Le lendemain de l’incendie de la toiture de Notre Dame, la course contre la montre est engagée. Sous l’impulsion et les directives de l’architecte en chef Philippe Villeneuve, rejoint plus tard par Remy Fromont et Pascal Prunet, les hommes se lancent dans le sauvetage et la sécurité de la cathédrale.
Engagés dans cette réussite, ils ont fait appel à plusieurs entreprises afin de répondre et exécuter leurs consignes. Des tailleurs de pierres, des échafaudeurs, des cordistes, des couvreurs et des charpentiers ont travaillé sans relâche pour sauvegarder le monument.
Mon entreprise LE BRAS FRERES a réalisé tous les travaux de confortement par cintres et étaiements sur la cathédrale. Depuis le début des opérations de sécurisation, nous avons coordonné l’ensemble des travaux de renforcements bois et métalliques sur le monument. A savoir, nous avons travaillé :
- Sur la conception des cintres bois pour soutenir les arcs‐boutants,
- Sur la réalisation des planchers bois pour ceinturer les murs gouttereaux et ainsi aider à la poursuite des travaux de sauvegarde,
- Sur les renforts des Beffrois,
- Sur les nombreux étrésillonnements des zones sinistrées,
- Sur la conception de chevalements intérieurs,
- Sur les renforts de voûtes.
Fortement investi dans la sauvegarde de ce monument, mon entreprise animée essentiellement par du personnel passionné par son métier, nous possédons toutes les technicités et le savoir‐faire nécessaire pour que la cathédrale Notre Dame, chantier emblématique hors du commun, retrouve sa beauté d’antan.
Mon bureau d’études interne à l’entreprise composé de jeunes ingénieurs et dessinateurs hautement qualifiés nous a permis une grande réactivité sur l’étude et l’exécution des travaux. La charge de travail à ce moment était tellement importante qu’il a fallu que toute la société LE BRAS FRERES soit mobilisée ; et ceci, depuis la secrétaire jusqu’au compagnon travaillant à l’atelier ou ceux directement sur terrain, sans oublier le service logistique. Tous les salariés de l’entreprise (présents ou non sur ce chantier) étaient concernés et mobilisés. C’est grâce à l’implication de tous que la sécurisation de l’édifice a pu se faire.
Toutes ces prestations de consolidation et sécurisation ont été visées par les architectes en chef des monuments historiques. Leurs appuis historiques et techniques ont permis de coordonner parfaitement et rapidement les opérations.
La compétence professionnelle et la conviction de chaque membre de mon entreprise nous ont permis de finaliser la sécurisation et le confortement de ce monument. En permanence, je suis resté en étroite collaboration avec les compagnons charpentiers et échafaudeurs, le bureau d’étude, les ateliers et les donneurs d’ordres.
Sur toute cette opération, nous avons été dirigés et soutenus par le Directeur Général des opérations de sauvegarde de la cathédrale Notre Dame, il a été un moteur important
tout au long de ces travaux. Le travail de la reconstruction est encore long, nous devrons garder le rythme sur le long terme.
Ce jour, je vais vous présenter plus particulièrement la sauvegarde des voûtes à travers la méthodologie d’étaiement par cintres que l’on a accomplie au niveau des arcs‐ boutants et des voûtes.
Seront présentées toutes les étapes pour la sauvegarde du monument. Nous commencerons par la numérisation, la conception mécanique des cintres, jusqu’à l’aboutissement de la pose. A cela, nous expliquerons les phases de fabrication et assemblage de toutes ces pièces.
Vidéo de la conférence (durée : 14:40)
Retrouvez ici toutes les vidéos de ce colloque. Possibilité de les télécharger.
Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
Le 11 avril 2019, eut lieu la dépose des statues des douze apôtres et des quatre évangélistes qui ornaient la base de la flèche de la cathédrale Notre Dame de Paris. Elles devaient rejoindre les ateliers de la SOCRA en Dordogne pour une restauration fondamentale. Quatre jours plus tard un incendie ravage la flèche et la charpente de l’édifice, faisant de ces œuvres de véritables miraculées.
Durant les deux années qui suivirent, les statues, créées par le sculpteur Geoffroy‐Dechaume et réalisées par les ateliers Monduit, furent restaurées en atelier suivant des protocoles spécifiques pour le traitement des armatures internes et de l’épiderme en cuivre. Les pathologies rencontrées sont celles que nous rencontrons habituellement sur ce type d’ouvrage : altération de l’épiderme, corrosion galvanique de l’armature interne en fer pur. Cette campagne de restauration aura été également l’occasion d’aborder les questions relatives à l’aspect de surface de l’épiderme en cuivre et des traitements de finition. Aujourd’hui présentées dans les galeries de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris, ces œuvres retrouveront leur emplacement d’origine à la fin des travaux de reconstruction de la flèche.
Vidéo de la conférence (durée : 25:49)
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Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
Lors de l’incendie du 15 avril 2019, le feu a provoqué de nombreuses altérations chimiques des matériaux en présence, accompagnées bien sûr d’altérations physiques et mécaniques. L’eau utilisée par les pompiers n’a pas moins altéré matières et édifice, de même que celle, venue du ciel, qui a continué de pénétrer dans la cathédrale tant que l’échafaudage initial n’a pas été enlevé. Pierres, plomb, bien sûr, bois, fer et verre ont donc subi des modifications plus ou moins fortes, et dont les implications structurelles sont plus ou moins grandes.
Les scientifiques qui se sont portés au chevet de l’édifice sont pour une partie d’entre eux des spécialistes des matériaux anciens, issus de l’université ou du CNRS, ou de leur conservation et de leur restauration, et dans ce cas, plutôt issus du ministère de la Culture. Ils se sont trouvés confrontés à des altérations de nature diverse. Les températures atteintes ont par exemple transformé le plomb en oxydes, transportés par aérosol, qui se sont déposés sur tout l’intérieur de l’édifice et doivent être enlevés pour pouvoir rendre une cathédrale dépolluée et nettoyée aux fidèles et au public. Ces oxydes sont souvent venus s’ajouter à des plombs plus anciens, dus à la pollution automobile, ou à la saleté produite par l’activité au sein de la cathédrale. Le nettoyage des différents matériaux concernés (métal des grilles, bois du mobilier, peintures murales, vitraux, pierre) doit être mené selon des techniques qui peuvent aussi relever de processus chimiques mais qui doivent surtout respecter le matériau patrimonial original qui a subi déjà une première attaque. Dans certains cas, par ailleurs, ce plomb a fusionné avec la pierre créant quasiment un nouveau matériau. La pierre elle‐même sous l’effet de la chaleur connaît des modifications et des transformations qui se manifestent par des variations de couleur et d’aspects, significatifs de changements structurels internes.
L’eau peut entraîner la formation de sels, et de fortes altérations des matériaux en véhiculant différents matériaux à l’état de solutions, et c’est pourquoi les produits utilisés pour le nettoyage doivent être particulièrement bien choisis.
Par chance, les sculptures de la flèche par Viollet‐le‐Duc et Geoffroy‐Dechaume ont été déposées avant l’incendie et leur restauration a permis des observations précises sur leur histoire, et leur matérialité.
Enfin, au‐delà du clin d’œil, le chantier scientifique de Notre‐Dame en rassemblant des scientifiques venus de laboratoires et d’horizons très différents a contribué à former une véritable communauté et à rapprocher des gens qui ne se connaissaient pas et ne travaillaient pas ensemble, à renforcer l’interdisciplinarité des approches de ce bâtiment emblématique. Plus encore, de nouvelles méthodes de travail et de recherche, de nouveaux outils se sont mis en place pour rassembler ces connaissances et créer quasiment de nouveaux champs disciplinaires.
En cela, le chantier de Notre‐Dame a bien une dimension alchimique humaine.
Vidéo de la conférence (durée : 11:34)
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Vidéo de la conférence (durée : 12:23)
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Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
Symbole universel de Paris et de la France, chef‐d’œuvre de l’architecture gothique, la cathédrale Notre‐Dame de Paris fascine et inspire, depuis plus de huit siècles, les pèlerins, les visiteurs et les artistes du monde entier. Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco au titre des Rives de la Seine, Notre‐Dame de Paris est intimement liée au destin de la France et aux grandes heures de son histoire.
Le 15 avril 2019, un incendie violent a touché au cœur la cathédrale provoquant une vive émotion à travers le monde et un élan de générosité et de solidarité sans précédent.
Grâce à la mobilisation de la brigade de sapeurs‐pompiers de Paris, Notre‐Dame de Paris a pu être sauvée des flammes.
Depuis l’incendie, un vaste chantier s’est mis en place afin d’assurer la sauvegarde et la renaissance de la cathédrale et de lui redonner sa splendeur.
Jusqu’à l’été 2021, artisans et compagnons venant de toute la France, équipes de l’établissement public, maître d’ouvrage, et architectes en chef des monuments historiques, maître d’œuvre, ingénieurs et chercheurs, experts du ministère de la culture, ont sauvegardé la cathédrale, étape préalable et nécessaire à sa future restauration.
Grâce à leur travail considérable et à leur mobilisation, Notre‐Dame de Paris est entièrement consolidée et sécurisée.
La phase de restauration est désormais résolument engagée afin de tenir l’objectif fixé par le Président de la République de rendre la cathédrale au culte et à la visite en 2024. Les défis qui attendent ces bâtisseurs de cathédrales sont nombreux, faisant de ce chantier une aventure exceptionnelle.
Vidéo de la conférence (durée : 36:13)
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Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
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Bernard Bigot un chimiste manager
Rubrique(s) : Éditorial

Bernard Bigot, directeur général du programme ITER, est décédé la semaine dernière. Les milliers de chercheurs, d’ingénieurs, d’ouvriers des centaines d’entreprises qui travaillaient sur ce projet mondial « le réacteur thermonucléaire expérimental international » de Saint-Paul-lez-Durance sont bouleversés. Bernard Bigot avait pris la direction d’ITER en 2015 alors en pleine crise existentielle et en avait relevé le défi en lui donnant un nouvel élan.
Mais Bernard n’était pas qu’un super manager, c’était aussi un vrai chimiste, élève de l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud et agrégé de sciences physiques option chimie. Il prépare une thèse en chimie théorique à l’Université d’Orsay dans l’équipe brillante dirigée par Lionel Salem au milieu des années 70. Docteur d’État ès sciences physiques, c’est en 1985 qu’il participe à la création de l’École normale supérieure de Lyon où il occupera diverses fonctions de directeur des études (1986-1993) tout en dirigeant un laboratoire de recherche en chimie théorique. Lyon et l’École Normale Supérieure resteront toujours privilégiés dans son cœur. On se rappelle avec quelle fierté et amour il conduisait un soir d’été en 1998 une délégation scientifique venue de Chine sur les hauteurs de Fourvière.
Hélas pour Lyon ses qualités le font remarquer à Paris et il est nommé en 1993 au Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche à la Mission scientifique et technique (MST) puis directeur général de la recherche et de la technologie (DGRST) jusqu’en 1997. Il montre là sa vision de la recherche internationale et active l’évolution des équipements et des laboratoires des grands organismes de recherche pour faire face à la concurrence internationale. C’est lui qui impulse notamment la dotation en spectromètres de RMN à haut champ en biochimie, à Grenoble et Gif-sur-Yvette, équipements dont la France était sous-dotée. Il montre aussi sa puissance étonnante de travail. Il n’était pas rare de le rencontrer lors d’une réunion à 22 h rue Descartes et d’en trouver ses conclusions dans la boite mail à 7 h du matin.
En 1998 il accepte la direction de l’Institut de recherche sur la catalyse du CNRS à Lyon où il avait déjà plusieurs années auparavant encouragé l’implantation d’une équipe de théoriciens brillants, puis en 2000 la direction de l’ENS de Lyon qui lui était restée chère. Il y montre encore là ses capacités d’organisation aidé par un travail remarquable des enseignants et aussi sa préoccupation constante d’attirer vers la science les jeunes collégiens et lycéens en favorisant les contacts des chercheurs avec les lycées et collèges.
Il doit à nouveau quitter Lyon en 2002 comme directeur du cabinet du ministre Claudie Haigneré jusqu’en 2003, date où il est nommé Haut-commissaire à l’énergie atomique puis en 2009 administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique jusqu’en 2013. Sous sa direction le CEA change de nom en y ajoutant à l’énergie nucléaire les énergies alternatives. Il y imprime sa marque en mettant l’accent sur la chimie nucléaire, les procédés bas carbone et les futures bases de l’énergie nucléaire. Cette préoccupation de l’énergie future va le conduire à prendre en 2015 la direction générale du projet international de « fusion nucléaire » alors en plein doute. Comment gérer et animer cette entreprise de coopération internationale sans équivalent au monde. Dans les conseils siège l’Europe mais aussi la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée, la fédération de Russie, le Japon et les Ėtats-Unis. Il réforme les processus de décisions, les chaines de fabrication, le management. Sept ans après, plus de 75% du génie civil est réalisé et en ordre de marche. Des pièces de très haute technologie acheminées par voie maritime ou terrestre venant des partenaires du bout du monde sont montées en Provence. Il fallait voir son enthousiasme lorsque dernièrement les super aimants de plusieurs centaines de tonnes avaient rejoint leur logement au 1/10 de mm près. Il avançait avec optimisme sûr que le premier plasma serait produit en 2025 !
Pour nous à la Maison de la chimie il a accepté en 2006 d’être président du conseil d’administration de la Fondation (internationale). C’est sous son impulsion que se sont développées les actions en direction des jeunes et du grand public visant à mieux faire connaître la chimie. Citons les colloques « Chimie et … » qui ont connu à presque chaque fois (hors pandémie) plus de 1000 à 1200 participants dont 1/3 de lycéens et dont il a présidé le 18e « Chimie et Notre-Dame » en février dernier.
Citons aussi le site « Mediachimie.org » qui contient plus de 1800 références sur la chimie à destination des professeurs de lycées et de collèges mais aussi des élèves, des étudiants et de tout public s’intéressant à la science et à la chimie. C’est avec l’approbation de Bernard Bigot que des coopérations avec Nathan et la Fondation La main à la pâte, création de l’Académie des sciences, ont été réalisées élargissant le champ visé à un nombre encore plus grand d’internautes et d’élèves.
Oui nous sommes tristes, nous avons perdu un collègue chimiste, un professeur, un président internationalement respecté, un entraineur d’hommes et de femmes, mettant toute son énergie au service de la nation et à œuvrer pour un monde meilleur en participant activement au sein d’ITER, à la réalisation d’une source d’énergie propre et inépuisable telle que la fusion nucléaire comparable à celle qui alimente le Soleil et les étoiles.
Sa grande préoccupation des générations futures nous a tous poussé à diffuser largement la science et la technique, nous lui devons tous de nous avoir entrainés dans cette belle aventure collective… Merci Bernard.
Nos pensées vont à sa famille et les équipes de Mediachimie s’associent à leur profond chagrin.
Mai 2022
les équipes de Mediachimie.org
Voir aussi la page d'hommage à Bernard Bigot sur le site de la Fondation de la Maison de la chimie
Crédit photo : ITER Organisation iter.org.
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Décès de Bernard Bigot
Rubrique(s) : Événements

Le comité de pilotage de Mediachimie et les membres des équipes pédagogiques ont la tristesse de vous faire part du décès, le 14 mai 2022, de Bernard Bigot, Président de la Fondation de la Maison de la Chimie et Directeur Géneral de ITER international.
Bernard Bigot a soutenu Mediachimie, depuis sa création en 2012, comme un programme prioritaire des actions de la Fondation de la Maison de la Chimie.
Mediachimie présente ses condoléances à sa famille.
Adresse email dédiée aux messages de condoléances à l'attention de la famille : hommage.bernard.bigot@maisondelachimie.com
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Le méthanier au secours de l’Europe
Rubrique(s) : Éditorial

Les contraintes géopolitiques et le conflit ukrainien ont mis en lumière la dépendance de l’Europe vis-à-vis du gaz russe importé via des gazoducs traversant plusieurs pays à partir des champs d’extraction de la Russie. Plusieurs pays sont directement impactés dont la Hongrie, la Bulgarie et l’Allemagne. La France qui n’a plus de gisement national (1) et a diversifié ses sources est moins concernée. Sa consommation en baisse depuis plusieurs années est cependant de l’ordre de 390 tWh/an dont 37% pour le résidentiel, 25% pour le tertiaire et 33 % pour l’industrie dont l’industrie chimique qui est « gazo-intensive » puisque le gaz dont le méthane est non seulement une source d’énergie mais une matière première, comme le pétrole (2). Les importations hexagonales de gaz se font pour 60% par gazoducs et pour 40% sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL) transporté par des méthaniers.
Qu’est -ce qu’un méthanier ?
C’est un navire de conception et de structure adaptées à la matière transportée, soit ici un gaz comportant de 70 à 95% de méthane (CH4) mais liquéfié à basse température – 162°C (3). Six cents fois moins volumineux qu’à l’état gazeux, son transport maritime permet une souplesse d’approvisionnement sur de très grandes distances en variant les sources : Qatar, Algérie, Nigéria, États Unis. Plus souple qu’un gazoduc dont les infrastructures traversent plusieurs pays avec des risques géopolitiques et des blocages comme vécus pour gaz Stream 2, le méthanier peut se fournir dans n’importe quel pays qui dispose de terminaux cryogéniques de liquéfaction et l’acheminer en quelques jours à la vitesse moyenne de 19 nœuds vers les terminaux de gazéification. La France dispose de 4 terminaux : Fos Tonkin et Fos Cavaou (13), Dunkerque (59) et Montoir de Bretagne (44). Un cinquième est en projet au Havre. Ces terminaux permettent d’accueillir chacun de 8 à 13 milliards de m3 annuels.
Quels sont les types de méthaniers ?
De façon générale ils comportent de 4 à 5 cuves isolées thermiquement avec des dispositifs très perfectionnés de détection de fuites. Ils disposent d’une double coque pour qu’en cas d’échouage ou de collision les cuves ne soient pas fissurées et sont prioritaires sur les voies maritimes compte tenu de leur dangerosité.
On en distingue trois types :
- les méthaniers à membrane - soit d’inox (acier inoxydable Fe, Ni, Cr) enveloppant des blocs de mousse de polyuréthanne dont l’enveloppe de 1,2 mm d’épaisseur gaufrée permet d’encaisser les variations de dilatation lors du refroidissement – soit d’invar (Fe64Ni36) ayant un très faible coefficient de dilatation recouvrant en 2 couches de 0,8 mm des caissons isolants en contreplaqué comportant de la perlite ou de la laine de verre (4)
- les méthaniers à sphères – les cuves sont sphériques au nombre de 4 ou 5 en aluminium enfermant un isolant de type polystyrène en double couche. Ils sont reconnaissables grâce à une partie des sphères visibles sur le pont. Ces navires sont moins soumis au ballotage lorsque les cuves ne sont pas remplies et que la mer ou le vent rend la navigation plus difficile.
- les méthaniers prismatiques – les cuves sont directement posées sur la coque intérieure du navire. Elles sont en aluminium avec une seule couche d’isolant. Ils exigent cependant une forte couche d’isolant entre la cuve et la quille pour éviter les fuites à – 162°C qui gèleraient la coque du navire.
Il y a plus de 550 méthaniers en service dans le monde avec en moyenne des capacités de 160 000 m3 de gaz liquéfié. Le plus grand le Rasheeda peut transporter 266 000 m3 de gaz liquéfié (soit 160 millions de Nm3 gaz ou 1,76 tWh). Les méthaniers sont peu polluants car souvent de propulsion diésel aménagé, comme les fuites de gaz sont de l’ordre de 0,15% par jour, le méthane est réinjecté dans les moteurs pour améliorer le rendement énergétique.
Quel chemin pour le GNL ?
Sur les plateformes d’extraction il faut d’abord le désulfurer puis le gaz purifié est liquéfié par cryogénie, stocké dans des réservoirs refroidis puis ensuite chargé dans les cuves du méthanier. Sur les terminaux gaziers le GNL du méthanier est transféré dans des cuves de stockages et peut prendre plusieurs directions ; le transport vers des stations de carburants au moyen de camions citernes réfrigérés, le « regazéifieur »où il est réchauffé puis mis sous pression pour rejoindre le réseau de distribution après avoir été odorisé.
Face à la décision pour les pays européens de diminuer drastiquement leur dépendance au gaz russe, les commandes d’approvisionnement au Moyen-Orient, en Afrique et aux États-Unis (5) se développent. Ce ne sont pas les méthaniers qui feront défaut ce sont plutôt les terminaux gaziers pour accueillir, stocker et gazéifier le GNL qui manqueront. L’investissement pour un port d’accueil et les infrastructures de traitement dépasse le milliard d’euros et prend un à deux ans de construction. Il faut donc s’attendre à une augmentation du prix de l’énergie. Déjà en juin 2021 le prix du GNL en Asie avait eu un coup de chaud et en Europe depuis janvier 2022 l’augmentation en avril approche les 80%.
Oui la politique d’indépendance énergétique coute cher et les économistes montrent que s’y ajoute le prix de la transition écologique c’est la « Greenflation » qui nous atteint durablement.
Jean-Claude Bernier
Mai 2022
Pour en savoir plus
(1) Une stratégie industrielle payante, deJean-Claude Bernier, L’Actualité chimique (2014)
(2) L’extraction du pétrole et du gaz, une animation issue de la série "Les incollables" (CEA)
(3) L’encyclopédie du gaz, un site proposé par la société Air Liquide
(4) Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories, de Jean-Claude Bernier, in La chimie et l’habitat (EDP Sciences 2011)
(5) Gaz de schistes : pour aujourd’hui ou pour demain ?, de Julien Lefebvre, Noël Baffier et Jean-Claude Bernier, une fiche Chimie et…en fiches, cycle 4, Mediachimie.org
Crédit illustration : LNG Tanker Energy Progress at Wickham Point in March 2016 - Ken Hodge – Flickr - Licence CC BY-NC-N 2.0
En avril 2019, l'incendie de la cathédrale Notre‐Dame a répandu sur Paris une quantité inconnue de poussière contenant du plomb provenant du toit et de la flèche. Pour différencier l'impact de l'incendie des sources historiques de celles, multiples, de contamination au plomb dans la ville de Paris, il était nécessaire de définir de manière univoque la signature géochimique de la poussière émise par l'incendie. En effet, aucune donnée décrivant l'empreinte géochimique du plomb du toit n'était disponible au moment de l’incendie.
Pour caractériser cette empreinte, un protocole géochimique (isotopique et élémentaire) a été appliqué aux échantillons de poussières riches en plomb collectés en différents endroits à l'intérieur de Notre‐Dame. Ainsi, la signature isotopique radiogénique du plomb (Pb) (rapports isotopiques 206Pb/207Pb et 208Pb/206Pb) et les concentrations d’une trentaine d’éléments chimiques (plomb, cuivre, antimoine, bismuth, étain…) ont été déterminés par spectrométrie de masse. Une stratégie développée spécifiquement pour cette étude a été employée pour éliminer toute source de contamination métallique potentielle due aux substrats d'échantillonnage ou aux poussières précédemment déposées. Il en a résulté que seuls les échantillons collectés sur des supports en bois, et au niveau supérieur dans Notre‐Dame pouvaient être utilisés pour une détermination fiable de la signature chimique de l’incendie. Ainsi, la signature des poussières se situe entre la signature de minerais espagnols utilisés en France durant le XIXe siècle (i.e., à la période de la construction du Paris Haussmannien) [1], des monuments historiques contemporains à la construction de Notre‐Dame, et des sédiments actuels de la Seine [2]. De plus, cette étude met en évidence des rapports élémentaires (ex. Sn/Cu) permettant une caractérisation plus spécifique de la signature.
Cette empreinte géochimique facilitera l’évaluation future de la contribution de l'incendie à la pollution au plomb dans Paris et de l'étendue réelle de la zone affectée par le panache de poussière contenant du plomb.
Vidéo de la conférence (durée : 26:36)
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Références :
[1] Lestel, L., Non‐ferrous metals (Pb, Cu, Zn) needs and city development: the Paris example (1815-2009). Regional Environmental Change, 2012. 12(2), p. 311‐323
[2] Ayrault, S., et al., Lead contamination of the Seine River, France: Geochemical implications of a historical perspective. Chemosphere, 2012. 87(8), p. 902‐902‐910
Source : Colloque Chimie et Notre-Dame, 9 février 2022
Le lundi 15 Avril 2019, alors qu’elle était en plein travaux de restauration, la cathédrale Notre-Dame de Paris, vieille de plus de 850 ans, a pris feu au niveau de sa charpente, engendrant la perte de celle-ci, de sa toiture, de son horloge et d’une partie de sa voûte. Pendant l’incendie, une course contre la montre a permis de sauver le maximum d’oeuvres d’art présentes.
Dès le lendemain, bon nombre d’architectes, d’entreprises spécialisées dans la restauration du patrimoine et d’experts scientifiques se sont portés à son chevet pour prendre les décisions qui s’imposaient au plus vite pour limiter les risques d’écroulement des murs et des voûtes restantes.
De cet élan volontaire est née une alchimie entre toutes ces personnes avec la ferme volonté de réaliser, en un temps record, le « chantier du siècle », celui de reconstruire quasi à l’identique les éléments perdus de Notre-Dame.
En parallèle à ce chantier de restauration, s’est ouvert un chantier scientifique regroupant cinquante laboratoires répartis dans toute la France, impliquant 175 personnes. Ces activités de recherche vont renouveler les connaissances sur cet édifice, son histoire et son environnement, avec la création de huit groupes de travail sur les thèmes suivants : numérique, structure, bois/charpente, métal, pierre, verre, émotions patrimoniales et acoustique. Les chimistes y prennent part comme vous pourrez le voir dans ce dossier…
Comment la chimie peut-elle contribuer à la conservation du patrimoine ?
La chimie intervenant dans beaucoup de domaines de la conservation du patrimoine, nous allons prendre un fil conducteur, celui du plomb, pour montrer quelques facettes de la chimie, liée intimement à la physique, dans la conservation du patrimoine.
Problématique :
- Du plomb, mais lequel ?
Comment éliminer le plomb déposé sur les peintures
décoratives ?
Comment nettoyer et déplomber les pierres murales ?2 ?
Des pistes sont également proposées pour un projet professionnel en lien avec la problématique.
Source : Dossier réalisé par les Éditions Nathan en partenariat avec La Fondation de la Maison de la Chimie et Mediachimie
La chimie et les biotechnologies sont compatibles avec l’agriculture durable. La perception des citoyens reste cependant très éloignée de l’apport que l’innovation pourrait apporter au progrès. Depuis une vingtaine d’années, l’utilisation de produits de protection des cultures ainsi que les nouvelles technologies en agriculture sont mises au banc des accusés, responsables pour certains de la perte de la biodiversité, du réchauffement climatique, des pollutions environnementales, de la malbouffe et d’impacts sur la santé humaine.
Je développerai l’exemple des nouveaux outils apportés par la « modification ciblée du génome » qui illustre cette problématique. Les traits recherchés permettent la création de nouvelles plantes, moins consommatrices en intrants et notamment en engrais, utilisant mieux l’azote, allongeant la durée de consommation, mieux adaptés aux changements climatiques, améliorant la qualité nutritionnelle des aliments.
Ces techniques de sélection permettent des modifications beaucoup plus ciblées, plus sures, plus précises, plus rapides pour la sélection des plantes. Les méthodes traditionnelles de mutagénèse chimique ont consisté en une sélection de mutations effectuées au hasard, et n’ont jamais été règlementées. Il serait illogique de préconiser plus de réglementations pour des technologies ciblées où les modifications du génome sont parfaitement connues que pour des techniques aléatoires utilisées depuis 80 ans sans impact en matière sanitaire. Mais les controverses successives, le pilonnage et l’activisme de certains groupes organisés ont frappé l’opinion publique sur des risques sanitaires qui, aujourd’hui, avec vingt ans de recul, ne sont pourtant pas avérés. Les plus hautes instances juridiques, comme le Conseil d’Etat en France, qui tranche les litiges relatifs aux actes de l’administration ou encore la Cour de Justice de l’Union Européenne ont rendu des décisions incohérentes, influencés par ces agitateurs qui entretiennent une confusion de plus en plus marquée entre ce qui relève des savoirs issus d’une démarche scientifique et rigoureuse et ce qui relève des croyances ou des manipulations. Cette dérive conduit à ce que le débat public soit approprié par ceux qui cultivent la peur et qui traduisent cette peur non par le principe de précaution, mais par le principe d’inaction, empêchant de fait toute recherche, menaçant les fondements de la recherche scientifique et notre démocratie. Que signifie le droit s’il ne prend pas en compte les évolutions de la science ?
La vraie question de fond est de savoir comment dès la deuxième moitié du 21 ème siècle, on pourra nourrir près de 10 milliards d’individus sans prélèvements et destructions supplémentaires pour laplanète. Pour y parvenir, il faut impérativement réconcilier biotechnologies et agro-écologie.
Les risques ne doivent pas être balayés d’un revers de main, mais plutôt évalués rationnellement, en tenant à distance les croyances, les partis pris idéologiques, la propagande et les discours sectaires. Car, comme le disait fort justement le mathématicien, philosophe et prix Nobel de littérature Bertrand RUSSEL : « La science n’a jamais tout à fait raison, mais hélas elle a rarement tout à fait tort et, en général, elle a plus de chance d’avoir raison que les théories non scientifiques. Il est donc rationnel de l’accepter à titre d’hypothèse ».
Vidéo de la conférence (durée : 37:59)
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Source : Colloque Chimie et Agriculture durable, un partenariat en constante évolution scientifique, 10 novembre 2021