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Comment verdir les métaux ?

Nous consommons sans vraiment nous en apercevoir des kilogrammes de métaux. Nos automobiles sont lourdes d’acier et d’aluminium, la structure de nos ponts est riche en acier, nos canettes de coca ou de bière sont des
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Nous consommons sans vraiment nous en apercevoir des kilogrammes de métaux. Nos automobiles sont lourdes d’acier et d’aluminium, la structure de nos ponts est riche en acier, nos canettes de coca ou de bière sont des enveloppes fines d’aluminium ou d’acier.

Avec le rebond de l’activité industrielle après la pandémie, les productions des deux principaux métaux sont reparties à la hausse en 2021. 1,95 milliard de tonnes pour l’acier (dont 1 milliard pour la Chine) et 64 millions de tonnes pour l’aluminium (dont 26 pour la Chine). Ces productions s’accompagnent d’émissions de gigatonnes de gaz carbonique (1). Les experts calculent que ces deux industries métallurgiques représentent entre 7 et 9 % des émissions planétaires.

Un peu de chimie

On peut comprendre facilement que la réduction des oxydes, que sont les minerais, par le carbone produit du CO2.

Pour l’acier (2a et 2b) et donc le fer, la réduction se fait dans des hauts fourneaux. Le minerai mélangé au coke dans le haut du fourneau, rencontre en descendant le gaz réducteur CO qui résulte de la réaction entre l’air chaud insufflé par le bas de la cuve à haute température suivant la réaction
2C + O2 → 2CO. Les réductions observées sont :

En dessous de 620°C : 3 Fe2O3 + CO → 2 Fe3O4 + CO2
Entre 620° et 950°C, on observe Fe3O4 + CO → 3 FeO + CO2
Puis au-dessus de 950°C : FeO + CO → Fe + CO2

Au sein du haut fourneau, à haute température, le monoxyde de carbone est régénéré à chaque fois que CO2, produit par les réactions précédentes, rencontre une couche de coke selon l’équilibre, dit de Boudouard, C + CO2 →2 CO.

La fonte, fer liquide ayant dissout un peu de carbone, coule dans le bas de la cuve vers 1800 °C. Les gaz ressortent en haut du haut fourneau et contiennent entre autres du dioxyde de carbone. Finalement, pour une tonne d’acier se dégagent 2,2 tonnes de CO2.

Pour l’aluminium, après traitement préalable du minerai (la bauxite) afin obtenir l’oxyde Al2O3, la réduction finale se passe en milieu fondu. Al2O3 est dissout dans un bain fluoré contenant la cryolithe AlNa3F6 et du fluorure de calcium CaF2. L’électrolyse à 960°C conduit au dépôt d’aluminium sur l’électrode de graphite et la réaction s’écrit 2 Al2O3 + 3 C → 4 Al + 3 CO2.

Le procédé conduit à l’émission d’environ 4 tonnes de CO2 par tonne d’aluminium auxquelles il faut ajouter l’empreinte carbone des 12 à 14 MWh nécessaires à l’électrolyse. On comprend donc dans la perspective de la neutralité carbone en 2050 que la recherche et le développement de procédés émettant moins de CO2 soient d’actualité.

L’acier vert

Plusieurs voies sont ouvertes pour diminuer les rejets de CO2 :

  • La réduction directe du minerai (DRI ou Direct Reduction Iron) par des gaz chauds à 900°C, gaz naturel (méthane, CH4) ou hydrogène H2 (3) selon :
    Fe2O3 + 3 H2 → 2 Fe + 3 H2O ou Fe2O3 + CH4 → 4 Fe + 2 H2O + CO
  • Si l’hydrogène est vert (4) ou peu carboné (5) la réduction d’émission est supérieure à 80% et pour le gaz naturel à plus de 50%. Les éponges de DRI sont ensuite fondues et purifiées au four à arc électrique.
  • L’injection de gaz ou d’hydrogène dans le haut fourneau ou la réinjection d’un mélange CO + H2 permet de réduire de 20 à 30% les émissions.
  • La capture et le stockage du CO2 à la sortie du haut fourneau (CCUS ou Carbon Capture Utilization and Storage) permet un gain de 63% sur les émissions.
  • Ou mieux encore convertir les gaz sidérurgiques CO et CO2 en éthanol par bio transformation.

De nombreux projets voient le jour en Europe, ArcelorMittal compte investir 10 Mrds € d’ici 2035 pour réduire d’au moins 30% son empreinte carbone. Déjà le consortium Hybrit a fourni au constructeur Volvo en Suède 25 tonnes d’acier vert par réduction directe (DRI) de minerai fourni par le minier LKAB et de l’hydrogène fourni par hydroélectricité de Vattenfall. La France n’est pas mal placée avec l’association Arcelor-Air liquide et le nucléaire pour produire l’hydrogène bas carbone. Il n’en reste pas moins que les volets énergétique et financier sont de vrais casse-têtes. On estime que la décarbonatation du secteur exigera plus de 50 Mrds€ d’investissement et près de 400 TWh d’électricité renouvelable dont 250 pour produire 6,5 millions de tonnes d’hydrogène. Devant cette énorme défi les sidérurgistes rappellent qu’ils sont déjà les champions de l’acier vert puisque plus de 45 % des ferrailles sont recyclées dans les fours à arc électrique, qui certes consomment du carbone, mais n’émettent que 0,3 à 0,6 tonne de CO2 au lieu de 2,2 tonnes pour l’acier brut.

L’aluminium vert

Pour la France Péchiney a été historiquement le berceau de la production (6a et 6b) et (7) avec des cuves d’électrolyse dont il a été le leader pendant longtemps et une production d’aluminium dans les vallées alpines et pyrénéennes profitant de l’électricité issue des barrages hydrauliques de montagne ce qui « verdissait » sa production avant l’heure. Le procédé Hall-Héroult, malgré les progrès sur le rendement électrique atteignant près de 95% sur les dernières cuves C 60, arrive dans ses ultimes années car même avec un mix électrique français favorable on émet 3,5 t de CO2, par tonne d’aluminium, auquel il faut ajouter l’énergie du procédé Bayer pour obtenir l’alumine à partir de la bauxite (7). Dès la fin des années 90, le centre de recherches de Voreppe près de Grenoble se lançait dans l’étude d’électrodes inertes pour remplacer celles en carbone, d’abord métalliques puis céramiques non attaquables dans les bains fluorés (8). Après le rachat de Pechiney par Alcan puis Rio Tinto ces études se sont poursuivies et viennent d’aboutir avec une coentreprise ELYSIS entre Alcoa et Rio Tinto à la construction de cuves prototypes avec des cathodes en cermet comportant une ferrite de nickel substituée capable sous une tension de quelques volts et une intensité de 450 kA, de fournir un aluminium sans carbone. En effet, en l’absence d’électrode en graphite, au sein de l’électrolyseur et en milieu cryolithique fluoré, la réaction est alors Al2O3 → 2 Al + 3/2 O2. De plus, le courant électrique provient des centrales hydrauliques canadiennes, ce qui est une véritable révolution technologique.

Ici encore n’oublions pas que le recyclage de l’aluminium (9) est très important puisque l’aluminium de deuxième fusion représente près de 60% de la production en France en émettant 3 à 10 fois moins de CO2 que l’aluminium primaire et mérite le label « vert ».

Ce recyclage est d’autant plus nécessaire que le coup d’État en Guinée (2e producteur mondial de bauxite après l’Australie) menace l’approvisionnement en bauxite et que la Chine a également nettement diminué sa production en arrêtant un certain nombre de centrales électriques au charbon et en confinant, cause pandémie, une partie de la province chinoise produisant 20 % du métal. Le cours de l’aluminium a ainsi dépassé les 3000 $ /t, son record.

Vite à vos poubelles de couleur pour le tri des canettes et capsules…

Jean-Claude Bernier et Françoise Brénon
Février 2022

Pour en savoir plus
(1) Le dioxyde de carbone, matière première de la vie (dossier pédagogique Nathan / Mediachimie)
(2) (a) La recherche de la composition de l’acier à la fin du XVIIIe siècle ; (b) Aciers sur le site L’Élémentarium
(3) L’hydrogène, une source d’énergie pour le futur (Chimie et… en fiches, Mediachimie.org)
(4) Qu’est-ce que l’hydrogène vert ? (question du mois, Mediachimie.org)
(5) Zoom sur les derniers résultats de la production d’hydrogène « décarboné » (Mediachimie.org)
(6) (a) Les débuts de l’industrie de l’aluminium et (b) Aluminium sur le site L’Élémentarium
(7) Comment faire des casseroles avec la bauxite : l’électrolyse (Réaction en un clin d’œil, Mediachimie.org)
(8) L’électrolyse et les applications industrielles (dossier pédagogique Nathan / Mediachimie)
(9) Recyclage et valorisation des déchets Revue Chimie Paris n°340
 

Source illustration : PxHere, licence CC0

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Diffusion en différé du Colloque Chimie et Notre-Dame du 9 février 2022

Si vous vous n’avez pas eu l’opportunité de suivre en direct le colloque Chimie et Notre-Dame le 9 février 2022, vous pouvez en retrouver l’intégralité en différé sur la page Youtube de Mediachimie. La captation des
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Si vous vous n’avez pas eu l’opportunité de suivre en direct le colloque Chimie et Notre-Dame le 9 février 2022, vous pouvez en retrouver l’intégralité en différé sur la page Youtube de Mediachimie.

La captation des conférences sera par la suite disponible en ligne et leur mise à disposition sera indiquée sur la page d'accueil de Mediachimie.

En savoir plus sur le colloque

Programme (PDF)

 

 

Conception graphique affiche : CB Defretin | Images : © Renato SALERI / MAP / Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris / Ministère de la culture / CNRS – © Cyril FRESILLON / IRAMAT / NIMBE / ArScAn / CEA / Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris / Ministère de la culture / CNRS –  © V. ABERGEL/A. GROS/MAP/MIS/Vassar College/A-BIME/Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris/Ministère de la culture/CNRS – © V. ABERGEL/L. DE LUCA/MAP/SRA-DRAC/AGP/MIS/Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris/Ministère de la culture/CNRS – © Cyril FRESILLON / AASPE / CNRS Photothèque – © Kévin JACQUOT / MAP / Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris / Ministère de la culture / CNRS – © V. ABERGEL/L. DE LUCA/MAP/SRA-DRAC/AGP/Vassar College/MIS/Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris/Ministère de la culture/CNRS

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Le nucléaire devenu « vert » ?

Dans quelques semaines, l’Europe devra confirmer la proposition de la Commission européenne d’ajouter à titre transitoire le nucléaire et le gaz naturel sur la liste des énergies « vertes » (1) en raison de « leur
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Dans quelques semaines, l’Europe devra confirmer la proposition de la Commission européenne d’ajouter à titre transitoire le nucléaire et le gaz naturel sur la liste des énergies « vertes » (1) en raison de « leur potentiel à la décarbonisation de l’économie ». Cette prise de position d’introduire ces deux sources d’énergie dans la taxinomie verte comme apportant une contribution substantielle à l’atténuation du changement climatique leur ouvre l’accès à des subventions et de meilleures conditions de financements grâce à des aides publiques et européennes.

Cette annonce, qui en a surpris plus d’un, est due à une réflexion réaliste d’experts sur la difficulté d’atteindre l’objectif européen de zéro émission de CO2 en 2050 (2). En effet, même si le nucléaire est un peu moins vertueux que l’hydraulique, les émissions de CO2 par l’énergie nucléaire et par les renouvelables sont très comparables (voir tableau).

SourceCharbonFioulGazPhotvoltaïqueGéothermieÉolienNucléaireHydraulique
masse / g de CO2, par KWh10607304185545765,7

Tableau : Émissions de CO2 en grammes par KWh suivant les filières de production*
*source : base carbone ADEME –émissions directes et indirectes à la production

Les raisons d’une évolution

On voit donc que le lobby français, bien appuyé par les laboratoires des climatologues du CEA et soutenu par au moins 8 pays riches en centrales à charbon a réussi à vaincre les réserves émises par 3 ou 4 pays opposés au nucléaire. Le paradoxe est cependant l’accord de l’Allemagne qui en 2022 met fin à ses derniers réacteurs nucléaires, accord obtenu à la condition d’introduire, à côté du nucléaire, le gaz naturel puisqu’outre-Rhin la cinquantaine de centrales au charbon (3) doivent être remplacées par des centrales au gaz et encore plus de centrales éoliennes ou solaires d’ici 2050.

Réfléchissons aux facteurs divers, technologiques, physiques et économiques qui ont pu peser sur cette décision :

  • La promesse ou même la nécessité de ne plus avoir recours au charbon pour plusieurs pays notamment dans l’Est de l’Europe et donc l’obligation de remplacer les centrales thermiques au charbon par des réacteurs nucléaires ou des centrales au gaz, même si ces dernières accentuent leur dépendance d’approvisionnement à leur grand voisin russe.
  • La baisse de la production d’électricité d’origine renouvelable en Allemagne en 2021 malgré les nouvelles installations d’éoliennes et de parc photovoltaïques. En effet on observe une baisse de près de 10% de part du renouvelable dans le mix électrique passant de 45,3% en 2020 à 42% en 2021. Cette baisse est attribuée aux conditions météorologiques faisant douter les partisans du tout renouvelable (4).
  • Une évidence physique, la concentration énergétique de l’uranium. Quand 1 gramme d’uranium enrichi à 4% en 235U libère par fission une énergie de 2,9 109 joules soit 70 fois plus que 1 kg de fioul il est clair que la réserve d’énergie de la matière première du nucléaire (5) est super intéressante. Prenons quelques exemples comparatifs. Une éolienne de 3MW (les plus courantes) avec un taux de charge de 25% fournit par an 6,6 106 KWh, alors qu’il suffit d’environ 8 kg d’uranium pour la même production. Un réacteur nucléaire de 900 MW peut fournir 12 TWh/an, pour cette production il faudrait alors 1800 éoliennes. Quand on sait qu’en France leur acceptabilité est de plus en plus contestée, on conçoit qu’une réflexion réaliste sur la concentration d’énergie comparée aux sources diffuses soit en cours (6).


La situation en France

La France a toutes les raisons pour relancer un programme nucléaire. Bien que disposant de 54 réacteurs la situation d’EDF n’est pas très brillante plusieurs sont en arrêt pour grand carénage et près du quart d’entre eux vont devoir être soumis à examen des circuits secondaires pour suspicions de corrosion. La production nucléaire a représenté environ 318 TWh soit 67% des 475 TWh de l’électricité en 2021. La prévision de construire plusieurs EPR 2 est évoquée ainsi que la prolongation possible de la durée d’utilisation de certains réacteurs (jusqu’à 60 ans de service). RTE après plusieurs années de larges concertations a remis au gouvernement un « rapport sur les futurs énergétiques 2050 ». Plusieurs scénarios sont évoqués. Car la demande d’électricité va augmenter si on limite ou supprime le recours aux ressources fossiles pour la neutralité carbone. En 2050 si la réindustrialisation nationale grâce au plan de relance se poursuit, le nombre de véhicules électriques se chiffrera à plusieurs dizaines de millions (7) et la conversion à l’hydrogène exigera de nombreux électrolyseurs (8), les experts extrapolent en 2050 des consommations entre 645 et 750 TWh. En prenant en compte un scenario dit de sobriété avec la multiplication du télétravail, l’isolation renforcée des bâtiments, moins de voyages et déplacements, etc…, ce qui n’est pas un retour à la bougie mais un changement profond de nos habitudes, on aboutit à un bilan médian tout de même de l’ordre de 600 TWh. C’est donc que la neutralité carbone passe par un recours à un mix renouvelable – nucléaire d’autant que parmi les solutions modélisées le recours à un mix où le nucléaire est de l’ordre de 50% de la production électrique coûte 18 milliards de moins que le tout renouvelable.

La recherche et le développement technologique

Cela implique cependant que la France renoue avec son leadership des années 70 en la matière en améliorant la technologie des EPR2 à la lueur des défauts constatés à Flamanville et Hinkley Point et la standardisation des éléments et en accélérant  les investissements pour le SMR (Small Modular Reactor) français Nuward, de 2 fois 170 MW, dérivé des réacteurs navals embarqués, avec une technologie d’eau pressurisée que l’on maîtrise bien et la possibilité de le proposer en remplacement des centrales thermiques européennes en utilisant le même réseau de distribution électrique. N’est-il pas trop tard pour « réinventer notre industrie nucléaire » prônent certains Cassandre ? Chinois, Américains et Russes ont déjà des modèles commercialisables et aussi des réacteurs à neutrons rapides prêts à se connecter au réseau alors que des errements politiques depuis les années 80 ont réduit à néant notre avance acquise sur « Phénix » et plus récemment sur « Astrid ». Une nouvelle prise de conscience de nos qualités en recherche et en technologie et « l’urgence climatique » divine surprise, peuvent relancer la filière.


Jean-Claude Bernier
Janvier 2022

Pour en savoir plus
(1) Le challenge de l'électricité verte La chimie, l'énergie et le climat (collection Chimie et junior)
(2) Énergie du futur et préservation des ressources Fiche Chimie et… en fiches (Mediachimie.org)
(3) Faudra-t-il retourner au charbon ? Jean-Claude Bernier, L'Actualité chimique (avril 2010)
(4) Électricité 100% renouvelable : une utopie ?  Fiche Chimie et… en fiches (Mediachimie.org)
(5) De l’uranium à l’énergie nucléaire Les incollables (vidéo CEA)
(6) Vitesse de déploiement et acceptabilité des nouvelles technologies dans le domaine des énergies de Grégory De Temmerman, Colloque Chimie et énergie nouvelles, février 2021
(7) Nouveaux véhicules thermiques et électriques : quel impact sur l’environnement ? de Jean-Claude Bernier, Colloque Chimie et énergie nouvelles, février 2021
(8) Qu’est-ce que l’hydrogène vert ? de Françoise Brénon, Question du mois (Mediachimie.org)

 


Crédit illustration : Jeanne Menjoulet – Flickr - Licence CC BY 2.0

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Colloque Chimie et Notre-Dame

Le cycle des Colloques “Chimie &…” s'enrichit d'un nouvel opus : Chimie et Notre-Dame : La science au service d'une résurrectionMercredi 9 février 2022 Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris Après
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Le cycle des Colloques “Chimie &…” s'enrichit d'un nouvel opus :

Chimie et Notre-Dame : La science au service d'une résurrection
Mercredi 9 février 2022

Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris

Après l’incendie de Notre-Dame de Paris qui, en 2019, nous a tous bouleversés, le Ministère de la Culture et le CNRS se sont mobilisés au côté de l’Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris créé par l’État et se sont associés dans le cadre d’un grand chantier scientifique pour mettre les compétences et les connaissances des chercheurs d’une cinquantaine de leurs laboratoires au service de la « résurrection » de l’édifice et de ses œuvres d’art. À cette occasion, ces chercheurs se sont aussi donné pour objectif le renouvellement des connaissances sur l’édifice et son histoire.

La chimie est présente aussi bien sur le chantier de restauration que dans ce programme de recherche et d’innovation qui associe archéologues, historiens de l’art, chimistes, physiciens et informaticiens, aux architectes et compagnons présents sur le site.

La Fondation de la Maison de la Chimie a souhaité faire le point sur ce que les sciences de la chimie ont et pourront apporter dans le programme de restauration de la cathé-drale et plus généralement via des innovations dans le domaine des matériaux du patrimoine. Le responsable et les coordinateurs du programme nous ont fait l’honneur non seulement d’intervenir comme conférenciers, mais aussi de nous aider dans le choix des experts pour réaliser cet ambitieux objectif. Nous les en remercions vivement. La vue de l’incendie de Notre-Dame de Paris et son triste bilan ont profondément touché les citoyen de tous âges dans le monde entier.

Ce colloque, qui vise à apporter des informations précises sur le rôle possible des sciences « chimiques » dans la réparation de ce terrible événement et comment la chimie peut contribuer à lui redonner vie, est ouvert à tous les publics, avec une attention particulière aux jeunes et au monde éducatif. Le niveau des interventions se veut accessible à tous.

Bernard Bigot
Président de la Fondation internationale de la Maison de la Chimie
et Directeur Général de l’Organisation internationale ITER

En savoir plus

Programme du colloque (PDF)

Sinscrire en ligne

Aller vers la page : Diffusion en direct

 

Information :

L’accès au colloque est gratuit mais pour participer, l’inscription est obligatoire et se fait uniquement en ligne.

Nous vous informons que pour entrer dans la Maison de la Chimie, vous devrez être en possession d’un Pass Sanitaire ou d’un justificatif de Test antigénique/PCR de moins de 24 heures.

Par ailleurs, le port du masque sera obligatoire dans toute l’enceinte de la Maison de la Chimie.

Le colloque sera également retransmis en direct tout au long de la journée sur la chaîne YouTube de notre médiathèque mediachimie.org pour permettre la participation du plus grand nombre.
La fenêtre qui donnera accès au streaming ne sera ouverte que le jour du colloque.
SI VOUS SOUHAITEZ SUIVRE LE COLLOQUE A DISTANCE, MERCI DE NE PAS VOUS INSCRIRE.

Le déjeuner, compris dans l’inscription, est gratuit mais sous réserve des places disponibles (même si réservé lors de l’inscription), les scolaires étant prioritaires.

Les enseignants souhaitant venir au colloque accompagnés de leur classe sont priés de bien vouloir contacter le secrétariat des inscriptions : p.bridou-buffet@maisondelachimie.com.

 

Intervenants :

  • Bernard BIGOT, Président de la Fondation internationale de la Maison de la Chimie et Antoine PETIT, Président-Directeur Général du CNRS — Introduction
  • Sophie AYRAULT, Directrice de Recherches au CEA, Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE), Université Paris Saclay — Tracer les plombs de Notre-Dame de Paris par leur signature isotopique et élémentaire.
  • Richard BOYER, Directeur Général SOCRA — La restauration des statues en cuivre de la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
  • Livio de LUCA - Directeur de l'UMR Modèles et simulations pour l’Architecture et le Patrimoine (MAP), Directeur de recherche au CNRS — Un écosystème numérique pour l’analyse et la mémorisation multidimensionnelle du chantier scientifique Notre-Dame.
  • Philippe DILLMANN, Directeur de Recherche - CNRS — Matériaux du patrimoine, compréhension du passé, prévision du futur ; quelques exemples.
  • Alexa DUFRAISSE, Chargée de recherche au CNRS, UMR 7209 Archéozologie, archéobotanique : Sociétés, Pratiques et Environnements (ASSPE), CNRS/MNHN, Paris — Mémoire du bois : apport de la chimie à la connaissance de la charpente carbonisée de Notre-Dame de Paris.
  • Rémi FROMONT, ACMH - Covalence Architectes et Pascal PRUNET, Architecte en chef des Monuments Historiques — Notre-Dame de Paris, matériaux et construction.
  • Général d’armée Jean-Louis GEORGELIN | représentant spécial du Président de la République et président de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris — Le chantier de Notre-Dame de Paris : état et perspectives
  • Julien Le BRAS, Président Directeur Général Groupe Le Bras Frère — Charpente de sécurisation des arcs boutants et des voûtes.
  • Maxime L’HERITIER, Maître de conférences en histoire médiévale, Université Paris 8, ArScAn CNRS UMR 7041 — L'apport des analyses chimiques à la connaissance des armatures de fer de Notre-Dame de Paris.
  • Pascal LIEVAUX - Conservateur général du patrimoine, délégation à l'inspection, à la recherche et à l'innovation, direction générale des Patrimoines et de l'Architecture et Aline MAGNIEN - Conservatrice générale du patrimoine, Directrice du Laboratoire de Recherche des Monuments historiques, Ministère de la Culture et de la Communication — De la chimie des matériaux à l’alchimie des équipes.
  • Claudine LOISEL, Ingénieure de recherche, responsable du pôle scientifique Vitrail, Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) — La conservation-restauration et la recherche sur les vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
  • Witold NOWIK, Chimiste, Ingénieur de recherche, responsable du pôle Peinture murale et polychromie, Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques. et Marie PARANT, Restauratrice de peintures murales, indépendante — Conservation-restauration de peintures polluées par dépôt d’aérosols de plomb.
  • Véronique VERGES-BELMIN, Géologue, Ingénieure de recherche, responsable du pôle scientifique Pierre, Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) — Conservation des maçonneries endommagées par les sels solubles suite à l'incendie de Notre-Dame de Paris en 2019.

 

 

Conception graphique : CB Defretin | Images : © Renato SALERI / MAP / Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris / Ministère de la culture / CNRS – © Cyril FRESILLON / IRAMAT / NIMBE / ArScAn / CEA / Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris / Ministère de la culture / CNRS –  © V. ABERGEL/A. GROS/MAP/MIS/Vassar College/A-BIME/Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris/Ministère de la culture/CNRS – © V. ABERGEL/L. DE LUCA/MAP/SRA-DRAC/AGP/MIS/Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris/Ministère de la culture/CNRS – © Cyril FRESILLON / AASPE / CNRS Photothèque – © Kévin JACQUOT / MAP / Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris / Ministère de la culture / CNRS – © V. ABERGEL/L. DE LUCA/MAP/SRA-DRAC/AGP/Vassar College/MIS/Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris/Ministère de la culture/CNRS

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Pourquoi le champagne, le vin ou du Coca-Cola® peuvent-ils abimer le marbre ?

Les fêtes arrivent et vous allez peut-être nonchalamment poser votre verre de vin, de champagne ou de Coca-Cola® sur le plateau de marbre qui recouvre un ancien meuble chez vos parents ou grands-parents. Aïe aïe aïe ! Un
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Les fêtes arrivent et vous allez peut-être nonchalamment poser votre verre de vin, de champagne ou de Coca-Cola® sur le plateau de marbre qui recouvre un ancien meuble chez vos parents ou grands-parents.

Aïe aïe aïe ! Un anneau rugueux et parfois blanchâtre risque d’apparaitre quand vous allez retirer votre verre si quelques gouttes du précieux liquide ont coulé le long du verre jusqu’à son pied. Mais que s’est-il passé ?

Des boissons légèrement acides

Les vins qu’ils soient blancs ou rouges sont légèrement acides. En effet ils contiennent entre autres les acides tartrique, malique, citrique, lactique et succinique. Les trois premiers proviennent du moût et les deux derniers des fermentations. Le pH est la grandeur qui mesure cette acidité (i). En moyenne il vaut environ 3,3 pour un vin blanc, 3,5 pour un rouge, 3,4 pour un rosé et 3,0 pour un champagne. Quant au Coca-Cola® qui contient de l’acide phosphorique, son pH est voisin de 2,5 pour le classique (ii). De même les jus de fruits comme les jus d’orange ou de citron sont acides. Les boissons gazeuses contiennent de plus une forte concentration en dioxyde de carbone CO2.

Et le marbre, de quoi est-il fait ?

Nous parlons ici du vrai marbre. Le calcaire ou carbonate de calcium (CaCO3) est le principal constituant des marbres. S’ils sont colorés, veinés, ou polychromes comme peut être celui du plateau de votre meuble c’est grâce à la présence d’autres éléments chimiques (iii). Selon les carrières d’où provient le marbre ces éléments sont caractéristiques et font sa renommée, comme le marbre blanc veiné de gris de Carrare ou le rose des carrières de Caunes-Minervois que l’on peut admirer au Grand Trianon dans le parc du château de Versailles…

Quelles réactions avec le marbre ? Il faut distinguer les boissons tranquilles des boissons gazeuses.

Pour les vins et jus de fruits non gazeux

Le calcaire est une base et si un acide l’attaque, il se passe une réaction qui s’accompagne d’un dégagement de dioxyde de carbone. Cela dégrade le calcaire en surface. Appelons RCOOH tout acide présent et la réaction s’écrit :

2 RCOOH + CaCO3 → 2 RCOO- + Ca2+ + CO2 (gaz°) + H2O

Quand vous retirez votre verre, un petit rond creux apparait et la surface du marbre y est devenue un peu rugueuse. La dégradation locale est irréversible. Pour redonner un bel aspect il faudrait repolir le marbre.

Pour le champagne et les boissons au cola, c’est plus compliqué !

Ces deux boissons présentent de plus du dioxyde de carbone dissous. Pour le champagne il s’est formé in situ lors de la fermentation alcoolique en milieu clos (iv). Pour le cola il est ajouté sous pression. À la réaction acido-basique précédente se superposent d’une part une attaque par l’acide phosphorique dans le cas du cola et pour les deux une suite de réactions liées à la forte présence de CO2 dissous.

CaCO3 (contenu dans le marbre) + CO2 (dans la boisson) + H2O → 2 HCO3- + Ca2+

Des ions bicarbonate (HCO3-) (v) et des ions calcium (Ca2+) sont dissous dans l’eau de la boisson et présents à la surface du marbre. Si on laisse s’évaporer l’eau il se forme un dépôt complémentaire. Du carbonate de calcium blanc se reforme avec dégagement de CO2 selon :

2 HCO3- + Ca2+ → CaCO3(s) (dépôt à la surface du marbre) + CO2 + H2O

Mais les conditions de cristallisation de ce carbonate ne sont plus les mêmes que celles géologiques qui ont conduit aux cristaux de calcite du marbre. La trace blanche qui apparait est ainsi du calcaire pulvérulent déposé sur le marbre !

C’est pourquoi il est déconseillé de réaliser un plan de travail en vrai marbre dans une cuisine car le risque de déposer un liquide (vinaigre, vin…) ou un aliment acide (citron, agrume…) est très important. Les plans de travail d’aspect pierre et résistants sont plutôt en granit ou en matériaux de synthèse capable de parfaitement imiter le marbre ! Il existe aussi des « plans de travail mélaminés » : sur le support en bois aggloméré on encolle une feuille décorative imitant le marbre blanc veiné ou de carrare et enduite d'une couche de résine mélamine (vi) polymère thermodurcissable très résistant.

Toutefois des plans de travail en marbre pour cuisine ou coin repas existent et sont traités en surface par imprégnation afin de boucher les pores et laisser en surface une couche hydrophobe à base de silicones. Il est nécessaire de les entretenir, les nourrir et les protéger par des produits adaptés (cire translucide…).

Certains lavabos ou vasques de salle de bain sont en vrai marbre. Le risque est plus faible d’y renverser un liquide acide, mais pensez-y !

Françoise Brénon et l’équipe Question du mois

 

(i) Le pH dans l’eau varie de 0 à 14. Le milieu est neutre quand le pH vaut 7. Il est acide si pH < 7 et basique si pH > 7.

  

(ii) À combien s'élève le pH du Coca‑Cola et qu'est-ce que cela veut dire? sur le site Coca-Cola Suisse

(iii) Le calcaire y est présent sous forme de cristaux de calcite, CaCO3, pouvant présenter des structures différentes avec des traces d’autres ions minéraux (manganèse Mn, fer Fe, zinc Zn…).

(iv) Ce sont presque 5 litres de CO2 qui sont piégés dans une bouteille standard créant une pression d’environ 5 à 6 bar. Attention donc de ne pas prendre le bouchon dans les yeux quand il saute ! Pour en savoir plus : Pourquoi y-a-t-il des bulles dans mon champagne ?

(v) L’ion HCO3- a pour nom hydrogénocarbonate mais il est plus connu dans le grand public sous le nom de bicarbonate.

(vi) Le monomère mélamine a pour formule C3H6N6

 

Pour en savoir plus
Carbonate de calcium / calcite/ calcaire, Produit du jour de la SCF
Zoom sur la vinification, Mediachimie.org
Mesurer le pH d’une solution : des acides, du raisin au vin, dossier Nathan Mediachimie, Mediachimie.org

 

Crédits illlustration : Tache sur marbre. Source : Françoise Brénon

- Éditorial
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Que faire des pales d’éoliennes ?

Alors que la stratégie gouvernementale de la transition énergétique se base en partie sur l’énergie éolienne, nombre d’experts pointent la difficulté d’atteindre les objectifs fixés pour 2028. En effet il existe en France
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Alors que la stratégie gouvernementale de la transition énergétique se base en partie sur l’énergie éolienne, nombre d’experts pointent la difficulté d’atteindre les objectifs fixés pour 2028. En effet il existe en France en 2021 8000 éoliennes sur 1400 parcs, qui ont fourni 8% de la production électrique en 2020 pour une puissance installée de 18 GW (1). Les objectifs de la feuille de route sont d’arriver à 34 GW pour l’éolien terrestre soit donc de doubler le nombre d’éoliennes, et de 5 GW pour l’offshore. Les puissances individuelles de chaque éolienne sont passées en plus de 20 ans de 1,5 MW à 5 MW voire 7 MW pour l’éolien en mer. Comme la puissance est proportionnelle à la surface du cercle décrit par les pales, celles-ci sont passées de 20 m à près de 160 m de longueur grâce au progrès de la chimie des matériaux composites (2).

Une note du ministère de la Transition écologique rappelle que pour atteindre les objectifs il sera nécessaire de s’assurer de la rentabilité des installations, de leur maintenance, de leur intégration paysagiste et enfin de leur recyclage. Au moment où de plus en plus de Français s’inquiètent ou s’opposent à de nouveaux champs terrestres d’éoliennes et les pêcheurs aux implantations en mer, il importe de se pencher sur le démontage et recyclage des installations (3).

La durée de vie d’une éolienne est de 20 à 30 ans et c’est depuis les années 80 à 90 que l’implantation des parcs s’est faite en Europe. Après plus de 20 ans de bons et loyaux services les machines peuvent être démantelées ou remplacées par d’autres plus modernes. On estime en France à 1500 le nombre d’installations à démonter d’ici 2025 et la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Énergie) précise que le recyclage des principaux composants sera obligatoire dès 2023. En fait près de 75 à 80% de la masse de l’installation peut être recyclée, le béton du socle et l’acier des mâts, la cellule et même le cuivre et les terres rares du rotor sont valorisables. Sur le site lui-même, les excavations des fondations, la remise en état du terrain sont prévues dans la convention privée.

Mais que faire des pales ?

Les premières générations d’éoliennes arrivent en fin de vie et le président de WindEurope estime que d’ici 2023 14000 pales d’éoliennes seront mises hors service et leur recyclage devient une priorité absolue. Ce n’est pas facile car elles sont constituées de matériaux composites comportant des fibres de verre ou plus récemment de fibres de carbone assemblées avec des résines époxy ou de polyester (4). Et jusqu’à présent notamment aux États-Unis elles terminent en enfouissement.

Plusieurs voies sont explorées :

Mécaniques, pour les pales renforcées en fibres de verre

  • le broyage : la pale est découpée en morceau puis dans un broyeur à couteau transformée en poudre ou granulés et brulés en cimenterie par exemple ou enfouis.
  • les fibres de verre courtes peuvent être utilisées comme renfort dans le béton dans le mobilier urbain ou enrobés routiers. Mais une fois séparées les fibres perdent une partie de leurs propriétés mécaniques.

Chimiques, pour les pales renforcées en fibres de carbone

La fibre de carbone (5) change les données économiques, car bien que de plus en plus utilisée elle reste cependant coûteuse et sa récupération même complexe a un coût élevé. Cela justifie une opération de recyclage. On peut alors trouver plusieurs procédés :

  • la solvolyse à haute pression et à 200°-300°c par l’eau supercritique (6), celle-ci devient un solvant qui dissous les composés organiques comme les résines thermodurcissables des pales et permet de séparer les fibres de carbone de la matrice qui peuvent être récupérées.
  • la pyrolyse entre 400° et 700°C en milieu semi confiné on « distille » la résine en oléfines, huiles et goudrons et on récupère la fibre de carbone qui n’a pas été oxydée.
  • l’écoconception par l’utilisation d’une résine thermoplastique de type polyacrylate comme Elium℗ d’Arkema (7). Lors de la fabrication de la pale la résine liquide est déposée dans le moule sur les tissus et fibres de carbone, on y ajoute le catalyseur de polymérisation qui se fait à température ambiante et en quelques dizaines de minutes. L’avantage est d’utiliser les mêmes outils de conception que pour le thermodurcissable mais sans dépense d’énergie et la réparabilité à froid en cas de dommage est assurée. En fin de vie deux solutions : un procédé de broyage et d’ajouts aux granulés de polymères compatibles comme le PMMA ou l’ABS mené par la plateforme Canoe et l’ICMCB conduit à des nouveaux objets composites ; seconde solution, par chauffage des fragments du composite broyé, on peut aussi dépolymériser le thermoplastique et récupérer le monomère séparé des fibres, des colles et peintures (8).

Si d’ici 2030 on estime à plus de 35000 tonnes de pales issues du démantèlement en Europe et en France à un flux de 1500 t en 2029 nous avons en innovation chimique du pain sur la planche ! D’autant qu’il n’y a pas encore de vraies filières d’économie circulaire (9) pour les matériaux composites non seulement pour les pales d’éoliennes mais aussi pour l’industrie nautique - les coques de bateaux -, aérienne - les corps des avions - et automobile où ils envahissent le marché.

Jean-Claude Bernier
Novembre 2021

Pour en savoir plus
(1) Les énergies renouvelables (vidéo du CEA série « Les Incollables »)
(2) Les chimistes dans l’aventure des nouveaux matériaux (série Les chimistes dans…, mediachimie.org)
(3) Vitesse de déploiement et acceptabilité des nouvelles technologies dans le domaine des énergies, Grégory De Temmerman, Colloque Chimie et énergies nouvelles (février 2021)
(4) Matériaux composites à matrice polymères, d'après la conférence de Patrice Hamelin, La chimie et l’habitat, EDP Sciences (2011)
(5) Les matériaux dans le sport (r)évolutionnaires ! Patrice Bray, Odile Garreau et Jean-Claude Bernier (série Chimie et … en fiches, Médiachimie.org), d’après l’article de Y. Rémond et J.-F . Caron, in La chimie et le sport, EDP Sciences (2011)
(6) Les fluides supercritiques à votre service, S. Sarrade et K. Benaissi, L'Actualité Chimique n°371-372 (2013) p. 72
(7) Les matériaux de la transition énergétique : les attentes et les défis, J.-P. Moulin, Colloque Chimie et énergies nouvelles (février 2021)
(8) Le prix Pierre Potier des lycéens 2020 (Vidéo YouTube)
(9) Les chimistes dans l’économie circulaire (série Les chimistes dans…, mediachimie.org)

Crédits : image d'illustration, licence CC0, PxHere

- Événements
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Colloque Chimie et énergies nouvelles

Les versions écrites et vidéos des conférences du colloque « Chimie et énergies nouvelles » sont en ligne sur Mediachimie. Notre futur énergétique fait actuellement l’objet de débats dans tous les media, et dans les
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Les versions écrites et vidéos des conférences du colloque « Chimie et énergies nouvelles » sont en ligne sur Mediachimie.

Notre futur énergétique fait actuellement l’objet de débats dans tous les media, et dans les milieux politiques et économiques. C’est un sujet fondamental pour la Société, l’Industrie, l’Économie et aussi pour la Formation des jeunes puisque l’énergie est l’un des principaux thèmes des programmes de terminales des différentes filières scientifiques.

Nous avons souhaité faire un point scientifique objectif sur les principaux thèmes de ces débats dans les conférences du colloque « Chimie et énergies nouvelles ». Les conférenciers ont été choisis parmi les meilleurs experts de la Recherche, de l’Industrie, et de la Politique économique.

Pour faire face aux besoins toujours croissants de la demande d’énergie en dépits d’économies envisagées et garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables et à des couts abordables, toutes les énergies décarbonnées flexibles, propres, abondantes capables de se substituer aux énergies fossiles seront nécessaires. Pour cela il est urgent d’innover mais aussi d’optimiser les technologies existantes en lien avec le développement durable :

Ces questions et beaucoup d’autres ont été traitées par les conférenciers pour faire de ce colloque un outil d’information objectif et un outil d’actualisation des connaissances utilisable par un large public.

- Question du mois
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Comment colorer des bonbons en bleu ? Une application de la spiruline

Les bonbons et dragées se font une part belle dans le monde des sucreries, et au premier regard, leurs couleurs nous incitent à les goûter. Nous connaissons tous ces petits personnages bleus de BD, logeant dans un village
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Les bonbons et dragées se font une part belle dans le monde des sucreries, et au premier regard, leurs couleurs nous incitent à les goûter.

Nous connaissons tous ces petits personnages bleus de BD, logeant dans un village champignon et aussi déclinés en bonbons ! Mais comment les colorer en bleu ?

Caractéristiques physico-chimiques nécessaires pour être un colorant utilisable dans un bonbon

Le bonbon est par exemple constitué d’une solution aqueuse à laquelle on ajoute un colorant alimentaire, du sucre et de la gélatine à chaud. Les molécules colorées susceptibles d’être utilisées doivent pouvoir se disperser de façon uniforme au sein de la gélatine, résister aux différents traitements lors de la fabrication du bonbon et sur le long terme résister à la lumière et à l’oxygène de l’air.

Qu’en est-il du bleu patenté V ? (1)

Le bleu patenté V (i), au nom de code E 131, est un colorant alimentaire de synthèse, soluble dans l’eau. Il donne un bleu vif et répond à toutes les caractéristiques nécessaires précédemment citées. Il est ou a été le colorant bleu de nombreux bonbons et autres aliments et boissons. Mais Il est soupçonné d’un potentiel allergène. Son utilisation est réglementée en Europe et sa dose journalière admissible (DJA) a été diminuée en 2013 à 5mg/kg de masse corporelle (ii) par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Compte tenu que les enfants sont les principaux consommateurs de bonbons et que la demande du public vers des produits d’origine naturelle est forte, certains fabricants ont cherché à remplacer ce colorant par un autre issu d’une ressource naturelle, ce qui est effectif depuis 2020 pour les petites créatures bleues !

Le bleu dans les plantes sauvages

Même si bleuet, jacinthe des bois, myosotis, mûres et myrtilles …nous évoquent la couleur bleue, la nature nous offre très peu cette couleur parmi les plantes sauvages. Et si on arrive à en extraire les molécules responsables de leur couleur encore faut-il qu’elles répondent aux caractéristiques nécessaires à leur utilisation et que la matière première soit abondante. On comprend bien alors que ces plantes ne vont pas répondre à la demande.

La spiruline

La recherche a été longue pour trouver un composé naturel fournissant un bleu stable, répondant à tous les critères y compris l’innocuité et dont la production puisse être notable. La spiruline alimentaire s’est avérée le bon candidat. La spiruline est un ensemble de cyanobactéries (iii) alimentaires procaryotes (iv) qui se reproduisent dans des eaux chaudes (35 à 40°C) peu profondes et saumâtres (on parle aussi de microalgues) (v). Il existe plusieurs types de souches de bactéries et selon les zones géographiques (vi) et les conditions de production, la composition chimique varie (2). Toutefois en résumé les spirulines sont avant tout très riches en protéines. Elles contiennent également des glucides, un peu de lipides, des vitamines, des sels minéraux et des pigments. Ces différents constituants sont indépendamment recherchés pour des applications diverses (santé, alimentation, pigments, aquaculture, cosmétique…).

La couleur bleue issue de la spiruline

La spiruline contient d’une part des pigments verts (chlorophylles) et oranges (bêta-carotènes) et parmi les protéines qui la constituent il y a des phycocyanines qui possèdent un groupe chromophore bleu fixé à la chaine protéïque.

Les bêta-carotènes s’oxydent à l’air, les chlorophylles se dégradent à la lumière. Par contre les phycocyanines sont d’une part des anti-oxydants et d’autre part plus résistantes à la photo-destruction. Ainsi la spiruline séchée et longtemps exposée à l’oxygène de l’air et à la lumière, devient bleutée. Les phycocyanines représentent 12 à 17 % en masse (selon la souche) de la spiruline séchée.

La spiruline la plus utilisée est celle issue de microorganismes Arthrospira platensis. On en extrait (vii) tout particulièrement la C-phycocyanine qui, purifiée, concentrée et séchée, donne une poudre bleue, utilisée comme colorant alimentaire.
La C-phycocyanine peut très schématiquement être représentée selon

Chaine protéinique (viii)― groupe chromophore bleu

La structure de son groupe chromophore est représentée ci-contre (source https://www.rcsb.org/ligand/CYC)

La C-phycocyanine a été autorisée en 2013 par la FDA comme colorant alimentaire des gommes et bonbons et est en 2020 le seul colorant bleu naturel autorisé aux USA, Europe et Chine dans des applications alimentaires telles que les pâtisseries (glaçage, nappage…) laitages, gélatines, céréales…, des applications pharmaceutiques (enrobages de produits) et cosmétiques.

La phycocyanine est aussi très recherchée pour son pouvoir anti-oxydant.

Alors bonne dégustation, mais attention au sucre !

Françoise Brénon

 

 

(i) Le bleu patenté est utilisé sous forme de sel de calcium Ca(C27H31N2O7S2)2 ou de sodium Na(C27H31N2O7S2).
Sa formule développée est page 8 https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.2903/j.efsa.2013.3108

(ii) Source Avis scientifique sur la réévaluation du brevet Blue V (E 131) en tant qu’additif alimentaire EFSA Journal (2013)

(iii) Les cyanobactéries (cyano du grec ancien kyanos signifiant bleu) sont des bactéries qui synthétisent leurs molécules organiques comme les plantes, par photosynthèse. Afin de capter la lumière, elles utilisent des pigments présents dans leurs structures.

(iv)Un procaryote est un microorganisme unicellulaire dont la structure cellulaire ne comporte pas de noyau.

(v) Elles ont une configuration spatiale en forme d’hélice d’où le nom spiruline dérivant du latin spira (enroulement).

(vi) En 2018 la production mondiale provient de Chine à plus de 50 % (2). Parmi les autres pays producteurs, citons les USA (Hawaï), le Mexique, la Thaïlande… La France en produit en très petits tonnages.

(vii) Plusieurs procédés d’extraction sont possibles (2) et (3). Après une destruction de la membrane de la bactérie (désintégration cellulaire) tout en évitant la dénaturation des protéines, il faut séparer les protéines solubles dans l’eau, ce qui est le cas des phycocyanines, des autres protéines liposolubles et des lipides. Pour ceux-ci on essaie d’éviter des solvants organiques à impact environnemental. L’extraction à l’aide de CO2 supercritique répond par exemple à ce critère.

(viii) La structure de sa chaine protéïque est répertoriée sur le site PDB (Protein Data Bank) RCSB PDB - 1GH0: STRUCTURE CRISTALLINE DE LA C-PHYCOCYANINE DE SPIRULINE PLATENSIS
 

 

Pour en savoir plus
(1) Couleur et coloration des aliments, une simple affaire de chimie ? de Sylvain Guyot, La chimie et l’alimentation (EDP Sciences)
(2) Spiruline : Culture, production et applications, document très complet sur le sujet par Maryline Aber Vian, Techniques de l’Ingénieur  publié le 10/03/2021
(3) Évaluation des méthodes d’extraction de la phycocyanine et son rendement à partir de spirulina platensis de Imène Lafri et coll., Agrobiologia