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Le moustique tigre, le danger de l’été

Les habitants de Prades-le-Lez dans l’Hérault ont été surpris en juin d’apprendre qu’un cas de Chikungunya autochtone avait été diagnostiqué dans leur commune, même réaction dans le Var à La Crau pour un autre cas
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Les habitants de Prades-le-Lez dans l’Hérault ont été surpris en juin d’apprendre qu’un cas de Chikungunya autochtone avait été diagnostiqué dans leur commune, même réaction dans le Var à La Crau pour un autre cas autochtone. On parle de cas autochtone lorsque la maladie se développe en France, sans un voyage en zone tropicale.

Le Chikungunya est une maladie virale qui se transmet essentiellement par des piqures de moustique, « le moustique tigre ». C’est une maladie à déclaration obligatoire auprès de l’ARS (Agence Régionale Sanitaire) car on craint toujours une épidémie comme celle qui touche la Réunion depuis août 2024. En métropole, d’après Santé publique France, avaient été rapportés sur tout le mois de mai, 424 cas de chikungunya et 283 cas de dengue importés par des voyageurs. Mais en juin ce sont plusieurs cas autochtones qui ont été décelés dans le sud, faisant craindre une extension hexagonale pour cet été.

Le Chikungunya

C’est une maladie infectieuse de la famille des arboviroses transmise par un arthropode, c’est-à-dire par la piqure d’un moustique infecté, ici le moustique tigre. Le mot Chikungunya vient d’un dialecte africain qui signifie « se déformer » ou « marcher courbé ». Les symptômes sont au début ceux d’un syndrome grippal avec de la fièvre des maux de tête et des douleurs articulaires, principalement aux bras et aux jambes. Une inflammation de ganglions lymphatiques et une conjonctivite peuvent apparaître. Au stade avancé, des complications neurologiques graves peuvent survenir chez les nouveaux-nés ou les personnes âgées. Les douleurs articulaires et une fatigue importante peuvent persister durant des mois. Cependant, après une période d’incubation de 2 à 10 jours, chez la plupart des sujets adultes, les troubles disparaissent au bout d’une ou deux semaines, les cas sévères ou mortels sont plutôt rares. La dengue et la maladie à virus Zika ont des symptômes similaires et toujours transmises par le même moustique. Le virus (1) du Chikungunya peut être détecté par une analyse sanguine chez le patient lors de la première semaine de la maladie. On peut aussi chercher les anticorps dirigés contre le virus pour tester la réponse immunitaire du patient. Il n’y a pas de traitement spécifique, on vise essentiellement à soulager la fièvre et les douleurs articulaires avec des analgésiques et des antipyrétiques, tels que le paracétamol (2) ou l’acétoaminophénol couplés à une bonne hydratation et du repos. Des recherches sur un vaccin anti-transmission sont en cours, mais la piste d’élimination du moustique tigre est la plus suivie.

Le moustique tigre

Ce n’est pas un grand voyageur puisque son périmètre de vol ne dépasse guère 150 mètres autour de votre jardin et pourtant « Aedes albopictus » s’adapte très vite à son environnement. Depuis sa détection à Menton en 2004, il a progressé le long de la vallée du Rhône et vers le sud-ouest en utilisant les moyens de transport terrestres et axes autoroutiers pour être signalé dans 26 départementsde l’hexagone en 2015, et 81 départements en 2025. C’est la femelle qui pique, en aimant particulièrement le sang humain. Elle pond 200 œufs par ponte et elle pondra 5 fois au cours de ses 6 semaines de vie éphémère. Malheur ! Ses œufs ont la faculté d’entrer en hibernation de la fin de l’automne jusqu’au début du printemps où la température, le soleil et l’eau permettent aux larves de muer et de se transformer en porteur de virus. En 20 ans, c’est 200 générations qui se sont bien adaptées au climat de la France et au changement climatique. Cette faculté d’adaptation inquiète les scientifiques, car cette espèce invasive va prendre le pas sur les autres espèces comme celle de nos bons vieux moustiques communs. On dit pour nous rassurer que le moustique tigre est exophile cela veut dire qu’il n’entre pas dans les habitations. Par ailleurs il pique « à la fraîche ». Faites donc attention aux petits déjeuners en terrasse et aux apéros le soir. En fait, les observations montrent qu’avec les portes et fenêtres ouvertes cela ne le dérange pas de venir vous piquer à l’intérieur et de repartir à l’extérieur son crime accompli !

Comment lutter ?

Comment annihiler les moustiques tigres où les empêcher de transmettre les virus ? Plusieurs voies sont utilisées ou en cours d’essai.

  • La voie bactérienne - La méthode consiste à infecter la population de moustiques par une bactérie nommée « Wolbachia » qui rend malade l’insecte et le rend incapable de transmettre le virus. La méthode a fait ses preuves en zones intertropicales.
  • La stérilisation – Les femelles moustiques ne s’accouplent qu’une fois au cours de leur vie, elles ont donc une réserve de sperme du mâle. Si cette réserve est remplacée par des spermatozoïdes non viables alors la femelle pourra pondre, mais les œufs ne seront jamais fécondés. De nombreux projets existent dans le monde et une start-up de biotechnologie française Terratis expérimente cette technique de l’insecte stérile.
  • Le piège olfactif – Les pièges émettent des molécules comme l’acide lactique mimant la transpiration et le CO2 mimant la respiration. Les femelles sont aspirées par ces pièges où elles peuvent être comptées identifiées ou éliminées.
  • Les insecticides (3) - Quand la présence du moustique, et à plus forte raison lorsqu’un cas de Chikungunya est signalé, l’enquête et l’action de terrain sont déclenchées. Dans un rayon de 150 mètres autour du lieu signalé, une vaporisation d’un biocide répulsif de la famille des pyréthrinoïdes la deltaméthrine est déclenchée par la mairie après avoir prévenu le voisinage et pris un certain nombre de précautions préservant par exemple écoles, crèches ou ruches. Ces biocides sont des organo-fluorés ou chlorés qui ont la structure de la pyréthrine. Ils sont dits biomimétiques car ils se rapprochent de la formule de l’insecticide naturel émis par les chrysanthèmes. Ils ont remplacé avantageusement le DDT en améliorant de façon drastique leur efficacité et donc en diminuant les doses nécessaires. Cependant, en avril, un rapport de l’ANSES (4) attire l’attention sur les risques toxicologiques détectés par une étude de l’INSERM pour les enfants dans le ventre de leur mère sur de possibles troubles neuropsychologiques. Il est clair qu’il faut utiliser ces répulsifs avec discernement, notamment en présence de femmes enceintes. Mais comme le dit le communiqué de France Chimie, il faut mettre en balance la contamination materno-fœtale par le virus lorsque la femme enceinte est piquée par le moustique avec des conséquences très graves pour le nouveau-né. Et les risques pour la santé humaine, propagés par les virus transmis par les moustiques, comme ceux du Chikungunya, dengue et virus Zika, il vaut mieux éliminer les porteurs par un biocide.

Alors bon été tout de même, éliminez de vos jardins et de vos balcons tous récipients pouvant contenir de l’eau, bacs, pots de fleurs vides, flaques stagnantes propices aux larves. Placez des moustiquaires à vos fenêtres, plantez des géraniums, brûlez des bougies à la citronnelle (5) et réactivez d’ici l’automne « les brigades du tigre ».

Jean-Claude Bernier
juin 2025

 

Pour en savoir plus 
(1) Parasite, champignon, bactérie et virus : quelles différences ?, N. Moreau, Question du mois (Mediachimie.org)
(2) Le paracétamol, une molécule bien française ?, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
(3) les chimistes dans : l’industrie des phytosanitaires, F. Brénon et G. Roussel, Série Les chimistes dans... (Mediachimie.org)
(4) Le défi posé aux chimistes pour la protection de la santé et de l’environnement. Le point de vue de l’ANSES, Colloque Chimie et expertise - santé et environnement (février 2015),Fondation de la Maison de la chimie
(5) Les huiles essentielles contre les moustiques ; regards rationnels de chimistes, C. Grison et A. Moderc, L’Actualité chimique n° 438-439 (mars-avril 2010) p. 14

Crédit : Moustique tigre / PxHere

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Les aliments fermentés : c’est quoi ?

Depuis le Néolithique, les hommes cherchent à conserver les aliments issus de la chasse et plus tard de l’agriculture. Le moyen a été la fermentation, et c’est ainsi qu’on trouve des traces d’aliments fermentés dès
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Depuis le Néolithique, les hommes cherchent à conserver les aliments issus de la chasse et plus tard de l’agriculture. Le moyen a été la fermentation, et c’est ainsi qu’on trouve des traces d’aliments fermentés dès -13.000 dans le pourtour méditerranéen, vers -2.000 dans le Moyen-Orient, vers -300 en Chine. Quant au vin, on en trouve des traces dans des jarres datant de -6.000 en Géorgie. « Les Barbares savent « épaissir le lait en une matière d’une agréable acidité », écrit Pline l’Ancien.

Le mot fermentation a longtemps signifié décomposition. Lavoisier, dès 1789 s’est intéressé au phénomène, mais c’est Louis Pasteur, en 1857, qui démontre, en particulier pour le vin, que les "ferments" étaient des bactéries ou des champignons (levures).

Que font ces ferments ?

Ce sont des microorganismes qui, via l’action de leurs enzymes, dégradent les sucres (glucose, lactose, maltose, etc.) contenus dans l’aliment et produisent de l’acide ou de l’alcool mais également d’autres composés, du dioxyde de carbone (CO2), des arômes ou des vitamines.

Il faut être à l’abri de l’oxygène, sinon le sucre est totalement dégradé en dioxyde de carbone et eau (i).

Plusieurs sortes de fermentations existent. 

  • La plus connue est la fermentation alcoolique, celle qui transforme le jus de raisin en vin (1) et (2).

Dans une série de 10 réactions, et autant d’enzymes, le glucose est coupé en deux pour fournir l’ion pyruvate de formule CH3 CO COO-. Puis celui-ci est transformé en alcool en 2 étapes. La 1re élimine CO2 avec les enzymes pyruvate décarboxylase, et la 2e est une réduction grâce à alcool déshydrogénase en présence de NADH (ii).


Source Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0

L’éthanol de l'ensemble des boissons alcoolisées provient de la fermentation du glucose apporté par les plantes, sous l'effet d’enzymes produites par des levures (levure de bière par exemple). Le raisin fournit le vin, l’orge germée (le malt) donne la bière ou le whisky écossais ; le maïs conduit au whisky canadien. Les fruits à pépins ou noyaux, prune, pomme, poire, cerise, conduisent aux eaux de vie. La production du vin fait aussi appel dans certains cas (vins rouges) à la fermentation malolactique, qui apporte de l’acidité.

  • Dans la fermentation lactique, le pyruvate est transformé en lactate en une seule étape.

L’enzyme est la lactate déshydrogénase (réduction) avec le co-facteur NADH.


Source Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0

La fermentation lactique a longtemps été utilisée pour préparer une grande variété d'aliments. Elle est à l'œuvre dans la fabrication des produits à base de lait (comme le lait fermenté, le yaourt ou le fromage), à base de viande (saucisson sec) ou de poisson (Nuoc-mâm). Elle intervient aussi dans la préparation de la choucroute et du levain pour le pain (3).

Elle est aussi à l’œuvre dans l'ensilage (4), qui est une méthode de conservation des fourrages par acidification via la fermentation lactique anaérobie d'un fourrage humide. Les végétaux portent sur leur surface des micro-organismes qui, laissés à l'air libre, provoquent la putréfaction. Mais en l'absence d'air, les ferments lactiques prennent le dessus : c'est le début du processus de fermentation lactique. Ces bactéries se développent en se nourrissant des glucides présents dans les végétaux et les transforment en acide lactique. Au fur et à mesure du processus, la quantité d'acide lactique augmentant, le jus devient de plus en plus acide. Cette acidité neutralise le développement de la putréfaction. Autour de pH 4, les bactéries lactiques sont elles-mêmes inhibées. Le produit devient stable, ce qui permet une longue conservation.

Mais à côté de ces deux types de fermentations, les plus connues, il y en a bien d’autres, par exemple :

  • La fermentation acétique

L’alcool du vin est transformé en acide acétique CH3COOH, composant du vinaigre (5), en 2 étapes. La 1re conduit à l’acétaldéhyde (éthanal) comme dans la fermentation alcoolique mais la 2e conduit à l’acide acétique en présence d’acétaldéhyde déshydrogénase et de NADH (iv).

Le pH de ces vinaigres est généralement de l'ordre de 3, avec un minimum d'environ 2. La « mère du vinaigre » qui se développe dans le vin non bouché contient les bactéries (acétobacter) responsables. Ici, la fermentation est aérobie (en présence d’air).

  • La fermentation propionique

L'acide lactique est transformé en acide propanoïque (ou propionique), en acide acétique et en CO2 (v). Le CO2 qui s’échappe explique les trous dans le gruyère !

  • La fermentation butyrique

Il se forme de l'acide butanoïque (aussi appelé butyrique), du CO2 et du dihydrogène à partir de l'acide lactique déjà formé par fermentation lactique (vi). Cela explique le goût piquant de certains fromages, ainsi que la mauvaise odeur et le mauvais goût du beurre rance.

  • La fermentation malolactique

Elle transforme l’acide malique (HO2C-CHOH-CH2-CO2H) en acide lactique et dioxyde de carbone (vii).

La fermentation malolactique correspond à la seconde fermentation du moût lors de la vinification. Cette transformation de l'acide malique en acide lactique par des bactéries lactiques permet d'atténuer l'acidité d'un vin, les années où les raisins ont eu du mal à mûrir, tout en lui apportant une plus grande stabilité. Par ailleurs, particulièrement pour les vins blancs, elle ajoute des notes de beurre, de crème et de noisette.

Conclusion

Ainsi au-delà du rôle historique qui était de conserver les aliments nous avons vu que la fermentation permet d’en créer de nouveaux et avec de nouveaux goûts.

Nous verrons dans une prochaine Question du mois, que ces fermentations sont très utiles à la santé humaine et animale et que l’intérêt de ces pratiques est tel que diverses actions vont être lancées pour les généraliser et les amplifier comme l’action « Grand défi des ferments du futur France 2030 ».

Nicole Moreau

 

 

(i) Selon la réaction : C6H12O6 + 6 O2 → 6 CO2 + 6 H2O

(ii) C6H12O6 + 2Pi + 2 ADP + 2 NAD+ → 2 CH3 CO COOH (pyruvate) + 2 ATP +2 NADH,H+ + 2 H2O

(iii) NADH pour Nicotinamide Adénine Dinucléotide. Cette molécule présente dans l’organisme participe à l’activité de certaines enzymes et joue le rôle de coenzyme.

(iv) Selon CH3CHO+ NADH + H+→ CH3CO2H+ NAD+, acétaldéhyde déshydrogénase. L'acide pronanoïque est le nom en nomenclature officielle de l'acide propionique.

((v) 3 CH3-CHOH-COOH → 2 CH3-CH2 COOH + CH3-COOH + CO2 + H2O

(vi) 2CH3 CHOH CO2H → CH3 CH2 CH2 CO2H+ 2 CO2 + 2H2

(vii) HO2C-CHOH CH2- CO2H → HO2C CHOH CH3+ CO2

 

 

Pour en savoir plus
(1) De la vigne au verre : tout un art ?, Réaction en un clin d’œil (Mediachimie)
(2) Zoom sur la vinification, B. Médina, J. Gaye, et J.P. Dal Pont (Mediachimie)
(3) Le pain complet au levain : meilleur ou pas pour la santé ?, C. Agouridas, Question du mois (Mediachimie)
(4) Qu’est-ce que l’ensilage ? sur le site Les produits laitiers 
(5) Quelle est la chimie du vinaigre ?, C. Agouridas et F. Brénon, Question du mois (Mediachimie)

Crédit illustration : Татьяна Креминская / Adobe Stock

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Comment fabrique-t-on du « vin désalcoolisé » ?

Le vin est obtenu à partir de jus de raisins issus des vendanges et contient des sucres qui, par fermentation réalisée par des levures, produisent de l’alcool. Le « vin sans alcool » officiellement appelé « boisson à base
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Le vin est obtenu à partir de jus de raisins issus des vendanges et contient des sucres qui, par fermentation réalisée par des levures, produisent de l’alcool. Le « vin sans alcool » officiellement appelé « boisson à base de vin désalcoolisé » est un type de vin fabriqué de manière à ne contenir que de très faibles taux d’alcool. Il ne faut pas le confondre avec le jus de raisin qui est une boisson non fermentée ! Dans L’Union européenne la législation fixe à 7% (i) le taux maximum d’alcool pour avoir ce label. Pour réduire le taux d’alcool, on peut d’abord utiliser des cépages contenant moins de sucre, comme le gewürztraminer ou le muscat pour les raisins blancs, et la syrah ou le merlot pour les vins rouges. On peut aussi utiliser des levures conduisant à des vins moins riches en alcool. Enfin, on peut aussi enlever une partie de l’alcool du vin, et pour cela trois grandes méthodes sont actuellement utilisées.

La distillation sous pression réduite

Pour faire simple, la distillation est basée sur le fait que l’alcool est plus volatil que l’eau et s'élimine préférentiellement lors du chauffage. La pression réduite provoque une diminution de la température d’ébullition, ce qui évite de trop chauffer le vin, ce qui altérerait les propriétés organoleptiques. Le premier brevet de vin désalcoolisé fut déposé en 1908 par Carl Jung en Allemagne sur ce principe. Aujourd’hui, on utilise des colonnes en « acier inox » à garnissage contenant des éléments métalliques disposés en vrac. La pression de l’ordre de 220 mm Hg (0,3 bar environ) permet de ne pas dépasser la température d’ébullition de 30°C (au lieu de 78°C sous pression atmosphérique) ce qui permet d’obtenir un vin ne dépassant pas 7% d’alcool. Si l’on veut abaisser le taux à des valeurs plus basses, il suffit de diminuer la valeur de la pression. La méthode est économique et écologique (peu d’eau de refroidissement utilisée).

La technique de l’osmose inverse

Schématiquement, elle permet de séparer, à travers une membrane spécifique de microfiltration sous une pression supérieure cette fois à la pression atmosphérique, l’alcool et l’eau des autres composés du vin. L’osmoseur est en « acier inox » et les membranes utilisées sont enroulées en spirale, ce qui permet d’atteindre des débits de 1000 L/h. On obtient à l’issue de cette filtration l’eau et l’alcool, et la partie non filtrée contient les molécules dites organoleptiques. Pour diminuer le taux d’alcool à la valeur souhaitée, on réalise ensuite, comme précédemment, une distillation du mélange eau-alcool pour éliminer l’alcool (voir figure 1). À la fin on ajoute les autres composés qui n’ont pas été filtrées par osmose. Cette technologie est plus douce que la précédente et sert de protocole de référence pour les études médicinales des vins désalcoolisés. Elle est réservée plutôt aux vins blancs.


Figure 1 : Couplage OI ou NF avec soit la distillation soit un contacteur à membrane. (OI = osmose inverse ; NF = NanoFiltration).
Source : https://lavigneetlevinwordpresscom.wordpress.com/partie-ii/

La technique à cônes rotatifs 

Elle utilise le principe de distillation sous pression réduite réalisée cette fois dans des colonnes en « acier inox » avec des ailettes fixées alternativement sur la paroi et sur l’arbre de rotation. La rotation entraîne la formation d’un film continu de liquide tout le long de la colonne. Le temps de séjour du liquide dans la colonne est de 20 secondes, ce qui permet à des colonnes industrielles d’avoir un débit de 100 L/h. Cette technologie est très efficace et permet de désalcooliser un vin jusqu’à une teneur de 0,02 % en alcool (voir figure 2) .
 


Figure 2 : Description succincte du procédé utilisant une colonne à cônes rotatifs. 
Le liquide progresse, cône par cône, du haut vers le bas de la colonne en s’appauvrissant en alcool.
Schéma construit à partir de la page dédiée de la société Flavourtech(ii).

En conclusion, la consommation mondiale du vin sans alcool devient à la mode, elle augmente de 10 % par an et le chiffre d’affaires a dépassé les 5 milliards de dollars en 2024. Les vins « bio » sans alcool pourront aussi être autorisés par l’Europe sans doute à partir de 2025.

Pour en savoir plus sur les règles relatives et l'étiquetage des vins désalcoolisés on peut consulter le site du ministère de l’Économie et des Finances(iii).

Jean-Pierre Foulon

 

(i) Il s’agit d’un pourcentage volumique. Ainsi dans 100 mL d’un vin à 7% d’alcool il y 7 mL d’alcool.
(ii) https://flavourtech.com/products/spinning-cone-column/
(iii) Désalcoolisation des vins – quelles sont les règles relatives à l’élaboration et à l’étiquetage des produits ? sur le site du ministère de l’Économie et des Finances.

 

Crédit illustration : NartGraphic / Adobe Stock

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Tennis et chimie à Roland-Garros

Les internationaux de tennis de France ont commencé et la petite balle jaune (1) va subir des frappes par des raquettes de plus en plus performantes et des rebondissements sur la terre battue, symbole incontournable de
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Les internationaux de tennis de France ont commencé et la petite balle jaune (1) va subir des frappes par des raquettes de plus en plus performantes et des rebondissements sur la terre battue, symbole incontournable de Roland-Garros.

La balle jaune

Rappelons que c'est une petite sphère de 57 grammes et de 6,5 centimètres de diamètre qui, lors des 4 millièmes de seconde de contact avec le tamis, se transforme en une galette de 2 centimètres d'épaisseur. Il faut donc qu'elle ait une fameuse élasticité. C'est pourquoi le cœur de la balle de tennis est constitué de deux hémisphères de caoutchouc naturel (2) d'épaisseur de 2 à 6 millimètres, vulcanisé avec du soufre et moulés à chaud avec des durcisseurs. Une fois ces deux coques collées par un adhésif élastomère, elles sont contrecollées par des bandes de feutre à base de fibres de coton, laine et nylon (3) et traitées pour être rendues hydrophobes. Ce feutre est de couleur jaune fluo, la couleur optique la mieux visible à l'œil nu et à la télévision.

Une balle de compétition homologuée, lâchée d'une hauteur de 2,54 m (100 inches), doit rebondir à une hauteur comprise entre 135 et 147 cm. Pour donner plus de dureté et plus de rebond, les fabricants mettent de l'air ou de l'azote sous pression à l'intérieur de la balle. L'enveloppe n'étant pas totalement étanche, les balles sont changées tous les neuf jeux par précaution dans les grands tournois.

Plus de 60 000 balles sont utilisées durant le tournoi de Roland-Garros. Détail quasi écologique, une société britannique HearO recycle les balles du tournoi de Wimbledon, destinées à la poubelle, en enceintes connectées Bluetooth équipées d'un haut-parleur. Parfois agrémentées de la signature d'un grand champion, elles vont sûrement devenir « collector ».

La raquette

En tennis la raquette est constituée d'un cadre sur lequel sont tendues des cordes souvent en nylon avec une tension du cordage(i), exprimée en kilogrammes, qui monte en fonction du classement du joueur ! Si pour nous elle est d'une dizaine de kilogrammes, pour de grands joueurs comme Nadal ou Djokovic elle peut atteindre 20 à 30 kg ! C'est dire que le cadre doit être particulièrement solide. Il y a longtemps qu'on a abandonné le bois et les cordes en boyau. Maintenant, le cadre est en matériau composite (4) associant une résine polyester et des fibres de carbone. La conception est très soignée car la raquette ne doit pas vibrer au bras du joueur qui serait alors victime rapidement d'un « tennis elbow ».

On modélise une raquette idéale via une image numérique sur ordinateur en prenant en compte les caractéristiques physiques, centre de gravité, poids, tenue du manche… qui vont être cruciales au moment de l'impact de la balle sur le tamis. La miniaturisation des capteurs électroniques permet à certaines raquettes d'entraînement de transmettre la force appliquée, le lift, l'amorti, le smash sur ordinateur ou sur smartphone. Mieux encore pour l'entraînement, un compétiteur inattendu s'invite sur les courts : mis au point par T-Apex, une société américaine, le robot lanceur Tenniix, d'une capacité de 100 balles, est capable de suivre un adversaire à un rythme dément. Doté d'intelligence artificielle, il peut tourner à 360° avec des tirs croisés ou du même côté, faire des lobs jusqu'à plus de 8 mètres, des engagements à 120 km/h, alors que la force transmise à la raquette par des professionnels peut propulser la balle à des vitesses qui dépassent parfois 200 km/h. On peut lui adjoindre un système d'écoute qui lui permet de savoir où est son adversaire. Si de cette façon on peut se passer d'un « sparring partner(ii) », on ne fera pas l'économie d'un ramasseur de balles !

Le sol du terrain

La couleur ocre des terrains de Roland-Garros est caractéristique des tournois méditerranéens. À Paris, le terrain des courts est composé de couches successives : d'abord une couche de cailloux de 30 cm parsemée de drains pour l'élimination de l'eau, recouverte d'une couche de mâchefer (silicates mixtes Ca/Fe) de 7 à 8 cm, puis d'une couche de calcaire broyé (CaCO3) de 7 cm et enfin une couche de brique pilée rouge de 2 mm en surface.

Cette surface extrêmement sophistiquée est dite lente par rapport au gazon ou aux revêtements plastiques. Elle permet des échanges plus longs avec des lifts, des slices ou des amortis et demande une bonne maîtrise des glissades sur terre battue.

L'entretien des sols est primordial : le matin, débâchage et balayage ; entre chaque set, passage d'un filet et balayage ; et à la fin des matchs, filet, balayage et arrosage. Lors des pluies, le bâchage du court est nécessaire. Au total, c'est près de 100 personnes qui sont dévolues à l'entretien des courts durant les 3 semaines du tournoi.

Le toit

Pour éviter les pauses intempestives lors d'averses ou de pluies où les joueurs et le public sont contraints de s'arrêter et d'attendre, après le court principal Philippe-Chatrier, c'est le court Suzanne-Lenglen qui a été couvert en 2024. En hommage à cette championne élégante qui jouait dans les années 30 avec une jupe plissée blanche, l'architecte Dominique Perrault a voulu un toit rétractable en toile blanche plissée qui se déploie sur toute la longueur du court. Il a fallu des travaux gigantesques qui se sont étalés sur 3 ans avec une base de 4 massifs de béton reposant sur 70 micropieux. La charpente culmine à 16,5 mètres et le poids total de la structure-support en acier est de 1.200 tonnes. 76 moteurs électriques déploient en moins de 15 minutes les 19 modules de toile tendus en forme de V pour couvrir une surface d'environ 4.200 m2. La toile blanche en PTFE (polytétrafluoroéthylène) (5) allie à une bonne transmission lumineuse, une bonne protection aux intempéries, une bonne résistance au froid et à la chaleur, une excellente robustesse et lui permet de résister aux pliements et repliements répétés.

Alors, bon tournoi ! Vibrez bien lors des matchs, encouragez les joueurs et les joueuses, soit sur les gradins si vous êtes à Paris, soit devant l'écran, suivez la balle jaune et rappelez-vous bien que dans l'air, sur la raquette, sur le sol, elle promène toujours un peu de chimie.

Jean-Claude Bernier et Françoise Brénon
29 mai 2025

 

(i) La tension de cordage correspond au poids nécessaire pour tendre la corde de part et d’autre du cadre de la raquette. La tension de cordage s’exprime dans le monde du tennis en kg.
(ii) sparring partner = partenaire d'entraînement
 

Pour en savoir plus
(1) La petite balle jaune, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
(2) L’élasticité du caoutchouc, G. Weill, BUP n°639 (1981) p. 321-327
(3) La grande aventure des polyamides, J.-C. Bernier et R. A. Jacquesy, L’Actualité Chimique n° 360-361 (février-mars 2012) p. 11-12
(4) 4.a. Les matériaux dans le sport, (r)évolutionnaires ! P. Bray, O. Garreau et J.-C. Bernier, Chimie et… en fiches (collège) (Mediachimie.org)
4.b. Les matériaux composites dans le sport, Y. Rémond et JF. Caron, La chimie et le sport, EDP Sciences (2011) p. 195
4.c. Le rôle des matériaux composites dans les performances sportives, Y. Rémond, Colloque Chimie et Sports en cette Année Olympique et Paralympique (février 2024)
4.d. Les matériaux de la performance C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, La chimie dans le sport, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences (2014)

(5) Polytétrafluoroéthylène/ PTFE, Produits du jour de la Société Chimique de France

 

Crédit illustration : Nazmulkn / Adobe Stock

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La difficile traque aux émissions de CO2 pour l’aviation

Il y a quelques années, de nombreuses critiques relatives aux déplacements en avion avaient même appelé au boycott des déplacements aériens. Ces critiques n’étaient pas dénuées de fondement puisque par passager et par
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Il y a quelques années, de nombreuses critiques relatives aux déplacements en avion avaient même appelé au boycott des déplacements aériens. Ces critiques n’étaient pas dénuées de fondement puisque par passager et par kilomètre en avion l’émission était de 140 g de CO2 à comparer aux 3,2 g par TGV. Cela avait amené des États à souhaiter supprimer un certain nombre de vols domestiques lorsque la liaison par rail était tout aussi rapide. Face à ces mesures, paradoxalement, les experts de l’aéronautique prévoyaient au contraire une augmentation du trafic mondial confirmé lors de l’après-COVID avec des chiffres sans appel de 8 milliards de passagers attendus en 2040 contre 4,4 milliards en 2019, et l’arrivée de 40 000 avions neufs dont plus de 18 000 pour remplacer les appareils en fin de vie.

Au niveau mondial, le secteur aérien contribue à quelque 3% des émissions de CO2 (1). Dans un élan louable avant 2020, les 193 États de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), se donnaient comme objectif 0% d’émission en 2050. En 2023, cette même organisation était d’accord pour réduire de 5% les émissions d’ici 2030, en recourant au remplacement du kérosène issu du pétrole par des carburants durables appelés SAF (pour Sustainable Aviation Fuels). Pour sa part, dans la foulée, la Commission européenne dans sa directive « ReFuelEU Aviation » souhaitait que les compagnies de transport aérien incorporent des quantités croissantes de SAF dans le kérosène, 2% en 2024 et 6% en 2030. Bémol en 2025 : l’A4E, association regroupant les principales compagnies aériennes européennes, a tenu le 27 mars à Bruxelles une conférence de presse pour contester ces objectifs européens d’incorporation et dénoncer le calendrier irréaliste compte tenu des faibles quantités de SAF disponibles et de leur prix 3 à 4 fois plus cher que le kérosène. Est-ce un nouveau coup de boutoir contre les règles environnementales européennes face à la concurrence internationale ? Essayons d’y voir clair et quelles sont les pistes d’économie ?

Le poids

Faire voler un plus lourd que l’air ce n’est pas facile, il faut de l’énergie pour le faire décoller et voler sur de longs parcours. Quelques dizaines de kilogrammes en moins permettent d’économiser des litres de carburant. Le remplacement progressif de l’aluminium et des métaux (2) par les matériaux composites en polyesters et fibres de carbone comme dans l’A350 d’Airbus où ces matériaux représentent plus de 50% du poids permet d’économiser environ 20% de la consommation (3). Le remplacement du métal des structures des 156 sièges par un alliage de magnésium sur un A319 permet de gagner plus de 500 kilogrammes. EasyJet a fait repeindre une partie de sa flotte avec une peinture ultra légère ne nécessitant plus de nombreuses couches et permettant l’économie de 1300 tonnes de carburant. Cette même compagnie EasyJet a aussi une politique tarifaire pour les bagages et qui consiste à faire payer plus au-delà d’un certain poids et taille. « Voyager léger », c’est le slogan.

Plus sérieux, la fabrication additive des pièces complexes en composite et le remplacement des polymères thermodurcissables par des thermoplastiques recyclables et surtout permettant de souder ces pièces en évitant l’usage de rivets en métal est un progrès. Le couplage de ces nouvelles méthodes de fabrication permettrait encore une réduction supplémentaire de 6% de la consommation.

Les moteurs

On est assez loin pour l’aviation civile du moteur à pistons et à hélice. L’essentiel des flottes long courrier est équipée de turboréacteurs dont les dimensions ont progressé avec leur puissance. Le leader de la construction de ces moteurs est un franco-américain GE Aviation/Safran qui équipe la plupart des nouveaux avions de ligne Airbus et Boeing (4). Ces moteurs comprennent une soufflante qui comprime l’air à l’avant d’une turbine de combustion avec des pales tournant à très haute température (1200°C) en alliages spéciaux et bientôt en CMC (composites céramiques). Les moteurs CFM 56 des Boeing 747 ont été remplacés par les moteurs LEAP pour l’A320 et Boeing737 permettant d’économiser 25% de carburant. Le dernier, le CFM Rise qui sera opérationnel en 2030, comporte déjà de nombreuses pièces fabriquées en 3D, des pales de soufflantes en composites carbone et des aubes de turbines en céramiques composites. Il sera révolutionnaire dans la mesure où les pales de la soufflante ne seront plus carénées et apparaîtront comme des hélices en avant du turboréacteur. Il devrait permettre un meilleur rendement capable d’économiser encore 20% de plus.

Si sur un gros 747, on estimait par passager la consommation à 3 L/100 km sur un A320 à environ 2,8 L/100 km et sur un A350 à 2,5 L/100 km dans les futurs avions avec le nouveau moteur CFM Rise on devrait être aux environs de 2 L/100 km dépendant bien sûr de la taille de l’avion et du nombre de passagers. Safran Electrical & Power vient en février d’obtenir la certification par l’EASA de son moteur électrique ENGINeUS 100 qui est un concentré d’innovation avec l’électronique de puissance qui contrôle son fonctionnement. Autre atout, sa compacité : il affiche une puissance de 125 kW avec un rapport poids puissance de 5 kW/kg. Il est produit à Niort (79) et au Royaume-Uni à un rythme qui sera de 1000 unités par an et s’adapte bien à l’aviation légère 100% électrique pour 1 à 3 passagers, aux avions hybrides pour 19 passagers, etc. (5) Déjà plus de huit compagnies ont passé commande.

Les carburants alternatifs

Les carburants d’aviation durable (Sustainable Aviation Fuel, SAF) neutres en carbone, peuvent être produits suivant 4 grands procédés chimiques (6) :

  • les procédés oléochimiques de transformation des huiles végétales, animales, usagées ou non, par hydrogénation (HEFA)
  • les procédés biochimiques transformant le sucre en éthanol (ATJ)
  • les procédés thermochimiques par gazéification des déchets organiques et Fischer-Tropsch (FT)
  • les procédés synthétiques à partir de CO2 et hydrogène (Fischer-Tropsch ou méthanol)

Dans tous les cas les SAF doivent être certifiés par les organismes internationaux de normalisation ASTM pour une utilisation sûre dans le domaine aérien et par l’OACI.

Pour l’instant, en 2025 en France, la voie Fischer-Tropsch est étudiée par Elyse Energy à partir de déchets lignocellulosiques du bois et hydrogénation, la voie ATJ à partir du sucre et de cellulose par Futurol et Global Energy permet d’obtenir un SAF qui a été testé en mars par Safran Aircraft. Seul le procédé HEFA est arrivé au stade industriel notamment en Europe par les sociétés Neste et TotalEnergies. Avant que la bioraffinerie de Grand-Puits soit mise en service en 2025, TotalEnergies jongle sur plusieurs sites, avec la raffinerie de La Mède (13) où arrivent les graisses animales et huiles usagées. Elles y sont prétraitées puis hydrogénées grâce à l’hydrogène venant de l’unité de reformage voisine, puis passent dans l’unité d’isomérisation. Pour séparer le carburant pour l’aviation, il manque un étage de distillation à la Mède, donc le HVO part en Normandie à Oudalle (76) pour obtenir le SAF propre qui est ensuite envoyé à Bordeaux (33), d’où partent les citernes alimentant les aéroports. Ce SAF n'est pas encore complétement neutre en carbone car il y a encore 25% d’huiles végétales de colza et l’hydrogène n’est pas « vert » ! Justement l’hydrogène, me direz-vous ? (7) Pour l’instant le kilogramme d’hydrogène vert vaut à peu près 12 fois le prix du litre de kérosène et Airbus vient d’annoncer qu’il retarde la mise au point de son avion à l’hydrogène ZEROe, devant l’incertitude des infrastructures d’alimentation de ce carburant aux aéroports, c’est montrer que la propulsion aérienne à l’hydrogène n’est pas encore mûre. 

Conclusion

Les compagnies aériennes ont raison de dire que les objectifs de réduction des émissions ne seront pas tenus en 2050. Au-delà des annonces et des vols de démonstration, plus médiatiques qu’efficaces, les obstacles sont multiples. Même avec un taux d’incorporation des SAF de 6% en 2030, la production sera largement insuffisante, le procédé d’hydrogénation toujours nécessaire n’est pour l’instant pas nourri d’hydrogène issu de l’électrolyse de l’eau et d’électricité durable. Malgré les efforts d’Airbus et de Boeing, les nouveaux appareils sont livrés au compte-gouttes, empêchant les compagnies d’utiliser les dernières innovations économes en carburant et laissant vieillir leurs flottes. Contrairement à d’autres secteurs de la transition énergétique, l’aviation ne bénéficie pas de subventions mais au contraire de nouvelles taxes frappent le transport aérien.

Devant les doutes sur les ressources et la collecte des millions de tonnes de déchets lipidiques et de biomasse, les investissements dans les filières de HVO (Hydrotreated Vegetable Oil) hésitent et l’engagement d’achat des compagnies aériennes manque. Devant ce cercle vicieux, des experts thermodynamiciens soulignent de plus que la collecte, le prétraitement, l’électrolyse de l’eau, la demande d’énergie pour le raffinage, sont loin d’être négligeables et qu’il conviendrait de faire le bilan carbone de ces SAF. Alors que faire ? Avant de prendre l’avion, faites donc un régime pour maigrir, prenez un petit baluchon très léger, assurez-vous de l’âge récent de l’appareil, sinon prenez le TGV, bien sûr pour New-York ça prendra du temps !

Jean-Claude Bernier
Avril 2025

Pour en savoir plus
(1) Hydrogène, optimisation énergétique et sobriété : l’avenir de l’aviation, P. Labarbe, Fiche Chimie et… en fiches lycées (Mediachimie.org)

(2) Dernières avancées dans les alliages d’aluminium pour applications aéronautiques, T. Warner, colloque Chimie, aéronautique et espace, Fondation de la Maison de la Chimie (novembre 2017)

(3) Les nouveaux matériaux composites pour l’aéronautique, V. Aerts, colloque Chimie, aéronautique et espace, Fondation de la Maison de la Chimie (novembre 2017)

(4) La combustion et les défis de la propulsion aéronautique et spatiale, S. Candel, Colloque Chimie et transports, Fondation de la Maison de la Chimie (avril 2013)

(5) La chimie s’envoie en l’air, J.-C. Bernier, L’Actualité chimique n° 424 (décembre 2017)

(6) La chimie, une solution pour l’avion de demain ?, A. Charles, N. Baffier et J.-C. Bernier, fiche Chimie et… en fiches cycle 4 (Mediachimie.org)

(7) Allons-nous voler à l’hydrogène ? L’évolution du transport aérien, J.-C. Bernier et F. Brénon, éditorial juillet 2021 (Mediachimie.org)
 

Crédit illustration : Niklas Jeromin / Pexels, libre d'utilisation