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Mots-clés : portait Gay-Lussac, manuel d’instruction, alcoomètre centésimal

Au cours de sa carrière Joseph Gay-Lussac (1778-1850), chimiste et physicien, s’est intéressé à une multitude de sujets, toujours avec un grand succès : loi sur les combinaisons des gaz en volumes, loi sur leur dilatation avec la température, co-découverte d’éléments (bore, iode), études sur le salpêtre et la fabrication de la poudre à canon pour en superviser la fabrication et en contrôler la qualité... avec un intérêt croissant pour la recherche appliquée.

Il est ainsi le créateur du degré Gay-Lussac. Mais qu’est-ce qu’un degré Gay-Lussac (°GL) ? Au début du XIXe siècle la classification de la teneur en alcool des vins et spiritueux, était peu claire, voire arbitraire, bien que cela était important pour appliquer les taxes. On utilisait des méthodes très imprécises, telles que tremper un chiffon dans la solution alcoolique et voir s’il prenait feu ! Or l’intérêt commercial demandait un moyen simple et précis d’estimer la teneur en alcool. C’est aussi important de connaître le degré de pureté de l’alcool, car son mélange avec l’eau modifie la sélectivité de son action dissolvante.

En 1821, à la demande de l’administration et sous l’égide de l’Académie des sciences, Gay-Lussac entreprend une longue et méticuleuse étude sur la relation entre la densité et la concentration en alcool dans l’eau. D’abord, il déshydrate l’alcool en le faisant passer sur de la chaux vive. Il trouve comme densité de l’alcool pur à 15°C : 0,7947. Puis il réalise avec soin 21 mélanges d’eau et d’alcool dans des proportions précises en déterminant le poids de chaque volume. Les mesures sont faites à différentes températures, tous les six degrés entre 0 et 30°C. Arago rapporte que ce travail a pris à Gay-Lussac plus de 6 mois. Il se fait aider par un élève de l’École polytechnique, Charles-Félix Collardeau-Duheaume (1796-1869) devenu par la suite fabricant d’instruments.

Gay-Lussac imagina ainsi l’alcoomètre centésimal : c’est une sorte d’aréomètre* à poids constant qui porte une échelle graduée en cent degrés d’alcool, dont chaque graduation représente un centième d’alcool (fig. 1 & 2). Autrement dit 1 degré GL (°GL) correspond à 1% d’alcool dans de l’eau. Il communique à l’Académie des sciences le 3 juin 1822 un rapport qui conduit la docte assemblée à la conclusion suivante : « On voit que M. Gay-Lussac a traité la question de l’aérométrie sous toutes ses faces et avec son habileté accoutumée. Les tables qu’il a déduites d’un travail pénible de plus de six mois seront pour l’Industrie et pour la science une précieuse acquisition. L’autorité trouvera aussi suivant son vœu les moyens d’améliorer et de simplifier la perception de l’impôt ». Son rapport est adopté et il en résulte une nouvelle législation fondée sur le système Gay-Lussac : la nouvelle loi sur les vins et spiritueux est signée par Louis XVIII le 24 juin 1824.

Ces aréomètres sont fabriqués avec Collardeau et en 1824 commercialisés 3 rue de la Cerisaie à Paris où l’appareil coûte 5 francs.

Aujourd’hui, l’échelle de Gay-Lussac est plus utilisée que son appareil !

 

Fig. 1 : Manuel d’instruction pour l’utilisation de l’alcoomètre de Gay-Lussac.

Fig. 2: Alcoomètres fabriqués par Gay-Lussac et donnés au chimiste E. Chevreul comme indiqué sur la boîte
(Photos de l’auteur, MNHN)

 

 

* Un aréomètre est un appareil, muni d’un cylindre creux, lesté et gradué, qui s’enfonce plus ou moins dans le liquide, dont on veut déterminer la masse volumique, en fonction de la poussée d’Archimède que le liquide exerce.

 

Pour en savoir plus

Auteur(s) : Bernard Bodo

Mediachimie | 3 vidéos sur le quinquina et la quinine

Date de publication : Mercredi 16 Septembre 2020
Rubrique(s) : Événements

À l’occasion du bicentenaire de la découverte majeure de la quinine extraite de l’écorce d’un quinquina par P.J. Pelletier et J.B. Caventou, Mediachimie vous invite à découvrir trois nouvelles vidéos de la série « Petites histoires de la chimie » :

Ces vidéos complètent les anecdotes historiques publiées au printemps 2020 sur ce sujet :

et le quiz associé : La quinine et le paludisme

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Mots-clés : miscible, phase, homogène, hétérogène, uniforme, eau, huile, alcool, sirop, densité, viscosité, expérience, TP

À la fois ludique et pédagogique, cette vidéo permet d’observer les phénomènes lors de mélanges de liquides. Sont-ils miscibles ou non ? Comment se répartissent-ils dans le récipient et pourquoi ? Quels sont les interactions à l’échelle moléculaire ?

Fort(e)s de ces découvertes, à vous de réaliser un cocktail multicolore ou de reproduire l’expérience de Marie Curie. Toutes les expériences sont reproductibles dans une cuisine.

Organisation de la vidéo :

  • 0:50 : Miscibilité, non miscibilité et densité
  • 4:45 : Cocktail 3 étages consommable
  • 6:00 : Cocktail 5 étages non consommable
  • 7:15 : Manip de Marie Curie pour ses filles
  • 9:30 : Interactions intermoléculaires
  • 11:30 : Conclusion et remerciements
     
Auteur(s) : Auteurs : Raphaël Blareau et Françoise Brénon pour Mediachimie. Production : Association LABOXYGENE, Fondation de la Maison de la chimie
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En 1856, le jeune William Perkin âgé de 18 ans étudie la chimie au Royal College of Chemistry de Londres sous la direction d’August Wilhelm von Hofmann (1818-1892), chimiste organicien expert en goudron de houille. Von Hofmann, élève de Justus Liebig (1803-1873) à Giessen, avait été recruté en 1845 comme directeur d’une nouvelle école de chimie pratique à Londres sous l’égide du Royal College of Chemistry. Ses recherches sur le goudron de houille, puis sur le gaz de ville (ou naphta) l’avaient conduit à découvrir l’aniline.

Dans ses mémoires, William Perkin explique que, en réponse à un concours lancé par Hofmann, il a effectué des recherches pendant les vacances de Pâques, dans son petit laboratoire personnel. Son projet était de réaliser la synthèse de la quinine dont la structure moléculaire n’était pas alors connue, avec pour objectif de « combattre le paludisme qui touchait les troupes qui défendaient aux Indes l’honneur britannique ». Perkin précise : « Après plusieurs essais j’en arrivais à oxyder un dérivé de l’aniline, la N-allyl-toluidine ». Car pour obtenir la quinine, il pensait qu’on pouvait y arriver par l’oxydation de deux molécules de N-allyl-toluidine. C’est ce qui pouvait être imaginé, sur la base des formules brutes, en comptant le nombre des atomes des molécules avant et après l’oxydation prévue. Les formules développées n’étaient pas alors connues, mais les formules brutes l’étaient. Pour le jeune Perkin, l’oxydation de la N-allyl-toluidine (C10H13N) était supposée former la quinine (C20H24N2O2) selon l’équation :

2 C10H13N + 3O -> C20H24N2O2 +H2O

Mais les structures développées du produit obtenu et de la quinine n’ont aucun rapport.

Cependant, lorsque Perkin a fait cette réaction avec du dichromate de potassium, il n’a obtenu qu’une boue brunâtre irrécupérable qu’il dut mettre à l’évier. C’est alors qu’il refait la réaction en oxydant par du bichromate de potassium de l’aniline contenant comme impuretés des α- et β-toluidines. Il décrit ainsi sa découverte : « J’obtins vite un splendide précipité rouge brun. Bien sûr, ce composé n’avait rien à voir avec la quinine artificielle que je recherchais, mais il éveilla ma curiosité de chimiste, car ayant renversé une petite éprouvette, je vis qu’il produisait sur le parquet et sur ma blouse des tâches certes de belle couleur, mais surtout indélébiles. Sans le savoir je venais d’inventer ce colorant de bonne tenue dont l’industrie textile avait tant besoin ».

De la pâte goudronneuse obtenue, il extrait par de l’éthanol une solution violette colorée par une substance qu’il nomme mauvéine.

De nos jours nous connaissons les formules développées de tous ces composés.

 

   

Figure 1 : Synthèse de la mauvéine A

On constate que la structure de la mauvéine ne ressemble pas du tout à celle de la quinine dont la formule est :

  

Les colorants naturels étaient très coûteux et difficiles à obtenir. C’est sur le conseil de sa femme qu’il donnera le nom de mauvéine à cette couleur en référence à la fleur « mauve (Malva sylvestris) ». Perkin dépose un brevet le 26 août 1856, démissionne de la Royal Society of Chemistry contre l’avis d’Hofmann et mobilise sa famille pour fonder avec son père et son frère une entreprise à Greenford dans la banlieue de Londres pour développer son invention. Elle a marqué la naissance de l’industrie chimique organique. Il lui faudra perfectionner sa fabrication, stabiliser la fixation du colorant sur les tissus et rendre le prix attractif. La concurrence des teinturiers étrangers dont les lyonnais qui apprennent en 1857 l’arrivée de ce nouveau produit sera rude, et surtout va susciter de nombreuses contrefaçons en Europe où le brevet anglais ne s’appliquait pas. Pour Perkin, qui a une longueur d’avance sur les autres chimistes, le succès sera éclatant. Par ailleurs, à partir des années 1860-1870, les chimistes allemands créeront une puissante industrie de matières colorantes, en particulier la Badische Anilin und Soda Fabrik (BASF).

Très rapidement la couleur mauve devient à la mode dans toute l’Europe et une véritable fureur va en effet s’en emparer. En 1862, la reine Victoria apparut à l’Exposition internationale de Londres dans une robe en soie teinte en mauve par le colorant de Perkin et porte cette couleur dans toutes les grandes occasions. À Paris l’impératrice Eugénie s’en entiche et porte aussi des robes mauves. Ce sera la couleur du timbre anglais de 2 pence en 1882.

Perkin se retire des affaires en 1874 à 36 ans. Il continue ensuite des recherches en chimie organique, découvre la « réaction de Perkin » qui lui permet de réaliser la synthèse de coumarines, à la base de l’industrie des parfums synthétiques. Il publie environ 60 articles, principalement dans le Journal of the Chemical Society, devenu « JCS Perkin ». Il meurt en 1907 d’une pneumonie à Arrow dans la banlieue de Londres. Cette découverte est un exemple type de sérendipité* en chimie.

 

L'usine de Greenford en 1858. Credit: Wellcome Collection. Licence CC BY 4.0 

 

* La sérendipité est la science des découvertes imprévues. Les Trois Princes de Serendip est un conte oriental décrivant les nombreuses aventures de ces princes au cours desquelles ils utilisent de ténus indices pour remonter logiquement à des faits dont ils ne pouvaient avoir connaissance. (Sérendip est le nom en persan de Ceylan, aujourd’hui Sri Lanka). L’exemple type de cette démarche est Christophe Colomb qui cherche la route des Indes et trouve l'Amérique. C’est aussi ce que Pasteur nommera « le hasard dans un esprit préparé ».

 

Pour en savoir plus


 

Auteur(s) : Texte : Gérard Emptoz et Bernard Bodo
Vidéo : Réalisation : François Demerliac ; Auteur scientifique : Bernard Bodo ; Production : Fondation de la Maison de la Chimie / Virtuel
Mots-clés : Perkin, mauvéine, colorants d’aniline, composés aromatiques, essor industriel
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Mots-clés : Humphry Davy, Louis-Nicolas Vauquelin, les sœurs Fourcroy, le Jardin des Plantes

On se souvient d’Humphry Davy (1778-1829), chimiste londonien concurrent de Gay-Lussac (1778-1850) et Thenard (1777-1856), pour sa découverte du potassium et du sodium par électrolyse, celle des propriétés physiologiques du protoxyde d’azote (N2O) et son invention de la lampe de sureté des mineurs. Il fut un grand théoricien et reconnut l’hydrogène comme principe d’acidité. Nicolas Vauquelin (1763-1829), chimiste français, analyste de génie, découvert par Antoine de Fourcroy (1755-1809), entre autres travaux et découvertes a isolé la glucine (oxyde de béryllium) et le chrome.

Davy et Vauquelin avaient commencé leur vie professionnelle par un emploi de garçon chez un apothicaire (pharmacien). Avec eux la chimie devint un métier. Au talent oratoire de Davy s’opposait la timidité de Vauquelin.

Davy désirait visiter le continent européen depuis longtemps. C’est ainsi qu’à l’automne 1813 s’étant embarqué avec son préparateur, Faraday, il rendit visite aux chimistes parisiens dont il a laissé de pittoresques portraits biographiques.

Davy était fils de fermiers, les parents de Vauquelin étaient ouvriers agricoles. Davy venait d’épouser une riche veuve, mais Vauquelin, lui, ne vivait que pour son art. En 1783 il était pensionnaire chez Fourcroy dont la sœur aînée tenait la maison.

En 1786, les deux sœurs veuves de Fourcroy, qui ont ouvert « une boutique de parfumerie et de jouets », le recueillent chez elles et le soignent : « Acceptez ; si quelque jour vous réussissez, vous nous rendrez ces légères avances ». Après la mort de Fourcroy (1809), Vauquelin, qui n’était pas un ingrat, prit à son tour chez lui les vieilles dames.

En 1813 il a réussi, il est professeur au Muséum d’histoire naturelle, à la Faculté de médecine, à l’École des mines, premier directeur de l’École de pharmacie, membre de l’Institut.

Voici ce que Davy écrit de la visite qu’il fit à Vauquelin. Il « était, dit-il, au déclin de sa vie (il avait 50 ans, Davy trente-cinq) […]. Il vivait au Jardin du Roi. On ne saurait imaginer rien de plus singulier que sa vie et son intérieur. Deux vieilles filles, mesdemoiselles Fourcroy, sœurs du professeur de ce nom, tenaient sa maison. Je me rappelle qu’en y entrant pour la première fois, je fus introduit dans une sorte de chambre à coucher, qui servait en même temps de salon. L’une de ces demoiselles était au lit et occupée à nettoyer des truffes (pommes de terre) pour le déjeuner. Vauquelin tenait absolument à me régaler, malgré mes efforts pour décliner son invitation. Rien de plus extraordinaire que la simplicité de sa conversation. Il n’avait pas le moindre sentiment des convenances : il parlait de choses qui, depuis le temps du paradis terrestre, n’avaient jamais fait, entre hommes, l’objet d’une conversation devant des personnes de l’autre sexe ». Après Davy, plusieurs de ses biographes ont souligné « la simplicité et la naïveté de son langage ».

 

  
Portrait de Sir Humphry Davy
(source Wikimedia)
Portrait de Vauquelin
situé dans la Salle des actes
de la Faculté de pharmacie,
4 avenue de l'Observatoire à Paris
(Source : www.acadpharm.org)

 

Pour en savoir plus

Auteur(s) : Josette Fournier
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Le principe actif du remède, la quinine, a été extraite des écorces du quinquina jaune en juin 1820 par deux pharmaciens-chimistes français, Pelletier et Caventou. Cette découverte, très importante à l’époque, est toujours d’actualité en 2020, où nous célèbrerons son bicentenaire. La quinine reste un médicament majeur pour le traitement du paludisme, qui est toujours, avec 219 millions de personnes malades et 435 000 décès en 2017, la parasitose la plus importante. De plus elle concerne majoritairement les enfants de moins de cinq ans.

Auteur(s) : Réalisation : François Demerliac ; Auteur scientifique : Bernard Bodo ; Production : Fondation de la Maison de la Chimie / Virtuel
Mots-clés : quinquina, quinine, paludisme, fièvre des marais, malaria, chloroquine
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Le remède a été introduit en Europe dès le début du XVIIe siècle, mais il a fait l’objet de multiples discussions et controverses sur la façon de le préparer et de l’utiliser. C’est une éternelle histoire qui n’est pas sans rappeler l’actualité de 2020.

Auteur(s) : Réalisation : François Demerliac ; Auteur scientifique : Bernard Bodo ; Production : Fondation de la Maison de la Chimie / Virtuel
Mots-clés : quinquina, quinine, paludisme, fièvre des marais, malaria, chloroquine
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Il y a maintenant plus de cinq siècles que Christophe Colomb et les conquistadors ont introduit le paludisme dans le Nouveau Monde, les Amériques. Mais le Pérou avait le remède, une substance issue de l’écorce de quinquina utilisée par les amérindiens comme tonique et pour lutter contre des fièvres. Les débuts de cette histoire ont fait l’objet de nombreux récits ou légendes contradictoires.

Auteur(s) : Réalisation : François Demerliac ; Auteur scientifique : Bernard Bodo ; Production : Fondation de la Maison de la Chimie / Virtuel
Mots-clés : quinquina, quinine, paludisme, fièvre des marais, malaria, chloroquine

Mediachimie | L’hydrogène au secours de l’économie européenne ?

Date de publication : Mercredi 09 Septembre 2020
Rubrique(s) : Éditorial

Le 23 juillet 2020, la Commission européenne a présenté à Bruxelles les plans pour le système énergétique de l’avenir et pour l’hydrogène propre. Ces plans doivent ouvrir la voie à un secteur de l’énergie plus efficace et plus interconnecté. Les stratégies prévoient un nouveau programme d’investissements dans les énergies propres dans le cadre du plan de relance, pour stimuler la reprise économique suite à la crise du coronavirus. Parmi ces programmes s’inscrit « la stratégie de l’Union européenne pour l’hydrogène » et dans la foulée se crée « l’alliance européenne pour un hydrogène propre » avec les industriels du secteur, la société civile, les ministères nationaux et la Banque européenne d’investissement.

À cet effet et concrètement, la feuille de route de la transition est la suivante :

  • de 2020 à 2024 installer 6 GW d’électrolyseurs, avec l’objectif de produire un million de tonnes d’hydrogène « vert » (1)
  • de 2024 à 2030 dans un système énergétique intégré, disposer de 40 GW d’ électrolyseurs pour produire annuellement 10 millions de tonnes d’ hydrogène renouvelable (on peut rappeler que la production électrique en France a été de 537 TWh pour une puissance installée de 133 GW)
  • au-delà et jusqu’en 2050 déploiement à grande échelle dans tous les secteurs à décarboner.

Emboitant le pas à la marche politique triomphale vers le verdissement de ce gaz léger cher aux chimistes, l’Allemagne a annoncée fin juin vouloir devenir le numéro 1 du secteur avec 9 milliards € d’investissement suivi par la France qui en ce début septembre annonce y consacrer 2 milliards € dans le plan de relance.

L’hydrogène serait-il devenu comme le protoxyde d’azote un gaz hypnotique pour nos politiques ? Nos lecteurs de mediachimie.org connaissent bien l’hydrogène comme vecteur énergétique et ses applications.

C’est un gaz industriel important, 75 millions de tonnes sont fournis annuellement à l’industrie pour la désulfuration en pétrochimie (2), la synthèse de l’ammoniac et des engrais azotés (3), mais aussi pour l’alimentaire, l’électronique, la métallurgie sans oublier le spatial. En France la production est de 1 million de tonnes et à 96% cet hydrogène vient du vaporeformage (4) qui correspond à la réaction suivante 2 H2O + CH4 = CO2 + 4 H2 . Une réaction similaire est possible avec les hydrocarbures, et la production d’une tonne d’hydrogène s’accompagne donc de 6 à 10 tonnes de gaz carbonique d’où le nom d’ « d’hydrogène gris », dont le prix de revient est de l’ordre de 1 € /kg.

Actuellement, pour moins de 4%, l’hydrogène est produit par l’électrolyse de l’eau. Le procédé le plus mature est l’électrolyse alcaline avec une solution de potasse comme électrolyte. Les procédés modernes utilisent des électrodes bipolaires et travaillent sous une pression de 30 bars pour un rendement électrochimique supérieur à 70%. À l’anode on dégage de l’oxygène

2 OH- → ½ O2 + H2O + 2e-

et à la cathode se dégage l’hydrogène

2 H2O + 2e- → H2 + 2 OH-

Une autre méthode est l’échange sur membrane polymère avec catalyseur platine dite PEM pratiquement l’inverse de la pile à hydrogène, qui a un bon rendement mais moins mature du point de vue industriel.

Cet hydrogène issu de l’eau revient de 3 à 6 €/kg en fonction du coût de l’électricité. Si celle-ci est produite par procédé renouvelable, éolien, photovoltaïque ou l’hydraulique alors il est dit «  hydrogène vert ». On comprend bien que la politique de décarbonisation de l’énergie (5) conduit à condamner le vapo reformage et à fixer comme objectif la croissance des couples électricité renouvelable-électrolyseur.

Voyons si la stratégie européenne est compatible avec les contraintes électrochimiques, thermodynamiques et économiques.

De nombreux industriels maitrisent assez bien l’électrolyse. Plusieurs français dont McPhy commercialisent des installations de plusieurs MW. L’exemple d’Apex Energy ,qui dispose d’électrolyseur des 2 MW, produit environ 1000 m3/h soit environ 700 t /an. Si elle fonctionne avec une énergie renouvelable dont le taux de charge est au mieux de 25% on peut compter par MW de 100 à 120 t/an. Une installation de 1 GW produira alors 120.000 tonnes et les 6 GW prévus en Europe en 2024, 720.000 tonnes soit 7% de la consommation européenne de 10 millions de tonnes.

À quel prix ?

Une très belle étude de l’APHYPAC * donne pour 2020 un coût de l’ordre de 1000 € à 800 € /kW pour un électrolyseur couplé à un réseau d’électricité renouvelable soit donc 1 milliard € à 800 millions € par GW. On comprend alors le prix du ticket d’entrée pour cette transition.

Sur quelle surface ?

Avec les derniers progrès des électrodes bipolaires et la pressurisation pour l’électrolyseur on compte 45 m2 d’emprise au sol /MW soit donc 4,5 hectares pour 1 GW, auquel il faudrait ajouter l’emprise au sol du champ d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques, soit 200 éoliennes de 5 MW sur 100 hectares ou 1 GW de photovoltaïque sur 2000 hectares, à moins de produire en off-shore. On voit que les contraintes financières et physiques à l’échéance 2050 ou même 2030 ne sont pas aussi simples que l’on pense.

Alors, pourquoi cet emballement politique, financier et médiatique ?

C’est que les promesses de l’industrie de l’hydrogène sont importantes. Passons sur l’opportunité de l’hydrogène décarboné pour l’industrie chimique et métallurgique si son prix arrive à concurrencer celui du vaporéformage.

Le secteur du transport est lui bien concerné par un carburant non polluant ne laissant comme gaz d’échappement que de l’eau et de l’azote grâce à la pile à hydrogène (6) (7) fournissant l’électricité aux moteurs. Grâce à des champions européens Alstom, Air liquide et Linde les trains Coradia iLint (8) roulent déjà en Allemagne et vont bientôt remplacer nos vieux TER régionaux. Le secteur des poids lourds qui peuvent eux aussi supporter le poids du « pack » de la pile à hydrogène est en attente. L’exemple de la jeune société américaine Nikola Corporation spécialiste des camions à hydrogène valorisée à 30 milliards de dollars à son entrée en bourse est tout simplement fou. Pour l’automobile des particuliers, la bataille sera rude entre le véhicule électrique et celui à hydrogène (9). Le poids et le prix du « pack » et du réservoir composite tenant à la pression de 700 bars représentent près de 50% du prix de l’automobile (32.000 € sur 70.000 €). Le prix à la pompe du kg d’hydrogène, le manque de station haute pression, le mauvais rendement thermodynamique, handicapent pour l’instant son développement.

En sachant qu’un électrolyseur de nouvelle génération fournit environ 1 Nm3 d’hydrogène par 3,5 kWh, et si on suppose que l’hydrogène vert est issu d’une source électrique ne dégageant pas de CO2 alors l’électricité nucléaire à 4 centimes du kWh mettra le kg d’hydrogène à 1,30 € concurrent de l’hydrogène gris. Serait-ce l’hydrogène « vert clair » ?


* Production d’hydrogène par électrolyse de l’eau (fiche 3.2.1)-Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible

Septembre 2020
Jean-Claude Bernier

Pour en savoir plus
(1) Qu’est-ce que l’hydrogène vert ? (Question du mois)
(2) Comment assainir l’atmosphère des villes ? L’hydrotraitement (Fiche Réaction en un clin d’oeil)
(3) Comment fabriquer des engrais avec de l’air ? La synthèse de l’ammoniac (Fiche Réaction en un clin d’oeil)
(4) Et revoilà l’hydrogène
(5)L’hydrogène, une source d’énergie pour le futur
(6) H2O ou comment la synthèse de l’eau conduit à la pile à hydrogène ? (Fiche Réaction en un clin d’oeil)
(7) Hydrogène, la roue libre (vidéo)
(8) Vive le Coradia iLint
(9) De nouveaux véhicules automobiles pas très verts !
 

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Mots-clés : SageGlass, électrochrome, vitrage, confort, durable

L’enveloppe de verre des nouveaux bâtiments représente une véritable peau entre l'intérieur et l'extérieur du bâtiment qui assure de nombreuses fonctions. Au-delà du design, cette peau s’est complexifiée pour devenir un objet à fort contenu technique. En effet, elle doit permettre au bâtiment de se protéger de l’environnement extérieur et du bruit, de s’adapter au climat et de réguler les apports solaires à l’origine d’une utilisation excessive de la climatisation. Pour se protéger des apports solaires, l’enveloppe du bâtiment est généralement équipée de stores mécaniques qui occultent le passage de la lumière et de la chaleur.

Dans les années 2000, Saint-Gobain a initié une nouvelle approche qui consiste à doser de manière intelligente la quantité de lumière et de chaleur nécessaire au fonctionnement optimum des bâtiments en développant du vitrage électrochrome SageGlass à teinte dynamique.

Le revêtement électrochrome est appliqué sur du verre par pulvérisation cathodique. Il est constitué d’un empilement de plusieurs couches céramiques. Celles-ci sont polarisées par une faible tension (maximum 3V) qui permet de teinter le revêtement en provoquant la diffusion des ions lithium et des électrons, d’une couche électrochrome à une autre. Lorsque la polarisation est inversée, les ions et électrons migrent vers leurs couches d’origine et le verre redevient clair. La teinte de ces vitrages peut être pilotée par le système d’automatisation du bâtiment, par des interrupteurs ou par une application.

Vidéo de la conférence (durée 31:57)
Retrouvez ici toutes les vidéos de ce colloque. Possibilité de les télécharger.

Auteur(s) : D'après la conférence de Stéphane Auvray, Saint-Gobain - La Défense Cedex
Source : Colloque Chimie et lumière, 26 février 2020, Fondation de la Maison de la chimie
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