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Construire en terre : les possibles apports de la chimie

Mots clés : architecture de terre, argiles, biopolymères

À travers le monde, des architectures datant parfois de plus de onze millénaires témoignent de l’usage ancestral de la terre comme matériau de construction. Près de 20 % des biens culturels inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, soit plus de 200 sites, en attestent (Joffroy et al. 2025). Le matériau terre reste aujourd’hui un matériau très présent dans l’architecture vernaculaire. En France notamment, une multitude de techniques allant de la brique de terre crue au pisé (terre compactée dans des coffrages) sont présentes autant en milieu rural qu’urbain, comme par exemple à Lyon, Strasbourg ou encore à Rennes. Après sa redécouverte dans les années 1970, et de premières réalisations expérimentales un peu partout en France, ce matériau naturel connaît désormais un fort regain d’intérêt du fait de son fort potentiel de réponse aux grands enjeux globaux actuels, écologiques, mais aussi sociaux.

Pour rendre cela possible, les recherches scientifiques ont été multipliées ces dernières décennies pour tenter de comprendre cette matière beaucoup plus complexe et variée qu’il ne peut y paraître. Pour le moment, ce sont surtout ses propriétés minéralogiques et physiques qui ont retenu l’attention des ingénieurs et architectes désireux de redéployer ce matériau dans les architectures contemporaines. Inversement, rares sont les recherches menées sur un aspect, pourtant assez connu, des pratiques de la construction en terre un peu partout dans le monde : la grande diversité d’adjuvants organiques d’origines végétales ou animales utilisés dans la construction traditionnelle pour améliorer les performances de résistance du matériau, et plus particulièrement sa sensibilité à l’eau sous différentes formes (pluies, remontées capillaires, etc.).

Pourtant, les phénomènes chimiques observables qui améliorent les propriétés du matériau terre s’avèrent être un domaine de recherche très prometteur (Vissac et al. 2017) car des réactions positives entre des argiles et des biopolymères (polysaccharides, lipides, protéines et autres molécules complexes) ont déjà été observées et s’avèrent parfois extrêmement efficaces. De ce fait, poursuivre de façon plus systématique et approfondie les recherches sur ces techniques de stabilisation naturelle et leurs possibles adaptations au contexte contemporain (retro‐ingénierie) pourrait offrir de nouvelles perspectives aux bâtisseurs contemporains, avec des applications à grande échelle. Pour les conservateurs, c’est aussi l’opportunité d’appliquer de nouveau des techniques ancestrales de stabilisation naturelle pour la préservation d’un patrimoine de plus en plus vulnérable face aux conséquences du changement climatique.

Références

  • Joffroy, T ; Rakotomamonjy, B ; Gandreau, D. How will earthen architectural heritage be represented on the world heritage list by 2022? In: Terra 2022: proceedings of the 13th world heritage congress on earthen architectural heritage, Santa Fe, New Mexico, USA,
    June 7‐10, 2022. p. 32‐38. Getty Conservation Institute. 2025
    Vissac, A ; Bourgès, A ; Gandreau, D ; Anger, R ; Fontaine, L. Argiles et bioploymères. Les stabilisants naturels pour la construction en terre. CRAterre éditions, 2017
     
Auteur(s) : Thierry JOFFROY | Architecte, Chercheur HDR, Directeur scientifique de l’équipe CRAterre et de l’Unité de recherche AE&CC - ENSAG-UGA
David GANDREAU | Archéologue, Docteur en architecture, Chercheur, Équipe CRAterre, Unité de recherche AE&CC - ENSAG-UGA
Niveau de lecture : pour tous
Nature de la ressource : article + conférence