Mediachimie | De la chimie pour tutoyer les étoiles ?

Date de publication : Jeudi 27 Septembre 2018
Rubrique(s) : Éditorial
Vue d'artiste de la NASA représentant Parker Solar Probe approchant le Soleil. Credits: NASA/Johns Hopkins APL/Steve Gribben

En octobre, la sonde PSP (Parker Solar Probe) va entamer sa première révolution autour de Vénus pour accélérer en profitant de l’assistance gravitationnelle et se lancer dans sa première ellipse autour du Soleil en novembre. Il convient alors de rappeler comment la chimie (1) est concernée par cette exploration historique.

« Toucher le soleil » (2) est un vieux rêve que l’humanité et les scientifiques caressent avec envie depuis Icare. Le Soleil est en effet un gigantesque laboratoire où la fusion nucléaire, la gravité géante, la physico-chimie des plasmas et les tempêtes magnétiques posent autant de problèmes physiques inexplorés qu'ils suscitent de soifs de savoirs.

La couronne solaire s’étend sur plusieurs millions de kilomètres et est composée d’hydrogène, d’hélium, de carbone et d’ions de métaux de transitions. C’est là que sont générés les vents solaires qui se déploient à travers tout notre système planétaire. La température y est d’un million de degrés Celsius, soit 300 fois la température de surface du Soleil (5500°C). C’est dans la perspective d’étudier cette couronne que la sonde PSP va s’en approcher progressivement, jusqu’à une distance de 6 millions de km en 2024 lors de sa dernière rotation. Même à cette distance qui équivaut à plusieurs fois le rayon du Soleil, la température peut avoisiner 1300°C et le rayonnement émis est 600 fois supérieur à celui que vous avez peut-être reçu sur la plage cet été (3).

La sonde PSP embarque de multiples instruments et capteurs auxquels des laboratoires et équipes de chercheurs français ont collaboré pour étudier la vitesse et la densité du vent solaire : la caméra pour visualiser des parties de la couronne, le détecteur magnétique pour étudier les champs électriques et magnétiques, le capteur pour mesurer l’énergie des particules, ions, électrons et protons issus des éruptions solaires... (4).

Par exemple, le laboratoire de physique et chimie de l’environnement et de l’espace (LCP2E) d’Orléans a réalisé et assemblé le magnétomètre à induction SCM (Search Coil Magnetometer) pour l’étude ses champs dans le plasma. Le Laboratoire de physique des plasmas (LPP) à l’École polytechnique a conçu un spectromètre assemblé aux États-Unis pour étudier les turbulences du vent solaire. L’Institut de recherche en astrophysique et planétologie de Toulouse (IRAP) est sollicité pour l’interprétation des images de la caméra.

Tous ces instruments, circuits et capteurs doivent pouvoir résister aux rayonnements et hautes températures. Les circuits électriques et une partie de l’électronique (5) sont réalisés à base de niobium et de tungstène, métaux réfractaires à hautes températures de fusion. Il faut même un bouclier protecteur de ces instruments, de 2,4 mètres de diamètre, épais de plus de 11 cm et composé de deux panneaux en fibres de carbone (6) séparés par un sandwich de mousse de carbone et, sur la face qui sera exposée au Soleil, une couche céramique blanche réfractaire et réfléchissante.

Ces équipements ont été testés au laboratoire du CNRS PROMES qui dispose à Odeillo d’enceintes sous vide pour tester des objets de grande dimension à plus de 2000°C grâce au four solaire.

Les résultats des mesures devraient pouvoir permettre de connaître les processus de la surchauffe fantastique de la couronne sous l’influence d’ondes électromagnétiques et comprendre l’origine des tempêtes de vents solaires dont les vitesses de 200 à 800 km/s ont érodés la Lune et la planète Mars (7), faisant disparaître toute trace de vie et provoquant sur notre terre des perturbations électriques et magnétiques qui peuvent avoir des répercussions dramatiques dans les télécommunications et le climat (8).

Jean-Claude Bernier
Septembre 2018

Pour en savoir plus :
(1) La chimie et l’espace
(2) Spectre et composition chimique du soleil (vidéo)
(3) De la terre au soleil (vidéo)
(4) Fusion au cœur des étoiles (vidéo)
(5) De la chimie au radar du Rafale
(6) Les nouveaux matériaux composites pour l’aéronautique
(7) De la chimie sur Mars
(8) Le changement climatique : question encore ouverte ?