Le vin est obtenu à partir de jus de raisins issus des vendanges et contient des sucres qui, par fermentation réalisée par des levures, produisent de l’alcool. Le « vin sans alcool » officiellement appelé « boisson à base de vin désalcoolisé » est un type de vin fabriqué de manière à ne contenir que de très faibles taux d’alcool. Il ne faut pas le confondre avec le jus de raisin qui est une boisson non fermentée ! Dans L’Union européenne la législation fixe à 7% (i) le taux maximum d’alcool pour avoir ce label. Pour réduire le taux d’alcool, on peut d’abord utiliser des cépages contenant moins de sucre, comme le gewürztraminer ou le muscat pour les raisins blancs, et la syrah ou le merlot pour les vins rouges. On peut aussi utiliser des levures conduisant à des vins moins riches en alcool. Enfin, on peut aussi enlever une partie de l’alcool du vin, et pour cela trois grandes méthodes sont actuellement utilisées.
La distillation sous pression réduite
Pour faire simple, la distillation est basée sur le fait que l’alcool est plus volatil que l’eau et s'élimine préférentiellement lors du chauffage. La pression réduite provoque une diminution de la température d’ébullition, ce qui évite de trop chauffer le vin, ce qui altérerait les propriétés organoleptiques. Le premier brevet de vin désalcoolisé fut déposé en 1908 par Carl Jung en Allemagne sur ce principe. Aujourd’hui, on utilise des colonnes en « acier inox » à garnissage contenant des éléments métalliques disposés en vrac. La pression de l’ordre de 220 mm Hg (0,3 bar environ) permet de ne pas dépasser la température d’ébullition de 30°C (au lieu de 78°C sous pression atmosphérique) ce qui permet d’obtenir un vin ne dépassant pas 7% d’alcool. Si l’on veut abaisser le taux à des valeurs plus basses, il suffit de diminuer la valeur de la pression. La méthode est économique et écologique (peu d’eau de refroidissement utilisée).
La technique de l’osmose inverse
Schématiquement, elle permet de séparer, à travers une membrane spécifique de microfiltration sous une pression supérieure cette fois à la pression atmosphérique, l’alcool et l’eau des autres composés du vin. L’osmoseur est en « acier inox » et les membranes utilisées sont enroulées en spirale, ce qui permet d’atteindre des débits de 1000 L/h. On obtient à l’issue de cette filtration l’eau et l’alcool, et la partie non filtrée contient les molécules dites organoleptiques. Pour diminuer le taux d’alcool à la valeur souhaitée, on réalise ensuite, comme précédemment, une distillation du mélange eau-alcool pour éliminer l’alcool (voir figure 1). À la fin on ajoute les autres composés qui n’ont pas été filtrées par osmose. Cette technologie est plus douce que la précédente et sert de protocole de référence pour les études médicinales des vins désalcoolisés. Elle est réservée plutôt aux vins blancs.
Figure 1 : Couplage OI ou NF avec soit la distillation soit un contacteur à membrane. (OI = osmose inverse ; NF = NanoFiltration).
Source : https://lavigneetlevinwordpresscom.wordpress.com/partie-ii/
La technique à cônes rotatifs
Elle utilise le principe de distillation sous pression réduite réalisée cette fois dans des colonnes en « acier inox » avec des ailettes fixées alternativement sur la paroi et sur l’arbre de rotation. La rotation entraîne la formation d’un film continu de liquide tout le long de la colonne. Le temps de séjour du liquide dans la colonne est de 20 secondes, ce qui permet à des colonnes industrielles d’avoir un débit de 100 L/h. Cette technologie est très efficace et permet de désalcooliser un vin jusqu’à une teneur de 0,02 % en alcool (voir figure 2) .
Figure 2 : Description succincte du procédé utilisant une colonne à cônes rotatifs.
Le liquide progresse, cône par cône, du haut vers le bas de la colonne en s’appauvrissant en alcool.
Schéma construit à partir de la page dédiée de la société Flavourtech(ii).
En conclusion, la consommation mondiale du vin sans alcool devient à la mode, elle augmente de 10 % par an et le chiffre d’affaires a dépassé les 5 milliards de dollars en 2024. Les vins « bio » sans alcool pourront aussi être autorisés par l’Europe sans doute à partir de 2025.
Pour en savoir plus sur les règles relatives et l'étiquetage des vins désalcoolisés on peut consulter le site du ministère de l’Économie et des Finances(iii).
Jean-Pierre Foulon
(i) Il s’agit d’un pourcentage volumique. Ainsi dans 100 mL d’un vin à 7% d’alcool il y 7 mL d’alcool.
(ii) https://flavourtech.com/products/spinning-cone-column/
(iii) Désalcoolisation des vins – quelles sont les règles relatives à l’élaboration et à l’étiquetage des produits ? sur le site du ministère de l’Économie et des Finances.
Crédit illustration : NartGraphic / Adobe Stock
Les internationaux de tennis de France ont commencé et la petite balle jaune (1) va subir des frappes par des raquettes de plus en plus performantes et des rebondissements sur la terre battue, symbole incontournable de Roland-Garros.
La balle jaune
Rappelons que c'est une petite sphère de 57 grammes et de 6,5 centimètres de diamètre qui, lors des 4 millièmes de seconde de contact avec le tamis, se transforme en une galette de 2 centimètres d'épaisseur. Il faut donc qu'elle ait une fameuse élasticité. C'est pourquoi le cœur de la balle de tennis est constitué de deux hémisphères de caoutchouc naturel (2) d'épaisseur de 2 à 6 millimètres, vulcanisé avec du soufre et moulés à chaud avec des durcisseurs. Une fois ces deux coques collées par un adhésif élastomère, elles sont contrecollées par des bandes de feutre à base de fibres de coton, laine et nylon (3) et traitées pour être rendues hydrophobes. Ce feutre est de couleur jaune fluo, la couleur optique la mieux visible à l'œil nu et à la télévision.
Une balle de compétition homologuée, lâchée d'une hauteur de 2,54 m (100 inches), doit rebondir à une hauteur comprise entre 135 et 147 cm. Pour donner plus de dureté et plus de rebond, les fabricants mettent de l'air ou de l'azote sous pression à l'intérieur de la balle. L'enveloppe n'étant pas totalement étanche, les balles sont changées tous les neuf jeux par précaution dans les grands tournois.
Plus de 60 000 balles sont utilisées durant le tournoi de Roland-Garros. Détail quasi écologique, une société britannique HearO recycle les balles du tournoi de Wimbledon, destinées à la poubelle, en enceintes connectées Bluetooth équipées d'un haut-parleur. Parfois agrémentées de la signature d'un grand champion, elles vont sûrement devenir « collector ».
La raquette
En tennis la raquette est constituée d'un cadre sur lequel sont tendues des cordes souvent en nylon avec une tension du cordage(i), exprimée en kilogrammes, qui monte en fonction du classement du joueur ! Si pour nous elle est d'une dizaine de kilogrammes, pour de grands joueurs comme Nadal ou Djokovic elle peut atteindre 20 à 30 kg ! C'est dire que le cadre doit être particulièrement solide. Il y a longtemps qu'on a abandonné le bois et les cordes en boyau. Maintenant, le cadre est en matériau composite (4) associant une résine polyester et des fibres de carbone. La conception est très soignée car la raquette ne doit pas vibrer au bras du joueur qui serait alors victime rapidement d'un « tennis elbow ».
On modélise une raquette idéale via une image numérique sur ordinateur en prenant en compte les caractéristiques physiques, centre de gravité, poids, tenue du manche… qui vont être cruciales au moment de l'impact de la balle sur le tamis. La miniaturisation des capteurs électroniques permet à certaines raquettes d'entraînement de transmettre la force appliquée, le lift, l'amorti, le smash sur ordinateur ou sur smartphone. Mieux encore pour l'entraînement, un compétiteur inattendu s'invite sur les courts : mis au point par T-Apex, une société américaine, le robot lanceur Tenniix, d'une capacité de 100 balles, est capable de suivre un adversaire à un rythme dément. Doté d'intelligence artificielle, il peut tourner à 360° avec des tirs croisés ou du même côté, faire des lobs jusqu'à plus de 8 mètres, des engagements à 120 km/h, alors que la force transmise à la raquette par des professionnels peut propulser la balle à des vitesses qui dépassent parfois 200 km/h. On peut lui adjoindre un système d'écoute qui lui permet de savoir où est son adversaire. Si de cette façon on peut se passer d'un « sparring partner(ii) », on ne fera pas l'économie d'un ramasseur de balles !
Le sol du terrain
La couleur ocre des terrains de Roland-Garros est caractéristique des tournois méditerranéens. À Paris, le terrain des courts est composé de couches successives : d'abord une couche de cailloux de 30 cm parsemée de drains pour l'élimination de l'eau, recouverte d'une couche de mâchefer (silicates mixtes Ca/Fe) de 7 à 8 cm, puis d'une couche de calcaire broyé (CaCO3) de 7 cm et enfin une couche de brique pilée rouge de 2 mm en surface.
Cette surface extrêmement sophistiquée est dite lente par rapport au gazon ou aux revêtements plastiques. Elle permet des échanges plus longs avec des lifts, des slices ou des amortis et demande une bonne maîtrise des glissades sur terre battue.
L'entretien des sols est primordial : le matin, débâchage et balayage ; entre chaque set, passage d'un filet et balayage ; et à la fin des matchs, filet, balayage et arrosage. Lors des pluies, le bâchage du court est nécessaire. Au total, c'est près de 100 personnes qui sont dévolues à l'entretien des courts durant les 3 semaines du tournoi.
Le toit
Pour éviter les pauses intempestives lors d'averses ou de pluies où les joueurs et le public sont contraints de s'arrêter et d'attendre, après le court principal Philippe-Chatrier, c'est le court Suzanne-Lenglen qui a été couvert en 2024. En hommage à cette championne élégante qui jouait dans les années 30 avec une jupe plissée blanche, l'architecte Dominique Perrault a voulu un toit rétractable en toile blanche plissée qui se déploie sur toute la longueur du court. Il a fallu des travaux gigantesques qui se sont étalés sur 3 ans avec une base de 4 massifs de béton reposant sur 70 micropieux. La charpente culmine à 16,5 mètres et le poids total de la structure-support en acier est de 1.200 tonnes. 76 moteurs électriques déploient en moins de 15 minutes les 19 modules de toile tendus en forme de V pour couvrir une surface d'environ 4.200 m2. La toile blanche en PTFE (polytétrafluoroéthylène) (5) allie à une bonne transmission lumineuse, une bonne protection aux intempéries, une bonne résistance au froid et à la chaleur, une excellente robustesse et lui permet de résister aux pliements et repliements répétés.
Alors, bon tournoi ! Vibrez bien lors des matchs, encouragez les joueurs et les joueuses, soit sur les gradins si vous êtes à Paris, soit devant l'écran, suivez la balle jaune et rappelez-vous bien que dans l'air, sur la raquette, sur le sol, elle promène toujours un peu de chimie.
Jean-Claude Bernier et Françoise Brénon
29 mai 2025
(i) La tension de cordage correspond au poids nécessaire pour tendre la corde de part et d’autre du cadre de la raquette. La tension de cordage s’exprime dans le monde du tennis en kg.
(ii) sparring partner = partenaire d'entraînement
Pour en savoir plus
(1) La petite balle jaune, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
(2) L’élasticité du caoutchouc, G. Weill, BUP n°639 (1981) p. 321-327
(3) La grande aventure des polyamides, J.-C. Bernier et R. A. Jacquesy, L’Actualité Chimique n° 360-361 (février-mars 2012) p. 11-12
(4) 4.a. Les matériaux dans le sport, (r)évolutionnaires ! P. Bray, O. Garreau et J.-C. Bernier, Chimie et… en fiches (collège) (Mediachimie.org)
4.b. Les matériaux composites dans le sport, Y. Rémond et JF. Caron, La chimie et le sport, EDP Sciences (2011) p. 195
4.c. Le rôle des matériaux composites dans les performances sportives, Y. Rémond, Colloque Chimie et Sports en cette Année Olympique et Paralympique (février 2024)
4.d. Les matériaux de la performance C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, La chimie dans le sport, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences (2014)
(5) Polytétrafluoroéthylène/ PTFE, Produits du jour de la Société Chimique de France
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La première révolution industrielle a commencé en Grande-Bretagne au XVIIIe siècle. L’ingénieur Gabriel Jars voyage à travers l’Europe afin de rechercher les innovations des procédés métallurgiques. Il lie théorie et pratique en rédigeant des comptes rendus et en mettant en œuvre ces techniques au Creusot dans une usine qui existe toujours.
Vidéo du mois : Gabriel Jars et la métallurgie
La manipulation et le stockage des substances chimiques répondent à des règles strictes et pour cela il est essentiel de les caractériser.
En fonction des propriétés physico-chimiques et des propriétés toxicologiques et éco-toxicologiques, les substances sont classées et étiquetées suivant des critères et symboles définis au niveau européen par le règlement CLP (Classification, Labelling, Packaging ou Classification, étiquetage et emballage) en cohérence avec le Système Général Harmonisé (SHG) reconnu internationalement. […]
Accédez au Zoom sur le classement des substances chimiques en fonction des dangers associés
Crédit illustration : Image par Denny Franzkowiak / Pixabay
Il y a quelques années, de nombreuses critiques relatives aux déplacements en avion avaient même appelé au boycott des déplacements aériens. Ces critiques n’étaient pas dénuées de fondement puisque par passager et par kilomètre en avion l’émission était de 140 g de CO2 à comparer aux 3,2 g par TGV. Cela avait amené des États à souhaiter supprimer un certain nombre de vols domestiques lorsque la liaison par rail était tout aussi rapide. Face à ces mesures, paradoxalement, les experts de l’aéronautique prévoyaient au contraire une augmentation du trafic mondial confirmé lors de l’après-COVID avec des chiffres sans appel de 8 milliards de passagers attendus en 2040 contre 4,4 milliards en 2019, et l’arrivée de 40 000 avions neufs dont plus de 18 000 pour remplacer les appareils en fin de vie.
Au niveau mondial, le secteur aérien contribue à quelque 3% des émissions de CO2 (1). Dans un élan louable avant 2020, les 193 États de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), se donnaient comme objectif 0% d’émission en 2050. En 2023, cette même organisation était d’accord pour réduire de 5% les émissions d’ici 2030, en recourant au remplacement du kérosène issu du pétrole par des carburants durables appelés SAF (pour Sustainable Aviation Fuels). Pour sa part, dans la foulée, la Commission européenne dans sa directive « ReFuelEU Aviation » souhaitait que les compagnies de transport aérien incorporent des quantités croissantes de SAF dans le kérosène, 2% en 2024 et 6% en 2030. Bémol en 2025 : l’A4E, association regroupant les principales compagnies aériennes européennes, a tenu le 27 mars à Bruxelles une conférence de presse pour contester ces objectifs européens d’incorporation et dénoncer le calendrier irréaliste compte tenu des faibles quantités de SAF disponibles et de leur prix 3 à 4 fois plus cher que le kérosène. Est-ce un nouveau coup de boutoir contre les règles environnementales européennes face à la concurrence internationale ? Essayons d’y voir clair et quelles sont les pistes d’économie ?
Le poids
Faire voler un plus lourd que l’air ce n’est pas facile, il faut de l’énergie pour le faire décoller et voler sur de longs parcours. Quelques dizaines de kilogrammes en moins permettent d’économiser des litres de carburant. Le remplacement progressif de l’aluminium et des métaux (2) par les matériaux composites en polyesters et fibres de carbone comme dans l’A350 d’Airbus où ces matériaux représentent plus de 50% du poids permet d’économiser environ 20% de la consommation (3). Le remplacement du métal des structures des 156 sièges par un alliage de magnésium sur un A319 permet de gagner plus de 500 kilogrammes. EasyJet a fait repeindre une partie de sa flotte avec une peinture ultra légère ne nécessitant plus de nombreuses couches et permettant l’économie de 1300 tonnes de carburant. Cette même compagnie EasyJet a aussi une politique tarifaire pour les bagages et qui consiste à faire payer plus au-delà d’un certain poids et taille. « Voyager léger », c’est le slogan.
Plus sérieux, la fabrication additive des pièces complexes en composite et le remplacement des polymères thermodurcissables par des thermoplastiques recyclables et surtout permettant de souder ces pièces en évitant l’usage de rivets en métal est un progrès. Le couplage de ces nouvelles méthodes de fabrication permettrait encore une réduction supplémentaire de 6% de la consommation.
Les moteurs
On est assez loin pour l’aviation civile du moteur à pistons et à hélice. L’essentiel des flottes long courrier est équipée de turboréacteurs dont les dimensions ont progressé avec leur puissance. Le leader de la construction de ces moteurs est un franco-américain GE Aviation/Safran qui équipe la plupart des nouveaux avions de ligne Airbus et Boeing (4). Ces moteurs comprennent une soufflante qui comprime l’air à l’avant d’une turbine de combustion avec des pales tournant à très haute température (1200°C) en alliages spéciaux et bientôt en CMC (composites céramiques). Les moteurs CFM 56 des Boeing 747 ont été remplacés par les moteurs LEAP pour l’A320 et Boeing737 permettant d’économiser 25% de carburant. Le dernier, le CFM Rise qui sera opérationnel en 2030, comporte déjà de nombreuses pièces fabriquées en 3D, des pales de soufflantes en composites carbone et des aubes de turbines en céramiques composites. Il sera révolutionnaire dans la mesure où les pales de la soufflante ne seront plus carénées et apparaîtront comme des hélices en avant du turboréacteur. Il devrait permettre un meilleur rendement capable d’économiser encore 20% de plus.
Si sur un gros 747, on estimait par passager la consommation à 3 L/100 km sur un A320 à environ 2,8 L/100 km et sur un A350 à 2,5 L/100 km dans les futurs avions avec le nouveau moteur CFM Rise on devrait être aux environs de 2 L/100 km dépendant bien sûr de la taille de l’avion et du nombre de passagers. Safran Electrical & Power vient en février d’obtenir la certification par l’EASA de son moteur électrique ENGINeUS 100 qui est un concentré d’innovation avec l’électronique de puissance qui contrôle son fonctionnement. Autre atout, sa compacité : il affiche une puissance de 125 kW avec un rapport poids puissance de 5 kW/kg. Il est produit à Niort (79) et au Royaume-Uni à un rythme qui sera de 1000 unités par an et s’adapte bien à l’aviation légère 100% électrique pour 1 à 3 passagers, aux avions hybrides pour 19 passagers, etc. (5) Déjà plus de huit compagnies ont passé commande.
Les carburants alternatifs
Les carburants d’aviation durable (Sustainable Aviation Fuel, SAF) neutres en carbone, peuvent être produits suivant 4 grands procédés chimiques (6) :
- les procédés oléochimiques de transformation des huiles végétales, animales, usagées ou non, par hydrogénation (HEFA)
- les procédés biochimiques transformant le sucre en éthanol (ATJ)
- les procédés thermochimiques par gazéification des déchets organiques et Fischer-Tropsch (FT)
- les procédés synthétiques à partir de CO2 et hydrogène (Fischer-Tropsch ou méthanol)
Dans tous les cas les SAF doivent être certifiés par les organismes internationaux de normalisation ASTM pour une utilisation sûre dans le domaine aérien et par l’OACI.
Pour l’instant, en 2025 en France, la voie Fischer-Tropsch est étudiée par Elyse Energy à partir de déchets lignocellulosiques du bois et hydrogénation, la voie ATJ à partir du sucre et de cellulose par Futurol et Global Energy permet d’obtenir un SAF qui a été testé en mars par Safran Aircraft. Seul le procédé HEFA est arrivé au stade industriel notamment en Europe par les sociétés Neste et TotalEnergies. Avant que la bioraffinerie de Grand-Puits soit mise en service en 2025, TotalEnergies jongle sur plusieurs sites, avec la raffinerie de La Mède (13) où arrivent les graisses animales et huiles usagées. Elles y sont prétraitées puis hydrogénées grâce à l’hydrogène venant de l’unité de reformage voisine, puis passent dans l’unité d’isomérisation. Pour séparer le carburant pour l’aviation, il manque un étage de distillation à la Mède, donc le HVO part en Normandie à Oudalle (76) pour obtenir le SAF propre qui est ensuite envoyé à Bordeaux (33), d’où partent les citernes alimentant les aéroports. Ce SAF n'est pas encore complétement neutre en carbone car il y a encore 25% d’huiles végétales de colza et l’hydrogène n’est pas « vert » ! Justement l’hydrogène, me direz-vous ? (7) Pour l’instant le kilogramme d’hydrogène vert vaut à peu près 12 fois le prix du litre de kérosène et Airbus vient d’annoncer qu’il retarde la mise au point de son avion à l’hydrogène ZEROe, devant l’incertitude des infrastructures d’alimentation de ce carburant aux aéroports, c’est montrer que la propulsion aérienne à l’hydrogène n’est pas encore mûre.
Conclusion
Les compagnies aériennes ont raison de dire que les objectifs de réduction des émissions ne seront pas tenus en 2050. Au-delà des annonces et des vols de démonstration, plus médiatiques qu’efficaces, les obstacles sont multiples. Même avec un taux d’incorporation des SAF de 6% en 2030, la production sera largement insuffisante, le procédé d’hydrogénation toujours nécessaire n’est pour l’instant pas nourri d’hydrogène issu de l’électrolyse de l’eau et d’électricité durable. Malgré les efforts d’Airbus et de Boeing, les nouveaux appareils sont livrés au compte-gouttes, empêchant les compagnies d’utiliser les dernières innovations économes en carburant et laissant vieillir leurs flottes. Contrairement à d’autres secteurs de la transition énergétique, l’aviation ne bénéficie pas de subventions mais au contraire de nouvelles taxes frappent le transport aérien.
Devant les doutes sur les ressources et la collecte des millions de tonnes de déchets lipidiques et de biomasse, les investissements dans les filières de HVO (Hydrotreated Vegetable Oil) hésitent et l’engagement d’achat des compagnies aériennes manque. Devant ce cercle vicieux, des experts thermodynamiciens soulignent de plus que la collecte, le prétraitement, l’électrolyse de l’eau, la demande d’énergie pour le raffinage, sont loin d’être négligeables et qu’il conviendrait de faire le bilan carbone de ces SAF. Alors que faire ? Avant de prendre l’avion, faites donc un régime pour maigrir, prenez un petit baluchon très léger, assurez-vous de l’âge récent de l’appareil, sinon prenez le TGV, bien sûr pour New-York ça prendra du temps !
Jean-Claude Bernier
Avril 2025
Pour en savoir plus
(1) Hydrogène, optimisation énergétique et sobriété : l’avenir de l’aviation, P. Labarbe, Fiche Chimie et… en fiches lycées (Mediachimie.org)
(2) Dernières avancées dans les alliages d’aluminium pour applications aéronautiques, T. Warner, colloque Chimie, aéronautique et espace, Fondation de la Maison de la Chimie (novembre 2017)
(3) Les nouveaux matériaux composites pour l’aéronautique, V. Aerts, colloque Chimie, aéronautique et espace, Fondation de la Maison de la Chimie (novembre 2017)
(4) La combustion et les défis de la propulsion aéronautique et spatiale, S. Candel, Colloque Chimie et transports, Fondation de la Maison de la Chimie (avril 2013)
(5) La chimie s’envoie en l’air, J.-C. Bernier, L’Actualité chimique n° 424 (décembre 2017)
(6) La chimie, une solution pour l’avion de demain ?, A. Charles, N. Baffier et J.-C. Bernier, fiche Chimie et… en fiches cycle 4 (Mediachimie.org)
(7) Allons-nous voler à l’hydrogène ? L’évolution du transport aérien, J.-C. Bernier et F. Brénon, éditorial juillet 2021 (Mediachimie.org)
Crédit illustration : Niklas Jeromin / Pexels, libre d'utilisation
L’impression 3D encore appelée couramment Fabrication Additive (FA) a quitté le domaine du prototypage dans les années 1980 pour gagner le domaine industriel et même le domaine ludique après les années 2000. Elle consiste à réaliser des pièces en 3 dimensions par ajouts successifs de couches de matières principalement des polymères ou des métaux. Elle s’oppose donc à la fabrication soustractive dont le principe est de retirer de la matière à une pièce préalablement moulée (1).
Elle présente de multiples avantages : elle repousse les limites de la technologie en réalisant des formes complexes jusqu’ici irréalisables par moulage ou forgeage, elle permet d’optimiser la quantité de matière première et donc de réduire les coûts et elle permet aussi de réduire les déchets.
Quels sont les procédés de Fabrications Additives ?
Le principe repose sur celui des imprimantes à jet d’encre que l’on retrouve dans tous les bureaux, sauf qu’ici on ne projette plus d’encre chargée en noir de carbone mais un polymère fondu ou une poudre métallique. De même, la buse de projection ne se promène plus de droite à gauche au-dessus du papier (2D), mais elle est animée d’un mouvement vertical au-dessus d’un plateau qui bouge horizontalement (3D).
- FDM (Fused Deposition Modelling) est le procédé le plus connu. L’imprimante est alimentée par un filament de moins d’un millimètre de diamètre d’un thermoplastique qui passe dans une buse chauffée à environ 150° à 250°C. Commandés par un logiciel qui contient les données géométriques de l’objet à fabriquer, les mouvements du plateau et de la buse construisent l’objet couche après couche. Des bobines de fils de PLA (acide polylactique) biodégradable, d’ABS (acrylonitrile butadiène styrène) ou de PET (polyéthylène téréphtalate basse et haute densité) sont maintenant disponibles très couramment chez les industriels des polymères et en 2009 l’expiration des brevets FDM popularise cette technique et lui donne un fort développement.
- Autres types de procédés dérivés du FDM :
- FTI (Film Transfer Imaging) utilise un photopolymère ; après dépôt on illumine avec des lampes infrarouges ou un laser UV pour durcir les couches de résine (SLA StéreoLithography Apparatus) ;
- MJM (Modelage à Jets Multiples) dispose de plusieurs buses et des arrivées de mélanges pour avoir des couches de polypropylène et d’acrylates ;
- SLS (Selective Laser Sintering) quitte le domaine des polymères pour la métallurgie. Des couches successives de poudres de métal (aluminium, acier, titane…) sont déposées et sont frittées par un laser IR de puissance (2). Avec les brevets sur le SLS qui ont expiré en 2014, nombre d’entreprises se sont lancées avec des ateliers entiers d’imprimantes à la fabrication de pièces complexes en petites séries pour l’automobile, l’aéronautique et le spatial.
- Autres types dérivés du SLS :
- le SLM (Selective Laser Melting) : on fait fondre à haute température le fil métallique et on dépose des couches de métal fondu.
- le WAAM (Wire Arc Additive Manufacturing) est un peu une déviation de la soudure à l’arc, puisque le fil est une électrode mise en fusion par arc électrique et le métal fondu est déposé couche après couche. Ce procédé s’est fortement développé depuis 2020.
- le MBJ (Metal Binder Jetting), une nouvelle variante, consiste à projeter des gouttes de liants sur un lit de poudre métallique pour l’agglomérer, puis à passer la pièce dans un four de frittage ; le liant est alors brûlé et la pièce consolidée. L’avantage est que l’impression se fait à température ordinaire, et que l’on peut en faire des centaines en même temps : c’est la voie conduisant aux grandes séries.
Les applications
Les applications sont nombreuses.
Beaucoup de petites pièces d’électroménager sont fabriquées en plastique (polyéthylène, rilsan, nylon). Une fois le logiciel d’impression configuré, les imprimantes alimentées par des bobines de résines fonctionnent toutes seules ; la main d’œuvre est réduite ainsi que les coûts de fabrication. Dans les années 2000, la baisse des prix sur les imprimantes grand public de 200 € à 600 € et la possibilité de mutualiser des scanners 3D et des logiciels d’impression gratuits ont multiplié les « fab lab » dans les établissements d’enseignement ou les maisons de la culture. Après quelques années d’emballement, la FA s’est plutôt développée dans l’industrie et le « hobby » est devenu un épiphénomène.
En métallurgie et en matériaux composites, de nombreuses industries l’utilisent soit en sous-traitant à des ateliers spécialisés en FA, soit en interne pour des pièces complexes comme les hélices creuses pour les bâtiments de Naval Group fabriquées par WAAM ; ceci permet de réduire les stocks et les délais d’approvisionnement. Autre exemple : Constellium, le leader français sur l’aluminium commercialise une poudre d’aluminium Aheadd® CP1 étudiée spécialement pour les pièces des bolides de F1.
Dans le sport (3), pour la chaussure tout terrain de rugby et de football « Shark ONE », la semelle, les renforts et la forme ont été imprimés en 3D en PA11 (polyamide 11 ou rilsan) et Pebax® (constitué de blocs de polyamide et de polyéther), des matières éco-responsables de la société Arkema.
En défense, l’armée américaine a développé des mini-usines qui se déplacent sur le terrain avec des imprimantes 3D pour la fabrication de pièces cassées ou manquantes dans l’armement des armées sur le front. En Ukraine, des drones civils ont été modifiés pour porter des charges et de l’armement.
On se rappelle qu’au milieu des années 2000 un logiciel et les données 3D ont été mis sur le Net par un étudiant américain permettant de fabriquer un révolver presque en totalité en plastique et tirant de vraies balles. En 2025, les spécialistes de la lutte anti-terroriste nous mettent en garde sur la facilité et la disponibilité de telles fabrications sur la toile ou sur les réseaux sociaux à des fins criminelles.
Dans le domaine médical, l’extrapolation du prototypage rapide utilisé depuis plus de 30 ans a été un réel progrès pour l’odontologie et la chirurgie. À l’aide des images de l’IRM, on peut fabriquer des prothèses sur mesure et précises, même complexes (mâchoires, articulations de hanches, genoux…) assez rapidement et parfois en temps réel.
On est près de la science-fiction quand on parle d’impression d’organes humains.
Une société lyonnaise s’appuyant sur des découvertes du CNRS imprime de la peau (4). On prépare d’abord la bio-encre avec des cellules de peau, de la gélatine, un peu d’alginate et de fibrinogène. On passe ensuite à l’impression sur un support en atmosphère stérile puis dans un incubateur durant 21 jours. On imprime ensuite le derme par-dessus avec la même encre. Cette peau imprimée peut servir aux essais des firmes biopharmaceutiques pour les crèmes et cosmétiques, évitant les tests sur animaux.
La construction n’est pas en reste. La fabrication additive permet de construire des bâtiments. Un très beau projet réalisé en 2024 sur les composites résine–bois regroupant deux industriels de la charpente et de la FA, en collaboration avec l’École du Bois d’Épinal et l’École d’Architecture de Nancy ,vise à réaliser la première machine de « stratoconception » de 20 à 30 mètres pour des halls ou salles de sports.
Quels défis pour la FA ?
L’impression plastique continue à se développer mais elle doit tenir compte du recyclage des fils polymères dans une démarche d’économie circulaire menée par les chimistes. Les procédés de la FA sont ceux qui ont le moins d’impacts sur l’environnement, moins de matière, pas de déchets. Mais lors de la conception des logiciels d’impression, les algorithmes de l’intelligence artificielle peuvent optimiser les structures des pièces à fabriquer, en vue de performances spécifiques. Cette nouvelle application de l’IA commence à diffuser.
Le dernier défi à relever concerne la formation et le recrutement car on demande de plus en plus de compétences (5) dans ce domaine où chimie, polymères et matériaux sont les mots-clés pour cette industrie 4.0. Des salons sont consacrés à l’impression 3D où des acteurs du secteur présentent leurs réalisations et recrutent, comme le salon 3D Print à Lyon, par exemple.
Jean-Claude Bernier et l’équipe Question du mois
Pour en savoir plus
(1) La 3D, troisième révolution industrielle ?, J.-Cl. Bernier L'Actualité Chimique (juillet 2015)
(2) Le Laser en contexte industriel : une palette d’applications étonnantes, T. Engel, Colloque Chimie et lumière, Fondation de la Maison de la Chimie (février 2020)
(3) Le rôle des matériaux composites dans les performances sportives, Y. Rémond, Colloque Chimie et Sports en cette Année Olympique et Paralympique, Fondation de la Maison de la Chimie (février 2024)
(4) L’impression fait peau neuve, J. Leyes et B.Robert, Grand Prix Jeunes Journalistes de la Chimie 2018 (vidéo et article)
(5) Voir l’Espace Métiers de Mediachimie
Crédit illustration : capture vidéo L’impression fait peau neuve, J. Leyes et B.Robert, Grand Prix Jeunes Journalistes de la Chimie 2018
Vidéo du mois : Eva Ekeblad et la pomme de terre
Le 10 juillet 1724, en Suède, nait Eva de La Gardie, plus connue sous le nom de son époux Eva Ekeblad. Elle côtoie les paysans, cherche un moyen de lutter contre les famines et propose de généraliser la culture de la pomme de terre. Cette dernière a été introduite en Suède en 1658 par le naturaliste Olof Rudbeck (1630-1702) dans le jardin botanique d’Uppsala.
Mediachimie a créé pour vous des vidéos passionnantes et riches d’informations sur des anecdotes historiques relatives à la chimie. Retrouvez chaque mois une nouvelle vidéo.
Le 25 mars dernier, le jury du Grand Prix des Jeunes Journalistes de la Chimie (GPJJC) s'est réuni et a procédé à la sélection des 4 binômes de l’édition 2025 du concours, parmi un total de 17 dossiers de candidature.
Les 4 dossiers retenus sont :
- La Paléoprotéomique. Maël BREHONNET - Athéna SALHI-IJBA - Institut de Journalisme de Bordeaux Aquitaine
- Les parfums de synthèse. Élisa LENGLART-LECONTE - Élisa MARUENDA - École de Journalisme de Grenoble - ELISAS_EJDG
- Remplacer le sucre : l’édulcorant idéal existe-t-il ? Emma BARETS - Adèle LEBRUN - Institut pratique du journalisme (IPJ) de Dauphine PSL
- Détruire les PFAS grâce à la chimie. Arthur BAUDIN - Noé MEGEL - Institut français de presse (IFP-Panthéon-Assas)
La prochaine étape sera la rencontre avec le jury le 9 avril prochain à la Fondation, puis deux mois d’investigations pour produire un article et une vidéo.
Rendez-vous en juin pour visionner et lire les productions et surtout connaître le binôme vainqueur du GPJJC 2025 (remise des grands prix le 26 juin à la Fondation de la Maison de la chimie).
Pour information, ci-dessous les membres du Jury :
Françoise BELLANGER
Chaine L’esprit Sorcier TV
Vincent BORDENAVE
Le Figaro - Sciences et Médecine
Carole CHATELAIN
Journaliste Scientifique
Alain COINE
Ancien Délégué Général d’Universcience Partenaires
Bernard MEUNIER
Directeur de recherche émérite au CNRS,
Membre et ex-Président de l’Académie des sciences et membre de l’Académie Nationale de Pharmacie
Danièle OLIVIER
Présidente du Jury
Vice-Présidente de la Fondation de la Maison de la Chimie
Jean-Marc SIGOT
Journaliste scientifique, réalisateur, auteur Chaine L’esprit Sorcier TV
Yann VERDO
Les Echos - Chef de rubrique Science
Philippe WALTER
Vice-Président Fondation de la Maison de la Chimie
Membre de l’Académie des Sciences