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Mots-clés : insuline, diabète, génie génétique, protéine recombinante, histoire, procédés

Voilà 100 ans, le 11 janvier 1922, que pour la première fois un enfant de 14 ans en coma diabétique reçut une injection d’un extrait de pancréas (et donc d’insuline) ; il fut sauvé et survécu 13 ans avec des injections régulières d’insuline.

Quel est le rôle de l’insuline ?

L’insuline est une hormone (i), secrétée par le pancréas, dès que la glycémie (taux de glucose dans le sang) dépasse un seuil. Cette sécrétion favorise un retour de la glycémie à une valeur de base. Son absence ou sa sécrétion insuffisante est responsable des divers types de diabète.

Quelle est la structure de l’insuline ?

L’insuline est une protéine. Sa structure a été décrite en 1955 par Frederick Sanger (ii) et représentée en 3 D par Dorothy Hodgkin (iii) en 1969.

De formule brute C257H383N65O77S6, sa masse molaire vaut 5807 g.mol-1. La structure de l’insuline est complexe. Un premier brin appelé chaine A contient 21 acides aminés (acides aminés notés aa par la suite). Un deuxième brin appelé chaine B contient 30 aa. Ces 2 chaines sont reliées entre elles par 2 ponts disulfures (S-S) entre 2 cystéines de A et 2 cystéines de B. Il existe aussi un pont S-S interne entre deux cystéines de la chaine A. L’ensemble des 2 chaines forme un monomère. Voir image ci-dessous.

Insuline humaine : enchainement des acides aminés et ponts disulfures. Image réalisée par Lydie Amann

Trois dimères se forment grâce à des liaisons hydrogènes entre des aa des chaines terminales de B et sont assemblés entre eux via des interactions avec deux ions Zn(II). L’insuline a donc une structure hexamère.

Insuline humaine et animale

La structure de l’insuline est particulière à l’espèce, mais celles de l’homme, du porc et du bœuf sont très voisines.

L’insuline humaine est différente de l’insuline porcine juste par un aa de la chaine B en position 30. Celle du bœuf diffère en plus par 2 aa de la chaine A en positions 8 et 10.

Les premières insulines administrées aux diabétiques insulino-dépendants

Elles sont extraites de pancréas de bœuf ou de porc, mise en solution acide (pH = 3) et malheureusement imparfaitement purifiées. Le patient doit avoir 3 ou 4 injections par jour. Les impuretés et la différence structurelle de ces insulines sont responsables de réactions locales ou d’allergies. Ainsi, de 1922 jusqu’en 1999 (en France) les diabétiques ont pu recevoir des insulines extraites du porc et du bœuf. Depuis les années 80, les insulines reçues par les diabétiques ont beaucoup évolué.

L’insuline porcine modifiée appelée insuline semi-synthétique humaine

Au début des années 80, l’insuline porcine a subi des transformations enzymatiques permettant de remplacer l’aa alanine en position 30 de la chaine B par l’aa thréonine ; ainsi on obtient une insuline semi-synthétique humaine. Bien qu’apportant au malade une plus grande efficacité, ce procédé nécessitait encore un approvisionnement en insuline porcine et provoquait dans certains cas des réactions de rejet.

Des insulines différenciées pour améliorer rapidité et durée d’action

La notion d’insuline différenciée est liée à la vitesse et la durée d’action. On parle d’insulines, rapides, intermédiaires ou lentes.

Ainsi des insulines rapides sous forme d’hexamères sont injectées pour éviter une augmentation de la glycémie trop importante au moment des repas, tandis que des insulines intermédiaires permettant de combler les besoins humains en insuline indépendamment des repas, sont injectées 2 à 3 fois par jour.

Ces insulines intermédiaires, nommées NPH (Neutral Protamine Hagerdorn), proposées dès 1923 par Hagerdorn, contiennent en plus de l’insuline humaine, des protamines (iv), une quantité variable d’ions Zn2+ et un milieu neutre grâce à un tampon phosphate. Cette formulation injectée diffuse alors lentement dans le corps humain.

L’inconvénient de ces premières insulines différenciées était leur délai d’action et la durée.

L’insuline humaine obtenue par le génie génétique appelée insuline biogénétique humaine ou recombinante

Dès le début des années 80 des insulines humaines obtenues par génie génétique sont apparues sur le marché et depuis 1999 (en France) seules ces insulines sont utilisées.

Très schématiquement, un gène (portion d’ADN) codant pour l’insuline humaine est inséré dans l’ADN d’une cellule hôte, la bactérie Escherichia coli. Celle-ci produit alors de l'insuline humaine grâce au gène supplémentaire intégré. Pour la production de grandes quantités, cette bactérie modifiée est introduite dans un fermenteur où elle se multiplie et produit le composé recherché. Des étapes de séparation et purification sont indispensables.

Pour concrétiser on peut citer pour exemples, deux modes de fabrication industrielle d’insuline recombinante. Ce ne sont pas les seuls.

Dans le premier, il est d’abord créé indépendamment, par génie génétique, les 2 chaines A et B rallongées volontairement par quelques aa dont la présence facilite l’étape chimique ultérieure. À l’issue de ces fermentations ces chaines sont séparées par ultrafiltration ou centrifugation. La création des ponts sulfure (S-S) entre les 2 chaines est alors réalisée par voie chimique. Une chromatographie préparative à basse pression par échanges d’ions est alors réalisée. Une nouvelle étape de réaction chimique ou enzymatique permettant la découpe des aa excédentaires est suivie d’une ultrafiltration puis d’une chromatographie préparative à haute pression (70 bars) sur gel de silice greffé ou non, pour conduire à l’insuline humaine recombinante purifiée à usage pharmaceutique.

Dans le deuxième mode, la bactérie est programmée pour reproduire au cours de la fermentation les chaines AB accrochées entre elles en une seule chaine. Après une séparation / filtration, une découpe par voie chimique ou enzymatique et la création des ponts sulfure sont réalisées suivies d’une chromatographie par échange d’ions. Une purification finale par chromatographie HP est également nécessaire.

Le génie génétique permet aussi de produire des insulines aux actions différenciées.

Les insulines analogues rapides ou lentes

La fin des années 90 a vu arriver les insulines dites analogues rapides et lentes. Elles sont aussi issues du génie génétique. Elles ont pour objectif de modifier la cinétique ou la solubilité de l’insuline.

Ce sont des insulines très légèrement différentes de l’insuline humaine par changement de quelques aa (addition ou soustraction ou échange) et de quelques adjonctions.

On distingue les insulines analogues rapides, à début d’action plus rapide et durée d’action plus courte que l’insuline humaine (lispro (v), en 1996, asparte (vi) en 2000 ou glulisine (vii) en 2004) qui par juste quelques changements (un aa par un autre) permettent de garder la même action au niveau de la glycémie. La rapidité d’action est due au fait que ce n’est plus l’hexamère qui est formé mais le monomère.

Inversement les insulines analogues lentes ou à action prolongée (glargine (viii) en 2000 et détémir (ix) en 2004) par des modifications d’aa permettent un changement du point isoélectrique. Solubles en milieu acide ces insulines précipitent au pH physiologique et les hexamères formés ont ainsi une durée d’action beaucoup plus longue.

On peut citer quelques fabricants d’insuline dans le monde : Novo Nordisk (danois) leader mondial, Eli Lilly (américain), Sanofi-Aventis (français), Biocon en Inde, Wanbang Biopharma en Chine, Julphar au Moyen Orient…

Proche de nous, on trouve des sites de production d’insuline à Chartres (Novo Nordisk), à Fegersheim (Lilly) et Francfort (Sanofi).

D’après le rapport 2019 de la FID (Fédération Internationale du Diabète), « 578 millions d'adultes seront atteints de diabète d'ici 2030 et 700 millions d'ici 2045 ». On mesure l’importance du savoir-faire indispensable pour la production d’insuline.

Aujourd’hui les axes de recherche dans l’amélioration du traitement sont tournés non plus vers une production d’insuline toujours plus active, mais plutôt dans des injections plus efficaces : pompes en boucle fermée avec mesure en continu de la glycémie et injection en continu d’insuline via l’intervention de l’Intelligence Artificielle (c’est ce qu’on nomme le pancréas artificiel). D’autres nouvelles thérapies sont en cours d’étude : ainsi des cellules souches (implantées directement sous la peau) se transforment en cellules béta des îlots de Langerhans (les cellules pancréatiques productrices d’insuline) et produisent de l’insuline directement utilisable par le corps humain.


Monomère insuline humaine

 

(i) En 1922 deux biologistes canadiens Frederick Banting et Charles Best découvrent l’insuline par extraction du pancréas.
(ii) Frederick Sanger a eu le prix Nobel de Chimie en 1958 pour son travail sur la structure des protéines, particulièrement celle de l’insuline.
(iii) Dorothy Hodgkin a eu le prix Nobel de Chimie en 1964 pour « sa détermination par des techniques aux rayons X des structures de substances biochimiques importantes  », ce qui lui permit de déterminer la structure tridimensionnelle de l’insuline en 1969.
(iv) Les protamines sont des petites protéines nucléaires (trouvées au centre de noyaux cellulaires) riches en aa arginine.
(v) Insuline lispro : la molécule comporte une inversion de deux aa en bout de chaîne B, qui ne modifie pas la liaison au récepteur, mais bloque la formation de dimères et d'hexamères d'insuline.
(vi) Insuline asparte : c'est une insuline analogue où un seul acide aminé a été modifié, en particulier une proline avec un acide aspartique à la position B28.
(vii) Insuline glulisine : insuline analogue où l’aa asparagine en position B3 est remplacé par la lysine et la lysine en position B29 est remplacée par l'acide glutamique.
(viii) Insuline glargine : remplacement de l'asparagine par la glycine en position 21 de la chaîne A et par l'extension carboxy-terminale de la chaîne B par 2 résidus arginine.
(ix) Insuline détémir : délétion de la thréonine en position B30 et fixation sur la lysine en position B29 de l’acide tétradécanoïque (ou myristique) de formule CH3–(CH2)12–COOH, ce qui lui permet de se complexer à l'albumine dans le sang. Puis lentement le complexe se dissocie et libère l’insuline.

 
 

 

Pour en savoir plus
(1) Histoire de l’insuline : entre le biologique et l’artificiel, G. El Mghari, S.Baki et N. El Ansari, Service d’endocrinologie, Laboratoire PCIM, Université Cadi Ayyad, Marrakech, Hegel vol. 4 n°2 (2014) p. 208 (DOI : 10.4267/2042/53793)
(2) L’insuline produit du jour Société chimique de France
(3) Les 90 ans de la découverte de l'insuline, par la Fédération Française des Diabétiques
(4) Les insulines, médicaments actuels et évolution dans la prise en charge du diabète insulinodépendant, Thèse Alexandre Bitil (2015), tout particulièrement les modes d’obtention pages 21 à 26 (HAL Id : dumas-01171688)
(5) Le génie génétique à la rescousse des diabétiques Musée Armand Frappier Canada
(6) État des lieux passé et actuel de l’insuline (thérapies, procédés) et perspectives d’évolution, Thèse d'exercice en pharmacie (Toulouse) de Delpech Romain (2015)

 

Crédits :
Illlustration : Monomère insuline humaine par Isaac Yonemoto. Transféré de en.wikipedia.org vers Commons. Premier téléchargement vers en.wp par Takometer, CC BY 2.5, Lien
Figure : Insuline humaine : enchainement des acides aminés et ponts disulfure réalisée par Lydie Amann. DR.

Auteur(s) : Lydie Amann et Françoise Brénon
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Mots-clés : chimiothérapie, anticancéreux, polymérisation contrôlée, amorceur, gemcitabine

La chimiothérapie consiste à administrer un principe actif (PA) libre (toxicité souvent élevée) ou à l’incorporer dans des nanoparticules (NP) par encapsulation dite physique (mais la libération du PA est alors souvent trop rapide et incontrôlée). Dans cet article on envisage un couplage entre le PA et un polymère pour constituer un « prodrogue polymère » où le PA rendu inactif par un lien covalent est ensuite libéré de manière douce par hydrolyse enzymatique.

Par exemple on couple une molécule de Gemcitabine (anticancéreux pour le cancer du pancréas en particulier) avec une alcoxyamine (R1 R2N-O-R3) contenant un amorceur radicalaire (groupe nitroxyde, R1 R2N-O) qui sert d’amorceur par polymérisation contrôlée sur un monomère vinylique (l’isoprène est choisi car issu de terpènes naturels biocompatibles). Le polymère mono-fonctionnalisé est de masse molaire assez faible (Mn = 5000 g.mol-1) mais la fraction massique en PA est bien plus grande (jusqu’à 30%) que pour les NP classiques où le PA est simplement encapsulé.

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Auteur(s) : Julien Nicolas
Source : L’Actualité chimique n° 447 (janvier 2020) pp. 63-64
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Mots-clés : adhésion, polymères, pression d’adhésion

Les bandes adhésives ne se résument pas à un simple ruban de film collant d’usage courant et bon marché. L’apparition des systèmes de miniaturisation électronique demande des performances spécifiques. Ainsi selon les applications l’épaisseur du support varie de quelques dizaines de micromètres à quelques mm, la couche d’adhésif dépassent rarement 250 micromètres tandis que le film protecteur a une épaisseur comprise entre 50 et 100 micromètres.

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Auteur(s) : Vincent Leon
Source : L’Actualité chimique n° 456-457-458 (novembre-décembre-janvier 2021) pp. 211-212
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Mots-clés : spin de l’électron, signal de résonance RPE, micrométéorites

Le spin de l’électron est un espion au sein de la matière carbonée car la RPE (Résonance Paramagnétique Électronique) est un outil très important pour analyser des sédiments vieux de plus 3,3 millions d’années. Le signal de résonance électronique sur un échantillon de très faible épaisseur montre qu’il existe de la matière organique extraterrestre dans ces sédiments. Un scénario est proposé : une pluie de micrométéorites dans une mer calme…

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Auteur(s) : Didier Gourier
Source : L’Actualité chimique n° 452 (juin 2020) pp. 51-52
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Mots-clés : changement climatique, sécheresse, plantes, agriculture, β-cyclocitral, oxygène singulet

Le β-cyclocitral est un aldéhyde produit par oxydation du β-carotène par l’oxygène singulet ; Il s’oxyde dans les plantes en acide β-cyclocitrique qui augmente la tolérance au stress hydrique. Il est soluble dans l’eau, peu volatil et est alors un excellent agent phytostimulant pour augmenter la tolérance des cultures à la sécheresse. Des tests sur des plantes sont cités et un brevet est déposé par les auteurs depuis 2018.

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Auteur(s) : Stefano D'Alessandro et Michel Havaux
Source : L’Actualité chimique n° 455 (octobre 2020) pp. 63-64
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Mots-clés : hydrogène, énergie, électrolyse, électrolyseur, décarbonation, pyrolyse biomasse, hydrogène naturel

L’expression « hydrogène à faible empreinte carbone » est plutôt recommandée par le Journal officiel [1]. L’hydrogène jouera sans doute un rôle important dans la transition énergétique. Il possède en effet l’énergie massique la plus élevée des combustibles (1200 MJ/kg) soit trois fois celle de l’essence ; de plus son utilisation dans les piles à combustible avec l’oxygène ne forme en effet que de l’eau sans aucune émission de produits polluants et fait l’objet de nombreux articles et dossiers dans la presse. Il est aussi à ce jour le meilleur moyen de stocker massivement de l’énergie sur une longue durée ce qui permet de répondre à l’intermittence des énergies solaire et éolienne [2].

Mais actuellement 95% de l’hydrogène est produit à partir de combustibles fossiles notamment par vaporeformage du gaz naturel selon l’équation bilan : CH4 + 2 H2O → CO2 + 4 H2 avec une production de 10 tonnes de CO2 par tonne d’hydrogène ! [3] [4] [5]. Cette technique pourrait être maintenue si on la couplait à des unités de stockage de CO2 et/ou par une opération de pyrolyse à haute température (voir plus loin [13]).

1/ L’électrolyse de l’eau

Rappelons qu’à l’anode se dégage de l’oxygène et à la cathode de l‘hydrogène. C’est la production « propre » recommandée par l’Europe. En France mentionnons le lancement de la Fédération H2 (FRH2_21) du CNRS le 9 mars 2021 suivi d’un colloque dès juin 2021 [6] [7]. Mais encore faut-il que l’électricité nécessaire à l’électrolyse soit décarbonée donc issue d’énergies renouvelables ou d’énergie nucléaire. Cet été en Vendée la startup nantaise Lhyfe a produit pour la première fois au monde de l’hydrogène avec une capacité de 300 kg H2/jour par électrolyse d’eau de mer avec une électricité provenant des éoliennes terrestres voisines à Bouin. Une station de distribution va fonctionner prochainement à La Roche-sur-Yon avec un prix à la pompe comparable à un plein d’essence ! [8]

i) L’électrolyse alcaline utilise de la potasse à 40% car la conductivité de la potasse est supérieure à celle de la soude et l’élimination des impuretés des ions chlorures et sulfates y est plus aisée. Les électrodes sont en nickel. Les compartiments anodique et cathodique sont séparés par une membrane constituée de copolymère à base de tétrafluoroéthylène présentant des greffons sulfonates (SO3-) en bout de chaines, pour éviter tout mélange explosif car au-delà de 4% en volume de H2 dans l’oxygène le mélange devient explosif ! La température de fonctionnement est de l’ordre de 80°C. C’est la technique la plus avancée industriellement avec un coût d’investissement des électrolyseurs le plus faible actuellement de l’ordre de 600 euros/kW. La consommation électrique y est de 4,5 kWh/Nm3. Le prix de revient du Nm3 dépend bien sûr du prix du kWh et de l’amortissement de l’investissement (l’unité Nm3 est définie en note *). Des plateformes industrielles développées par la société McPhy Energy ont des puissances de plus de 100 MW ! [9]

ii) L’électrolyse en milieu acide dite PEM pour « proton membrane exchange » a un coût plus élevé actuellement de 900 euros/kW. La consommation électrique est du même ordre de grandeur : 4,5 kWh/Nm3. L’électrolyte solide à forte conductivité ionique est constitué d’un copolymère à base de tétrafluoroéthylène présentant des greffons sulfoniques acides (SO3H) en bout de chaine. La cathode est en carbone recouvert de platine. L’anode est en titane recouvert d’oxyde d’iridium ; ces revêtements sont nécessaires pour catalyser les réactions d’oxydo-réduction. L’anode est ici poreuse et permet de capter l’oxygène formé et diminue le risque d’explosion avec l’hydrogène. La température est voisine de celle utilisée en milieu alcalin. Des applications dans les sous-marins ou dans le spatial sont déjà réalisées. La société Hydrogenics (en partenariat avec l’Air Liquide) au Canada, envisage de produire par ce procédé jusqu’à 3000 t/an d’hydrogène ! [10]

iii) L’électrolyse de l’eau en phase vapeur est possible vers 800°C. L’augmentation de la température permet d’apporter de l’énergie pour dissocier la molécule d’eau ! La tension à appliquer entre électrodes n’est que de 0,8 V. La consommation électrique est aussi réduite à 3 kWh/Nm3. Cependant le coût d’investissement est plus élevé soit 2100 euros/kW. L’électrolyte est constitué d’une céramique zircone (oxyde de ziconium) ZrO2, mélangé avec de l’oxyde d’yttrium qui est conductrice d’ions oxyde (O2-). Schématiquement : l’oxydation anodique s’écrit 2 O2- → O2 + 4 e- et la réduction cathodique  2 H2O + 4 e- → O2- + 2 H2.

L’anode est en céramique de type pérovskite LSCF (lanthane, strontium, cobalt ferrite) et la cathode où se dégage H2 est un matériau composite céramique / métal (zircone yttriée/ nickel).

Pour atteindre la température de fonctionnement, on utilise un échange thermique avec une source de chaleur existante aux environs de 150°C (stations d’incinération, géothermie, sites industriels, eau du circuit de refroidissement des centrales nucléaires...), puis l’architecture système de l’électrolyseur permet de surchauffer la vapeur jusqu’à 800°C en récupérant la chaleur émise par effet Joule dans chaque cellule bien que la réaction d’électrolyse soit endothermique. L’avantage de cette technologie est aussi la réversibilité de l’installation (électrolyseur / pile à combustible). Des développements permettent actuellement des productions de 16 Nm3/h [11].

La startup Sylfen créée en 2015 par le CEA a utilisé ce type d’électrolyse incluse dans un procédé de chauffage pour des immeubles autonomes en énergie !

2/ Autres techniques

i) La technique de décarbonation directe du méthane (DMD) par voie plasma électrique revient à craquer du méthane à très haute température (2000°C) dans un réacteur à flux continu pour donner une coproduction de noir de carbone très valorisable industriellement et d’hydrogène très pur. Le procédé ici ne nécessite qu’à peine 2 kWh d’électricité par Nm3 d’hydrogène et ne s’accompagne d’aucun dégagement de CO2 ! Cette technique s’accompagne d’une quantité importante de noir de carbone (biochar) qu’il est nécessaire de valoriser par exemple dans divers matériaux (bétons, ciments, pneumatiques, câbles électriques, encres, peintures…) ou en agriculture pour augmenter la productivité des sols. Une première unité industrielle fonctionne depuis 2020 aux USA dans le Nebraska [12].

ii) La pyrolyse de la biomasse végétale vers 800 °C conduit par craquage à la coproduction de charbon de bois (le biochar) et de gaz de synthèse (CO + H2). Les réactions de craquage sont endothermiques mais l’apport de chaleur rend le processus autothermique. Le bilan carbone est ici diminué car le charbon produit ici, ne provient que de la biomasse : chaque kg d’hydrogène s’accompagne de la production de 5 kg de biochar (soit une séquestration équivalente de 15 kg de CO2 !) qui peut être enfoui pour valorisation du sol. La société Haffner Energy a réalisé une première unité de production dans l’Est de la France pour pouvoir produire en 2023 plus de 300 kg de H2 par jour ! [13]

3/ L’hydrogène géologique comme future source d’hydrogène ?

L’hydrogène naturel de type moléculaire H2 peut se trouver dans le milieu géologique terrestre. Ainsi à Chimère (Yanartas) en Turquie des gaz s’échappent du sol dont du méthane mêlé à l’hydrogène et brûlent en permanence depuis plus de 2500 ans. Selon les Grecs anciens il s’agirait de l’origine de la flamme olympique ! La formation de l’hydrogène proviendrait d’un dégazage profond provenant du manteau et/ou du cœur de la terre. Un premier puits fonctionne depuis 2012 au Mali et des forages prometteurs (H2 à 98% de pureté !) ont eu lieu notamment en Amérique du Nord en 2019. [14]

  

L'électrolyse de l'eau

 

* Le normo-mètre cube (Nm3) est une unité de norme correspondant à une quantité de gaz contenu dans un volume d’un m3 se trouvant dans les conditions normales de pression et de température.

Pour approfondir et illustrer ce sujet :

[1] Le vocabulaire de l’hydrogène de C. Andrieux, L’Actualité chimique n° 466 (octobre 2021) p. 8
[2] Hydrogène, la compétition mondiale a commencé, Numéro spécial commun des revues Challenges et Transitions et Energies d’avril-juin 2021
[3] L’hydrogène vert au secours des renouvelables de J.-C. Bernier, éditorial sur Mediachimie.org (avril 2017)
[4] Qu’est-ce que l’hydrogène vert ? de F. Brénon, Question du mois sur Mediachimie.org (décembre 2019)
[5] Vision de l’hydrogène pour une énergie décarbonée de Xavier Vigor, colloque Chimie et énergies nouvelles (février 2021)
[6] La production d’hydrogène décarbonée et compétitive : un défi technologique à relever de J.-P. Foulon, H. Toulhoat et E. Freund, L’Actualité chimique n° 466 (octobre 2021) p. 11
[7] Site H-Nat 2021
]8] En Vendée, on produit de l’hydrogène vert, « une première mondiale » article de Ouest France (3 septembre 2021)
[9] Filière hydrogène : principaux verrous et intérêt du Power to Gas de J. Deschamps, Techniques de l’Ingénieur (juin 2019)
[10] Les systèmes d’électrolyse de l’eau à membrane échangeuse de protons de S. Germe, F. Fouda-Onana et S. Rosini, L’Actualité chimique n° 466 (octobre 2021) p. 20
[11] Production d’hydrogène par électrolyse de la vapeur d’eau à haute température de J. Mougin, L’Actualité chimique n° 466 (octobre 2021) p. 12
[12] La pyrolyse du méthane : de l’hydrogène « gris » à l’hydrogène « turquoise » de L. Fulcheri, L’Actualité chimique n°466 (octobre 2021) p. 28
[13] Pyrogazéification et thermolyse : vapocraquage de la biomasse de P. Haffner, Colloque Hydrogène décarboné : enjeux et solutions ? Maison de la Chimie (13 juin 2019)
et séminaire Un virage réussi vers la production d’hydrogène Ecole de Paris du management (séance du 27/01/2021)
[14] L’hydrogène naturel, une nouvelle source d’énergie renouvelable de V. Zgonik, L’Actualité chimique n° 466 (octobre 2021) p. 35

 

Les références [1],[6] [10] [11] [12] [14] sont issues du numéro spécial de l’Actualité Chimique n° 466 (octobre 2021) et téléchargeables, avec l’aimable autorisation de la revue.

Crédits illustration : L’électrolyse de l’eau, Vision de l’hydrogène pour une énergie décarbonée, Xavier Vigor, Colloque Chimie et énergies nouvelles.

Auteur(s) : Jean-Pierre Foulon et Françoise Brénon
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Mots-clés : synthèse, biosynthèse, polymérisation, catalyse, enzyme

La nature est une source d’inspiration pour la chimie. Elle fournit notamment bon nombre de molécules dans des champs variés en produisant des principes actifs pour la médecine, des colorants, des molécules odorantes, etc. Il « suffit » aux chimistes de les en extraire. Une plus-value de la chimie face à la nature réside souvent dans sa capacité à produire des molécules qui n’existent pas ou d’en produire en quantité supérieure et suffisante : c’est le domaine de la synthèse chimique. Et si on confiait à la nature le soin de produire elle-même ces molécules de synthèse ? Ce sont là des enjeux de la biologie de synthèse, dont les artisans se trouvent être... les levures et les bactéries : « des micro-chimistes » !

Parties des programmes associées :

  • Programme de biochimie, biologie et biotechnologies de terminale STL : S1 – Enzymes et voies métaboliques
  • Programme de physique-chimie de première STL : Transformation chimique – Cinétique d’une réaction chimique
  • Programme d’enseignement de spécialité de physique-chimie de la classe de terminale générale :  Constitution et transformations de la matière – 4. Élaborer des stratégies en synthèse organique
Auteur(s) : Pierre Labarbe
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Mots-clés : biologie de synthèse, ADN, polymères, données numériques, archivage de données, environnement

En tout lieu, nous sommes habitués à stocker et à retrouver en un clic nos données, vidéos, photos, livres, sur n'importe lequel de nos terminaux informatiques, téléphone, ordinateur. Ce service ne demande aucune compréhension des mécanismes sous-jacents, que ce soit le fonctionnement d'un terminal informatique, d'un centre de données, d'un système de télécommmunication. Or l'impact environnemental du stockage et archivage de nos données numériques, déjà problématique, deviendra insupportable d'ici 2040. Notre propos ici concernera des pistes pour réduire drastiquement cet impact environnemental.

Auteur(s) : François Képès
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La photosynthèse est un très puissant mécanisme permettant de capturer le dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique. De nouvelles approches scientifiques et techniques, réunies sous le terme de “biologie de synthèse”, offrent l’espoir à moyen terme de rendre ce mécanisme plus performant.

Auteur(s) : François Képès
Source : Une vidéo de la série Chimie et agriculture durable pour tous
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Mots-clés : transition énergétique, technologie, énergies renouvelables

Monsieur Jean-Pierre Clamadieu, Président du Conseil d’Administration de ENGIE, montre que énergéticiens et chimistes disposent de solides avantages pour répondre aux besoins des autres filières industrielles qui engagent leur transformation, parmi lesquelles l’aéronautique, le transport terrestre, l’électronique, l’agriculture… Les opportunités de collaboration sont nombreuses, la plus emblématique étant l’hydrogène « vert ».

Vidéo de la conférence (durée 49:08)
Retrouvez ici toutes les vidéos de ce colloque. Possibilité de les télécharger.

Auteur(s) : Jean-Pierre Clamadieu
Source : Colloque Chimie et énergies nouvelles, 10 février 2021.
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