Mediachimie | Au secours ! Le naturel revient au galop

Date de publication : Mardi 20 Juin 2017
Rubrique(s) : Éditorial

Les chaînes de télévision françaises peuvent-elles être accusées de mise en danger d’autrui ? Plusieurs dermatologues l’auraient bien voulu après les émissions de début juin, dont un journal télévisé, commentant un numéro spécial d’une publication bien connue des consommateurs sur les produits cosmétiques. Les journalistes de France 2 et de France 3 dans leur élan « politiquement correct » vantaient le « do it yourself » bio avec les produits naturels rejoignant la mode du « home made » venant des États-Unis et la croyance que toute substance venant de la nature est bénéfique pour la santé.

Cette mode des produits naturels oppose le naturel à l’artificiel, le bio à la chimie. Mais qu’est-ce qu’un produit naturel et qu’est-ce qu’un produit artificiel ? Tous deux possèdent le produit actif qui soigne dans un médicament ou protège dans un cosmétique.

Pour survivre, la plante ou l’arbre ont développé une machinerie moléculaire (1) pour résister au froid ou la chaleur et sélectionné des toxines pour leur défense et une chimie de photosynthèse pour se nourrir. Le principe actif est alors mélangé à des milliers d’autres molécules et il est difficile de le « pêcher », de l’isoler et de le caractériser. La chimie par synthèse ou hémisynthèse (2) fait réagir un nombre limité de réactifs. Elle dispose de moyens analytiques performants qui lui permettent d’isoler un produit actif avec le minimum d’impuretés et bien caractérisé.

Le second point important pour l’application du principe actif (3) est la dose, sa quantité et sa fréquence d’application. Il est indispensable d’avoir une parfaite maîtrise de la pureté du produit administré et de la méthodologie de son dosage. Ce qui fait la différence entre un médicament et le poison, c’est « la dose » ! (4)

Les exemples des huiles essentielles (HE) qui sont très à la mode sont édifiants. Très concentrées elles sont souvent un cocktail de molécules pas toujours bienfaisantes. Sont considérées comme toxiques les huiles essentielles de sauge, d’hysope, de thym, d’eucalyptus et de camphre. L’huile essentielle de cannelle, riche en thymol, attaque le foie et l’intestin, une goutte tue un chat ! Les centres anti-poison et de santé relèvent chaque année des intoxications dues aux végétaux, des eczémas de contact, des dermites par irritations ou allergies et des phototoxicités (5). Ce qui est en cause dans la fabrication et la formulation des « crèmes», c’est à la fois la chaîne d’approvisionnement des produits et la mauvaise conservation.
L’industrie des cosmétiques et des parfums dispose de moyens analytiques (6) et technologiques de synthèse et de séparation de molécules par extraction, distillation, entraînement par micro-fluidique… Contrôlés par les DREAL (Direction Régionale de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement), les fabricants disposent de moyens analytiques les plus modernes et d’un contrôle qualité rigoureux. L’innovation (7) et la recherche sont actives (8), par exemple sur la micro-encapsulation, les bioactifs en liaison avec le microbiote de la peau, les parfums sans alcool… (9). On est loin du coin cuisine individuel et des conseils hasardeux.

Jean-Claude Bernier
Juin 2017

Quelques ressources pour en savoir plus :

(1) L’analyse végétale depuis le XVIe siècle
(2) Les produits phytopharmaceutiques pour une alimentation de qualité pour tous
(3) Chimie et santé : risques et bienfaits
(4) Chimie et poisons
(5) L’aventure des produits inoffensifs : une approche pionnière de la sécurité en cosmétique
(6) Techniques analytiques et chimie de l’environnement
(7) Vision d’avenir de l’industrie dans le domaine des parfums, arômes, senteurs et saveurs
(8) Nouveaux actifs et nouveaux ingrédients
(9) La chimie au cœur de l’innovation en parfumerie-cosmétique : le contexte économique et réglementaire et les défis de la recherche