Et l’influence des hormones variant au cours des étapes de la vie, les PEs agiront de façon différente de la conception à la vieillesse.

Une démarche européenne

Beaucoup, au sein du public ou parmi les responsables d’entreprise, associent les Perturbateurs Endocriniens à quelques produits chimiques emblématiques et quelques activités. Or il n’en est rien.

La commission européenne développe une stratégie concernant les produits chimiques (« chemical strategy »), qui vise à interdire les produits chimiques les plus nocifs dans les produits de consommation, à n'autoriser ces produits chimiques que lorsque leur utilisation est essentielle et à tenir compte de l'effet cocktail des produits chimiques lors de l'évaluation des risques chimiques. En accompagnement la commission a réalisé un bilan de qualité (« Fitness Check ») de la législation européenne concernant les perturbateurs endocriniens. Il en est ressorti de nombreux textes règlementaires comme ceux sur les produits phytosanitaires, les dispositifs médicaux, la qualité de l’eau, de l’air, etc.

Ainsi par exemple le bisphénol A (BPA) est proscrit en France depuis le 1er janvier 2015 dans la composition des contenants alimentaires (biberons, bouteilles, conserves…). En juin 2017, l’Union européenne a classé le BPA parmi les substances « extrêmement préoccupantes » du règlement REACH, en tant que perturbateur endocrinien.

En avril 2023, dans le cadre de REACH, 20 substances avaient été identifiées comme Perturbateurs Endocriniens, et 6 après analyse, comme non perturbateurs.

La liste des substances étudiées à l’ECHA, (European Chemical Agency) est consultable ici https://echa.europa.eu/fr/ed-assessment, parmi lesquelles on trouvera de nombreuses substances PE et en nombre faible des non PE (exemple acide téréphtalique).

Mais les listes à investiguer sont nettement plus longues. Par ailleurs, L’ANSES a publié en avril 2021 un guide intitulé « Elaboration d’une liste de substances chimiques d’intérêt en raison de leur activité endocrinienne potentielle – méthode d’identification et stratégie de priorisation pour l’évaluation ». L’ANSES (i) avait ainsi identifié 906 « substances d’intérêt » et la méthodologie appliquée a abouti à une liste de 16 substances prioritaires comme par exemple l’éthylbenzène). D’autres « listes » sont encore plus longues.

Comment identifier les PEs et répondre au besoin de sortir de l’univers du doute

Une situation d’incertitude pour toutes les parties prenantes

Les incertitudes sur les perturbateurs endocriniens pèsent évidemment sur les questions de santé et d’environnement. Elles pèsent aussi sur tous les acteurs, qu’ils soient producteurs primaires, utilisateurs dans leurs produits, consommateurs ou responsables des règlementations. Et ce pour une raison simple : on ne sait pas comment seront classées beaucoup de substances.

Le nombre élevé de substances suspectées mais pas encore caractérisées, et la durée des controverses traduit le cœur de la problématique. En attendant, la confiance s’effrite envers les autorités et les industriels. Il n’y a pratiquement aucune activité qui ne soit pas concernée et il faut des outils crédibles.

Une catégorisation

Les catégories de PE du règlement CLP (classification, étiquetage) sont établies en fonction du poids des preuves :

  • Substances de catégorie I : Perturbateurs endocriniens connus ou présumés pour la santé humaine lorsque des effets indésirables ont un lien plausible avec un ou des mode(s) d'action endocrinien disponibles ou, dans certains cas spécifiques, le schéma des effets indésirables peut être le diagnostic d'un mode d'action PE.
  • Substances de catégorie II : Perturbateurs endocriniens suspectés pour la santé humaine, lorsque la preuve d’une activité endocrinienne ou d’un effet indésirable n’est pas suffisamment convaincante pour classer la substance dans la catégorie 1. Il reste nécessaire d’avoir une preuve d’un lien biologique plausible entre l’activité endocrinienne et l’effet néfaste.

Un besoin criant de méthodes d’essai validées
Un ensemble complet, efficace, démonstratif, comprenant des méthodes validées pour être universellement reconnues, fait cruellement défaut. Les méthodes disponibles sont encore peu nombreuses et celles-ci ne portent en général que sur l’un des trois aspects de l’action PE. De surcroit, celles-ci nécessitent des études lourdes, longues et coûteuses (par exemple, un essai qui fait référence pour les mammifères, la ligne directrice « OCDE 443 »  (ii), peut impliquer, le sacrifice de plus de 1.000 rats, deux ans de travail et un budget de 1,3 M€).

C’est dans ce contexte que la Fondation de la Maison de la Chimie, en collaboration avec les fédérations de la chimie, de la cosmétique et du ministère de l’environnement, a investi un million d’euros sur quatre ans (2020 – 2024) dans la Plateforme Publique – privée sur la pré-validation des méthodes d’essai sur les Perturbateurs EndocRiniens, « PEPPER », pour contribuer à l’accélération des connaissances sur les PE en développant des méthodes de caractérisation robustes.


Source (6)

Pepper offre un cadre innovant pour financer la pré-validation, cette étape de fiabilisation des méthodes de laboratoire indispensable pour que les organismes internationaux puissent les inscrire dans un cadre réglementaire. Le travail consiste à identifier des nouvelles méthodes et à les faire vérifier par des laboratoires « naïfs » afin d’étoffer la boite à outils indispensables à la détection des PE. A l’issue de cette étape de pré validation, Pepper rédige les lignes directrices pour soumission à l’OCDE afin de valider ou non la méthode.

Ainsi, conçu par la France, le projet PEPPER, soutenu par un réseau international de partenaires et de laboratoires qualifiés, est donc un « accélérateur de validation » qui apporte le chaînon manquant et essentiel entre chercheurs et régulateurs et s’inscrit ainsi dans la logique européenne

Un autre article sera dédié à l’avancement des travaux de PEPPER.

Ce Zoom sur les perturbateurs endocriniens s’est très largement inspiré des textes de PEPPER (6) pour cet article.

 

 

(i) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
(ii) Ligne directrice de l’OCDE pour les essais de produits chimiques.
 

 

Pour en savoir plus
(1) Perturbateurs endocriniens. Des risques potentiels ou avérés pour la santé humaine sur le site de l’INSERM
(2) Perturbateurs endocriniens sur le site sante.gouv.fr
(3) Perturbateurs endocriniens et risques de cancer sur le site du Centre de lutte contre le cancer Leon Berard
(4) Travaux et implication de l'Anses pour mieux connaitre les perturbateurs endocriniens sur le site de ANSES.fr
(5) Perturbateurs endocriniens, ce qu’il faut retenir sur le site de l’INRS
(6) PEPPER site https://ed-pepper.eu/ et Pepper-Plaquette
 

Auteur(s) : Philippe Prudhon
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Mots-clés : matière organique, sels minéraux, nitrates, phosphates, colloïdes, émissions, roches-mères
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