Mediachimie | Le moustique tigre, le danger de l’été

Date de publication : Vendredi 04 Juillet 2025
Rubrique(s) : Éditorial

Les habitants de Prades-le-Lez dans l’Hérault ont été surpris en juin d’apprendre qu’un cas de Chikungunya autochtone avait été diagnostiqué dans leur commune, même réaction dans le Var à La Crau pour un autre cas autochtone. On parle de cas autochtone lorsque la maladie se développe en France, sans un voyage en zone tropicale.

Le Chikungunya est une maladie virale qui se transmet essentiellement par des piqures de moustique, « le moustique tigre ». C’est une maladie à déclaration obligatoire auprès de l’ARS (Agence Régionale Sanitaire) car on craint toujours une épidémie comme celle qui touche la Réunion depuis août 2024, plus de 160 000 personnes ont consulté un médecin pour des symptômes évoquant un chikungunya, près de 54 500 cas ont été confirmés biologiquement et 27 personnes sont décédés au 23 juin 2025 (i). En métropole, d’après Santé publique France, avaient été rapportés sur tout le mois de mai, 424 cas de chikungunya et 283 cas de dengue importés par des voyageurs. Mais en juin ce sont plusieurs cas autochtones qui ont été décelés dans le sud, faisant craindre une extension hexagonale pour cet été.

Le Chikungunya

C’est une maladie infectieuse de la famille des arboviroses transmise par un arthropode, c’est-à-dire par la piqure d’un moustique infecté, ici le moustique tigre. Le mot Chikungunya vient d’un dialecte africain qui signifie « se déformer » ou « marcher courbé ». Les symptômes sont au début ceux d’un syndrome grippal avec de la fièvre des maux de tête et des douleurs articulaires, principalement aux bras et aux jambes. Une inflammation de ganglions lymphatiques et une conjonctivite peuvent apparaître. Au stade avancé, des complications neurologiques graves peuvent survenir chez les nouveaux-nés ou les personnes âgées. Les douleurs articulaires et une fatigue importante peuvent persister durant des mois. Cependant, après une période d’incubation de 2 à 10 jours, chez la plupart des sujets adultes, les troubles disparaissent au bout d’une ou deux semaines, les cas sévères ou mortels sont plutôt rares. La dengue et la maladie à virus Zika ont des symptômes similaires et toujours transmises par le même moustique. Le virus (1) du Chikungunya peut être détecté par une analyse sanguine chez le patient lors de la première semaine de la maladie. On peut aussi chercher les anticorps dirigés contre le virus pour tester la réponse immunitaire du patient. Il n’y a pas de traitement spécifique, on vise essentiellement à soulager la fièvre et les douleurs articulaires avec des analgésiques et des antipyrétiques, tels que le paracétamol (2) ou l’acétoaminophénol couplés à une bonne hydratation et du repos. Des recherches sur un vaccin anti-transmission sont en cours, mais la piste d’élimination du moustique tigre est la plus suivie.

Le moustique tigre

Ce n’est pas un grand voyageur puisque son périmètre de vol ne dépasse guère 150 mètres autour de votre jardin et pourtant « Aedes albopictus » s’adapte très vite à son environnement. Depuis sa détection à Menton en 2004, il a progressé le long de la vallée du Rhône et vers le sud-ouest en utilisant les moyens de transport terrestres et axes autoroutiers pour être signalé dans 26 départementsde l’hexagone en 2015, et 81 départements en 2025. C’est la femelle qui pique, en aimant particulièrement le sang humain. Elle pond 200 œufs par ponte et elle pondra 5 fois au cours de ses 6 semaines de vie éphémère. Malheur ! Ses œufs ont la faculté d’entrer en hibernation de la fin de l’automne jusqu’au début du printemps où la température, le soleil et l’eau permettent aux larves de muer et de se transformer en porteur de virus. En 20 ans, c’est 200 générations qui se sont bien adaptées au climat de la France et au changement climatique. Cette faculté d’adaptation inquiète les scientifiques, car cette espèce invasive va prendre le pas sur les autres espèces comme celle de nos bons vieux moustiques communs. On dit pour nous rassurer que le moustique tigre est exophile cela veut dire qu’il n’entre pas dans les habitations. Par ailleurs il pique « à la fraîche ». Faites donc attention aux petits déjeuners en terrasse et aux apéros le soir. En fait, les observations montrent qu’avec les portes et fenêtres ouvertes cela ne le dérange pas de venir vous piquer à l’intérieur et de repartir à l’extérieur son crime accompli !

Comment lutter ?

Comment annihiler les moustiques tigres où les empêcher de transmettre les virus ? Plusieurs voies sont utilisées ou en cours d’essai.

  • La voie bactérienne - La méthode consiste à infecter la population de moustiques par une bactérie nommée « Wolbachia » qui rend malade l’insecte et le rend incapable de transmettre le virus. La méthode a fait ses preuves en zones intertropicales.
  • La stérilisation – Les femelles moustiques ne s’accouplent qu’une fois au cours de leur vie, elles ont donc une réserve de sperme du mâle. Si cette réserve est remplacée par des spermatozoïdes non viables alors la femelle pourra pondre, mais les œufs ne seront jamais fécondés. De nombreux projets existent dans le monde et une start-up de biotechnologie française Terratis expérimente cette technique de l’insecte stérile.
  • Le piège olfactif – Les pièges émettent des molécules comme l’acide lactique mimant la transpiration et le CO2 mimant la respiration. Les femelles sont aspirées par ces pièges où elles peuvent être comptées identifiées ou éliminées.
  • Les insecticides (3) - Quand la présence du moustique, et à plus forte raison lorsqu’un cas de Chikungunya est signalé, l’enquête et l’action de terrain sont déclenchées. Dans un rayon de 150 mètres autour du lieu signalé, une vaporisation d’un biocide répulsif de la famille des pyréthrinoïdes la deltaméthrine est déclenchée par la mairie après avoir prévenu le voisinage et pris un certain nombre de précautions préservant par exemple écoles, crèches ou ruches. Ces biocides sont des organo-fluorés ou chlorés qui ont la structure de la pyréthrine. Ils sont dits biomimétiques car ils se rapprochent de la formule de l’insecticide naturel émis par les chrysanthèmes. Ils ont remplacé avantageusement le DDT en améliorant de façon drastique leur efficacité et donc en diminuant les doses nécessaires. Cependant, en avril, un rapport de l’ANSES (4) attire l’attention sur les risques toxicologiques détectés par une étude de l’INSERM pour les enfants dans le ventre de leur mère sur de possibles troubles neuropsychologiques. Il est clair qu’il faut utiliser ces répulsifs avec discernement, notamment en présence de femmes enceintes. Mais comme le dit le communiqué de France Chimie, il faut mettre en balance la contamination materno-fœtale par le virus lorsque la femme enceinte est piquée par le moustique avec des conséquences très graves pour le nouveau-né. Et les risques pour la santé humaine, propagés par les virus transmis par les moustiques, comme ceux du Chikungunya, dengue et virus Zika, il vaut mieux éliminer les porteurs par un biocide.

Alors bon été tout de même, éliminez de vos jardins et de vos balcons tous récipients pouvant contenir de l’eau, bacs, pots de fleurs vides, flaques stagnantes propices aux larves. Placez des moustiquaires à vos fenêtres, plantez des géraniums, brûlez des bougies à la citronnelle (5) et réactivez d’ici l’automne « les brigades du tigre ».

Jean-Claude Bernier
juin 2025

(i) Bulletins Santé Publique France : 30 avril 2025 et 25 juin 2025

Pour en savoir plus 
(1) Parasite, champignon, bactérie et virus : quelles différences ?, N. Moreau, Question du mois (Mediachimie.org)
(2) Le paracétamol, une molécule bien française ?, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
(3) les chimistes dans : l’industrie des phytosanitaires, F. Brénon et G. Roussel, Série Les chimistes dans... (Mediachimie.org)
(4) Le défi posé aux chimistes pour la protection de la santé et de l’environnement. Le point de vue de l’ANSES, Colloque Chimie et expertise - santé et environnement (février 2015),Fondation de la Maison de la chimie
(5) Les huiles essentielles contre les moustiques ; regards rationnels de chimistes, C. Grison et A. Moderc, L’Actualité chimique n° 438-439 (mars-avril 2010) p. 14

Crédit : Moustique tigre / PxHere