Mediachimie | La chimie « inclusive » ?

Date de publication : Vendredi 08 Décembre 2017
Rubrique(s) : Éditorial

Le manuel d’écriture inclusive suivi d’une pétition signée par près de 400 enseignants favorables à cette féminisation de la langue fait polémique et débat, même dans les plus hautes sphères de l’Éducation Nationale et du gouvernement. Même le premier ministre confronté à « la déclaration des droits humains et du·de la citoyen·ne » s’en est offusqué. Mediachimie.org toujours à la pointe de l’actualité pédagogique se doit de poser la question : dans notre discipline, la chimie, la parité des genres est-elle respectée ?

Il semble hélas en regardant la classification périodique du tableau de Mendeleïev (1) (2) que le genre masculin prédomine : Li le lithium, Na le sodium, Fe le fer, Co le cobalt etc… Tout paraît masculin, même les dérivés : NaCl le chlorure de sodium, FeO le protoxyde de fer, BaO l’oxyde de baryum. On peut cependant aller chercher Fe3O4 la magnétite, CaO la chaux vive et même Ba(OH)2 la baryte ou SiO2 la silice pour mettre un peu de douceurs dans cette assemblée de brutes.

En réalité le féminin est plutôt réservé à des objets ou assemblages plus évolués et complexes. On parle d’un atome mais mieux d’une molécule, du produit de la réaction, d’une solution et de son soluté. En hommage aux fonctions biologiques supérieures de la femme, on remarque surtout la synthèse chimique et peu son catalyseur. En chimie du solide, même si on identifie le procédé du frittage, l’objet fini reste la céramique.

C’est dire que notre discipline est assez bien équilibrée entre le masculin et le féminin. Les choses se compliquent peut-être au laboratoire ou dans l’entreprise où peuvent travailler l’ingénieur et la laborantine, dénotant un machisme qui n’est plus d’époque. Heureusement dans les écoles de chimie de la fédération Gay-Lussac il y a maintenant autant d’élèves féminines que masculins qui préparent des diplômes d’ingénieur·e·s - si j’applique la règle du point médian encore appelé point d’altérité ! Mais que faire avec les mots épicènes identiques au masculin et au féminin comme linguiste mais aussi chimiste ? Aurais-je l’audace lors d’une évaluation dire et écrire : « ce laboratoire comporte d’excellent·e·s chimistes bien formé·e·s par des professeur·e·s sérieux·euses ». Cela allongera sans doute mes rapports et mes mails.

Mediachimie.org a déjà souligné depuis longtemps dans les fiches métiers (3) qu’ils étaient accessibles soit à un homme soit à une femme (H/F) et de nombreuses vidéos montrent autant de femmes que d’hommes occupant des fonctions en laboratoire ou en entreprise (4) (5) (6). Faudra-t-il modifier toutes les fiches pour indiquer directrice ou directeur d’usine, assistant ou assistante d’ingénierie ou encore technicien.ne de laboratoire… ou abandonner la langue française pour researcher, manager, physicist… ? Nos amis canadiens qui ont franchi le pas depuis longtemps nous regardent curieusement, mais les gardiens du temple de l’Académie française auront sans doute un regard plus sévère.

Jean-Claude Bernier
décembre 2017


Quelques ressources pour en savoir plus
(1) Site des éléments chimiques
(2) Classification périodique (application)
(3) Fiches métiers
(4) Chef de section en laboratoire de police scientifique (vidéo 1:15)
(5) Botanophile ? Chimiste du végétal ! (vidéo 4:43)
(6) Responsable marketing (vidéo, 2:45)