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Pourquoi met-on du sel sur les routes lorsqu’il gèle ?

En plein hiver et particulièrement dans les régions très froides et montagneuses, il est nécessaire de lutter contre le manque d’adhérence des pneumatiques des véhicules sur sol gelé. On observe alors un ballet de
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En plein hiver et particulièrement dans les régions très froides et montagneuses, il est nécessaire de lutter contre le manque d’adhérence des pneumatiques des véhicules sur sol gelé. On observe alors un ballet de saleuses, qu'on ne doit pas dépasser sur route. Mais que déversent-elles et pourquoi ?

Quels sont les effets du sel ?

Le sel ou chlorure de sodium de formule chimique NaCl, est soluble dans l’eau liquide. On appelle saumure le mélange liquide eau-sel. L’eau pure devient solide à 0°C sous la pression atmosphérique. Mais si l’eau est salée, ce mélange devient solide à une température inférieure à 0°C.

Ce phénomène est traduit par la courbe de congélation (ci-contre) qui indique la température pour laquelle l’eau devient de la glace, en fonction de la teneur (1) en sel dans le mélange. Comme le montre cette courbe, plus on ajoute de sel, plus la température de congélation baisse. Mais il y a une limite, repérée par le point E, nommé eutectique ! (2) Ainsi inutile de mettre plus de 23 g de sel pour 100 g de mélange, car les cristaux de sel ajoutés restent solides sans pour autant abaisser davantage le point de congélation. Donc ne gaspillons pas !

Et s’il fait une température inférieure à - 21°C, on a beau mettre du sel, la glace ne fond pas (3). Dans la pratique l’ajout de sel n’est plus efficace pour dissoudre la glace en dessous de -10°C, le phénomène de dissolution étant trop lent.

Les salages des routes

Les salages préventifs (la baisse de température est annoncée et imminente) se font pour empêcher l'eau de geler sur la chaussée, pour des températures entre -2° et -8°C.

Les salages curatifs (le verglas ou la neige sont déjà là !) se font avec un mélange de chlorures de sodium, de calcium (CaCl2) ou de magnésium (MgCl2), pour des températures inférieures à -8°C. En effet avec ces sels, les courbes de congélation des mélanges eau/sel de calcium ou magnésium ont des températures eutectiques plus basses (4).

L’épandage par une saumure liquide préalablement préparée, permet une diminution de la quantité de sel utilisée et son effet est beaucoup plus rapide. Il faut des saleuses adaptées.

En Amérique du Nord et au Canada, il est utilisé presque exclusivement du chlorure de calcium, compte tenu des températures hivernales très basses.

Les quantités de sel (NaCl) utilisées sont considérables

Elles varient selon les conditions météorologiques et selon qu’il s’agit d’un traitement préventif ou curatif : la fourchette va de 10 g à 15 g voire 20 g de sel par m². En France les quantités consommées sont de l'ordre 500 000 t à 1 Mt suivant les hivers plus ou moins froids.

Dans les agglomérations françaises, le sel représente l’essentiel des produits fondants utilisés (>99,5%). Environ 51% de la production mondiale de sel est consacrée à l'entretien des routes dans les pays froids. Le sel est actuellement le fondant de verglas le plus économique (environ 80 € la tonne).

Environnement

Ce sel engendre une pollution saline des bords de route, des eaux de surface, mais aussi des nappes phréatiques. Cela a un impact sur les sols, perturbe le système racinaire des plantes, bouscule les écosystèmes aquatiques (rivières et lacs) et favorise la corrosion de certaines infrastructures métalliques.

Différents produits alternatifs (majoritairement des composés organiques) sont recherchés et testés à la fois sur leur efficacité pour la viabilité des routes et sur leur impact environnemental (biodégradabilité, influence sur la demande biochimique en oxygène, …). Il faut aussi que leurs coûts restent compétitifs.

Par exemple, des formiates de sodium, HCOONa ou de potassium, HCOOK, déjà utilisés au Canada et en Finlande, sont très efficaces mais leur biodégradabilité reste un souci et ils sont respectivement 12 et 22 fois plus chers que le sel.

L’Estorob Bio D-Icer est une huile végétale à base de colza, déjà principalement utilisé dans les aéroports. Ce produit est à la fois biosourcé et biodégradable et s'avère 7 fois moins corrosif que le formiate de potassium et l'acétate de potassium. Il n'est pas corrosif vis-à-vis des métaux et freins carbone des avions. Mais il est aussi 11 fois plus cher que le sel (5).

De nombreuses autres études et essais pour des solutions plus écoresponsables sont réalisés de par le monde et la route de « cinquième génération » dotée de multiples fonctionnalités est à venir ! (6)

Françoise Brénon et l'équipe Question du mois

 

 

(1) Il s’agit plus précisément de la fraction massique, w, définie par :

w = masse du sel / masse du mélange eau-sel

(2) La lettre E pour Eutectique, qui signifie en grec « qui fond bien ». En effet l’abscisse du point E correspond à la fraction massique eutectique pour laquelle le mélange eau/sel a la température de fusion/congélation la plus basse, appelée température eutectique.

(3) En dessous de -21°C, selon les proportions en sel ajouté, il ne coexiste que des solides : eau solide (glace), NaCl solide ou solides en mélanges hétérogènes.

Dans la pratique on peut déverglacer un sol jusqu’à -30°C avec du chlorure de calcium ou du chlorure de magnésium car leurs températures eutectiques valent respectivement environ -51 °C et -33°C.

(5) On consultera avec intérêt l’étude sur la phytotoxicité de produits alternatifs au sel de déneigement (PDF) réalisée par l’ENSAIA et l’Université de Lorraine.

Voir Les infrastructures des transports : les apports de la chimie dans les projets d’avenir, Henri Van Damme (pages 34 et suivantes).

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Vendée Globe 2020 : un peu de chimie, un peu de folie

C’est le dimanche 8 novembre que sont partis des Sables d’Olonne les 33 voiliers du Vendée Globe 2020. Comme précédemment on s’attend à ce que le record de 2016 (1) soit battu compte tenu des innovations et nouveaux
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C’est le dimanche 8 novembre que sont partis des Sables d’Olonne les 33 voiliers du Vendée Globe 2020. Comme précédemment on s’attend à ce que le record de 2016 (1) soit battu compte tenu des innovations et nouveaux matériaux appliqués à ces voiliers IMOCA de 18 mètres préparés pour la course autour du monde depuis plusieurs années. Ce sont en effet des vitrines de technologie : mâts et coques en fibres de carbone, accastillages en titane, voiles en Kevlar ou fibres de carbone tissées, informatique et caméras embarquées du dernier cri. Mais cette année l’innovation la plus importante est sans doute la quasi-généralisation des « foils » (2).

Alors que dans la précédente édition 7 bateaux étaient pourvus de foils, cette année c’est plus de la moitié de la flottille, 19 navires sur 33, qui portent ces impressionnantes moustaches. De plus elles ont grandi. En 2016 les foils mesuraient 2 à 3 mètres, en 2020 ils font de 5 à 6 mètres. Conçus sur le même principe que les ailes d’avion, leur profil permet, lorsque plongés dans l’eau avec une certaine vitesse, de soulever la coque et donc de réduire les frottements et la prise au vent et ainsi gagner 20 à 30% en vitesse pure. Ces foils sont maintenant fabriqués par plusieurs entreprises du Morbihan. Ils sont en fibres de carbone entremêlées en 3D imprégnées de polyester (3). Un moule spécial en mousse reçoit les différentes couches de drapages sur plusieurs centimètres d’épaisseur. Après démoulage la cuisson permet de polymériser la résine (4) et donne la forme rigide du foil. Bien que légers les foils doivent cependant être très résistants car en plus des forces aérodynamiques ils supportent le poids du voilier qui se soulève et qui fait en tout 7 à 8 tonnes. Les cabinets d’études et les entreprises bretonnes ont dû repenser l’architecture des bateaux en fonction de ces foils et de leurs puits qui vont donner des allures inédites à ces « Imoca » de folie. Parallèlement c’est toute une industrie de R&D et de PME innovantes qui font de la Bretagne une vitrine des matériaux composites (5) de hautes performances qui est maintenant sollicitée pour des projets de navires de haute mer (6).

Il y a aussi cette année des originalités marquantes. Le skipper Sébastien Destremau sur son bateau « Merci » dans un souci écologique s’est équipé d’une « casquette » en carton. Dans le jargon nautique la « casquette » n’a rien d’un couvre-chef, c’est une pièce à l’arrière du bateau qui sert à protéger le barreur des embruns et du vent glacial. C’est la société DS Smith de Loire-Atlantique spécialisée dans les emballages recyclés qui a fourni 100 m2 de carton ondulé. Et c’est Stéphane Munoz « sculpteur cartonniste », créateur de meubles en papier rigide, qui a fabriqué la pièce de 3,6 m de longueur jusqu’à la veille du départ et qui a reçu un glaçage avec une résine époxy sans solvant. La casquette gardera-t-elle son imperméabilité lors du voyage ? Le skipper est engagé dans une démarche de réduction de son empreinte carbone (7) et il ne vise pas une place parmi les premiers de cette édition 2020.

Un autre bateau, l’Imoca « Newrest – Arts & Fenêtres » avec son skipper Fabrice Amedeo, mène aussi une démarche écologique. Il veut, avec trois laboratoires de l’IFREMER, de l’université de Bordeaux et de l’IRD, profiter de son périple dans des zones océaniques peu explorées pour recueillir et analyser les microplastiques. On sait qu’avec la dispersion des matières plastiques, on trouve dans les océans des milliards de billes de plastique de tailles comprises entre 300 et 50 microns qui suscitent des inquiétudes pour l’équilibre marin et des menaces pour la vie des poissons. Le bateau est équipé d’un capteur disposant de trois filtres de calibres différents. Le skipper devra changer les filtres toutes les 24 heures en notant sa position et recueillir les boites à filtres pour les analyses chimiques (8) ultérieures (polystyrène, polyéthylène, polyamide…) qui doivent permettre d’établir une cartographie de ces microplastiques dans les océans. Fabrice Amedeo ne vise pas le record de 74 jours : il emporte avec lui 85 jeux de filtres pour 85 jours en mer.

Cela rappelle l’aventure et le projet « Plastic Odyssey » lancés en 2018 par deux jeunes ingénieurs dont l’ambition est de faire marcher un navire avec les déchets plastiques trouvés sur les plages les plus polluées d’Afrique et d’Asie. Après une maquette de démonstration, ils ont acquis avec l’aide de nombreux sponsors et ONG un vieux navire océanographique le « Victor Hansen » qu’ils sont en train d’aménager avec un réacteur de pyrolyse à 400°C qui va dépolymériser ces déchets et les recycler sous forme d’une huile lourde récupérée par distillation, pouvant alimenter les moteurs de leur navire. Après avoir été bloqué plusieurs mois à Boulogne pour cause de désamiantage, le rétrofit est en cours. Ils pensent partir en 2021 pour un tour du monde avec multi-escales pédagogiques pour démontrer les possibilités du recyclage chimique des plastiques dont l’Europe et le monde auraient bien besoin.

Jean-Claude Bernier
Novembre 2020

Pour en savoir plus :
(1) Moins de 80 jours grâce à la chimie ?
(2) La chimie, une histoire de foils
(3) Les chimistes dans l’aventure des nouveaux matériaux
(4) Les polymères, ce qu’il faut savoir ! (vidéo)
(5) Les matériaux composites dans le sport
(6) Chimie et construction navale
(7) Papiers/cartons : les bons élèves du recyclage et du bilan carbone
(8) Techniques analytiques et chimie de l’environnement
 

Crédit photo : IMOCA Merci © Sébastien Destremau

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Fête de la Science 2020

Entre la rentrée scolaire et la fête de la Science, la chimie bat son plein : en guise d’entrée en matière, Mediachimie vous propose une sélection de ressources ancrées sur l’actualité scientifique et économique,
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Entre la rentrée scolaire et la fête de la Science, la chimie bat son plein : en guise d’entrée en matière, Mediachimie vous propose une sélection de ressources ancrées sur l’actualité scientifique et économique, illustrant les nouvelles technologies de la recherche et l’industrie.


Vous trouverez également des ressources à destination des enseignants de tous niveaux :

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Un vaccin, oui, mais quel vaccin ?

Les annonces se sont multipliées cet été sur « les vaccins » contre la Covid-19 (1). Un vaccin américain promis en juin par Donald Trump avant octobre, l’homologation d’un vaccin russe annoncée en août par Vladimir
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Les annonces se sont multipliées cet été sur « les vaccins » contre la Covid-19 (1). Un vaccin américain promis en juin par Donald Trump avant octobre, l’homologation d’un vaccin russe annoncée en août par Vladimir Poutine… Sont sur les rangs 167 projets dont 30 sont en phase préclinique et 8 qui seraient dans les dernières phases de tests en Chine, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Russie. Ces annonces plus politiques que scientifiques montrent s’il en était besoin l’importance du challenge à la fois nationaliste et financier de cette course au vaccin.

Qu’est-ce donc qu’un vaccin ?

Un vaccin peut être une macromolécule chimique ou un produit d’origine biologique composé de plusieurs entités moléculaires.

Son objectif est de protéger d’une maladie les populations auxquelles il est administré. Ils font tous appel au même principe : stimuler les défenses immunitaires contre un agent infectieux en introduisant dans l’organisme cet agent ou une fraction de cet agent (un antigène) rendu inoffensif pour l’homme. C’est ce même principe qui permit à Edward Jenner en 1796 d’expérimenter sur un jeune garçon l’inoculation du pus d’une maladie de la vache « la vaccine » qui l’a protégé d’une maladie qui faisait des ravages depuis l’Antiquité « la variole » : la vaccine contenait un antigène bénin de la maladie qui tuait l’homme. Puis Louis Pasteur en 1880 fit un pas de plus en proposant « l’atténuation de la virulence » en laboratoire et l’a appliquée contre le charbon et la rage (2).

La mise au point et la fabrication d’un vaccin sont souvent longues et complexes avec un chemin marqué à chaque étape par les contrôles de qualité et de sécurité.

La substance active

Il faut produire un antigène (3) provenant du germe qui provoque la maladie, virus, bactérie ou parasite. Cet antigène va par la suite déclencher une réponse immunitaire par la synthèse de nouvelles molécules dirigées contre lui. Ces molécules, dites anticorps, sont produites par des cellules immuno-compétentes qui vont renseigner les caractéristiques de l’ennemi et mémoriser l’ensemble de ses caractéristiques. Ainsi en cas de nouvelle attaque l’ennemi est vite repéré, reconnu et neutralisé.

L’antigène peut être un germe vivant atténué (cas des vaccins contre les oreillons, la rougeole, la tuberculose) ou un germe ou une fraction de germe inactivé. Maintenant certains vaccins sont produits par génie génétique, ils sont appelés vaccins vivants recombinants (vaccin contre l’hépatite). Les gènes responsables du pouvoir pathogène sont inactivés ou éliminés. Les bactéries ou les virus sont alors inoffensifs mais reconnus comme identiques aux souches naturelles par le système immunitaire.

La fabrication du vaccin et la mise en forme pharmaceutique

La fabrication se fait selon les étapes suivantes. Il faut :

  • caractériser le germe au sein d’une banque regroupant des virus ou des bactéries avec des propriétés constantes ;
  • maitriser la culture et multiplier les germes grâce au contrôle des différents paramètres : durée, température, pression… ;
  • récolter par extraction du milieu de la culture l’antigène ou tout facteur antigénique identifié ;
  • purifier et concentrer en enlevant les impuretés à travers des procédés chimiques (extraction, centrifugation) ;
  • inactiver la substance, en fonction des cas par la chaleur ou un agent chimique (par exemple le formaldéhyde – méthanal - qui supprime le pouvoir pathogène, en gardant la capacité à déclencher la réponse immunitaire ;
  • utiliser des techniques de recombinaisons génétiques qui permettent aussi de susciter par le virus ou la bactérie des antigènes d’autres organismes. Le rassemblement des valences antigéniques dans un seul composé permet alors de vacciner contre plusieurs bactéries ou virus (cas du vaccin antipoliomyélite contre 3 types de poliovirus).

La mise en forme pharmaceutique passe par les étapes suivantes :

  • assemblage des valences pour les vaccins combinés, comme le TABDT (typhoïde, paratyphoïde A et B, diphtérie et tétanos) ou le DT-Polio (diphtérie, tétanos, poliomyélite)
  • formulation par ajout d’adjuvants pour améliorer l’efficacité et augmenter la réponse immunitaire (sels d’aluminium) et stabilisants (4). Cette étape est très critique dans l’ensemble du processus, car le vaccin préparé n’est pas forcément très immunogène, il doit être accompagné de substances capables de l’aider à déclencher une réponse immunitaire parfaitement maitrisée. Il faut savoir que la réponse immunitaire implique une coopération cellulaire. Elle est très dépendante des caractéristiques de chaque individu, d’où la difficulté de trouver un vaccin universel sans effets secondaires majeurs pour l’ensemble de la population ;
  • répartition aseptique en flacon ou en seringue en milieu stérile ;
  • lyophilisation pour enlever l’eau si nécessaire et obtenir une poudre ;
  • conditionnement, étiquetage et mise en boite des lots qui peuvent représenter des millions de doses ;
  • contrôle par l’industriel et une autorité indépendante et libération des lots ;
  • livraison des lots en pharmacie, hôpitaux, centres de vaccinations.

Et pour la Covid-19 ?

il faut se rappeler ici que nous avons affaire à un virus et comprendre comment se font aussi les vaccins contre la grippe (5) causée par des virus de même genre, dits mixovirus. Chaque année des experts sélectionnent une collection d’agents infectieux qui varient d’une campagne à l’autre par mutations et constituent une banque de virus pathogènes. Les industriels cultivent alors ces virus sur des œufs de poules puis en extraient l’antigène ou des substances antigéniques, et les concentrent suivant les étapes de fabrication déjà décrites. La stratégie pour le coronavirus peut être la même en s’assurant que l’inactivation du virus sera stable.

L’autre stratégie consiste à se focaliser sur la protéine Spike cette fameuse « clé » qui se dresse autour de la sphère du coronavirus et qui se fixe sur les cellules nasales. Cette protéine peut être aussi synthétisée et produite par génie génétique (injection de l’ARN correspondante et production en masse de cette protéine d’intérêt) (6).

On dispose donc plusieurs stratégies : celle de la protéine recombinante (génie génétique) ou celle de l’extraction du virus de base.

Le groupe Sanofi Pasteur, un des leaders des vaccins contre la grippe et vaccins pédiatriques, mise comme pour la grippe sur ces deux aspects en association avec la société GSK (GlaxoSmithKline). Le vaccin semble être en phase de développement clinique, ce qui permettrait si tout se passe bien une mise sur le marché de plusieurs milliards de doses courant 2021. Il en est de même avec l’américain Translate Bio.

Il n’en reste pas moins vrai que la route avant la commercialisation est longue (7). Après les essais précliniques sur animaux, intervient la phase 1 où l’administration de doses est faite sur 10 à 100 personnes, puis l’administration concerne 50 à 500 personnes en phase 2 et lors de la troisième phase plusieurs milliers de personnes dans une zone où le virus circule activement. Déjà AstraZeneca a suspendu ses essais le 8 septembre à la suite de troubles graves sur certains patients au Royaume-Uni puis a pu reprendre les essais après quelques jours.

Le vaccin russe n’a pas encore entamé la phase 3, de même aux États-Unis. On ne sait pas grand-chose pour les vaccins chinois. C’est lors de la phase 3 que se manifestent les problèmes de sécurité et d’efficacité avec un lot de surprises. Les premiers à entrer dans la dernière phase ne seront pas forcément les premiers sur le marché et c’est encore là que se testeront les vaccins avec des efficacités plus ou moins bonnes.

Jean-Claude Bernier, Danièle Olivier et Constantin Agouridas
Octobre 2020

Pour en savoir plus
(1) Le coronavirus, un défi pour la chimie du vivant
(2) Pasteur et le vaccin contre la rage (vidéo)
(3) Immunoconjugués cytotoxiques, anticorps « armés » contre le cancer
(4) Les adjuvants aluminiques dans les vaccins
(5) Frimas, rhumes et grippes…
(6) L’innovation diagnostique au service des défis de la médecine personnalisée pour la prise en charge du sepsis et des maladies infectieuses
(7) La chimie dans la vie quotidienne : au service de la santé (Chimie et… junior)

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Nouveaux dossiers pédagogiques pour les terminales

Cette année 2020/2021, le partenariat entre La Fondation de la Maison de la Chimie et Les Éditions Nathan se prolonge pour proposer des ressources adaptées au programme de spécialités des terminales série générale et
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Cette année 2020/2021, le partenariat entre La Fondation de la Maison de la Chimie et Les Éditions Nathan se prolonge pour proposer des ressources adaptées au programme de spécialités des terminales série générale et terminales STL et STI2S : voir le sommaire | télécharger le sommaire (PDF) 

Voir les premiers dossiers

 

Les deux premiers dossiers pédagogiques de cette année traitent des points des programmes de 1re de spécialité et de 1re ST2S afin de revenir sur des thématiques et des sujets de la classe de 1re à approfondir en terminale.

Si vous n’avez pas déjà eu l’occasion de les découvrir, vous pouvez parcourir :

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Diffusion en direct du colloque Chimie et Agriculture durable

Le Colloque Chimie et agriculture durable du 4 novembre 2020 est reporté. Mesdames, Messieurs, Dans les circonstances actuelles où le confinement est la règle commune, nous avons essayé d’organiser ces derniers jours,
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L’hydrogène au secours de l’économie européenne ?

Le 23 juillet 2020, la Commission européenne a présenté à Bruxelles les plans pour le système énergétique de l’avenir et pour l’hydrogène propre. Ces plans doivent ouvrir la voie à un secteur de l’énergie plus efficace et
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Le 23 juillet 2020, la Commission européenne a présenté à Bruxelles les plans pour le système énergétique de l’avenir et pour l’hydrogène propre. Ces plans doivent ouvrir la voie à un secteur de l’énergie plus efficace et plus interconnecté. Les stratégies prévoient un nouveau programme d’investissements dans les énergies propres dans le cadre du plan de relance, pour stimuler la reprise économique suite à la crise du coronavirus. Parmi ces programmes s’inscrit « la stratégie de l’Union européenne pour l’hydrogène » et dans la foulée se crée « l’alliance européenne pour un hydrogène propre » avec les industriels du secteur, la société civile, les ministères nationaux et la Banque européenne d’investissement.

À cet effet et concrètement, la feuille de route de la transition est la suivante :

Emboitant le pas à la marche politique triomphale vers le verdissement de ce gaz léger cher aux chimistes, l’Allemagne a annoncée fin juin vouloir devenir le numéro 1 du secteur avec 9 milliards € d’investissement suivi par la France qui en ce début septembre annonce y consacrer 2 milliards € dans le plan de relance.

L’hydrogène serait-il devenu comme le protoxyde d’azote un gaz hypnotique pour nos politiques ? Nos lecteurs de mediachimie.org connaissent bien l’hydrogène comme vecteur énergétique et ses applications.

C’est un gaz industriel important, 75 millions de tonnes sont fournis annuellement à l’industrie pour la désulfuration en pétrochimie (2), la synthèse de l’ammoniac et des engrais azotés (3), mais aussi pour l’alimentaire, l’électronique, la métallurgie sans oublier le spatial. En France la production est de 1 million de tonnes et à 96% cet hydrogène vient du vaporeformage (4) qui correspond à la réaction suivante 2 H2O + CH4 = CO2 + 4 H2 . Une réaction similaire est possible avec les hydrocarbures, et la production d’une tonne d’hydrogène s’accompagne donc de 6 à 10 tonnes de gaz carbonique d’où le nom d’ « d’hydrogène gris », dont le prix de revient est de l’ordre de 1 € /kg.

Actuellement, pour moins de 4%, l’hydrogène est produit par l’électrolyse de l’eau. Le procédé le plus mature est l’électrolyse alcaline avec une solution de potasse comme électrolyte. Les procédés modernes utilisent des électrodes bipolaires et travaillent sous une pression de 30 bars pour un rendement électrochimique supérieur à 70%. À l’anode on dégage de l’oxygène

2 OH- → ½ O2 + H2O + 2e-

et à la cathode se dégage l’hydrogène

2 H2O + 2e- → H2 + 2 OH-

Une autre méthode est l’échange sur membrane polymère avec catalyseur platine dite PEM pratiquement l’inverse de la pile à hydrogène, qui a un bon rendement mais moins mature du point de vue industriel.

Cet hydrogène issu de l’eau revient de 3 à 6 €/kg en fonction du coût de l’électricité. Si celle-ci est produite par procédé renouvelable, éolien, photovoltaïque ou l’hydraulique alors il est dit «  hydrogène vert ». On comprend bien que la politique de décarbonisation de l’énergie (5) conduit à condamner le vapo reformage et à fixer comme objectif la croissance des couples électricité renouvelable-électrolyseur.

Voyons si la stratégie européenne est compatible avec les contraintes électrochimiques, thermodynamiques et économiques.

De nombreux industriels maitrisent assez bien l’électrolyse. Plusieurs français dont McPhy commercialisent des installations de plusieurs MW. L’exemple d’Apex Energy ,qui dispose d’électrolyseur des 2 MW, produit environ 1000 m3/h soit environ 700 t /an. Si elle fonctionne avec une énergie renouvelable dont le taux de charge est au mieux de 25% on peut compter par MW de 100 à 120 t/an. Une installation de 1 GW produira alors 120.000 tonnes et les 6 GW prévus en Europe en 2024, 720.000 tonnes soit 7% de la consommation européenne de 10 millions de tonnes.

À quel prix ?

Une très belle étude de l’APHYPAC * donne pour 2020 un coût de l’ordre de 1000 € à 800 € /kW pour un électrolyseur couplé à un réseau d’électricité renouvelable soit donc 1 milliard € à 800 millions € par GW. On comprend alors le prix du ticket d’entrée pour cette transition.

Sur quelle surface ?

Avec les derniers progrès des électrodes bipolaires et la pressurisation pour l’électrolyseur on compte 45 m2 d’emprise au sol /MW soit donc 4,5 hectares pour 1 GW, auquel il faudrait ajouter l’emprise au sol du champ d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques, soit 200 éoliennes de 5 MW sur 100 hectares ou 1 GW de photovoltaïque sur 2000 hectares, à moins de produire en off-shore. On voit que les contraintes financières et physiques à l’échéance 2050 ou même 2030 ne sont pas aussi simples que l’on pense.

Alors, pourquoi cet emballement politique, financier et médiatique ?

C’est que les promesses de l’industrie de l’hydrogène sont importantes. Passons sur l’opportunité de l’hydrogène décarboné pour l’industrie chimique et métallurgique si son prix arrive à concurrencer celui du vaporéformage.

Le secteur du transport est lui bien concerné par un carburant non polluant ne laissant comme gaz d’échappement que de l’eau et de l’azote grâce à la pile à hydrogène (6) (7) fournissant l’électricité aux moteurs. Grâce à des champions européens Alstom, Air liquide et Linde les trains Coradia iLint (8) roulent déjà en Allemagne et vont bientôt remplacer nos vieux TER régionaux. Le secteur des poids lourds qui peuvent eux aussi supporter le poids du « pack » de la pile à hydrogène est en attente. L’exemple de la jeune société américaine Nikola Corporation spécialiste des camions à hydrogène valorisée à 30 milliards de dollars à son entrée en bourse est tout simplement fou. Pour l’automobile des particuliers, la bataille sera rude entre le véhicule électrique et celui à hydrogène (9). Le poids et le prix du « pack » et du réservoir composite tenant à la pression de 700 bars représentent près de 50% du prix de l’automobile (32.000 € sur 70.000 €). Le prix à la pompe du kg d’hydrogène, le manque de station haute pression, le mauvais rendement thermodynamique, handicapent pour l’instant son développement.

En sachant qu’un électrolyseur de nouvelle génération fournit environ 1 Nm3 d’hydrogène par 3,5 kWh, et si on suppose que l’hydrogène vert est issu d’une source électrique ne dégageant pas de CO2 alors l’électricité nucléaire à 4 centimes du kWh mettra le kg d’hydrogène à 1,30 € concurrent de l’hydrogène gris. Serait-ce l’hydrogène « vert clair » ?


* Production d’hydrogène par électrolyse de l’eau (fiche 3.2.1)-Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible

Septembre 2020
Jean-Claude Bernier

Pour en savoir plus
(1) Qu’est-ce que l’hydrogène vert ? (Question du mois)
(2) Comment assainir l’atmosphère des villes ? L’hydrotraitement (Fiche Réaction en un clin d’oeil)
(3) Comment fabriquer des engrais avec de l’air ? La synthèse de l’ammoniac (Fiche Réaction en un clin d’oeil)
(4) Et revoilà l’hydrogène
(5)L’hydrogène, une source d’énergie pour le futur
(6) H2O ou comment la synthèse de l’eau conduit à la pile à hydrogène ? (Fiche Réaction en un clin d’oeil)
(7) Hydrogène, la roue libre (vidéo)
(8) Vive le Coradia iLint
(9) De nouveaux véhicules automobiles pas très verts !
 

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Le nitrate d'ammonium, un engrais dangereux ?

La récente explosion à Beyrouth au Liban qui a entrainé une véritable catastrophe humaine et matérielle est, semble-t-il en attendant les conclusions d’une commission d’enquête, due à l’explosion de 2700 tonnes de nitrate
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La récente explosion à Beyrouth au Liban qui a entrainé une véritable catastrophe humaine et matérielle est, semble-t-il en attendant les conclusions d’une commission d’enquête, due à l’explosion de 2700 tonnes de nitrate d’ammonium (NH4NO3) stockés depuis plusieurs années dans un entrepôt sur le port avec d’autres produits inflammables.

On peut rappeler que pour augmenter la production des cultures depuis l’Antiquité les hommes ont cherché à amender leurs terres. Les plantes pour croître ont besoin de soleil, de CO2 et d’eau pour la photosynthèse (1), mais aussi d’éléments minéraux comme l’azote, qu’ils ne peuvent fixer dans l’air. On ajoute alors des engrais azotés pour améliorer les rendements, l’ammonitrate a permis depuis deux siècles de multiplier par 10 les rendements des plantes vivrières et de faire face à l’augmentation de la population de la planète. Ce fut d’abord l’importation du « guano », excréments marins riches en azote des îles proche du Pérou, puis les nitrates de soude du Chili jusqu’au début des années 1900. Après 1909 deux chimistes allemands Fritz Haber et Carl Bosch (2) mettent au point la synthèse de l’ammoniac à partir de l’azote de l’air et d’hydrogène (N2 + 3H2 = 2 NH3), puis, par barbotage de l’ammoniac dans l’acide nitrique ou oxydation catalytique, on produit le nitrate d’ammonium NH4NO3. Cet engrais sous forme de granulés est très employé en agriculture. La production mondiale est proche de 120 millions de tonnes (en tonnes d’azote).

Le problème est que durant la Grande Guerre de 14-18 l’industrie allemande a utilisé le nitrate mélangé avec environ 6% d’hydrocarbure pour en faire des explosifs qui ont servi à faire des milliards d’obus et de munitions. Lors du traité de paix de Versailles en 1919 les brevets allemands furentl’objet de tractations sévères pour que la France puisse à son tour produire le nitrate qui a conduit à l’usine ONIA (Office national industriel de l’azote) à Toulouse devenue plus tard AZF, usine qui a explosée en septembre 2001. en effet,  mélangé à certains produits réducteurs (cellulose, huile, fuel) ou à des catalyseurs, le nitrate peut être déstabilisé. De même, avec la température, il peut se décomposer, fondre, puis au bout d’un certain temps, pris dans un incendie, exploser après l’apparition de vapeurs rousses qui sont de l’oxyde d’azote NO2 car NH4NO3 fait partie des « groupements explosophores » (3). NO3 est une réserve d’oxygène qui peut se combiner avec le carbone, l’hydrogène ou le soufre en dégageant des quantités phénoménales de gaz qui vont provoquer une onde de choc s’ils sont confinés dans une enceinte fermée, bâtiment ou navire. Regardons en effet la décomposition thermique :

NH4NO3 → NO + N + 2 H2O

La réaction stœchiométrique montre que 80 grammes de nitrate vont donner environ 80 litres de gaz. Comme la densité du nitrate est proche de 2 on a donc une expansion volumique d’un facteur 2000 cela veut dire que 8 tonnes de nitrates occupant approximativement un volume de 4 m3 vont exploser en donnant 8000 m3 de gaz dans une enceinte fermée de 100 m3 cela entraîne une pression de plus de 80 atmosphères qui fait tout voler en éclat. Imaginez alors que les 2700 tonnes de Beyrouth prises dans l’incendie vont dégager d ‘abord une fumée rousse de NO2 (NO oxydé avec l’oxygène de l’atmosphère) puis un mélange blanc d’azote et de vapeur d’eau d’un volume total de l’ordre de 3 millions de m3. Si le bâtiment de stockage faisait 3000 m3 la pression de l’onde de choc est de plus de 1000 atmosphères détruisant tout dans des kilomètres à la ronde. Décomposition et confinement sont les deux artisans de l’explosion destructrice.

Au cours du temps les accidents n’ont pas manqué :

  • en 1921 à Oppau sur le grand complexe chimique de BASF près de Ludwigshafen. Pour éviter de gratter à la pioche les tas de nitrates une équipe utilise des cartouches de dynamite. L’une d’elle, trop forte, provoque l’explosion de tout le stockage entrainant 586 morts, des milliers de blessés et la destruction du complexe chimique.
  • en 1947 à Brest un Liberty Ship norvégien avec 300 tonnes de nitrates prend feu. Le navire est éloigné du quai mais pour étouffer l’incendie on ferme les cales, entrainant confinement et explosion et causant 26 morts et plusieurs milliers de blessés.
  • en 1947 encore, à Texas City sur le port, un Liberty Ship français explose avec 2000 tonnes de nitrates. Presque tous les pompiers qui étaient mobilisés sur l’incendie sont tués.
  • en 2001 à Toulouse le dépôt de 300 tonnes de nitrate d’AZF explose : 31 personnes tuées, 2500 blessés et des dégâts considérables sur Toulouse.
  • en 2013, au Texas l’usine de la West Fertilizer Company explose lors un incendie : plusieurs centaines de morts.
  • en 2015, au nord de la Chine à Tianjin, l’incendie de plusieurs tonnes de produits chimiques dont 800 tonnes de nitrates provoque une explosion et plusieurs centaines de morts.

Ce sont les accidents les plus connus et les plus récentes catastrophes, cela n’empêche cependant pas que des millions de sacs de granulés sont chaque année utilisés par l’agriculture mondiale dans des conditions de sécurité exemplaires et respectées.

Jean-Claude Bernier
Août 2020

Pour en savoir plus
(1) Le CO2, matière première de la vie
(2) Comment fabriquer des engrais avec de l'air ? La synthèse de l'ammoniac
(3) Les nouvelles techniques d’investigation des explosifs