Depuis l’Antiquité, les métaux ont joué un rôle essentiel dans l’alimentation humaine, tant par leur présence naturelle dans les aliments que par leur utilisation dans la conservation et la préparation des repas. Les civilisations anciennes utilisaient déjà des ustensiles en cuivre et en étain.
Aujourd’hui, certains métaux sont indispensables à notre santé : le fer, présent dans la viande rouge et les légumes verts, est crucial pour le transport du dioxygène dans le sang ; le zinc, que l’on trouve dans les fruits de mer, soutient le système immunitaire ; le magnésium, abondant dans les noix et les céréales complètes, joue un rôle clé dans la relaxation musculaire. Cependant, d’autres métaux, comme le mercure dans certains poissons ou le cadmium dans les légumes cultivés sur des sols pollués, peuvent être nocifs suivant la dose absorbée. Il en est de même pour le plomb, autrefois employé pour fabriquer des conduites d’eau, qui s’est révélé toxique depuis. Ainsi, la présence des métaux dans notre alimentation soulève à la fois des enjeux nutritionnels et sanitaires nécessitant un contrôle rigoureux pour éviter les contaminations tout en garantissant un apport suffisant en oligo-éléments essentiels.
Tous ces points seront abordés dans ce dossier.
Partie des programmes de physique-chimie associées
- Programme de physique-chimie et mathématiques de première STL : Partie « Chimie et développement durable »
- Programme de la spécialité physique-chimie de terminale générale : Partie « Constitution et transformations de la matière »
- Programmes de première et de terminale ST2S : Parties « Prévenir et sécuriser » et « Analyser et diagnostiquer »
Les domaines de l’alimentation et de la chimie, bien que paraissant distincts à première vue, sont étroitement liés. En effet, l’étude de la composition des aliments, de leurs transformations et de leurs interactions avec notre organisme relève en grande partie de principes chimiques.
L’histoire de l’alimentation et de la chimie remonte à l’Antiquité, lorsque les Grecs et les Égyptiens utilisaient déjà des techniques chimiques rudimentaires pour la conservation des aliments, comme la salaison ou la fermentation. Au Moyen-Âge, des avancées comme la distillation ont permis de transformer les aliments et les boissons de manière plus sophistiquée. Les médiévaux savaient déjà préserver leur nourriture et pour certains de nos aliments, certaines pratiques et techniques, comme le salage sont toujours d’usage de nos jours.
Cependant, il a fallu attendre le XIXe siècle, et l’émergence de la chimie moderne, pour que l’étude scientifique de l’alimentation se développe véritablement. Des pionniers, comme Antoine Lavoisier, considéré comme le père de la chimie moderne, ont posé les bases des premières analyses chimiques des aliments, tandis que des découvertes comme la compréhension des protéines, des glucides et des lipides ont permis de mieux appréhender la nutrition et la digestion.
Aujourd’hui, la chimie joue un rôle essentiel dans la fabrication des produits que nous consommons quotidiennement en permettant d’optimiser leur goût, leur conservation et leur valeur nutritionnelle. Elle explore également les effets des additifs sur la santé humaine, une préoccupation de plus en plus présente dans un monde où les processus industriels ont transformé notre manière de s’alimenter.
La fabrication du caramel et toutes ses variantes (caramel au beurre salé, etc.) n’est pas si anodine que cela car en chauffant de l’eau sucrée, on obtient du caramel après de multiples transformations.
Dans ce dossier, nous allons aborder différents points mettant en lumière les liens entre la chimie et l’alimentation. La majorité des illustrations est issue de certaines conférences du colloque « Chimie et alimentation » du 12 février 2025.
Partie des programmes de physique-chimie associées
- Programme de physique-chimie et mathématiques de première STL : Partie « Chimie et développement durable »
- Programme de la spécialité physique-chimie de terminale générale : Partie « Constitution et transformations de la matière »
- Programmes de première et de terminale ST2S : Parties « Prévenir et sécuriser » et « Analyser et diagnostiquer »
Énergie ; une critique acerbe de l’Académie
Rubrique(s) : Événements

Incohérent, irréaliste, niveau indigne d’une production des services de l’État… On n’avait pas l’habitude de voir une publication du ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Énergie descendue en flammes par les spécialistes de l’énergie de l’Académie des sciences (1). De quoi s’agit-il ? Tout simplement du projet de décret que le gouvernement doit adopter concernant « la programmation pluriannuelle de l’énergie » (PPE3) qui doit engager la France pour les 10 prochaines années jusqu’en 2035 et entrainer des investissements de plusieurs centaines de milliards d’euros.
Que lui reprochent les académiciens ?
Tout d’abord la non prise en compte des remarques et corrections que l’Académie avait soumises en décembre 2024, qui relevait déjà un manque de cohérence sur les valeurs de consommation visées en 2035 : 429, 500 ou 600TWh, laquelle prendre parmi ces divers chiffres ? Des objectifs de production irréalistes et excessifs, en contradiction avec les prévisions qui s’observent non seulement en France, mais dans tous les pays européens avec des besoins qui diminuent depuis 2017.
Si l’Académie soutient une production nucléaire substantielle (300 à 400 TWh) d’énergie bas-carbone à la fois massive et pilotable, elle juge inquiétante voire irresponsable l’augmentation inconsidérée des énergies solaires et éoliennes intermittentes largement multipliées par 3 entre 2023 et 2035 (73 TWh à 270 TWh). Elle souligne de ce fait un excédent d’offre de plus de 100 TWh avec un taux d’électricité non pilotable excessif proche de 40% qui exigerait des capacités de stockage non disponibles y compris en 2035, une priorité sur le réseau de distribution qui entrainera une volatilité des prix considérable avec de périodes de prix très élevés puis négatifs, mortelles pour les couts d’acheminement et de conduite de l’électronucléaire.
Le comité de l’Académie en profite pour rappeler l’avis du Haut-Commissaire à l’Énergie Atomique et du Haut Conseil pour le Climat regrettant aussi que le texte de la PPE ne soit pas accompagné d’une analyse approfondie des coûts et financements des solutions et des divers scénarios recommandés ou alternatifs.
Marc Fontecave, président du comité de prospective en énergie de l’Académie, en profite pour rappeler que la France avec seulement 29% d’énergie intermittente est recordman des exportations (89 TWh), avec un mix électrique qui n’émet que 21,3 g de CO2eq/KWh. À comparer à nos voisins allemands qui avec une part de production solaire et éolienne de 45% affiche une émission de 350 g CO2eq/KWh soit 17 fois plus !
En dehors de la réécriture du texte soumis, l’académie recommande :
- une mise en cohérence des évolutions de la consommation d’énergie
- des capacités pilotables en adéquation avec la puissance appelée
- le renforcement des réseaux électriques
- un effort de recherche technologique sur des moyens de stockage important et peu couteux
- enfin une approche plus réfléchie de la balance production énergie décarbonée et besoins d’électrification.
À titre personnel, je suis sidéré qu’un document de type décret contienne tant d’incohérences et montre aussi peu de réflexions sur les moyens de production énergétique. Sur le site du Ministère de la transition écologique on note que la PPE a fait l’objet d’une consultation nationale avec des dizaines de milliers d’internautes et plus de 7000 contributions ! On ne peut alors que regretter que les contributions de conseils nationaux, de grands experts et de scientifiques spécialistes de l’énergie ne s’y retrouvent pas. J’imagine donc que les 7000 contributions venaient de particuliers peu au courant de la question ou de militants d’une idéologie particulière. C’est un peu comme si on demandait aux jeunes élèves de CP à se prononcer sur la programmation de l’enseignement secondaire. Je n’oublie pas que dans un sondage de 2023 une bonne majorité de Français pensaient que l’électronucléaire émettait énormément de CO2 ! Je pense cependant que les rédacteurs du ministère avaient connaissance des tableaux d’intensité carbone de l’ADEME et du GIEC. Je leur rappelle le tableau ci-dessous qui montre l’inanité de remplacer le nucléaire par l’éolien et le solaire (surtout majoritairement avec des panneaux chinois) qui ont une intensité carbone 2 à 10 fois plus élevée !
J’apprécie qu’une trentaine de scientifiques, et non des moindres, certains ou certaines ayant ou ayant eu des responsabilités considérables, aient souligné la pauvreté sinon les erreurs d’un projet de décret engageant la politique énergétique de la France pour les 10 prochaines années. Il convenait de sonner la charge contre les zozos des cabinets ministériels qui conduisent depuis plus de 20 ans une politique énergétique de gribouille.
Tableau de l’intensité Carbone des différentes sources énergétiques en grammes de CO2eq/KWh
source | nucléaire | hydroélectrique | éolien | solaire | fioul | charbon |
GIEC | 5 | 11 | 13 | 30 | 900 | 980 |
ADEME | 4 | 6 | 15 | 43 (chinois) | 980 | 1080 |
Jean-Claude Bernier
avril 2025
(1) Académie des sciences : avis de l’Académie des sciences sur la version révisée de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) 8 avril 2025
Crédit illustration : David Monniaux, Barrage de Monteynard (Isère, France), Wikimedia commons, licence CC BY-SA 2.5
Quiz du mois : le Plomb
Rubrique(s) : Événements

Mediachimie vous propose un quiz pour découvrir l'élément chimique Plomb, ses caractéristiques, ses propriétés et ses utilisations.
Les pastilles de Vichy ont été inventées par Jean-Pierre-Joseph d’Arcet (1777-1844). Son père, Jean d’Arcet (1724-1801), après avoir été secrétaire de Montesquieu (1689-1755), avait épousé la fille de François Guillaume Rouelle (1703-1770), était devenu professeur au Collège de France et membre de l’Académie des sciences. Joseph Louis Proust (1754-1826) a été son correspondant. Jean-Pierre Joseph a créé les premières fabriques de soude et de potasse artificielles, par le procédé Leblanc dans la diffusion duquel son père avait été impliqué, et d’alun, associé au fils d’Antoine Chaptal (1756-1832).
En 1826 il publiait une Note sur la préparation et l’usage des pastilles alcalines digestives contenant du bi-carbonate de soude dans les Annales de chimie et de physique (t. 31, p. 58-67). Souffrant de douleurs gastriques il prenait quotidiennement des pastilles de magnésie. Il craignait que cette substance alkaline entraînât la formation de calculs urinaires et leur préféra des pastilles de carbonate de sodium. En 1824 il fit un premier séjour aux eaux de Vichy et “sachant que le bicarbonate de soude (hydrogénocarbonate de sodium) est le principe actif de ces eaux minérales et que ce sel a une saveur beaucoup moins alkaline que celle du carbonate de soude” il pensa à substituer le bicarbonate au carbonate et donna sa recette au pharmacien Regnauld qui mit le produit dans le commerce dès 1825.
Sa recette était la suivante :
- Hydrogénocarbonate de sodium 5 g
- Sucre blanc en poudre fine 95 g
- Mucilage de gomme adragante préparée à l’eau
- Quelques gouttes de menthe pure et récemment préparée
Elle fut insérée dans le Codex en 1837 (p. 420) avec 32 g d’hydrogénocarbonate pour 600 g de sucre sous le nom de pastilles de Vichy ou de Darcet. Le procédé de Darcet consistait à saturer les carbonates des eaux de Vichy par le gaz des sources (CO2). En 1854 Jules Lefort, futur président de la Société de pharmacie de Paris indiqua à François Bru, locataire de la source Lardy, les moyens de séparer les carbonates alcalinoterreux, puis de concentrer la solution jusqu’à une densité définie et de laisser cristalliser par refroidissement le carbonate de sodium facile à bicarbonater. Un contrôle officiel de la fabrication ne fut institué qu’en 1857 par arrêté du Ministère de l’agriculture.
https://bibliotheques.mnhn.fr/medias/doc/EXPLOITATION/IFD/MNHN_PO1417/,
Wikimedia Commons , Domaine public
Pour en savoir plus
- Note sur la Préparation et l’Usage des Pastilles alcalines digestives contenant du bi-carbonate de soude, Jean-Pierre-Joseph d’Arcet, Annales de chimie et de physique, 1826 (T31) p.58
Vidéo : Réalisation : François Demerliac ; Auteur scientifique : Josette Fournier ; Production : Fondation de la Maison de la Chimie / Virtuel
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Vidéo Histoire du mois : Les pastilles de Vichy
Rubrique(s) : Événements

Vidéo du mois : Les pastilles de Vichy
Bonbon ou médicament ? Créée en 1825 par le chimiste Jean-Pierre Joseph d’Arcet, la pastille de Vichy est les deux à la fois. Elle a 200 ans.
Les matériaux stratégiques jouent un rôle clé tant sur le plan géopolitique qu’en chimie, car ils sont indispensables à de nombreuses industries de haute technologie et à la transition énergétique. Leur accès et leur contrôle sont des enjeux majeurs pour les États pouvant entraîner des tensions et des stratégies d’influence.
Par exemple, les réserves et mines de terres rares, essentielles pour les aimants des éoliennes et les batteries, sont largement exploitées par la Chine, ce qui suscite des préoccupations et des tensions en matière d’approvisionnement. De même, le lithium, crucial entre autres pour les batteries des véhicules électriques, est produit principalement par le Chili. En chimie, l’optimisation des procédés d’extraction et de recyclage de ces matériaux est un défi crucial pour réduire la dépendance aux ressources naturelles et limiter l’impact environnemental. Nous allons aborder tout ceci dans ce dossier pédagogique avec quelques exemples de matériaux stratégiques.
Programmes spécifiques de physique-chimie pour les classes de première et de terminale Baccalauréat professionnel propres au groupement de Spécialités 5.
Le Groupement 5 rassemble les spécialités de baccalauréats professionnels mobilisant des compétences professionnelles qui nécessitent de solides connaissances dans le domaine de la chimie. Il réunit les spécialités de secteurs professionnels variés : l’industrie chimique, la bio-industrie, la cosmétologie, la teinturerie, les textiles, la plasturgie, l’esthétique, la gestion des pollutions et la protection de l’environnement, la verrerie, les plastique et composite…
Partie orientation proposée et rédigée par Françoise Brénon et Gérard Roussel (Maison de la Chimie)
Source : Dossier réalisé par les Éditions Nathan en partenariat avec La Fondation de la Maison de la Chimie et Mediachimie
Des étudiants en journalisme plongent dans l’univers de la chimie !
Rubrique(s) : Événements

Quatre binômes d’étudiants issus des grandes écoles de journalisme ont été sélectionnés pour explorer, décrypter et raconter la chimie à leur façon. Leur mission : produire un article accompagné d’une interview vidéo sur un sujet original lié à la chimie.
Thèmes et équipes en lice :
- La paléoprotéomique
Maël BREHONNET et Athéna SALHI - IJBA (Institut de Journalisme de Bordeaux Aquitaine) - Les parfums de synthèse
Élisa LENGLART-LECONTE et Élisa MARUENDA - École de Journalisme de Grenoble - Remplacer le sucre : l’édulcorant idéal existe-t-il ?
Emma BARETS et Adèle LEBRUN - Institut Pratique du Journalisme de l’Université Paris-Dauphine - Détruire les PFAS grâce à la chimie
Arthur BAUDIN et Noé MEGEL - IFP (Institut Français de Presse – Panthéon-Assas)
Les enquêtes sont en cours ! Les équipes ont jusqu’au 18 juin pour réaliser leurs productions.
Souhaitons-leur bonne chance !
La remise du Grand Prix se tiendra le 26 juin 2025 à la Maison de la Chimie avec la révélation des lauréats du GPJJC 2025 !
Rendez-vous fin juin sur Mediachimie pour découvrir les vidéos et les articles.
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La difficile traque aux émissions de CO2 pour l’aviation
Rubrique(s) : Éditorial

Il y a quelques années, de nombreuses critiques relatives aux déplacements en avion avaient même appelé au boycott des déplacements aériens. Ces critiques n’étaient pas dénuées de fondement puisque par passager et par kilomètre en avion l’émission était de 140 g de CO2 à comparer aux 3,2 g par TGV. Cela avait amené des États à souhaiter supprimer un certain nombre de vols domestiques lorsque la liaison par rail était tout aussi rapide. Face à ces mesures, paradoxalement, les experts de l’aéronautique prévoyaient au contraire une augmentation du trafic mondial confirmé lors de l’après-COVID avec des chiffres sans appel de 8 milliards de passagers attendus en 2040 contre 4,4 milliards en 2019, et l’arrivée de 40 000 avions neufs dont plus de 18 000 pour remplacer les appareils en fin de vie.
Au niveau mondial, le secteur aérien contribue à quelque 3% des émissions de CO2 (1). Dans un élan louable avant 2020, les 193 États de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), se donnaient comme objectif 0% d’émission en 2050. En 2023, cette même organisation était d’accord pour réduire de 5% les émissions d’ici 2030, en recourant au remplacement du kérosène issu du pétrole par des carburants durables appelés SAF (pour Sustainable Aviation Fuels). Pour sa part, dans la foulée, la Commission européenne dans sa directive « ReFuelEU Aviation » souhaitait que les compagnies de transport aérien incorporent des quantités croissantes de SAF dans le kérosène, 2% en 2024 et 6% en 2030. Bémol en 2025 : l’A4E, association regroupant les principales compagnies aériennes européennes, a tenu le 27 mars à Bruxelles une conférence de presse pour contester ces objectifs européens d’incorporation et dénoncer le calendrier irréaliste compte tenu des faibles quantités de SAF disponibles et de leur prix 3 à 4 fois plus cher que le kérosène. Est-ce un nouveau coup de boutoir contre les règles environnementales européennes face à la concurrence internationale ? Essayons d’y voir clair et quelles sont les pistes d’économie ?
Le poids
Faire voler un plus lourd que l’air ce n’est pas facile, il faut de l’énergie pour le faire décoller et voler sur de longs parcours. Quelques dizaines de kilogrammes en moins permettent d’économiser des litres de carburant. Le remplacement progressif de l’aluminium et des métaux (2) par les matériaux composites en polyesters et fibres de carbone comme dans l’A350 d’Airbus où ces matériaux représentent plus de 50% du poids permet d’économiser environ 20% de la consommation (3). Le remplacement du métal des structures des 156 sièges par un alliage de magnésium sur un A319 permet de gagner plus de 500 kilogrammes. EasyJet a fait repeindre une partie de sa flotte avec une peinture ultra légère ne nécessitant plus de nombreuses couches et permettant l’économie de 1300 tonnes de carburant. Cette même compagnie EasyJet a aussi une politique tarifaire pour les bagages et qui consiste à faire payer plus au-delà d’un certain poids et taille. « Voyager léger », c’est le slogan.
Plus sérieux, la fabrication additive des pièces complexes en composite et le remplacement des polymères thermodurcissables par des thermoplastiques recyclables et surtout permettant de souder ces pièces en évitant l’usage de rivets en métal est un progrès. Le couplage de ces nouvelles méthodes de fabrication permettrait encore une réduction supplémentaire de 6% de la consommation.
Les moteurs
On est assez loin pour l’aviation civile du moteur à pistons et à hélice. L’essentiel des flottes long courrier est équipée de turboréacteurs dont les dimensions ont progressé avec leur puissance. Le leader de la construction de ces moteurs est un franco-américain GE Aviation/Safran qui équipe la plupart des nouveaux avions de ligne Airbus et Boeing (4). Ces moteurs comprennent une soufflante qui comprime l’air à l’avant d’une turbine de combustion avec des pales tournant à très haute température (1200°C) en alliages spéciaux et bientôt en CMC (composites céramiques). Les moteurs CFM 56 des Boeing 747 ont été remplacés par les moteurs LEAP pour l’A320 et Boeing737 permettant d’économiser 25% de carburant. Le dernier, le CFM Rise qui sera opérationnel en 2030, comporte déjà de nombreuses pièces fabriquées en 3D, des pales de soufflantes en composites carbone et des aubes de turbines en céramiques composites. Il sera révolutionnaire dans la mesure où les pales de la soufflante ne seront plus carénées et apparaîtront comme des hélices en avant du turboréacteur. Il devrait permettre un meilleur rendement capable d’économiser encore 20% de plus.
Si sur un gros 747, on estimait par passager la consommation à 3 L/100 km sur un A320 à environ 2,8 L/100 km et sur un A350 à 2,5 L/100 km dans les futurs avions avec le nouveau moteur CFM Rise on devrait être aux environs de 2 L/100 km dépendant bien sûr de la taille de l’avion et du nombre de passagers. Safran Electrical & Power vient en février d’obtenir la certification par l’EASA de son moteur électrique ENGINeUS 100 qui est un concentré d’innovation avec l’électronique de puissance qui contrôle son fonctionnement. Autre atout, sa compacité : il affiche une puissance de 125 kW avec un rapport poids puissance de 5 kW/kg. Il est produit à Niort (79) et au Royaume-Uni à un rythme qui sera de 1000 unités par an et s’adapte bien à l’aviation légère 100% électrique pour 1 à 3 passagers, aux avions hybrides pour 19 passagers, etc. (5) Déjà plus de huit compagnies ont passé commande.
Les carburants alternatifs
Les carburants d’aviation durable (Sustainable Aviation Fuel, SAF) neutres en carbone, peuvent être produits suivant 4 grands procédés chimiques (6) :
- les procédés oléochimiques de transformation des huiles végétales, animales, usagées ou non, par hydrogénation (HEFA)
- les procédés biochimiques transformant le sucre en éthanol (ATJ)
- les procédés thermochimiques par gazéification des déchets organiques et Fischer-Tropsch (FT)
- les procédés synthétiques à partir de CO2 et hydrogène (Fischer-Tropsch ou méthanol)
Dans tous les cas les SAF doivent être certifiés par les organismes internationaux de normalisation ASTM pour une utilisation sûre dans le domaine aérien et par l’OACI.
Pour l’instant, en 2025 en France, la voie Fischer-Tropsch est étudiée par Elyse Energy à partir de déchets lignocellulosiques du bois et hydrogénation, la voie ATJ à partir du sucre et de cellulose par Futurol et Global Energy permet d’obtenir un SAF qui a été testé en mars par Safran Aircraft. Seul le procédé HEFA est arrivé au stade industriel notamment en Europe par les sociétés Neste et TotalEnergies. Avant que la bioraffinerie de Grand-Puits soit mise en service en 2025, TotalEnergies jongle sur plusieurs sites, avec la raffinerie de La Mède (13) où arrivent les graisses animales et huiles usagées. Elles y sont prétraitées puis hydrogénées grâce à l’hydrogène venant de l’unité de reformage voisine, puis passent dans l’unité d’isomérisation. Pour séparer le carburant pour l’aviation, il manque un étage de distillation à la Mède, donc le HVO part en Normandie à Oudalle (76) pour obtenir le SAF propre qui est ensuite envoyé à Bordeaux (33), d’où partent les citernes alimentant les aéroports. Ce SAF n'est pas encore complétement neutre en carbone car il y a encore 25% d’huiles végétales de colza et l’hydrogène n’est pas « vert » ! Justement l’hydrogène, me direz-vous ? (7) Pour l’instant le kilogramme d’hydrogène vert vaut à peu près 12 fois le prix du litre de kérosène et Airbus vient d’annoncer qu’il retarde la mise au point de son avion à l’hydrogène ZEROe, devant l’incertitude des infrastructures d’alimentation de ce carburant aux aéroports, c’est montrer que la propulsion aérienne à l’hydrogène n’est pas encore mûre.
Conclusion
Les compagnies aériennes ont raison de dire que les objectifs de réduction des émissions ne seront pas tenus en 2050. Au-delà des annonces et des vols de démonstration, plus médiatiques qu’efficaces, les obstacles sont multiples. Même avec un taux d’incorporation des SAF de 6% en 2030, la production sera largement insuffisante, le procédé d’hydrogénation toujours nécessaire n’est pour l’instant pas nourri d’hydrogène issu de l’électrolyse de l’eau et d’électricité durable. Malgré les efforts d’Airbus et de Boeing, les nouveaux appareils sont livrés au compte-gouttes, empêchant les compagnies d’utiliser les dernières innovations économes en carburant et laissant vieillir leurs flottes. Contrairement à d’autres secteurs de la transition énergétique, l’aviation ne bénéficie pas de subventions mais au contraire de nouvelles taxes frappent le transport aérien.
Devant les doutes sur les ressources et la collecte des millions de tonnes de déchets lipidiques et de biomasse, les investissements dans les filières de HVO (Hydrotreated Vegetable Oil) hésitent et l’engagement d’achat des compagnies aériennes manque. Devant ce cercle vicieux, des experts thermodynamiciens soulignent de plus que la collecte, le prétraitement, l’électrolyse de l’eau, la demande d’énergie pour le raffinage, sont loin d’être négligeables et qu’il conviendrait de faire le bilan carbone de ces SAF. Alors que faire ? Avant de prendre l’avion, faites donc un régime pour maigrir, prenez un petit baluchon très léger, assurez-vous de l’âge récent de l’appareil, sinon prenez le TGV, bien sûr pour New-York ça prendra du temps !
Jean-Claude Bernier
Avril 2025
Pour en savoir plus
(1) Hydrogène, optimisation énergétique et sobriété : l’avenir de l’aviation, P. Labarbe, Fiche Chimie et… en fiches lycées (Mediachimie.org)
(2) Dernières avancées dans les alliages d’aluminium pour applications aéronautiques, T. Warner, colloque Chimie, aéronautique et espace, Fondation de la Maison de la Chimie (novembre 2017)
(3) Les nouveaux matériaux composites pour l’aéronautique, V. Aerts, colloque Chimie, aéronautique et espace, Fondation de la Maison de la Chimie (novembre 2017)
(4) La combustion et les défis de la propulsion aéronautique et spatiale, S. Candel, Colloque Chimie et transports, Fondation de la Maison de la Chimie (avril 2013)
(5) La chimie s’envoie en l’air, J.-C. Bernier, L’Actualité chimique n° 424 (décembre 2017)
(6) La chimie, une solution pour l’avion de demain ?, A. Charles, N. Baffier et J.-C. Bernier, fiche Chimie et… en fiches cycle 4 (Mediachimie.org)
(7) Allons-nous voler à l’hydrogène ? L’évolution du transport aérien, J.-C. Bernier et F. Brénon, éditorial juillet 2021 (Mediachimie.org)
Crédit illustration : Niklas Jeromin / Pexels, libre d'utilisation