La chimie thérapeutique a pour mission la découverte de nouveaux médicaments. Mais de la molécule au médicament la route est longue - de 10 à 15 ans -,  périlleuse - 95 à 99% d’échecs -  et coûteuse - de l’ordre du milliard d’euros -. Le dialogue doit être constant entre les chimistes, les biologistes, les physiciens, les cliniciens et les industriels de la santé.La chimie est une discipline précieuse pour comprendre les mécanismes biologiques. Le couplage de la compréhension des mécanismes cellulaires avec une véritable ingénierie moléculaire a permis des progrès spectaculaires pour améliorer le traitement des maladies sévères. L’innovation est difficile dans ce domaine et fait appel à de nouvelles voies telles que la génomique, l’extension du recours aux biomolécules naturelles, notamment celles présentes dans les systèmes vivants, et l’approfondissement de nouvelles méthodes de recherche (méthodes de calcul prédictives, chimie combinatoire…).

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Mots-clés : nanomédicament, nanovecteurs, nanosystèmes, théranostique, multimédicaments

De nombreux médicaments ou candidats médicaments présentent des caractéristiques physicochimiques peu favorables au passage des barrières biologiques qui séparent le site d’administration du site de l’action pharmacologique. Ces barrières mécaniques, physicochimiques ou enzymatiques réduisent l’accès des principes actifs vers la cible biologique et provoquent des déperditions importantes de molécules actives vers d’autres tissus générant ainsi des effets toxiques parfois rédhibitoires. Ces problèmes peuvent être résolus par l’utilisation de nano-objets, d’une taille de quelques dizaines à quelques centaines de nanomètres, capables d’encapsuler les molécules pharmacologiquement actives.

C’est pour toutes ces raisons que le développement de nanomédicaments a pris un essor considérable au cours des dernières années. S’appuyant sur de nouveaux concepts physicochimiques et sur le développement de nouveaux matériaux, la recherche galénique a permis d’imaginer des systèmes sub-microniques d’administration, éventuellement fonctionnalisés par des ligands spécifiques, capables : (i) de protéger la molécule active de la dégradation et (ii) d’en contrôler la libération dans le temps et dans l’espace. En associant un principe actif à un nanovecteur, le franchissement de certaines barrières peut aussi être facilité, le métabolisme et l’élimination du médicament freinés et sa distribution modifiée pour l'amener à son site d'action.

Les progrès réalisés dans le domaine de la conception de matériaux « intelligents » permettent enfin de préparer des nanosystèmes capables de libérer le principe actif en réponse à un stimulus endogène ou exogène : modification de pH, de force ionique, variation de température ou application d’un champ magnétique extracorporel, d’ultrasons ou de photons. Il est également possible de concevoir des nanomédicaments dotés d’une double fonctionnalité thérapeutique et diagnostique (imagerie), par exemple, en rajoutant dans le cœur du nanovecteur un agent d’imagerie (gadolinium, particules ultrafines d’oxyde de fer etc.). Cette approche dite de « théranostique » ouvre la voie à une médecine plus personnalisée. Enfin, le concept de nanoparticules « multimédicaments » associe dans le même nanovecteur plusieurs molécules ayant une activité pharmacologique sur des cibles biologiques différentes mais complémentaires.

Ces concepts seront illustrés par trois exemples de nanovecteurs développés dans le laboratoire.

Vidéo de la conférence (durée 51:34)
Retrouvez ici toutes les vidéos de ce colloque. Possibilité de les télécharger.

Auteur(s) : Patrick Couvreur
Source : Colloque Chimie et biologie de synthèse, 14 février 2018, Fondation de la Maison de la chimie
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Mots-clés : CRISPR, bactérie, antibiotiques, biologie de synthèse

Les bactéries subissent les attaques permanentes de bactériophages ou phages. En retour, elles ont développé une impressionnante diversité de systèmes immunitaires pour résister à ces infections. Les CRISPR sont le système immunitaire adaptatif des procaryotes. Ils sont capables de mémoriser les infections passées en capturant des fragments d'ADN de phage puis d'utiliser cette mémoire pour détruire les séquences homologues grâce à l'action de nucléases (Cas) guidées par des petits ARN. Ces nucléases programmables sont au cœur de nombreuses applications technologiques, y compris pour la modification des génomes et le contrôle de l'expression génétique.
 

Guider les nucléases Cas pour couper le chromosome tue les bactéries de manière efficace. Cette propriété est utilisée pour développer des antibactériens spécifiques capables de cibler les gènes de virulence et de résistance aux antibiotiques.

Une autre application fascinante des systèmes CRISPR est l’utilisation du mutant catalytique de la protéine Cas9, connu sous le nom de dCas9. Cette protéine guidée par un petit ARN est capable de s’attacher à une séquence d’ADN cible sans la cliver et peu ainsi bloquer l’expression de gènes cibles de manière très efficace. Les mécanismes permettant de contrôler ainsi l’expression génétique de manière très fine sont étudiés et des méthodes permettant la réalisation de cribles à haut débits sont développés pour l’étude des génomes.

Vidéo de la conférence (durée 29:18)
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Auteur(s) : D'après la conférence de David Bikard
Source : Colloque Chimie et biologie de synthèse, 14 février 2018, Fondation de la Maison de la chimie
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Mots-clés : épigénétique, inhibiteurs, interactions ADN-protéines, méthylation de l’ADN et des histones

Toutes les cellules de notre corps ont la même séquence d'ADN, cependant une cellule de neurone diffère d'une cellule de foie. Ainsi, bien qu’ayant le même ADN, les cellules ne lisent pas les mêmes séquences. Elles ont reçu le même livret d'instructions, mais ne lisent pas les mêmes chapitres !

Les modifications épigénétiques participent à indiquer à la cellule quels chapitres lire et donc quel gène exprimer. Principalement, l’épigénétique est constituée des modifications chimiques de l’ADN et des histones qui régulent l’accès à l’information génétique.

Les anomalies du profil épigénétique sont impliquées dans l'initiation et la progression du cancer, ainsi en les modifiant chimiquement il est possible de reprogrammer les cellules cancéreuses vers un état moins agressif. La méthylation de l’ADN est une modification épigénétique qui est dérégulée dans les tumeurs. Deux inhibiteurs ciblant cette méthylation sont actuellement utilisés en clinique pour traiter des leucémies.

Plusieurs stratégies chimiques pour développer de nouveaux inhibiteurs de la méthylation de l’ADN et des histones qui sont capables de déméthyler les promoteurs de gènes suppresseurs de tumeurs dans les cellules cancéreuses et réactiver leur expression sont présentées.

Vidéo de la conférence (durée 27:05)
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Auteur(s) : Paola Arimondo, Maria Lopez et Ludovic Halby
Source : Colloque Chimie et biologie de synthèse, 14 février 2018, Fondation de la Maison de la chimie
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Mots-clés : cancers, antivasculaires, pharmacochimie, molécules duales

La combrétastatine A-4 (CA-4), molécule naturelle isolée d’un saule d’Afrique du sud, est le chef de file des agents antivasculaires, détruisant sélectivement le réseau vasculaire tumoral et conduisant à une nécrose ischémique d’une tumeur solide. Sa prodrogue, la fosbrétabuline (CA-4P, First-in-class) pour le traitement de tumeurs neuro-endocrines et des glioblastomes multiformes, malgré un intérêt thérapeutique certain, souffre d’une instabilité chimique et d’effets indésirables dont une cardiotoxicité.

La conception d’agents antivasculaires stables et plus efficaces a permis d’identifier les isocombrétastatines, dont le chef de file est l’isoCA-4.2 Cette molécule, aux propriétés antivasculaires avérées, présente un profil biologique rigoureusement identique à celui de la molécule naturelle (CA-4) sans toutefois présenter le risque d’isomérisation. La preuve de concept de son efficacité antitumorale in vivo en monothérapie et en combinaison avec un agent cytotoxique a été démontrée. À ce titre, l’équipe a été lauréate du label « Équipe Labellisée 2014 » par la Ligue contre le cancer et d’un prix de valorisation de l’Université Paris-Sud.

Un travail important de chimie – pharmacochimie – biologie a été réalisé. La chimie de dérivés N-tosylhydrazones4 s’est révélée être un outil puissant et éco-compatible pour la synthèse des molécules cibles. Cette présentation décrit les outils organométalliques développés, l’évaluation biologique des molécules synthétisées et les perspectives qu’ouvre ce programme multidisciplinaire dans le cadre de thérapies moléculaires ciblées en mettant en évidence des profils (bio)moléculaires inédits.

Vidéo de la conférence (durée 35:52)
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Auteur(s) : Mouad Alami
Source : Colloque Chimie et biologie de synthèse, 14 février 2018, Fondation de la Maison de la chimie
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Mots-clés : microalgues, biomasse, photosynthèse, énergie, lipides, biocarburants, ophtalmologie

Dans les océans, la fixation du carbone par le phytoplancton joue un rôle clé dans le cycle géochimique du carbone. La biodiversité des organismes photosynthétiques est considérable à partir des microalgues du plancton. Celles-ci, présentes sur la Terre depuis plus de quatre millions d’années, jouent un rôle important dans la chaîne alimentaire au sein des mers. Certaines microalgues sont eucaryotes, c’est-à-dire qu’elles possèdent des cellules à un seul noyau. D’autres, les cyanobactéries, sont dites procaryotes avec la caractéristique de ne pas posséder de noyau cellulaire.

Les molécules de chlorophylle, contenues dans les chloroplastes de la cellule végétale des microalgues, produisent par photosynthèse, avec le dioxyde de carbone de l’air et de la lumière, du dioxygène et de la biomasse : pour de 1 kg de microalgues et 1,6 kg de CO2 consommés, on obtient 0,6 kg de biomasse (matière organique, ici d’origine végétale, source potentielle d'énergie) [1] [2].

Les microalgues sont constituées de trois familles de grandes macromolécules : des protéines, des polysaccharides (sucres) et des lipides (graisses). Pour augmenter le pourcentage de lipides, on cultive des microalgues. En particulier, lorsqu’elles sont soumises à des conditions de « stress » en les privant d’éléments nutritifs (azote par exemple), elles accumulent de l’amidon (chaînes de polysaccharides) mais surtout des lipides jusqu’à plus de 60 % de leur masse [3].

Valorisation pour produire des biocarburants

Des prototypes industriels sont réalisés. Pour cela on introduit le dioxyde de carbone dans un réacteur (2500 litres) tubulaire en zigzag ou hélicoïdal (550 m) dans une bouillie aqueuse de microalgues (25 kg), en présence d’une source de lumière [4]. Il existe aussi des réacteurs sous forme de bassins, appelés raceway en anglais par analogie aux champs de course [6].

On obtient du dihydrogène (appelé bio-hydrogène), des alcanes (appelé biokérosène), de l’amidon (qui conduira au bioéthanol) et des lipides (qui conduiront au biodiesel). Ce procédé industriel nécessite un contrôle précis de la quantité de CO2, de l’intensité lumineuse, de la température, du pH… [5]

Pour extraire les huiles ainsi produites il faut des bassins de floculation, des unités de séchage sous pression, des opérations de centrifugation et des unités d’extraction par sonication (utilisation d’ultrasons) ou par dioxyde de carbone supercritique. Cela explique que le procédé ne soit pas encore opérationnel industriellement et fasse l’objet de nombreux développements [6].

Un autre domaine de valorisation concerne l’ophtalmologie

Ainsi, par exemple, à la base des flagelles des cellules de certaines variétés de microalgues on peut déceler un « œil » qui est composé d’une substance de type carotène comme la rhodopsine. Celle-ci tapisse la rétine de l’œil et absorbe les photons par fermeture des canaux ioniques des ions sodium et calcium qui restent ouverts dans l’obscurité [7].

Par ailleurs, certaines microalgues, telles que Porphyridium cruentum, apportent une autre variété de caroténoïde : la zéaxanthine. Ce composé existe aussi dans la rétine et est responsable de la vision des couleurs ! Mais cette substance se dégrade dans le temps et est responsable de la DMLA (dégénérescence maculaire de la rétine). Il faut savoir qu’une personne sur quatre âgées de plus de 75 ans va en être affectée [4].

La thérapie optogénétique consiste à insérer dans la membrane des algues unicellulaires des gènes codant pour une protéine photosensible des neurones de la rétine [7].

 

Pour approfondir et illustrer ce sujet

[1] « Les microalgues : pour quoi faire ? » conférence et article de Jack Legrand, Chimie et changement climatique, pp. 223-237, EDP Sciences (2016), ISBN : 978-2-7598-2035-1

[2] « Le dioxyde de carbone, la molécule-clé de la chimie du développement durable », Jacques Amouroux et al., La chimie et la nature, pp. 209-229, EDP Sciences (2012), ISBN : 978-2-7598-0754-3

[3] « Des microalgues pour la production de biocarburants de Fred Beisson et al., Clefs CEA, n° 61 (2013) pp. 49-52

[4] « Dioxyde de carbone et microalgues : pour une chimie renouvelable, conférence et article de Claude Gudin, Chimie et enjeux énergétiques, pp. 253-264, EDP Sciences (2012), ISBN : 978-2-7598-0973-8

[5] « Ça roule avec les algues », Les Savanturiers, n°15 (février 2016) p. 2

[6] « Les algocarburants, de nouveaux diesels miracles ? » de Jean-Claude Bernier, L’Actualité Chimique, n°375-376 (juillet-août 2013) p. 8

[7] « Faire revoir un aveugle avec le système photosensible d’une algue : bientôt une réalité ? », conférence et article de Serge Picaud, La chimie et les sens, EDP Sciences (2017), ISBN : 978-2-7598-2173-0
 

  
Illustration de la photosynthèse
 

Auteur(s) : Jean-Pierre Foulon
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Mots-clés : hydrodistillation, huile essentielle, eau, non miscibilité, extraction, expérience, travaux pratiques, montage

Comment extraire un composé organique, insoluble dans l’eau et piégé dans une substance végétale, comme des fleurs, des feuilles, des écorces ou des graines : par hydrodistillation. La majeure partie des huiles essentielles à usage médical ou de parfums est obtenue par cette technique.

Sur l’exemple de l’extraction du principe actif contenu dans la feuille de gaulthérie, cette vidéo présente le matériel, le montage à réaliser au laboratoire ainsi que les conditions de sécurité à respecter.

Cette vidéo sera utile aux élèves des classes scientifiques des lycées et aux étudiants de 1er cycle de l’enseignement supérieur.
 

Auteur(s) : Auteur : Raphaël Blareau en collaboration avec Françoise Brénon pour Mediachimie. Production : Association LABOXYGENE, Fondation de la Maison de la chimie
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Auteur(s) : Céline Delbecque et Antoine Piel (École de Journalisme de Sciences Po, finalistes du Grand Prix des Jeunes Journalistes de la Chimie 2018)
Source : Grand Prix Jeunes Journalistes de la Chimie 2018
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Mots-clés : nanomédicament, nanovecteurs, nanosystèmes, pharmacochimie

Rencontre très pédagogique avec Patrick Couvreur et les chercheurs du laboratoire de recherche à l’origine de ces nouveaux médicaments, pour comprendre comment la chimie permet d’encapsuler les principes actifs dans des molécules nanovecteurs pour délivrer le médicament spécifiquement au niveau de la cellule malade.

Cette technologie améliore l’activité thérapeutique et diminue la toxicité. Elle est particulièrement intéressante pour les médicaments anticancéreux. La vidéo permet de suivre les principales étapes de la fabrication en laboratoire.

Auteur(s) : Réalisation : François Demerliac ; Production : Fondation de la Maison de la Chimie / Virtuel
Source : Clins d'oeil de la Fondation Internationale de la Maison de la Chimie
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Mots-clés : cancer, chimiothérapie, agents de liaison clivables ou non clivables

Depuis les années 2000, l’utilisation de molécules cytotoxiques cent à mille fois plus puissantes que les molécules de chimiothérapie classique conjuguées à des anticorps utilisés comme agent de ciblage des cellules cancéreuses a conduit à une nouvelle classe thérapeutique : les immunoconjugués.

Les immunoconjugués sont des prodrogues obtenues par liaison covalente entre une molécule cytotoxique et un anticorps via un agent de liaison chimique. Deux exemples d’immunoconjugués commerciaux sont proposés : un pour le traitement du lymphome de Hodgkin et l’autre pour le cancer du sein. La conception chimique des prodrogues est un problème chimique essentiel.

Les immunoconjugués en oncologie (lien externe)

Auteur(s) : Laurence Gauzy-Lazo
Source : L'Actualité chimique n° 413 (décembre 2016) pp. 63-64
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La nouvelle technologie d’édition du génome appelée CRISPR-Cas9 révolutionne par ses applications le monde de la manipulation génétique. Ces deux étudiants en journalisme, finalistes du grand prix des jeunes journalistes de la chimie 2017, montrent magistralement que la vraie nouveauté de cette technologie réside dans sa simplicité, son efficacité et son faible coût.

Les reportages écrits et vidéos se distinguent par la qualité pédagogique de la vulgarisation scientifique, très bien documentée et d’un niveau accessible à tous malgré la complexité du sujet. Les reportages font le point sur les derniers résultats scientifiques des experts compétents et n’évitent pas les problèmes d’éthiques.

Le reportage vidéo est une excellente animation expliquant le principe de la technologie CRISPR-Cas9, complétée par une mise en œuvre expérimentale pleine d’humour, dans une « cuisine » mais néanmoins réussie et réalisée de façon propre et rigoureuse. Le résultat est pédagogiquement très bon et de plus amusant.

 

Auteur(s) : Selim Chtayti et Arthur Carpentier (Centre de formation des journalistes de Paris, finalistes du Grand Prix des Jeunes Journalistes de la Chimie 2017)
Source : Grand Prix Jeunes Journalistes de la Chimie 2017
Mots-clés : CRISPR-CAS9, manipulations génétiques, ciseaux moléculaires
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