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Mots-clés : écoconception, économie circulaire, développement durable, fabrication, recyclage, peinture, formulation

L’éco-conception est une démarche permettant de concevoir une offre de produits plus respectueux de l’environnement. Selon l’AFNOR (Norme ISO14006 v. 2020) : c’est l’« approche méthodique qui prend en considération les aspects environnementaux du processus de conception et de développement dans le but de réduire les impacts environnementaux négatifs tout au long du cycle de vie d’un produit ».

Pratiquer une démarche d’éco-conception consiste à évaluer ce qui « rentre » et « sort » à chaque étape de la vie du produit en termes :

  • de gaz à effet de serre (GES),
  • de matières premières,
  • de pollutions (eau, déchets, résidus),
  • d’énergie,
  • de coûts (main d’œuvre, maintenance).

Les étapes classiques de conception sont :

  • l’extraction(i) des matières premières (MP),
  • la fabrication,
  • le conditionnement et la distribution,
  • l’usage, la fin de vie et le recyclage.

L’éco-conception fait partie du concept plus général d’économie circulaire(ii). Celle-ci n’est pas normalisée et peut être définie selon l’ADEME(iii), comme « un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à en diminuer les impacts » (cf. Fig.1).

Elle s’oppose à l’économie linéaire qui consiste à acheter, consommer et jeter.


 
Figure 1 : L’économie circulaire 

Chaque produit du système amène avec lui sa charge en pollution, dont la pollution dite à la frontière. Cette expression se rapporte au fait qu’il est difficile d’évaluer pour les produits la charge polluante qui a accompagné sa production ainsi que sa conformité aux exigences de développement durable (travail des enfants, des prisonniers, etc.).

Dans ce cadre, l’éco-conception doit aussi :

  • respecter l’environnement et la santé,
  • avoir peu d’impact sur le changement climatique durant la durée de vie du produit,
  • assurer une rentabilité au producteur,
  • donc répondre aux exigences du Développement Durable.

Prenons l’exemple d'une peinture

La figure 2 schématise les différentes étapes de fabrication d’une peinture.

 
Figure 2 : Les étapes de fabrication d’une peinture
source : Webinaire SECF(iv) -AFTPVA(v) sur l’écoconception des Peintures

Dans ce cas, les aspects particuliers suivants doivent être pris en considération :

  • analyse des constituants : liant (résine), solvant, opacifiant, pigments(vi), additifs(vii) (mouillants anti-mousse, biocides, siccatifs,…),
  • respect du cahier des charges fonctionnel et des réglementations en vigueur.

1. Étape d’extraction des matières premières

Idéalement, elles devraient être biosourcées, peu toxiques, biodégradables, à faibles charges de GES, commercialement équitables et économiquement viables. Elles résultent d’un choix raisonné.

Prenons l’exemple du dioxyde de titane(viii) (TiO2), un pigment blanc, très utilisé. Sa blancheur, son opacité (sans équivalent), sa résistance aux UV le rend difficilement remplaçable. Mais il est suspecté d’être cancérogène s’il est sous forme nanométrique(ix). Sa production est par ailleurs très génératrice de GES, par rapport à un produit de substitution comme par exemple le carbonate de calcium (craie) dont les propriétés fonctionnelles, notamment sa blancheur, sont très inférieures.

2. Étape de fabrication

Les étapes de fabrication impliquent :

  • la mise en œuvre d’équipements (par exemple cuve avec agitateur(x)),
  • la maîtrise de ce qui est introduit, consommé : MP, énergie utilisée, l’utilisation d’eaux et de solvants de nettoyage, mais aussi des emballages, etc.,
  • la gestion de ce qui résulte de la fabrication : GES, résidus, emballages salis, poussières, eaux et solvants souillés, vapeurs de solvant rejetées dans l’atmosphère.

Il faut également tenir compte de la protection des opérateurs et techniciens : EPI (équipements de protection individuels) masques, gants, filtres, etc., qui à leur tour deviennent déchets(xi).

3. Étape de conditionnement/distribution

Cette partie doit tenir compte de :

  • la conception des pots de peintures (étiquetage, caractère recyclable),
  • la production de GES dans les transports et la distribution.

4. Étape d’application par l’utilisateur

Quelques questions se posent.

  • Comment tenir compte de la pollution de l’air par la peinture au pistolet vs au pinceau, au rouleau ? Doit-on revoir les conditions d’application ?
  • Comment être efficace lors du raclage des fonds anciens sans produire trop de poussières et d’aérosols et dans le nettoyage des outils : pinceaux, brosses, rouleaux, pistolets, … ?
  • Comment maîtriser l’exposition des travailleurs durant le lavage, grattage et l’application ?

5. Étape de fin de vie et de recyclage

Des réflexions doivent être menées sur la conception des pots en vue d’un meilleur recyclage.

La mise en place d’une politique d’éco-conception et d’économie circulaire doit reposer, sur une approche scientifique, sur des mesures et des comparaisons. Par exemple, peindre une même surface avec une peinture à l’eau est-elle moins polluante qu’une peinture avec solvant ? Le concept d’unité fonctionnelle (UF) permet de comparer (métrique) des produits entre eux. Pour les peintures l’UF est une surface de 1 m² et une durée de 10 ans. Une peinture à l’eau qui peut paraître plus écologiquement attractive peut s’avérer moins « durable » si elle doit être renouvelée plus souvent qu’une peinture solvantée. Une analyse s’impose avec des métriques appropriées.

Cette démarche est générale et déjà en route. Elle s’applique à tous les produits des industries de transformation de la matière, que ce soit la chimie, la pharmacie, la cosmétique, les Industries Agroalimentaires. Les industries manufacturières demandent un traitement adapté.
 

Jean-Pierre Dal Pont, Président de la SECF / Xavier Bataille, ENCPB, Paris

 Illustration  : pot de peinture. Pixabay

Illustration : pot de peinture. Licence Pixabay 

 

(i) Extraction signifie ici approvisionnement en MP

(ii) Les chimistes dans l'économie circulaire  de F. Brénon et G. Roussel , Mediachimie.org

(iii) ADEME : Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie

(iv) SECF : Société des Experts Chimistes de France

(v) AFTPVA : Association Française des Techniciens des Peintures, Vernis, encres d'imprimerie, colles et Adhésifs

(vi) Zoom sur les pigments, de J.-P. Foulon, Mediachimie.org

(vii) Zoom sur la formulation et les matières premières : généralités, de V. Antzoulatos et F. Brénon, Mediachimie.org

(viii) Le dioxyde de titane sur le site de l’Élementarium

(ix) Les nano-objets : un avenir prometteur sous contrôle, de C. Agouridas, J.-Cl. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie et la sécurité des personnes, des biens, de la santé et de l'environnement, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie
Caractérisation de nanoparticules inorganiques dans les produits du quotidien : les méthodes d’analyse et les applications, de F. Séby, F. Auger et M. Menta Colloque Chimie, nanomatériaux et nanotechnologies (novembre 2018) Fondation de la Maison de la chimie

(x) Vidéo sur L’agitation, une opération unitaire, de R. German, P. Richel, Y. Cochet, S. Rode, PROCEDEC (ENSIC) et Fondation de la maison de la chimie

(xi) Pour aller plus loin, consulter le Zoom sur le génie des procédés,de J.P Dal-Pont, Mediachimie.org
 

Auteur(s) : Jean-Pierre Dal Pont, Président de la SECF et Xavier Bataille, ENCPB, Paris
Niveau de lecture : pour tous
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