Enseignement et Innovations Pédagogiques en Chimie Organique et Médicinale - 30 juin 2022

Date de publication : Mercredi 08 Juin 2022
Rubrique(s) : Événements

L’Association Française des Enseignants en Chimie Thérapeutique (AFECT), l’Association Française des Enseignants de Chimie Organique des UFR de Pharmacie (AECOP) & la Société de Chimie Thérapeutique (SCT) lancent une série annuelle de Webinaires sur l’enseignement et les innovations pédagogiques.

L’objectif est de promouvoir l’enseignement en Chimie Thérapeutique et de la Chimie Organique Pharmaceutique, d’encourager la formation d’excellence des futurs chercheurs dans le domaine de la chimie médicinale au niveau Master et Doctorat et conforter la chimie dans les études de pharmacie.

Retrouvez le programme de la première édition et inscrivez via le lien suivant :
https://univ-lille-fr.zoom.us/webinar/register/WN_ycObJzh2QuKZErST9T88Cg

Mediachimie | Quelques aspects de la corrosion des ouvrages d'art

Date de publication : Jeudi 02 Juin 2022
Rubrique(s) : Zoom sur...

La corrosion présente un enjeu économique considérable, avec un coût de l’ordre de 3 % du produit intérieur brut mondial ; on peut dire que la corrosion coûte 1 euro par jour à chaque Français ! Des organisations internationales s’occupent exclusivement de ce phénomène : signalons le CEFRACOR pour la France. Le CEBELCOR en Belgique a été dirigé pendant longtemps par Marcel Pourbaix, le père des diagrammes potentiel-pH bien connus ! […]

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Mots-clés : corrosion, fer, acier, cuivre, acier patiné, béton armé, électrochimie, bioprotection cathodique, oxydo-réduction

La corrosion présente un enjeu économique considérable, avec un coût de l’ordre de 3 % du produit intérieur brut mondial ; on peut dire que la corrosion coûte 1 euro par jour à chaque Français ! Des organisations internationales s’occupent exclusivement de ce phénomène : signalons le CEFRACOR pour la France. Le CEBELCOR en Belgique a été dirigé pendant longtemps par Marcel Pourbaix, le père des diagrammes potentiel-pH bien connus !

Dans l’Antiquité la corrosion était perçue comme un phénomène mystérieux et était l’occasion de cérémonies religieuses [1a].

La corrosion du fer résulte de son oxydation en différents oxydes et hydroxydes de Fe (II) à Fe (III). Il se crée une couche « épaisse » recouvrant le métal mais pas totalement imperméable, hélas ! En effet les volumes molaires de Fe(OH)2 et Fe3O4 sont respectivement quatre et deux fois plus importants que celui du fer [1a] [1b].

Pour évaluer la corrosion des métaux du patrimoine une étude structurale des couches épaisses est intéressante car les métaux anciens étaient élaborés selon des procédés différents et avaient des structures et des compositions différentes de celles des matériaux actuellement utilisés : le fer et les aciers utilisés avant le XIXe siècle peuvent contenir du phosphore (1% maximum) et, oh surprise, l’élément phosphore s’est révélé intéressant pour comprendre la corrosion des aciers. En effet des mesures par rayonnement synchrotron et micro Raman en particulier ont montré qu’il n’y avait pas de phosphates de fer dans ces couches mais plutôt des complexes (schématiquement entre les ions Fer(II) et hydroxyde OH-) qui sont responsables de la corrosion ultérieure du fer ! [2]

La corrosion du fer peut être atténuée par l’ajout d’autres éléments (cuivre principalement environ à 0,5%). Ce sont les aciers patinés ou autopatinables découverts aux USA dès 1930 et utilisés en Europe à partir des années soixante et dénommés « Corten ». On obtient alors une couche de rouille très fine (quelques dizaines de mm) mais très adhérente qui bloque la corrosion. La couleur évolue d’orange vif à noir dense brillant (très apprécié par les architectes actuellement). En France il y a une trentaine de ponts qui sont en acier patiné et cette technique est aussi très utilisée en architecture de décoration et dans des statues monumentales comme celle réalisée par Pablo Picasso à Chicago : 15 m de haut et 160 tonnes d’acier patinable [1a].

Par ailleurs, la technique de la patine est aussi utilisée pour des objets et sculptures en cuivre. Celui-ci est patiné avec du barège (à base de polysulfures de potassium) à froid puis à chaud avec du dichromate d’ammonium, pour accélérer l’oxydation en oxyde de cuivre (I) de couleur brun chocolat. C’est ainsi que les statues des douze apôtres et des quatre évangélistes de la flèche de Notre-Dame de Paris, devenues vert de gris au cours du temps, avaient été évacuées par les airs juste avant l’incendie de la cathédrale, en vue d’être restaurées et repatinées ! [3] [4]

Dans le béton armé, la présence de la chaux, Ca(OH)2, donne un pH voisin de 13 pour l’eau interstitielle et l’acier est protégé (passivé) par une couche constituée en partie de Fe3O4 de l’ordre de 50 µm d’épaisseur. Hélas, le CO2 de l’atmosphère pénètre peu à peu dans les pores du béton et réagit avec la chaux selon la réaction de carbonatation : Ca(OH)2 + CO2 (dissous) = CaCO3 + H2O conduisant à un pH de 8,3 qui rend possible la corrosion du fer et la formation de la rouille qui exerce alors une pression de plus en plus forte pour fissurer et détériorer très gravement le béton ! [1a]

Des chercheurs américains ont développé récemment une méthode permettant de détecter plus tôt la présence de points faibles par rapport aux moyens actuels. Ils analysent les microcristaux qui se déplacent lors de l’apparition de fissures : cela évite des remplacements parfois inutiles et un gaspillage considérable [5].

Pour empêcher le contact du fer avec le milieu extérieur on peut utiliser une peinture sur le métal avec plusieurs applications entre des périodes de séchage. Ainsi la tour Eiffel au cours de la vingtième campagne de peinture (2019 – fin 2022) a nécessité 60 tonnes de peinture pour recouvrir les 250 000 m2 de surface pour un coût de 50 millions d’euros ! [6] Des nouveaux revêtements sont actuellement envisagés comme le dépôt d’une couche monoatomique de graphène.

La sauvegarde des ouvrages du patrimoine industriel et des ouvrages d’art métalliques peut être obtenue avec des méthodes électrochimiques.

On peut aussi éviter la corrosion d’un acier de béton armé qui se trouve immergé dans la mer (électrolyte) à l’aide d’un générateur de courant avec une tension de quelques volts : une anode inerte (platine, titane recouvert d’oxydes mixtes ou de polymères conducteurs) est reliée électriquement à la partie à protéger qui devient alors la cathode : c’est la protection cathodique [1].

Certaines bactéries présentes limitent la corrosion par transfert d’électrons directement dans le métal et constituent la bioprotection cathodique. Elle est basée sur la capacité des bactéries présentes dans les sédiments marins à convertir directement une partie de l’énergie qu’elles produisent lors de la dégradation oxydante de la matière (organique) des microorganismes. Un brevet a été déposé en juillet 2021 à Toulouse (laboratoire du Génie Chimique Toulouse CNRS) qui est très prometteur pour traiter les ouvrages d’art en milieu marin [7a] [7b].

Des protocoles d’expertise et de diagnostic sur les ouvrages d’art existent en ligne. Ils servent de documents pour analyser les 900 ponts et passerelles métalliques existant en France : relevés, analyses métallographiques, chimiques, mécaniques, examen des peintures (du plomb en particulier), recalcul des ouvrages par modélisation 3D (vérification des contraintes). Ces méthodes permettent des économies de coûts jusqu’à 40 % par rapport à une reconstruction ! [8] [9]
Des sociétés spécialisées se sont créées en France telles que A-CORROS à Arles, DIADES à Aix en Provence, Profractal en Île-de-France… [10].

  

Tour Eiffel © FB  

Pour approfondir et illustrer ce sujet nous avons sélectionné les ressources suivantes :

[1a] Pourquoi faut-il repeindre la Tour Eiffel ? (livre) V. L’Hostis et D. Feron, EDP Sciences (2019), Collection Bulles de sciences. Un excellent ouvrage de vulgarisation sur la corrosion !
[1b] Pourquoi mettre une peinture antirouille sur les grilles de jardin ? F. Brénon (Question du mois, Mediachimie.org)

[2] Évaluer la résistance à la corrosion des métaux du patrimoine : étude de la réactivité des couches épaisses en corrosion atmosphérique du fer, J. Monnier, D. Vantelon, S. Reguer et Ph. Dillmann, L’Actualité chimique n°356-357 (oct.-nov. 2011) p 109-112

[3] Les statues de la flèche soignées par les restaurateurs, J. Coignard, La Fabrique de Notre-Dame – Journal des donateurs n° 1 (Janvier 2021) p 62

[4] La restauration des statues en cuivre de la flèche de Notre Dame, conférence de R. Boyer au colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022, Fondation de la Maison de la chimie

[5] Identifier les points faibles des métaux avant l’apparition de fissures, A. Moign, Le Magazine d’actualité – Les techniques de l’ingénieur (4 décembre 2020)

[6] La tour Eiffel haute en couleur : comment résiste-t-elle aux outrages du temps ?, B. Valeur, L’Actualité chimique n°471 (mars 2022) p 16-17

[7a] De l’eau de mer et des électrons microbiens, un cocktail innovant contre la corrosion, E. Durand-Rodriguez, Lettre Innovation du CNRS (13 janvier 2022)
[7b] Une pile à combustible microbienne pour protéger les bétons armés en mer, N. Louis, Le Magazine d’actualité – Les techniques de l’ingénieur (25 mars 2022)

[8] Guide Techniques et Méthodes - Entretien de de la protection anticorrosion des ouvrages métalliques (pdf) (2005), Guide Techniques et Méthodes, Collection Laboratoire Central Ponts et Chaussées (LPCP) - IFSTTAR devenue Université Gustave Eiffel

[9] Réfection de la protection anticorrosion des structures métalliques en milieu marin (PDF), Fiche aide-mémoire de CEREMA (2018)

[10] A-CORROS : https://a-corros.fr/ ; DIADES https://diades.fr/ ; Profractal http://www.profractal.fr

Auteur(s) : Jean-Pierre Foulon
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Mots-clés : matériaux du patrimoine, procédés anciens, provenance, altération, restauration

Les matériaux du patrimoine peuvent être de nature très diverse (roches et silex, céramiques, métaux et alliages, verres, matière picturale, papier, bois, végétaux,...). Ils ont été agencés pour former des objets plus ou moins complexes et hétérogènes, de différentes qualités. Ils peuvent avoir été élaborés selon des procédés variés, mettant en jeu des déformations mécaniques mais également des transformations chimiques et thermochimiques de tous ordres. Ils sont souvent hétérogènes, et ce de l’échelle fonctionnelle à celle submicrométrique. Leur composition et leur microstructure recèlent de ce fait un grand nombre d’informations sur les savoir‐faire techniques et les réseaux d’échanges, mais également les origines ou la période d’utilisation de ces matériaux [1]. C’est pourquoi leur analyse et leur étude physico‐chimique, qui met en œuvre des méthodologies adaptées et innovantes, peuvent être considérées comme une source produisant des informations historiques à part entière.

Nous verrons comment la mise en œuvre de ces méthodes (allant de la microscopie optique aux techniques sur anneaux synchrotrons, en passant par l’instrumentation portable [2]) peut permettre de comprendre l’histoire technique de certains matériaux comme les céramiques ou la matière picturale, leur réseaux d’échange parfois complexes comme pour les fers et les aciers, le verre ou l’ivoire [3]. Les approches sont aujourd’hui intégrées aux études historiques et les questionnements scientifiques sont co‐construits de manière interdisciplinaire. Une fois les objets abandonnés, ou au cours de leurs histoire, les matériaux qui les constituent subissent des processus d’altération dont la compréhension des mécanismes physico‐chimiques est cruciale pour le diagnostic de leur état de conservation et la mise en place de traitements de protection. Nous montrerons aussi comment ces études servent également à prévoir le comportement de matériaux employés dans le futur sur la très longue durée. Enfin, nous terminerons cette communication par quelques exemples d’études ou la chimie et les nanosciences permettent de mettre en place des traitements de restauration et de protection [4].

 

Vidéo de la conférence (durée : 39:02)
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Références :
[1] Regert M, Guerra M‐F, Dupuis G., Physico‐chimie des matériaux archéologiques et culturels. Editions des Archives Contemporaines, 2016.
[2] Benech C, Cantin N, Marie‐Angélique Languille, Arnaud Mazuy, Laurianne Robinet, Antoine Zazzo. Instrumentation portable. Quels enjeux pour l’archéométrie ? Editions des Archives Contemporaines. Paris, 2020.
[3] Dillmann P, Bellot‐Gurlet L., Circulation et provenance des matériaux dans les sociétés anciennes, Editions Archives Contemporaines, 2014.
[4] Dillmann P, Bellot‐Gurlet L, Nenner I., Nanoscience and cultural heritage, Atlantic Press; 2016

Auteur(s) : Philippe DILLMANN, Directeur de Recherche - CNRS
Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
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Mots-clés : charpente, bois, chêne, pierre
  • le matériau chêne
  • le matériau pierre

Le matériau chêne (Rémi Fromont)

L’incendie du 15 avril 2019 a conduit à la disparition de la quasi‐totalité des charpentes et couvertures du grand comble de la cathédrale : charpentes gothiques de la nef et du chœur, flèche et transepts de Viollet‐le‐Duc. Seuls les beffrois, logés dans les tours du massif occidental, ont été à peu près épargnés par l’incendie.

Le parti de la reconstitution des charpentes et des couvertures dans un état proche de l’identique pose de manière aigue la question de l’emploi du matériau bois. Le choix des arbres en forêt, la période d’abattage, le mode de débit (sciage mécanique ou manuel), la qualité des bois (nœuds, fils tors, cœurs centrés ou non), le stockage des grumes et des pièces taillées, le taux d’humidité des bois au moment de leur mise en œuvre sont autant des facteurs intéressant directement la qualité du matériau chêne. L’analyse des ouvrages disparus a par ailleurs démontré que, outre la conception structurelle des ouvrages de charpente, ces facteurs ont une forte incidence sur la pérennité des ouvrages et sur notre capacité à les justifier structurellement.

La communication reviendra donc sur le processus qui a présidé à l’établissement des cahiers des charges rédigé par les architectes et présidant au choix et à la taille des bois, tant pour les charpentes de Viollet‐le‐Duc que pour les charpentes gothiques de la nef et du chœur.

Le matériau Pierre (Pascal Prunet)

Lors de l’incendie du 15 avril 2019, les charpentes en feu sont tombées sur les voûtes de la cathédrale, entraînant l’effondrement de plusieurs travées du vaisseau, un arc doubleau et deux voûtains adjacents dans la nef, percutés par la partie supérieure de la flèche, la totalité de la voûte de la croisée, et un voûtain du bras nord. Les hautes températures atteintes par le brasier au contact de l’extrados des voûtes, ont aussi dégradé les pierres des voussoirs, malgré la protection que leur conférait une chape de plâtre, réduisant leur hauteur de deux à trois cm.

Les études menées sur les pierres tombées au sol et en œuvre ainsi que les archives historiques, ont montré qu’elles provenaient de différentes carrières, correspondant à des ressources exploitables lors de la construction et des chantiers successifs de restauration au 18ème siècle et lors de la restauration de Viollet‐le‐Duc. Le LRMH a aussi pu identifier les caractéristiques de ces pierres d’origines différentes, notamment leurs densités relatives, qu’elles soient utilisées pour les claveaux des arcs, ou pour les voussoirs qui constituent les voûtains.

Les pierres en œuvre présentant des caractéristiques différentes selon leur emploi : nervure ou voûtain, mais aussi au‐delà de la question des voûtes, murs en élévation, arase des murs supportant la charpente de toiture... des recherches ont été faites avec le LRMH et le BRGM pour identifier les carrières présentant des ressources dont les caractéristiques étaient compatibles avec les pierres en œuvre ou à remplacer, structurellement (résistance à l’écrasement, poids, porosité) et esthétiquement (couleur, grain…).

Indépendamment de la problématique de la reconstruction des voûtes, la question de la consolidation et du renforcement des parements conservés, ceux des voûtains, rendus nécessaires par les pertes de matière ont aussi été étudiées, et proposée par la réalisation d’une chape de chaux fibrée, et ceux des murs intérieurs des combles, aussi déplaqués par les dilatation des pierres sous l’effet des hautes températures de l’incendie, et qui seront consolidés par brochages en fibre de verre et injections de micromortiers de type Ledan, solution mise au point sur la base de chantiers test.

Enfin, la protection de l’extrados par une chape de surface résistant au feu a également été étudiée avec le LRMH, afin de protéger les voûtes contre les conséquences d’un éventuel incendie.

 

Vidéo de la conférence (durée : 4:22)
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Vidéo de la conférence (durée : 35:53)
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Vidéo de la conférence (durée : 14:02)
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Auteur(s) : Rémi FROMONT, ACMH, Covalence Architectes et Pascal PRUNET, Architecte en chef des Monuments Historiques
Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
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Mots-clés : Notre‐Dame de Paris, conservation, restauration, contamination au plomb, vitrail, incendie

Lors de l’incendie de la cathédrale Notre‐Dame de Paris le 15 avril 2019, les vitraux historiés ont été protégés dans leur globalité par la résistance de la voûte, qui a rempli son rôle de bouclier malgré les quatre zones perforées. De plus, les soldats du feu ont su intervenir en évitant la projection d’eau directement sur les baies évitant ainsi l’explosion des verrières.

En 2015, une étude préalable avait été menée par l’architecte en chef des monuments historiques de la cathédrale pour préparer les futures restaurations. L’objectif avait été de faire un diagnostic complet pour évaluer l’état de conservation des verres, des peintures et des plombs. L’incendie a entrainé une réorganisation du programme de restauration des vitraux. La priorité actuelle étant de faire entrer le public en 2024,  l’objectif a été donné à une décontamination générale et à la restauration des baies hautes déposées. Depuis 2019, deux phases d’études ont été menées sur des chapelles tests pour valider les protocoles d’intervention décrits dans le cahier des charges pour les appels d’offre. Afin d’établir les protocoles de décontamination, une étude globale du LRMH sur tous les matériaux dont les vitraux, a été déployée. De septembre 2019 à janvier 2020, une première phase d’observation et d’analyses a été réalisée sur la chapelle Saint‐Éloi et l’entrée de la sacristie des messes, par le pôle scientifique vitrail, afin d’identifier la nature des dépôts et de proposer un protocole de décontamination préservant les verres et les peintures. D’août 2020 à janvier 2021, une deuxième phase a succédé pour évaluer les coûts et les délais des interventions à l’échelle de l’entreprise.

Dans ce contexte, un groupement réunissant historiens de l’art, experts du vitrail, scientifiques de la conservation, chercheurs universitaires s’est créé afin de coordonner la recherche scientifique autour des vitraux de la cathédrale. Ce groupe de travail « Verre » a définit les thématiques de recherche prioritaires [1] : caractérisation des dépôts de surface sur les vitraux, compréhension de l’interaction avec les matériaux et optimisation des traitements de conservation‐restauration ; la recherche sur la connaissance des vitraux du XIIe siècle au XXe siècle de Notre‐Dame de Paris [2].

 

Vidéo de la conférence (durée : 12:40)
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Références :
[1] https://notre‐dame‐de‐paris.culture.gouv.fr/fr/verre‐1
[2] https://notre‐dame‐de‐paris.culture.gouv.fr/notre‐dame‐de‐paris/fr/vitraux‐moyen‐age

Auteur(s) : Claudine LOISEL, Ingénieure de recherche, responsable du pôle scientifique Vitrail, Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH)
Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
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Mots-clés : alliages ferreux, métallographie, archéométrie, architecture gothique, datation

L’incendie de 2019 a mis au jour des armatures de fer jusqu’ici inconnues dans la structure de Notre‐Dame de Paris. Ces découvertes ont conduit à la documentation systématique de ces usages dans la diachronie, des phases de construction des XIIe‐XIIIe siècles aux restaurations des XIXe‐XXe siècles.

Au‐delà de l’inventaire archéologique de ces armatures préalable à toute forme d’étude, l’analyse chimique des alliages ferreux qui les composent apporte un éclairage inédit sur les pratiques des bâtisseurs médiévaux et modernes, grâce aux méthodologies développées depuis une vingtaine d’années [1] : nature et qualité des matériaux mis en œuvre, procédés techniques de production utilisés et mise en forme par les forgerons [2], provenance et approvisionnement du métal pour le chantier [3]. Ces analyses permettent enfin de renseigner la chronologie de ces renforcements [4]. Grâce au chantier de restauration et à l’ensemble de ses acteurs, plusieurs dizaines d’armatures (agrafes, tirants, clous, armatures des décors…) ont pu être prélevées pour être soumises à ces investigations.

L’analyse métallographique de ces armatures révèle en premier lieu la nature des alliages ferreux mis en œuvre, très hétérogène, alliant fer, carbone, phosphore et de nombreuses inclusions non métalliques. Certaines pièces se démarquent toutefois par une composition très aciérée. Elle met également en évidence de nombreuses soudures, qui posent la question de la mise en forme de ces barres, par assemblage d’éléments plus petits, et incidemment la question de l’utilisation de matières recyclées et des circuits d’approvisionnement. L’analyse des inclusions de scories en éléments majeurs par MEB‐EDS, puis en éléments traces par LA‐ICP‐MS renseigne sur les procédés techniques utilisés, bas fourneau et haut fourneau, et les différentes sources de métal, illustrant l’activité du marché du fer sur la place parisienne. Enfin, six agrafes et deux clous ont pu être datés par la méthode du radiocarbone. Les résultats obtenus donnent des éléments nouveaux de compréhension des phases de construction et de consolidation de l’édifice.

 

Vidéo de la conférence (durée : 26:11)
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Références :
[1] M. L’Héritier, Le fer et le plomb dans la construction monumentale au Moyen Âge, de l’étude des sources écrites à l’analyse de la matière, Ædificare, 2019, p. 79–121
[2] P. Dillmann, M. L’Héritier, Slag inclusion analyses for studying ferrous alloys employed in French medieval buildings, JAS, 34, 2007, p. 1810–1823
A. Disser, P. Dillmann, M. Leroy, M. L’Héritier, S. Bauvais, P. Fluzin, Iron Supply for the Building of Metz Cathedral, Archaeometry. 59, 2017, p. 493–510
[4] S. Leroy, M. L’Héritier, E. Delqué‐Kolic, J.‐P. Dumoulin, C. Moreau, P. Dillmann, Consolidation or initial design? Radiocarbon dating of ancient iron alloys sheds light on the reinforcements of French Gothic Cathedrals, JAS, 53, 2015, p. 190–201
 

Auteur(s) : Maxime L’HERITIER, Maître de conférences en histoire médiévale, Université Paris 8, ArScAn CNRS UMR 7041
Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
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Mots-clés : matériaux, patrimoine, dégradation, pierre

Le mécanisme et la vitesse de dégradation des pierres sur un monument dépend d’une part de facteurs intrinsèques, comme la composition minéralogique, les capacités de stockage et de transfert hydriques et hygriques, les propriétés thermiques et mécaniques, et d’autre part de facteurs extrinsèques comme la température, l’apport en eau par la pluie et les remontées capillaires, la nature et la quantité des sels dans les solutions percolantes, l’abondance de ces solutions, et enfin le facteur biologique. La morphologie du bâtiment et la position architecturale déterminent aussi indirectement le type et l’intensité des dégradations. Parmi ces différents facteurs, les sels viennent assez largement en tête des agents de détérioration.

Un sel est par définition un solide ionique pouvant se dissocier en présence de solvants polaires en particulier l’eau. Le plus connu est sans doute la halite de formule NaCl, mais il en existe de multiples autres. Á Notre‐Dame, deux sels nous préoccupent : d’une part une variété de sulfate de calcium, le gypse de formule CaSO4.2H2O, déjà présent sur l’édifice avant l’incendie, et deux variétés du sulfate de sodium, la thénardite (Na2SO4) et la mirabilite (Na2SO4.10H2O), pratiquement absents sur l’édifice avant l’incendie, mais dont l’apparition a été soupçonnée puis évaluée pendant les tests menés sur les parements contaminés par le plomb.

Nous examinerons deux cas d’étude.

Le premier concerne les parements intérieurs et extérieurs des chapelles, nous nous intéresserons à l’impact des méthodes de nettoyage‐déplombage sur la production de sels.

Le deuxième est relatif à la voûte du bras sud du transept, dont l’intrados est très affecté par une pollution saline. Nous évoquerons les raisons de cette pollution, et examinerons sur quelles bases scientifiques ont été élaborés les conseils donnés par le LRMH puis mis en œuvre par la maîtrise d’œuvre pour diminuer la charge saline des maçonneries de la voûte.

 

Vidéo de la conférence (durée : 27:58)
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Auteur(s) : Véronique VERGES-BELMIN, Géologue, Ingénieure de recherche, responsable du pôle scientifique Pierre, Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH)
Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
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Mots-clés : biogéochimie, bois, carbonisation, provenance, climat

La charpente en chêne de Notre‐Dame de Paris est l'un des plus grands chefs‐d'œuvre de la charpenterie gothique en France. Elle a été construite au cours du Moyen Âge, entre le XIe et le XIIIe siècle, à une époque où de profonds changements environnementaux et sociétaux créent une pression importante sur les ressources forestières disponibles. La destruction de la charpente de Notre‐Dame de Paris dans l'incendie du 15 avril 2019 a laissé des milliers de fragments de poutres de chêne carbonisés plus ou moins longs et fragmentés, non réutilisables pour la reconstruction. De fait, ces bois médiévaux, rares et précieux, sont aujourd’hui accessibles à la communauté scientifique.

Observée par un œil profane, cette charpente donnait le sentiment d’une « forêt » en raison du grand nombre de poutres nécessaire à sa mise en place. On estime que 800 voire 1000 chênes ont été nécessaires à sa construction, chaque entrait ou chevron provenant d’un arbre différent. Or, tout au long de sa vie, chacun de ces chênes a enregistré certaines variations de son environnement en constituant chaque année un nouveau cerne de croissance. Ainsi, la succession de ces cernes constitue un moyen de datation absolue. De plus, l’analyse de l’anatomie des bois et de leurs compositions chimiques, moléculaires et isotopiques permet d’obtenir des informations sur l’environnement et la physiologie des arbres. Certains marqueurs du bois peuvent ainsi être utilisés comme indicateurs des modes de croissance, des zones de provenance ou du climat passé. Analyser la "forêt" de Notre‐Dame, c’est remonter le temps, en reconstruisant les forêts et le climat des siècles passés.

Cette communication présentera deux exemples de combinaisons de marqueurs chimiques et isotopiques qui seront testés et analysés sur les bois carbonisés de Notre‐Dame.

Le premier exemple repose sur une approche inédite et originale, combinant la composition élémentaire depuis les éléments majeurs jusqu’au groupe des lanthanides, ainsi que les isotopes du strontium et du néodyme pour restituer la provenance géographique des bois. Des essais d’extraction d’ADN seront également menés pour trouver une signature génétique de l’espèce et de l’origine des peuplements. L’identification des provenances apportera des informations précieuses sur la gestion des territoires forestiers, le transport du bois et ses modalités (voies terrestre et/ou fluviale). L’exploitation des ressources forestières est en effet l’un des fondements économiques de la société médiévale, que ce soit pour la construction, le bois de feu et les activités artisanales.

Le deuxième exemple concerne les compositions isotopiques de l’oxygène et du carbone qui permettent des reconstructions paléoclimatiques fines. Les chênes exploités pour la construction de la charpente de Notre‐Dame ont en effet poussé pendant une période d’amélioration climatique, connue sous le nom d’optimum climatique médiéval. Cette période semble se caractériser par de longues séries d’étés secs, vraisemblablement chauds. Des micro‐oscillations climatiques pourraient néanmoins avoir eu lieu durant cette période, notamment avec des hivers très rudes ou des épisodes pluvieux. Les bois carbonisés de la cathédrale Notre‐Dame constituent donc une porte d’accès unique aux conditions climatiques pour identifier et caractériser cet optimum climatique médiéval. Chacune de ces approches sera discutée au regard de la carbonisation, processus qui implique des conséquences en cascade sur les signatures élémentaires, isotopiques et
moléculaires et dont la compréhension est nécessaire à une interprétation rigoureuse des signaux biogéochimiques

 

Vidéo de la conférence (durée : 29:17)
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Auteur(s) : Alexa DUFRAISSE, Chargée de recherche au CNRS, UMR 7209 Archéozologie, archéobotanique : Sociétés, Pratiques et Environnements (ASSPE), CNRS/MNHN, Paris
Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
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Mots-clés : peinture murale, conservation‐restauration, pollution au plomb, incendie, cathédrale Notre‐Dame de Paris

Pendant l’incendie de la cathédrale Notre‐Dame de Paris, survenu le 15 avril 2019, les peintures murales, situées dans le déambulatoire n’ont pas été directement endommagées grâce à leur éloignement du centre d’incendie, localisée sur la toiture du transept et partie est de la nef. En revanche, cet incendie a provoqué une dispersion du plomb couvrant la toiture, entre autres, en forme d’un aérosol, qui ensuite s’est déposé autour de la cathédrale résultant en une importante pollution des abords du bâtiment. L’intérieur n’a pas échappé à ce dépôt de microparticules de plomb, qui recouvert les sols, mais aussi les murs y compris les peintures.

La dépollution de l’intérieur de la cathédrale, va permettre aux équipes chargées de travaux de restauration un accès facilité par des protections allégées. Dans le cadre de cette intervention, il était nécessaire de mettre au point un protocole d’élimination du plomb exogène adaptée à la préservation de peintures murales à l’huile datant de la campagne de restauration conduite par Eugène Viollet‐le‐Duc.

La mise au point de cette méthode s’est déroulée dans le passage de la Sacristie et a été suivie par les contrôles de quantité de plomb soluble [1]. Plusieurs niveaux d’intervention ont été testés : aspiration avec brossage, application d’un papier absorbant humidifié et application d’un gel nettoyant. C’est un gel aqueux fait avec un complexant qui, appliqué en deux passages après un dépoussiérage minutieux, a donné les résultats les plus satisfaisants.

Le chantier des chapelles test a permis la mise en pratique et à l’échelle de ce protocole. Pendant six mois une équipe de neuf restauratrices de peintures murales a restauré le décor de la chapelle Saint Ferdinand en collaboration avec le LRMH et en coactivité avec des restaurateurs de vitraux (Vitrail France), de sculpture (SOCRA) et de maçonnerie (Pierre Noël). Ainsi à la fin du chantier tous les éléments constitutifs du décor de Viollet‐le‐Duc (vitrail, sculpture, pierre) étaient restaurés. Dans ce contexte singulier pour nous, restaurateurs de peintures murales, ce chantier était exemplaire.

 

Vidéo de la conférence (durée : 17:21)
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Vidéo de la conférence (durée : 8:28)
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Références :
[1] Nowik W., Duchêne S., Brissaud D., Essais d’élimination de plomb exogène des peintures décoratives de chapelles du cœur de Notre‐Dame, Monumental, 1, 104‐105, 2021

Auteur(s) : Marie PARANT, Restauratrice de peintures murales, indépendante et Witold NOWIK, Chimiste, ingénieur de recherche, responsable du pôle Peinture murale et polychromie, Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques
Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
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