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Mots-clés : étain, formes allotropiques, armée de Napoléon, campagne de Russie

C’est la Bérézina ! Cette expression caractérise une situation désespérée ou une déroute complète, mais quel est son rapport avec les boutons ? C’est l’étain, un élément connu comme un métal tendre, ductile et malléable. Il se présente sous plusieurs formes allotropiques tout comme le carbone (graphite/diamant). L’une d’elles, forme β ou étain blanc, est stable au dessus de 13 °C avec une forte densité (7,27), tandis que la forme α ou étain gris moins dense (5,77) se forme en dessous de 13°C. Lorsque de l’étain blanc est brutalement refroidi son réseau cristallin est ébranlé et les objets en étain pur tombent en poussière. Cette transformation est d’autant plus rapide que la température est basse et en dessous de −40 °C il devient très rapidement pulvérulent. C'est la «peste de l'étain» qui a été observée lors d’hivers rudes. L’addition de petites quantités de bismuth ou d’antimoine à l’étain empêche ce phénomène.

L’étain blanc était utilisé pour fabriquer les boutons des tenues de la Grande Armée de Napoléon. Au cours de la retraite de Russie fin novembre 1812, les troupes ont dû traverser la Bérézina, rivière de Biélorussie large d'une centaine de mètres et profonde de deux à trois mètres. La température a atteint -39 °C et les boutons en étain des pantalons des soldats de Napoléon ont explosé. Les soldats ne pouvaient donc plus combattre correctement ou mourraient de froid à cause de la désintégration de leurs vêtements.

Mais l’étain n’était pas la seule cause de cette tragédie, car outre le froid, les combats, la famine et la maladie ont causé aux soldats de terribles souffrances et la mort. Certains ont même posé la question : la Grande Armée avait-elle réellement des boutons en étain ? La réponse documentée est oui pour au moins une partie des soldats français comme russes. Mais dans les fosses communes de soldats à Vilnius on retrouve des boutons en laiton, pas en étain et au mieux des boutons en bois recouvert d'une tôle d'étain. Donc, au pire, une partie des soldats risquaient d'avoir des boutons moches... Pour finir, malgré cette débâcle, la bataille de la Bérézina est considérée comme une victoire de Napoléon grâce aux efforts héroïques du Maréchal Ney.

La Retraite du Maréchal Ney en Russie, Manchester Art Gallery.

Le maréchal Ney soutenant l'arrière-garde pendant la Retraite de Russie Adolphe Yvon (1856)
Manchester Art Gallery. Wikipedia

En savoir plus :

  • Dictionnaire des corps purs simples de la chimie - Éléments, atomes et molécules. Robert Luft Cultures et Techniques, 1997
  • Le dernier chimiste à Paris, et autres excursions historiques dans le tableau périodique des éléments, Lars Öhrström, EDP Sciences (2016)
  • 1812 Souvenirs d'un médecin de la Grande Armée, Heinrich von Roos (Trad. Mme Lamotte) Perrin et Cie, Paris (1913)
  • Napoleon's Buttons: How 17 Molecules Changed History, Penny Le Couteur et Jay Burreson, Jeremy P. Tarcher Ed. (2004)
  • Étain, produit du jour, Société chimique de France
     
Auteur(s) : Bernard Bodo
Niveau de lecture : pour tous
Nature de la ressource : article