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Pourquoi réduire la consommation de sel dans l'alimentation ?

C’est un problème de santé publique et aussi de chimie analytique !  Nous avons besoin de sel (chlorure de sodium de formule NaCl) pour maintenir constant notre équilibre électrolytique : c’est-à-dire les rapports entre
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C’est un problème de santé publique et aussi de chimie analytique ! 

Nous avons besoin de sel (chlorure de sodium de formule NaCl) pour maintenir constant notre équilibre électrolytique : c’est-à-dire les rapports entre les concentrations des différents ions (sodium, potassium, chlorure, calcium, magnésium, phosphate) et l’eau contenus dans notre organisme. Or on perd du sel dans l’urine et la sueur et c’est pourquoi nous devons consommer du sel. Si le sel est vital pour notre organisme un excédent de sel entraine une augmentation de la pression artérielle conduisant à des maladies cardiovasculaires et des AVC. Il est à signaler que l’organisme a besoin d’un minimum de sel pour bien fonctionner car si nous n’en absorbions pas du tout les effets de toxicité seraient les mêmes que ceux décrits lors d’une trop grande consommation. L’OMS recommande de diminuer la consommation de sel depuis une dizaine d’années pour atteindre un objectif de 30% de baisse en 2025.

Pour réduire la consommation en sel, il faut : i) diminuer la dose journalière qui est située actuellement entre 6,5 et 12,5 g de sel/jour, ii) réduire le taux de sel dans les aliments consommés, iii) réduire l’usage du sel de table, en ne dépassant pas le taux de 1,5 % en masse d’aliment, iv) abaisser l’optimum de préférence au goût en utilisant par exemple des arômes de cacahuète ou des ajouts d’herbes aromatiques (persil, basilic, origan… qui renforcent la perception du sel. Des tests sont actuellement en cours sur l’utilisation des différentes variétés de sel (sel fin, fleur de sel, sel micronisé) [1].

La saveur salée fait partie des cinq saveurs fondamentales dont l’amer, l’acide, le salé, le sucré et l’unami (qui vient du japonais : goût protéine des viandes). Leur carte de répartition n’est pas localisée dans des zones précises de la langue contrairement à une idée répandue jusque dans les années 70 [2]. La saveur salée est perçue par toutes les papilles de la langue par un mécanisme transmembranaire qui déclenche un influx nerveux transmis au cerveau nous permettant d’apprécier cette saveur. Les seuils de détection varient avec l’âge de 0,3 g/L pour les juniors à 0,8 g/L pour les seniors, sans différence observable entre les hommes et les femmes. Mais il n’y a pas que le cation sodium du chlorure de sodium qui est responsable de la saveur salée : l’ion potassium, le lithium (non consommable) et l’ion ammonium participent aussi à cette saveur. Le chlorure d’ammonium est utilisé dans les pays du Nord où les rennes sont domestiqués de cette manière car ils en raffolent !

Disposer de mesures précises de la teneur en sel de nos aliments est donc nécessaire.

Des observations qualitatives de fluorescence ont montré que le sel pénètre peu dans la viande grillée de bœuf mais assez profondément dans la chair du poulet cuit [1] .

Des mesures IRM (imagerie par résonance magnétique) issues de la résonance magnétique nucléaire (RMN) du sodium (23Na), nécessitant d’utiliser des champs magnétiques forts de l’ordre de 4,7 teslas (environ cent mille fois le champ magnétique terrestre !) permettent de doser avec une grande précision la teneur en sodium des aliments [1]. Par exemple on a pu mesurer exactement la quantité de sel dans des jambons après un séchage de plus de six mois (8 g de sel pour 55 g d’eau !) Mais cette méthode permet aussi d’obtenir une cartographie de la répartition du sel à l’intérieur des aliments (sans la destruction de cet aliment). Des carottes cuites dans des solutions classiques de cuisine ont été analysées et la concentration du sel au bord des carottes est égale à 7,2 g/L tandis qu’à l’intérieur de la carotte elle est deux fois plus faible ! Une étude plus fine des formes des spectres montre l’existence d’ions sodium libres mais aussi d’ions sodium liés aux molécules voisines contenues dans l’aliment, ce qui donne des informations sur la relation entre la saveur salée plus ou moins longue en bouche et la nature des aliments !

À noter que l’emploi du glutamate de sodium comme alternative au chlorure de sodium fait encore l’objet actuellement de travaux de recherche car il est responsable des saveurs : salée mais aussi unami !

Jean-Pierre Foulon et l'équipe Question du mois

 


Note : L’IRM du sodium est aussi utilisée avec succès pour doser les ions sodium dans le cerveau humain (travaux de recherche réalisés à l’hôpital de Marseille en 2022 !) permettant des diagnostics médicaux très précieux.

Pour en savoir plus :
[1] Comment réduire le sel dans notre alimentation ?  série de cinq conférences vidéos par H. This, C. Hugol-Gential, J.M. Bonny, T. Thomas-Danguin, J.P. Poulain, en libre accès sur le site de l’Académie de l’agriculture, séance 19/10/2022
[2] Le goût : de la molécule à la saveur, Loïc Briand, in La chimie et les sens (EDP Sciences, 2018) pp. 189-209 ; vidéo et chapitre du Colloque La chimie et les sens (22 février 2017).

 

Crédits : image d'illustration, licence CC0, PxHere

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Pourquoi utiliser de l’ammoniac ou de l’ammoniaque dans des applications domestiques ?

La molécule de formule NH3 appelée ammoniac(i) est un gaz, très soluble dans l’eau. On donne aussi le nom d’« ammoniaque » ou « solutions ammoniacales » à ses solutions aqueuses. La forme gazeuse est présente à l’état
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La molécule de formule NH3 appelée ammoniac(i) est un gaz, très soluble dans l’eau. On donne aussi le nom d’« ammoniaque » ou « solutions ammoniacales » à ses solutions aqueuses.

La forme gazeuse est présente à l’état naturel lors de la décomposition de substances protéiques. 80% de sa production industrielle par le procédé Haber-Bosch(ii) sert à la synthèse des engrais.

Pour ce qui est des applications domestiques, on trouve la solution aqueuse en magasin de bricolage, dans les rayons de produits ménagers ou sur Internet, avec les informations d’utilisations suivantes « nettoyant, décapant », « dégraisse, détache les tissus, ravive les couleurs », « nettoyer les tapis et moquettes, nettoyer les surfaces vitrées… ». Il existe aussi des mélanges prêts à l’emploi.

En ce qui concerne le nettoyage de l’argenterie, l’utilisation des solutions d’ammoniac est discutable(iii).

La solution d’ammoniac est également une des composantes utilisée pour réaliser des « frisures permanentes » sur cheveux(iv), ou dans des colorations capillaires.

Les noms rencontrés sur les étiquettes du commerce

Ammoniaque alcali 22° baumé ; ammoniaque 13° ; ammoniac 13% ; ammoniaque alcali 13 % ; alcali 13% ; ammoniaque (ou ammoniac) alcali 22° hydroxyde d’ammonium ref alcali en solution à 20% (en poids d’ammoniaque dans l’eau).

Ces noms recouvrent-ils la même chose et quelles sont les significations de toutes ces informations ?

Que se passe-t-il lors de la dissolution de l’ammoniac gazeux dans l’eau ?

Lors de la dissolution du gaz ammoniac dans l’eau il s’établit un équilibre dont l’équation bilan (A) est la suivante :

(A) NH3 (aq) + H2O (l) = NH4+(aq) + OH-(aq)

Mais cet équilibre ne produit qu’une très faible quantité d’ions ammonium NH4+. Ainsi la solution contient très majoritairement des molécules d’ammoniac hydratées. Par exemple, pour 17 g de gaz ammoniac NH3 dissout dans 1 L d’eau cela conduit à l’équilibre à avoir 99,6 % sous forme NH3,aq(v). Il se forme seulement 0,4 % sous forme NH4+ et simultanément la même faible quantité d’ions hydroxyde OH-.


Ainsi écrire que l’ammoniaque (correspondant à l’ammoniac en solution) aurait pour formule chimique NH4OH est donc inexact et source d’erreur(vi). Cette formulation date du XIXe siècle(vii).

La solution aqueuse d’ammoniac est aussi une solution basique en raison de la présence des ions OH-(viii).

Le mot « alcali » a pris plusieurs définitions au cours des siècles. En tant qu’adjectif il signifie que le produit est une base forte et donc que sa solution a concrètement un pH allant de 10 à 14 selon sa concentration(ix), ce qui est le cas de la solution d’ammoniac. En tant que nom, « l’alcali » ou « alcali volatil » est synonyme de solution d’ammoniac. Ce terme est toutefois désuet.

Pourquoi l’ammoniac peut-elle retirer des taches de couleurs ?

L’ammoniac NH3 peut donner des complexes en s’associant aux molécules responsables de la tache et ainsi « l’encapsuler » ou faire passer sous forme ionique un colorant qui sera alors soluble dans l’eau. Son caractère basique participe aussi au processus de dégraissage.

Ces propriétés étaient utilisées dès l’Antiquité ! À Pompéi et dans la Rome antique il existait des ateliers de foulonnerie où l’on nettoyait les vêtements des dignitaires. Le linge était foulé avec les pieds par des esclaves dans des bacs contenant des argiles et de l’urine humaine récoltée dans la ville. En effet l’urine contient de l’urée qui se transforme en ammoniac grâce à une enzyme uréase (naturellement présente dans l’urine) selon :

(NH2)2CO (urée) + H2O → CO2 + 2 NH3


Précautions à prendre dans un usage domestique(x)

En raison de son caractère basique, il est conseillé d’utiliser des gants lors de la manipulation d’une solution aqueuse d’ammoniac et d’éviter le contact avec les yeux et les muqueuses.

L’odeur caractéristique de l’ammoniac ne vous échappera pas ! Au moment de manipuler ce produit il est vivement conseillé d’ouvrir les fenêtres pour aérer la pièce et d’éviter de respirer les vapeurs.

Ne pas stocker ni manipuler le produit près d’une source de chaleur, car NH3 dissous peut facilement redonner de l’ammoniac gazeux s’échappant du flacon.

Ne pas stocker la bouteille d’ammoniac à proximité d’une bouteille d’acide chlorhydrique (éventuellement possédée comme détartrant). En effet les vapeurs de NH3 comme celles de chlorure d’hydrogène (HCl) pouvant s’échapper des flacons donneront des cristaux blancs de chlorure d’ammonium(xi), qui se déposeront sur les bouchons. On peut observer que les grandes surfaces ne respectent pas toujours ces règles de stockage !

Dans diverses circonstances vous pouvez identifier la présence d’ammoniac. Par exemple :

  • L’ammoniac apparait dans des processus de fermentation réalisés dans l’industrie agroalimentaire. Ainsi les caves d’affinage du Comté se distinguent par une forte odeur due à des vapeurs d’ammoniac(xii).
  • Le Hákarl, plat traditionnel de l'Islande obtenu par fermentation de chairs de certains requins, a une odeur très forte due à la transformation in fine de l’urée en ammoniac, comme vu pour les urines grâce à l’action de l’uréase. La chair du poisson passe alors d’un pH 6 à un pH 9.
  • L’émanation de l’ammoniac gazeux a lieu également si on laisse vieillir trop longtemps certains fromages ou certains poissons et est associée de façon générale aux processus de putréfaction.

Pour en savoir plus sur la concentration des solutions vendues

Pour les étiquettes indiquant un pourcentage, il s’agit du pourcentage massique(xiii) correspondant au rapport entre la masse de la quantité d’ammoniac introduite(xiv) dans l’eau sur la masse totale de la solution obtenue. Donc l’information « solution à 13% » signifie que 100 g de solution contient 13 g de NH3.

Qu’est-ce que le degré Baumé ?

Il est étonnant de trouver encore une information en degré Baumé, unité exclue des unités légales françaises depuis 1961. À 20 °C, la correspondance entre la densité et les degrés Baumé (noté B) pour les liquides moins denses que l'eau (densité < 1) est : d = 140 / (B + 130). Cela donne pour la solution d’ammoniac à 22° d = 140/(22+130) = 0.921 et donc une masse volumique(xv) de 0,921 kg/L.

Les étiquettes au laboratoire de chimie

Dans les laboratoires de chimie l’étiquette indique un pourcentage massique, P, une masse volumique ρ en g par litre (g.L-1) et une masse molaire M en g par mole (g.mol-1). Ces 3 données permettent de déterminer la concentration molaire en ammoniac, [NH3,aq], exprimée en mol par litre (mol.L-1) ; la relation à utiliser est C = P* ρ /M où bien sûr la masse molaire de l’ammoniac est M = 17 g.mol-1 et non 35 g.mol-1, comme on le trouve de façon erronée sur certains flacons, sur des sites Internet grand public et même sur la fiche officielle associée à son numéro CAS(xvi) ! Cette masse molaire erronée provient de l’hypothèse fausse que l’ammoniaque aurait pour formule NH4OH(xvii).

Conclusion

Si l’ammoniac est connu depuis l’Antiquité par ses usages qui perdurent et satisfont les consommateurs, son identification ne date que de la fin du XVIIIe siècle et est due à Claude Louis Berthollet(xviii).

Et qu’en est-il des dénominations ammoniac ou ammoniaque et des formules chimiques NH3 ou NH4OH associées ? Cette chronique illustre que la chimie est une science étudiant des phénomènes complexes à modéliser dont l’interprétation ne fait pas nécessairement l’unanimité et évolue en fonction des connaissances.

Lydie Amann et Françoise Brénon et l’équipe question du mois

 

 

(i) du grec Ammoniakon, « de Ammôn », nom grec d'Amon, dieu égyptien, car on extrayait près du temple d’Ammon en Lybie un minerai nommé salmiac, qui libérait ce gaz. Le salmiac contient du chlorure d’ammonium NH4Cl.

(ii) Consulter Comment fabriquer des engrais avec de l'air ? La synthèse de l'ammoniac

(iii) Pour l’argenterie, le noircissement de l’argent étant lié à la formation de sulfure d’argent très stable, l’ammoniac ne suffit pas à le détruire par complexation. Pour en savoir plus :  Nettoyer l’argenterie par « une recette de grand-mère » : comment ça marche ?

(iv) Pour en savoir plus Pourquoi ça frise ou ça défrise ?

(v) Ce calcul résulte de la valeur de la constante d’équilibre


 

On notera que 17 g de NH3 correspond à 1 mol d’ammoniac soit environ la dissolution de 25 L de gaz à température ambiante.

(vi) Voir la bonne définition du Larousse https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ammoniaque/2936

(vii) On lira avec intérêt cet article du Chemical Education Why We Are all Using a Nonexistent Substance: NH4OH

(viii) L’acidité et la basicité d’une solution aqueuse sont mesurées sur une même échelle par le pH, grandeur reliée à la concentration en ions H+aq par pH = - log[H+aq].

Les concentrations en H+aq et OH-aq étant toujours liées par la relation [H+aq] * [OH-aq] = Cte. On considère qu’une solution est basique si son pH est supérieur à 7 et acide si pH <7.

(ix) En prenant le même exemple que précédemment (cf. note v), le pH de cette solution vaut 11,6.

(x) On peut consulter la fiche de toxicologie de l’ammoniac sur le site de l’INRS ici.

(xi) La réaction mise en jeu est : HCl (gaz) + NH3 (gaz) → NH4Cl (s). À ce sujet consulter l’anecdote historique La chimie contre les mauvaises odeurs.

(xii) La teneur en ammoniac dans l’air y est de l’ordre de 23 ppm (partie par million en volume dans l’air (mL/m3) d’après le CIGC - Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté).

(xiii) Pourcentage massique :

(xiv) Compte tenu de l’équilibre (A) très peu déplacé, la masse d’ammoniac introduite est quasiment égale à la masse de NH3(aq) à l’équilibre.

(xv) La masse volumique se calcule par la relation ρ = d*ρ(eau) sachant que ρ(eau) = 1 kg/L

(xvi) Le numéro CAS de la solution aqueuse est : 1336-21-6 et celui du gaz est 7664-41-7.
Il s’agit de son numéro d'enregistrement unique auprès de la banque de données de Chemical Abstracts Service.

(xvii) Exemple : Le chimiste dans son laboratoire prend une bouteille et étudie l’étiquette pour en connaitre les caractéristiques. Il lit par exemple : P = 28%  ρ = 0,90 kg/L  et M = 35,05 g/mol. Une autre bouteille donne les mêmes informations sauf au niveau de la masse molaire M = 17 g/mol.
Or, l’expression de la concentration molaire exprimée en mol /L a pour expression : C = P* ρ /M .
Ainsi, l’application numérique pour la bouteille 1 donne donc C voisine de 7,2 mol. L-1 et pour la bouteille 2 de 15 mol. L-1, le facteur 2 provenant du facteur 2 entre les 2 masses molaires. Pourtant les dosages acido-basiques de ces 2 solutions montrent que chacune des 2 bouteilles a une concentration en ammoniac NH3 voisine de 15 mol/L. L’erreur provient du fait que l’ammoniaque est assimilée à l’hydroxyde d’ammonium NH4OH en solution (d’où M = 14 + 16 + 5 = 35 g.mol-1) ce qui est erroné comme l’a montré l’étude de l’équilibre de dissolution dans lequel l’ammoniac reste essentiellement sous la forme NH3(aq).

(xviii) voir Berthollet et la découverte de la composition de l’ammoniac

 

Crédits illustration : DR. F. Brénon pour Mediachimie

- Éditorial

Des Nobels de chimie pour la chimie click !

L’américain Barry Sharpless (pour la seconde fois après ses travaux sur la catalyse en particulier de réactions stéréospécifiques d’époxydation, couronnés par le Prix Nobel en 2001 !), le danois Morten Meldal et
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L’américain Barry Sharpless (pour la seconde fois après ses travaux sur la catalyse en particulier de réactions stéréospécifiques d’époxydation, couronnés par le Prix Nobel en 2001 !), le danois Morten Meldal et l’américaine Carolyn Bertozzi ont reçu le Prix Nobel de Chimie le 5 octobre 2022 pour « le développement de la chimie click et de la chimie bio-orthogonale » selon le communiqué de l’Académie Royale de Suède.

Qu’entend-on par chimie click ?

Il s’agit d’un concept simple envisagé par B. Sharpless au début des années 2000 : faire réagir deux molécules pour créer une liaison robuste, comme une ceinture de sécurité fait avec un « clic », pour reprendre la formulation du comité Nobel ; par exemple des réactions de cycloaddition mettant en jeu des molécules dipolaires 1-3 (les charges positives et négatives sont réparties sur trois atomes adjacents).

Parallèlement M. Meldal découvrait par hasard une réaction de cyclisation entre un alcyne (molécule à triple liaison carbone-carbone) avec une molécule dipolaire spécifique l’azoture (molécule à trois atomes d’azote) (i).Il généralisa alors en fonctionnalisant deux molécules l’une avez une extrémité azoture et l’autre avec une extrémité alcyne conduisant à des produits de cycloadditions variés. La réaction nécessite l’emploi d’un catalyseur à base de cuivre. Le rendement est quantitatif si on rigidifie l’alcyne dans une structure cyclique (cyclo-octyne) (ii).

Mais l’élément cuivre n’est pas très compatible avec des réactions dans les milieux biologiques in vivo et c’est là que C. Berzotti proposa en 2003 de fixer sur une molécule polymère de polysaccharide la partie azoture ce qui conduit à la réaction de cyclisation sans nécessité d’employer le catalyseur au cuivre !

Ce sont des réactions quantitatives (100% de rendement), rapides, très sélectives et surtout sans sous-produit ce qui correspond bien aux douze commandements de la chimie verte ! Elles sont souvent réalisées dans l’eau (donc pas de problème de toxicité ici !) et à température ambiante ou jusqu’à 37°C (température des êtres humains bien sûr !).

Qu’entend-on par chimie bio-orthogonale ?

C’est Carolyn Berzotti qui a introduit ce concept en 2003 et il faut comprendre par là qu’il s’agit de l’ensemble des réactions conduisant à la formation ou la rupture de liaisons au sein des milieux biologiques sans interagir (c’est le sens particulier du mot orthogonal ici !) avec les fonctions chimiques présentes dans des milieux complexes : intracellulaire, le sang ou même jusqu’à l’organisme tout entier. C. Bertozzi avec son équipe a généralisé la réaction entre des azotures et des alcynes greffés sur toutes les molécules type sucres d’un organisme vivant tels que les modèles du poisson-zèbre ou la souris en ajoutant sur les molécules des groupes fluorescents permettant de suivre l’évolution réactionnelle.

Cependant peu de réactions synthétiques sont vraiment bio-orthogonales et peuvent être réalisées dans un animal. Les réactions les plus courantes sont justement les cycloadditions entre les azotures et les cyclo-octynes !

La chimie bio-orthogonale peut alors conduire par ces réactions click à i) fonctionnaliser des matériaux tels que les NTC (nanotubes de carbone) ou des polymères pour créer des propriétés adhésives par exemple ii) des nouvelles stratégies thérapeutiques en construisant des médicaments in vivo et en contrôlant leur vitesse de libération dans des organes malades bien ciblés telles que des cellules cancéreuses.

Jean-Pierre Foulon
8 octobre 2022

 

(i) L’azoture a pour formule globale N3- et pour représentation

   (Wikimedia, domain public)

(ii) Cyclo-octyne

    (Wikimedia, domain public)
 

Illustrations et schémas disponibles sur http://nobelprize.org/
© Johan Jarnestad/The Royal Swedish Academy of Sciences

 

 

 

Pour en savoir plus
(1) Deux articles du numéro spécial de chemiobiologie de l’Actualité Chimique n° 468 de décembre 2021 :

(2) Reprogrammation de la réactivité du fer dans le cancer,  R. Rodriguez, article et conférence, colloque Chimie et Nouvelles thérapies du (13 novembre 2019)

 

Illustrations :

Portraits Carolyn R. Bertozzi, Morten Meldal, K. Barry Marshall © Nobel Prize Outreach. Ill. Niklas Elmehed. 

Autres illustrations © Johan Jarnestad/The Royal Swedish Academy of Sciences

- Événements
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Fête de la science 2022

La Fête de la science 2022 se tiendra en France métropolitaine du 7 au 17 octobre et en Outre-mer et à l'international du 10 au 27 novembre sur la thématique du « Réveil climatique ». Mediachimie.org accompagne cette fête
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La Fête de la science 2022 se tiendra en France métropolitaine du 7 au 17 octobre et en Outre-mer et à l'international du 10 au 27 novembre sur la thématique du « Réveil climatique ». Mediachimie.org accompagne cette fête et vous propose une sélection de ressources en relation avec cette thématique.

Découvrez les vidéos de la série « Des Idées plein la Tech » qui vous invitent dans des laboratoires de centres de recherche et d'entreprises innovantes :

Amusez-vous en testant vos connaissances avec nos QUIZ :

Vous vous posez la question : « Comment la chimie et ses métiers peuvent-ils contribuer à la lutte contre le changement climatique » ? Vous trouverez des réponses dans l’espace métiers :

Découvrez aussi des fiches Grand oral pour le Bac, issues du partenariat Nathan / Mediachimie qui abordent ce sujet :

La Fête de la science, ce sont également des milliers d'animations gratuites, partout en France. Les activités proposées par chaque région de France et d’Outre-mer sont consultables sur le site https://www.fetedelascience.fr/

 

Illustration : Capture écran. Twitter @FeteScience

- Événements

Objectifs de l’UdPPC

Les objectifs de l'Union des professeurs de physique et de chimie sont de : Étudier et améliorer les conditions de l’enseignement des sciences physiques et chimiques Rassembler et diffuser toutes informations d’ordre
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Les objectifs de l'Union des professeurs de physique et de chimie sont de :

  • Étudier et améliorer les conditions de l’enseignement des sciences physiques et chimiques
  • Rassembler et diffuser toutes informations d’ordre pédagogique ou technique relative à cet enseignement

 

Actions et agenda

  • Congrès national des professeurs de physique et de chimie (Lille : 2 au 5 novembre 2022 ; Clermont-Ferrand en 2023 et Brest en 2024)
  • Journée des correspondants collège (visioconférence : mercredi 9 novembre 2022 - 14h à 15h30)
  • Demi-journée nationale collège proposée à tous les collègues adhérents et non-adhérents (En visioconférence : samedi 25 mars 2023 - 13h / 16h30) sur le thème « Enseigner l’esprit critique au collège… et au lycée ».
  • Réunion des correspondants enseignement technologique (visioconférence : samedi 10 décembre 2022)
  • Olympiades de physique France (OdPF) (finale Université Lyon 1 : vendredi 27 et samedi 28 janvier 2023)
    Olympiades nationales de la chimie (ONC) – 39es Olympiades nationales de la chimie (Thème : « Chimie et cosmétique »)
    • Deux concours :
      Scientifique (Saint-Maur-des-Fossés : mardi 23 et mercredi 24 mai 2023)
      Parlons chimie (Saint-Maur-des-Fossés : mercredi 24 mai 2023)
    • Remise des prix-Paris : jeudi 25 mai 2023)
  • Journées académiques

 

Ressources proposées