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Mots-clés : nucléaire, uranium, recyclage, métaux stratégiques, souveraineté

Face au défi de la lutte contre le changement climatique, nos sociétés se sont engagées dans une transition énergétique ambitieuse visant à se départir de notre dépendance aux énergies fossiles au profit des énergies décarbonées, nucléaire et renouvelables, et au travers d’une électrification massive des usages. Cette transition va néanmoins conduire à une augmentation exponentielle des besoins ressources naturelles non énergétiques due à la forte intensité matière et à la faible efficacité énergétique des énergies renouvelables solaires et éoliennes. La disponibilité de certains métaux pourrait même freiner le déploiement de cette transition énergétique.

À l'inverse, l'énergie nucléaire de par ses grandes densité et efficacité énergétiques présente une intensité matière bien plus faible, ce qui lui donne un atout considérable dans le contexte annoncé de guerre des métaux. Pour autant et à l'instar des autres énergies, un certain nombre de métaux rares ou stratégiques reste nécessaire, en particulier du fait des propriétés d'usages très spécifiques des matériaux de structure des centrales.

Outre ces matériaux structurels, l'énergie nucléaire nécessite également un "combustible", même si les quantités mises en jeu restent faibles, en l'occurrence de l'uranium enrichi produit à partir d'uranium naturel après des opérations complexes. La disponibilité de cette ressource est évidemment stratégique dans un contexte où cette énergie se développe rapidement en Asie et où nos approvisionnements proviennent pour partie de pays dont la stabilité géopolitique n'est pas acquise sur le long‐terme. Le recyclage des combustibles nucléaires usés déployé aujourd'hui dans les usines Orano de La Hague permet d'ores et déjà de réduire de 10‐20% la demande en uranium naturel. Il pourrait permettre de la réduire encore plus drastiquement en le couplant à des réacteurs à neutrons rapides capables de valoriser efficacement l'uranium‐238 par capture neutronique. Dans un tel scénario, la France deviendrait quasiment autonome en uranium grâce à l'utilisation des stocks d'uranium appauvri capables d'alimenter la production électrique nationale pendant plusieurs milliers d'années.

La réaction de fission nucléaire de l'uranium conduit à la formation de multiples éléments (appelés les produits de fission) qui constituent du fait de leur radioactivité, les déchets nucléaires ultimes. Ces derniers sont séparés des matières fertiles et fissiles lors des opérations de recyclage. Or, certains de ces produits de fissions ont des périodes radioactives relativement courtes et sont des métaux stratégiques indispensables aux technologies pour l’énergie ou le numérique (platinoïdes, terres rares…). Ils pourraient donc constituer une nouvelle voie d'approvisionnement pour ces métaux pour lesquels il n’y a pas de production française ou même européenne.

Ainsi, l'énergie nucléaire dispose de solides atouts face aux enjeux de souveraineté énergétique du fait de sa dépendance réduite en métaux stratégiques et de ses besoins limités en uranium naturel. Sur le long terme, elle dispose du potentiel pour réduire voire supprimer le recours à de nouvelles ressources primaires en uranium et pourrait même être en mesure de subvenir à certains besoins en métaux stratégiques.

Vidéo de la conférence (durée : 40:52)
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Auteur(s) : Christophe POINSSOT, Directeur général délégué et Directeur scientifique, BRGM
Source : Colloque Chimie et matériaux stratégiques, 9 novembre 2022
Niveau de lecture : pour tous
Nature de la ressource : article + conférence