Les Olympiades Nationales de la Chimie auront lieu les 26 et 27 mai 2021.
La remise des prix du concours scientifique aura lieu le jeudi 27 mai à 17h, à la suite des épreuves. Elle se déroulera sans public, par respect des consignes sanitaires, mais sera postée sur la page Facebook des Olympiades.
Les soutenances orales du concours Parlons Chimie se dérouleront exclusivement cette année par visioconférence. Les résultats seront dévoilés en même temps que le palmarès du concours scientifique.
En mai 2021 la commémoration du bicentenaire de la mort de Napoléon 1er a suscité de nombreux articles et livres qui ont parfois créé la polémique sur les qualités et défauts de l’empereur français. Peu ont rappelé combien la science et ses applications avaient été l’objet d’attention particulière de la part du souverain. Car dès sa formation il montre un penchant marqué pour les mathématiques et les sciences physiques qu’il gardera au cours de sa carrière.
Général commandant de la campagne d’Italie il écrit : « Le peuple français ajoute plus de prix à l’acquisition d’un savant mathématicien qu’à celle de la ville la plus riche ou la plus populaire ». Surprenante déclaration d’un général en chef de l’armée d’Italie qui de plus s’est fait accompagner par Monge et Berthollet pour aussi séduire à sa table des savants italiens comme Volta spécialiste des courants électriques et de l’électrochimie (1).
À son retour il veut aussi connaître la communauté scientifique et avec l’aide de ces deux mêmes mathématicien et chimiste se fait élire à l’Institut en décembre 1797. Il s’y comporte comme un membre ordinaire mais suscite un intérêt croissant qu’il s’empresse de communiquer à la nation par les journaux.
C’est ainsi que se bâtit la curieuse expédition d’Égypte qui fait s’embarquer 32000 hommes en mai 1798 à Toulon mais aussi la Commission des sciences et des arts avec plus d’une centaine de scientifiques issus de l’Institut et de l’École polytechnique créés respectivement en 1795 et 1794. C’est encore Monge et Berthollet aidés par Joseph Fourier qui animeront les recherches et explorations jusqu’au retour de Bonaparte et le rapatriement de la Commission en 1803. La rédaction d’un ouvrage monumental se poursuivra jusqu’en 1809 avec une masse incroyable de résultats historiques, géographiques et scientifiques.
Après le 18 brumaire le premier consul crée en 1801 la Société d’encouragement à l’industrie nationale qui rassemble les élites savantes autour de projets industriels. Il confiera ainsi à des scientifiques de hautes fonctions politiques. C’est ainsi que le chimiste Antoine François Fourcroy sera directeur de l’Instruction publique et le chimiste Jean Antoine Chaptal sera ministre de l’Intérieur.
Mais qui sont donc ces chimistes qui doivent en partie à Bonaparte puis à Napoléon leur réussite ?
C’est tout d’abord Claude Louis Berthollet (2), fils de notaire, né à Talloires (duché de Savoie appartenant alors au royaume de Sardaigne), qui effectue des études de médecine à Turin. À Paris il devient médecin du Régent, le duc d’Orléans, qui met à sa disposition son laboratoire du Palais Royal. En 1780 il polémique avec Lavoisier sur le rôle de l’oxygène mais reconnait vite son erreur et publie avec lui la célèbre Méthode de nomenclature chimique en 1787 qui marque les débuts de la chimie moderne. Sa grande découverte en 1789 est le blanchiment des fibres de lin par des solvants chlorés qui donne un grand essor à la culture et au textile du lin en supprimant le long blanchiment (2) sur pré. Il est nommé professeur de chimie à l’École polytechnique et participe avec plusieurs collègues à l’expédition d’Égypte où il se lie d’amitié avec Bonaparte. En 1801 il publie son ouvrage Recherche sur les lois de l’affinité où l’on trouve l’analyse de nombreux corps de compositions jusqu’alors inconnues. Chargé d’honneurs et sénateur comblé il fonde la Société d’Arcueil et le laboratoire où se retrouveront de nombreux chimistes pour y mener de nouvelles expériences jusqu’en 1822.
Antoine François Fourcroy (3) s’est vu confier la chaire de chimie au « Jardin du Roi » en 1784. Fin politicien et bon orateur il siège à la Convention et survivra aux diverses vagues de la Révolution en se chargeant déjà de la réforme de l’instruction publique. Il intègre l’Institut et en sera le président de la section chimie en 1797. Après le 18 brumaire Bonaparte le nomme conseiller d’Etat. Préoccupé par l’état sanitaire déplorable, il crée les écoles de santé et rédigera les textes fondateurs, souvent retravaillés par Napoléon, de l’Université impériale chargée de gérer et contrôler l’ensemble des établissements d’enseignements de l’Empire et créée par décret en 1806.
Louis Nicolas Vauquelin (4) venu d’une famille pauvre normande monte à Paris où il tombe malade et erre dans les rues jusqu’à ce qu’un pharmacien Cheradame le recueille et l’instruit. Celui-ci, émerveillé par son intelligence le présente à un ami de la famille, A.F. Fourcroy. Celui-ci le prend dans son laboratoire et le fait connaître dans le milieu scientifique. Nommé professeur en frimaire an IV, admis à l’Institut il participe à la rédaction des Annales de chimie, puis avec ses collègues chimistes part chercher les tonneaux de salpêtre par toute la France pour fournir des explosifs aux armées de la patrie en danger. Pour obtenir le poste de professeur à la faculté de médecine il passe vite le doctorat en médecine. Par ses travaux il découvre la strychnine avec Pelletier et Caventou et dans ses travaux sur les plantes isole plusieurs acides aminés l’asparagine, des pectines, la nicotine, l’urée urinaire. En chimie minérale il découvre l’élément chrome et un nouvel élément, le glucinium qui sera prendra plus tard le nom de béryllium.
Joseph Louis Gay-Lussac (5), fils d’un juge à Pont-de-Noblat en Haute Vienne. Ce n’est qu’après la mort de Robespierre qu’il vient à Paris où il apprend l’anglais et les mathématiques. Admis à l’École polytechnique en 1797 à 19 ans, il suit les cours de chimie de Fourcroy, Vauquelin, Chaptal et Berthollet. Rien d’étonnant à ce qu’il devienne l’assistant de Berthollet et participe aux travaux sur le traitement des fibres de lin par les composés chlorés (6) dans le laboratoire d’Arcueil. Accueilli à l’Institut en 1806 il devient professeur de chimie à Polytechnique puis au Muséum d’histoire naturelle et à la faculté des sciences de Paris. Ses travaux sur la chimie et la thermodynamique des gaz font autorité comme ses travaux sur le magnétisme qui lui donnent l’occasion de battre des records d’altitude en ballon. C’est avec Thenard qu’il isole le potassium et découvre le bore. Mais il a aussi beaucoup de collaborations avec l’industrie de l’acide sulfurique et du verre puisqu’il présidera le conseil d’administration des glaces de Saint-Gobain (7).
Jean Antoine Chaptal (8). Voilà encore un chimiste qui a débuté par des études de médecine à Montpellier en 1777. Mais, passionné il se rend à Paris pour étudier la chimie. Son oncle l’aide à construire des ateliers où il améliore la production d’acide chlorhydrique. Sa fabrique se diversifie et prend de l’essor, ses produits sont connus dans toute l’Europe. C’est revenu à Montpellier dans la chaire de chimie qu’il se penche sur la formule de Lavoisier de transformation du sucre en alcool. Il publie sa doctrine en 1799 sur la vinification du vin. Son traité sur « la chaptalisation » du vin en 1807 révolutionne l’œnologie (9). À Paris, professeur de chimie végétale à Polytechnique, membre de l’Académie des sciences il poursuit ses activités industrielles et politiques puisqu’en janvier 1801 il est nommé ministre de l’Intérieur et ce sera lui qui élaborera la loi qui institue préfets, sous-préfets et arrondissements. Il démissionnera en 1804 pour être nommé sénateur. Outre ses écrits sur la vinification on lui doit la fabrication artificielle de l’alun, du salpêtre et d’un type de ciment.
Armand Jean François Seguin. Collaborateur de Lavoisier et cobaye humain pour ses essais sur la respiration, très bon expérimentateur, il fit fortune en inventant une méthode rapide de tannage des cuirs à base d’acide sulfurique et de tannins divers. Fournisseur de cuir pour les armées de l’Empire il installa une grande manufacture sur l’île de Sèvres sur la Seine qui traitait plus de 100 000 peaux par an. Sa fortune lui permit d’acheter plusieurs châteaux, mais les affaires périclitant, des spéculations aventureuses l’obligent à vendre une bonne partie de ses immeubles et à transformer sa manufacture en un haras pour chevaux de course. Il réservait ses communications scientifiques sur l’opium ou le quinquina à l’Académie dont il était correspondant. Son île sera industrialisée bien plus tard en 1925 par Renault et s’appellera bien sûr l’île Seguin.
Curieux destins pour ces chimistes qui surent survivre aux changements radicaux de régimes, de la royauté à la Restauration en passant par la Révolution, le Consulat et l’Empire. Au cours de ces changements sociétaux, ils ont cependant jeté les bases de la chimie moderne et initié les débuts d’une industrie nationale. Faut-il y voir le sens de l’investigation, de la patience, de l’observation et du pragmatisme des chimistes, pour surnager aux vagues parfois sanguinaires des révolutionnaires et se glisser dans un ordre nouveau qui fera leur fortune, mais dictatorial ?
Jean-Claude Bernier et Françoise Brénon
Mai 2021
Pour en savoir plus
(1) La pile électrique : tout a commencé avec des grenouilles
(2) Berthollet (1748-1822) et ses œuvres
(3) Antoine François de Fourcroy (1755-1808), promoteur de la loi de germinal an XI
(4) Conférence de M. le Professeur Delépine : les œuvres chimiques de Vauquelin
(5) Louis Joseph Gay-Lussac (1778–1850)
(6) Berthollet, le pharmacien Curaudau et l’identification du chlore
(7) Comment faire des vitrages avec du sable ? La réaction de fusion du verre
(8) Chaptal (1758–1822)
(9) De la vigne au verre : tout un art ?
Deux programmes pour verdir l’Europe
Connaissez-vous le CBE ou Circular Bio-based Europe qui succède depuis février au BBI JU ou Bio-based Industries Joint Undertaking ? Non pas vraiment ? Eh bien ce sont deux programmes européens.
Le premier, créé en 2014, a été basé sur une collaboration public–privé entre la commission et le consortium des bioindustries composé de plus de 100 entreprises dont plusieurs dizaines de la chimie. Sous la forme d’un « Public Private Partnership »il a été doté de 2,7 Mrd€ dont 1 Mrd issu de Bruxelles et 1,7 Mrd venant des industriels.
Son successeur jusqu’en 2027 devrait aussi mobiliser 2 Mrd€. Les réponses aux appels d’offres sont sélectionnées par un groupe mêlant les représentants des États et le comité scientifique. Ces dispositions ont permis de créer onze bioraffineries (1) en Europe dont trois en France, en réduisant les risques des investissements dans ces industries biologiques et en les connectant avec le marché pour créer une bioéconomie durable et compétitive en Europe. Elles sont dénommées « flagships » ou « bioraffineries phares ».
Voyons les résultats pour la France qui prend la première place de ce programme puisque trois projets y sont aboutis.
RESOLUTE – Un biosolvant non toxique à partir des déchets ligno-cellulosiques
C’est un projet mené par la société Circa spécialisée dans la fabrication des solvants organiques biosourcés (2). C’est la production à grande échelle d’un nouveau solvant non toxique à partir de résidus forestiers pour répondre à la demande de l’industrie des pâtes et papiers de valoriser ses déchets et de diversifier ses activités.
Circa avec l’université de York et d’autres partenaires dont AgroParisTech a mis au point depuis plusieurs années un procédé de fabrication de la levoglucosénone (LGO) intermédiaire pour les polymères spéciaux, des parfums et des actifs pharmaceutiques.
Mais le principal débouché commercial est le cyrène obtenu par hydrogénation du LGO (voir figure) solvant aprotique dipolaire et chiral qui va remplacer avantageusement le NMP (N-méthyl-2-pyrrolidone) et le DMF (N,N-dimethylformamide) qui sont sous pression réglementaire à cause de leur toxicité. Après avoir reçu l’approbation de l’ECHA (3) pour son biosolvant et investi plusieurs millions d’euros pour des pilotes produisant 100 tonnes de cyrène par an, une unité industrielle est en cours de construction sur le site chimique de Carling Saint-Avold pour produire environ 1000 tonnes fin 2022.
Suite à des travaux universitaires du CSIC de Madrid, le cyrène s’est révélé avoir les propriétés chimiques et physiques idéales pour l’exfoliation du graphite et les dispersions du graphène. C’est un nouveau débouché high-tech qui s’ouvre alors pour la commercialisation des encres pour l’électronique et les revêtements conducteurs.
AFTERBIOCHEM – Comment fabriquer des acides à partir des pulpes de betterave
C’est un deuxième « flagship » porté par la société Afyren spécialisée dans l’ingénierie en biologie. Elle a investi depuis 2016 dans un procédé qui convertit les déchets agroindustriels de betterave issus de l’industrie sucrière (4) en « building blocks » par fermentation anaérobie, puis dans une deuxième étape à les transformer en acides carboxyliques R-COOH. Grâce au programme européen BBI JU et la contribution de Bpifrance le projet industriel s’implante lui aussi sur la plateforme attractive Chemesis de Saint-Avold qui dispose de services partagés entre les entreprises chimiques du site. C’est un investissement de plus de 60 millions d’euros et la création de 60 emplois qui permettront à Afyren de produire dès 2022 16.000 tonnes d’acides acétique (5), propanoïque, butanoïque (butyrique) et pentanoïque (valérique)… aux applications multiples en agroalimentaire, lubrifiants, cosmétiques, plastifiants et pharmaceutique.
FARMŸING – synthétiser des protéines à partir de déchets organiques
Le troisième « flagship » français est porté par la société Ÿnsect spécialisée dans la production de protéines pour l’alimentation animale (6). C’est sans doute le plus original bien que le terme de bioraffinerie ne soit pas adéquat. C’est probablement la plus grande ferme horizontale d’Europe qui s’implante à Poulainville près d’Amiens. Sa production bien maitrisée par Ynsect et protégée par une trentaine de brevets consiste à « industrialiser » la larve de Tenebrio molitor connue sous la dénomination du ver de farine qui consomme pour grossir toutes sortes de matières organiques, graisses, végétaux, déchets ménagers… et qui est une source de nutriments naturels pour de nombreux animaux, poissons, volailles, porcins, chiens et chats…
Cofinancée par BBI JU, la région Hauts-de-France et divers fonds d’investissement, cette ferme qui va s’élever sur 40 000 m2 et 35 mètres de hauteur sera économe en eau et en énergie et devrait dès 2022 produire 1500 tonnes de protéines par mois. Cette unité, écoresponsable et durable économiquement, peut éviter une pêche supplémentaire de poissons sauvages, l’importation de soja et la diminution d’entrants azotés pour les produits et plantations destinées à l’alimentation animale.
Pour sourire, signalons un autre débouché : déjà plusieurs firmes commercialisent aussi pour l’apéro (7) ces vers Tenebrio molitor cuisinés et à croquer, d’une saveur comté-pointe de muscade rappelant l’amande et la noix de cajou riches en protéines et oméga 3 et 6 ! À votre santé !
Une nécessaire adaptation des bioraffineries au marché concurrentiel
Pour rester sérieux, il est clair que ces « bioraffineries » vont commercialiser des produits à forte valeur ajoutée dont les prix à la tonne vont permettre une rentabilité qui assurera leur durabilité sur le marché.
Cela contraste avec les difficultés que rencontrent les bioraffineries de la Mède ou de Grandpuits d’une part pour assurer un approvisionnement en graisse animale, huile de palme ou de cuisson usagée et d’autre part pour commercialiser des carburants que l’on peut directement incorporer dans le kérosène. En effet, le prix à la tonne, trois à quatre fois celui du kérosène classique, et les récentes fermetures de vols intérieurs vont rendre difficile l’essor commercial sans mesures d’assistance, preuve à l’appui que la bioingénierie en chimie a son créneau dans les produits et intermédiaires chimiques de valeur.
Jean-Claude Bernier
Avril 2021
Pour en savoir plus
(1) Introduction aux bioraffineries et La bioraffinerie de Bazancourt-Pomacle, L'Actualité chimique n° 375-376 (2013) pp. 46-48 et. 49-55
(2) Les solvants biosourcés : opportunités et limitations, P. Marion et F. Jérôme, L’Actualité chimique n° 427-428 (2018) pp. 91-94
(3) L’évaluation des substances chimiques dans le cadre de la mise en œuvre de REACH, conférence et article de C. Gourlay-Francé, Colloque Chimie et expertise - santé et environnement (2015)
(4) Zoom sur le saccharose : de la betterave au sucre, L. Amann, Mediachimie
(5) La chimie du vinaigre, R. Guelin, dossier pédagogique Mediachimie /Nathan
(6) La science et la technologie de l’alimentation vues par la chimie du bouillon, H. This, Colloque La chimie et l’alimentation (2010)
(7) Au menu de nos cousins : diversité, perception gustative et chimie des aliments des primates, S.Krief et Cl.-M. Hladik, Colloque La chimie et l’alimentation (2010)
La chimie n’arrête pas d’innover pour le bien de nos concitoyens en cette période de pandémie où les gestes barrières et le port du masque sont essentiels. Le manque de visibilité des visages apporté par les masques classiques en polyéthylène (1) est sur le point d’être contourné. Le professeur Vandensoep et son équipe de l’institut de Gand–Wevelgem, après plus de 12 mois de recherche, viennent enfin de publier des résultats sur un masque totalement transparent quasi invisible.
Après plusieurs essais sur des masques en polyéthylène multicouches directement issus de l’emballage alimentaire (2) on s’est aperçu que les couches filtraient bien l’oxygène mais pas l’azote et le gaz carbonique rejetés par les voies respiratoires, ce qui a failli entraîner des accidents heureusement sans grande gravité chez les volontaires testés. Ces essais malheureux ont cependant été très instructifs et ont conduit à l’élaboration de plusieurs prototypes.
Le masque est composé d’une mince feuille de polycarbonate percée de milliers de nano-trous et revêtue à l’extérieur d’une couche de polymères possédant une chaine perfluorée qui assure la « déperlance » (3) du masque. Ainsi l’air inspiré et les gaz expirés peuvent circuler mais les micro-gouttes des aérosols extérieurs, véhicules du virus, sont arrêtées et regroupées en macro-gouttes, tout en conservant la transparence du masque. Sa dénomination commerciale se ferait sous la marque Carat.
Le débit d’inspiration et d’expiration doit cependant faire face à une perte de charge due aux dimensions de nano-trous, c’est alors que l’équipe du professeur Vandensoep a eu l’idée de collaborer avec celle du professeur Trugludu de l’Université libre de Roubaix, spécialisée dans l’optique et notamment dans les micro-lasers. Ils ont alors augmenté les diamètres de micro-trous afin de diminuer la perte de charge et placé au-dessus des oreilles des micro-lasers (4) alimentés par des cellules photoélectriques disposées sur un serre-tête du porteur du masque qui balayent la partie avant du masque et font éclater toutes les gouttes des aérosols meurtriers. Sa dénomination commerciale est prévue sous le nom de Carré, compte tenu de sa forme plus anguleuse.
C’est alors, vu la complexité et surtout le coût de ce dernier masque, que l’idée de faire appel à des polymères autoréparables est venue à l’équipe, en utilisant des polymères à liaisons covalentes réversibles associant un réseau de type silicone et un autre réseau supramoléculaire (5). La mince feuille de polycarbonate est alors revêtue de cette couche autocicatrisante. Les trous de cette dernière pouvant être obturée par la simple chaleur de l’air expirée. L’équipe a alors donné à ce prototype le nom de « dArpone d» qui rappelle la base silicone, il demande encore à être testée pour la réversibilité des cycles.
Nul doute que d’ici peu les masques chirurgicaux difficiles à porter seront remplacés par ces masques qui permettront de mieux visualiser les visages et contribuer à la vie sociale. Souhaitons rapidement la fabrication des masques Carat, Carré et Arpone pour le bien-être et la sécurité de nos concitoyens.
Jean-Claude Bernier
1er avril 2021
Pour en savoir plus
(1) Oui la chimie avance masquée
(2) Chimie et maîtrise de la lumière
(3) Les textiles et les vêtements pour le sport
(4) La chimie à la lumière du laser : un intérêt réciproque
(5) Matériaux et chimie supramoléculaire (vidéo)
Les vagues de froid
Février 2021 a vu une météo très changeante et des vagues de froid vif en Europe du Nord et sur le continent américain. Des chutes importantes de température, accompagnées de chutes de neige abondantes, ont sévi en Scandinavie, au Canada et sur la côte Est des États-Unis. Plus surprenant un anticyclone arctique est descendu en Amérique au-delà de la Nouvelle-Angleterre et jusqu’au Texas. Des températures polaires de -19°C à -9°C et même -41°C dans le Minnesota ont été relevées alors même que neige et verglas paralysaient la circulation. Six états US ont déclaré l’état d’urgence grand froid et plus de 3 millions de foyers au Texas ont été privés d’électricité durant plus de 48 h (1) ainsi que d’eau courante pour plusieurs semaines, l’eau ayant gelé dans les canalisations.
En Europe, la Scandinavie a aussi été frappée d’une vague de froid qui a un peu débordé sur la France et le nord-est de l’Allemagne. La vertueuse Suède qui a remplacé ses centrales thermiques et nucléaires par des filières renouvelables (2) a vu tomber leur production électrique de 25% à 9%, les éoliennes étant gelées et les panneaux photovoltaïques enneigés. Pour échapper au black-out elle a remis en route la centrale au fioul et a eu recours à de l’électricité venue d’Allemagne, de Pologne et de Lituanie, las issue de centrales à charbon ! Les Suédois et Suédoises ont été invités par le gouvernement à réduire leur consommation, ce à quoi ils et elles ont répliqué par « #dammsugarupproret », soit « la révolte des aspirateurs ».
Les causes
On peut s’étonner que dans un État aussi riche en sources d’énergie qu’est le Texas, un black-out généralisé puisse arriver. Les hommes politiques ont été très interpellés à la suite de ces incidents qui ont tout de même fait plus d’une dizaine de morts. Certains ont pointé le pourcentage trop élevé de sources d’énergie intermittentes. La société privée de distribution ERCOT a fait l’objet de nombreuses critiques soulignant ses faibles investissements sur les lignes et le grand défaut du manque d’interconnexions avec les sources d’énergies d’autres États et au réseau national (3).
C’est là la grande différence avec l’Europe. Pour la France, une vague de froid fin 1978 avait provoqué une panne d’électricité générale le 19 décembre où les trois quarts du pays avaient été privés de courant durant une dizaine d’heures, alors que commençaient à produire les premières centrales nucléaires et que l’interconnexion des boucles de distribution était encore incomplète.
La leçon à cette date fut bien comprise. Il fut décidé d’accélérer le programme nucléaire et de parfaire une interconnexion européenne qui autorise les échanges de puissance électrique entre pays permettant de pallier des incidents locaux ou des conditions climatiques géographiques particulières. Il y a donc en Europe un marché d’échange du MWh qui, lors de la vague de février, est brutalement monté à 200 € au lieu de 30 €.
Les solutions
Au-delà de la toile d’araignée des interconnexions de grandes lignes de courant, il y a une réflexion sur notre avenir énergétique dans la perspective de la transition écologique. L’intermittent éolien et solaire n’est viable que s’il est soutenu par une source d’énergie constante (4) et modulable facilement suivant la demande et si possible non polluante. À ce sujet connaître la valeur en émission CO2 du KWh est cruciale (voir tableau ci-dessous).
Filière | nucléaire | hydraulique | gaz | fioul | charbon |
G CO2/kWh | 6 | 6 | 418 | 730 | 1060 |
Pour les producteurs et régulateurs de réseau c’est un vrai casse-tête car comment ajuster en temps réel demande et production et comment faire face à des conditions extrêmes - froid intense, neige et glace et anticyclone permanent - sans vent durant plusieurs jours (5) ? Les centrales thermiques à gaz ou fioul peuvent répondre assez vite mais comme elles ne fonctionnent que quelques jours par an, leur kWh est cher et peu d‘investisseurs sont enclins à s’y intéresser. De plus leur bilan carbone n’est pas bon. En France l’hydraulique peut répondre assez vite à ces hausses de demande. Pour le nucléaire, actuellement le CEA et EDF planchent sur un procédé de variation rapide de 20% à 80% de la puissance d’un réacteur en moins d’une heure (6). Par ailleurs la recherche et quelques réalisations de SMR (petits réacteurs modulaires) vont permettre de diversifier les applications nucléaires de puissance comprises entre 100 et 300 MW et répondre à ces types de demandes (7). Le projet français « Nuward » vient de bénéficier financièrement du plan de relance. Il regroupe le CEA, EDF, TechnicAtome et Naval Group. Avec deux ilots de 170 MW et une seule salle de commande, il sera le plus compact du marché dans une cuve de 4 m de diamètre et de 13,5 m de hauteur dans un bâtiment semi enterré associé à un système de refroidissement passif (sans pompes) garantissant une sureté et une protection de qualité. Modèle le plus compact issu de notre expérience de la propulsion navale, il pourrait être commercialisé en 2035 avec une chaine de fabrication modulaire et standardisée permettant des coûts réduits. Il ne faut pas tarder, car selon l’OCDE/AEN le marché des SMR à cet horizon peut être de 20 GW. Déjà la Russie a installé un SMR sur barge flottante en Sibérie et aux États-Unis la société NuScale prévoit d’installer un premier module en Utah en 2023.
Sur le papier nos gouvernants et l’opinion publique pensent qu’il est simple d’élaborer une transformation énergétique radicale de la société, sur le terrain c’est une autre affaire… (8)
Jean-Claude Bernier
Mars 2021
Pour en savoir plus :
(1) Noël aux tisons ? editorial Jean-Claude Bernier
(2) Une électricité 100% renouvelable : rêve ou réalité ? fiche Chimie et… en fiches
(3) Réseaux de transport de l’électricité et transition énergétique, article et conférence de S. Henry (colloque Chimie et enjeux énergétiques, 2012)
(4) Le challenge de l’électricité verte, collection Chimie et Junior
(5) La complexité du réseau et l’électricité verte, article et conférence de Y. Bréchet (colloque Chimie et enjeux climatiques, 2015)
(6) Équipe de recherche (vidéo du CEA)
(7) Le nucléaire de fission dans le futur. Complémentarité avec les renouvelables, conférence de C. Behar (colloque Chimie et énergies nouvelles, 2021)
(8) Vitesse de déploiement et acceptabilité des nouvelles technologies dans le domaine des énergies, conférence de G. de Temmerman (colloque Chimie et énergies nouvelles, 2021)
Image d'illustration : K. et B. Emerson - Flickr
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Mediachimie sera présente à l’édition virtuelle du Village de la Chimie, le 12 mars 2021 (zone 1).
De 11h15 à 12h00, ne ratez pas la conférence de Françoise Brénon et Freddy Minc (Mediachimie) :
« La chimie offre une grande diversité de métiers riches d’avenir ». Découvrez les formations et les métiers qui embauchent à l’aide du site mediachimie.org
Inscrivez-vous pour assister aux conférences et démonstrations en live. Le programme est ici.
Pour Mediachimie : rendez-vous en zone 1 - stand en bas à droite.
Nous répondrons à vos questions en live.
Des ateliers (vidéos, témoignages…) en replay seront également diffusés. Voir le planning ici.
Pour ceux qui ne peuvent se connecter en direct le 12 mars, revivez la journée du vendredi en replay le samedi 13 mars !
Des conférences, des démonstrations, des ateliers et un escape Chimie seront disponibles. Vous pourrez également vous rendre sur les stands entreprises et établissement de formation et y retrouvez toute leur documentation.
L’UNAFIC (Union Nationale des Associations Françaises d’Ingénieurs Chimistes) et la Fondation de la Maison de la Chimie vous invitent à participer au webinaire sur le thème « Synthèse des principes actifs : une stratégie de relocalisation en France par l’innovation ». Plus d’information et participation gratuite selon les informations de l’invitation.