Page précédente
Mots-clés : vitrail, verre, silice, fondant, colorant, oxyde métallique, dégradation

Le verre est un matériau amorphe constitué essentiellement de silice, donc non cristallin, et correspond en quelque sorte à un liquide figé. Il est homogène à l’œil nu, mais des observations avec les spectroscopies UV-Visible et Raman, mais aussi par microscopie optique à balayage ou par spectroscopie de masse à plasma, montrent qu’il s’agit d’enchainements de tétraèdres silicates SiO4 reliés par des ponts Si-O-Si [1].

Les sources de silice sont le sable ou des galets de quartz des rivières.

La silice a un haut point de fusion (1720 °C) et est mélangée avec des fondants (pour travailler à des températures voisines de 1200 °C) soit de type minéral comme le natron [2] (carbonate de sodium hydraté : Na2CO3, 10 H2O) ou l’oxyde de plomb (cristal), soit de type végétal avec des cendres de plantes. Au IXe siècle, les difficultés d’approvisionnement en soude (NaOH) au Moyen-Orient conduisirent au remplacement du fondant sodique minéral (natron), verre dit romain, par des cendres sodiques ou potassiques d’origine littorale, telles que les salicornes et même les algues, ou d’origine forestière telles que les fougères, les chênes etc... Mais plus tard la production de soude par le procédé Leblanc au XVIIIe siècle permit à la production verrière à base de sodium de se développer à nouveau. Ainsi on peut analyser facilement les éléments constitutifs d’un vitrail, ce qui permet d’identifier les parties médiévales sans ambigüité, notamment par les signatures des spectres Raman simples qui sont facilement réalisés avec la miniaturisation des appareils devenus portables et utilisés sur site [3].

Dans les vitraux on ajoute des colorants qui sont des sels métalliques ou des oxydes d’éléments de transition dont la couleur dépend du métal mais aussi de son degré d’oxydation [4] : Cu2+ turquoise, Fe3+ jaunâtre, Fe2+ bleuâtre, Mn3+ aubergine, Co2+ bleu, mais aussi des nanoparticules de Cu (rouge), uranyle UO2+ (jaune-vert fluorescent), Ag (jaune), CdS (jaune), CdSe (rouge).

On utilise aussi des opacifiants comme des oxydes ou des sels d’étain, d’antimoine, de calcium, d’arsenic ou de cuivre.

À titre d’exemple la composition d’un vitrail de la cathédrale de Tours est :

SiO2K2OCaONa2OMgOAl2O3MnOP2O5
53 %16 %14 %2 %2 %1 %7 %5 %

La France possède la plus grande surface de vitraux dans le monde : 100.000 m2 !

Au fil du temps, la transparence des vitraux peut être diminuée par des dépôts de sels de calcium (carbonate et sulfate principalement). Les premiers travaux de restauration des vitraux sont dus à Chevreul (années 1860) qui proposait des procédés mécaniques de lavage successifs à la soude, l’acide chlorhydrique et l’eau. Ainsi, par exemple sur les vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui présentaient des dépôts de sulfate de calcium provenant sans doute du plâtre des habitations et du gypse très présent dans le sous-sol de la région parisienne ! [5]

Au cours des dernières années, les études ont montré que la dégradation des vitraux était due à la lixiviation avec échange ionique entre les ions du verre et les agents atmosphériques ambiants. Par exemple, le brunissement observé sur des vitraux du Moyen Âge provient de l’oxydation des ions Mn2+ en Mn4+. L’origine du phénomène n’est pas encore totalement connue mais il est établi, par des analyses microbiologiques, que la présence de bactéries, plus particulièrement les ferrobactéries, permettent l’oxydation des cations Mn2+ par catalyse enzymatique [6].

 


La Cène - Vitrail de la cathédrale de Bourges. Photo : F. Brénon

 

Pour approfondir et illustrer ce sujet :

[1] Les verres mosaïqués : la palette de couleurs du verrier égyptien de Bernard Gratuze, site Mediachimie.org (vidéo/conférence), in Chimie et Alexandrie dans l’Antiquité, EDP Sciences (2020), pp. 165-196

[2] Comment faire des vitrages avec du sable ? La réaction de fusion du verre, Réaction en un clien d'oeil, site Mediachimie.org

[3] Le laboratoire mobile au chevet des œuvres d’art : quelques exemples de Philippe Colomban et Ludovic Bellot-Gurlet, L'Actualité Chimique n°418-419 (mai-Juin 2017) pp. 85-87

[4] L'art du verrier : des nanotechnologies depuis l'Antiquité ! » de Jean-Claude Lehmann, in La chimie et l’art, EDP Sciences (2010) pp. 207-220

[5] Deux interventions peu connues de Chevreul dans les Beaux-Arts de Josette Fournier, L'Actualité Chimique n°312-313 (octobre-novembre 2007) pp.112 -117

[6] Incidence bactérienne dans les phénomènes de brunissement des vitraux anciens de Geneviève Orial et coll., L'Actualité Chimique n°312-313 (octobre-novembre 2007) pp. 34-37

Auteur(s) : Jean-Pierre Foulon
Niveau de lecture : pour tous
Nature de la ressource : zoom sur...