Zoom sur les acides gras dans tous leurs états : saturés/insaturés, cis/trans, omega-3/omega-6/omega-9

De nombreux chimistes ont travaillé au cours du XVIIIe siècle sur la nature des corps gras, mais c’est M. E. Chevreul (1786-1889) qui a apporté les premières données claires sur cette classe de substances et il est à ce titre considéré comme le fondateur de la chimie des lipides. En 1803, à 17 ans, il entre dans le laboratoire de Nicolas Vauquelin au Muséum et il analyse différents composés naturels. En 1813, Vauquelin lui confie pour étude un savon de graisse de porc. Utilisant la réaction de saponification, Chevreul obtient un acide gras, l’acide stéarique qu’il nomme et caractérise (Fig. 1), ainsi que le glycérol. Par cette méthode, il analyse ensuite différentes graisses (beurre, graisse de mouton, d’homme, de chèvre…) et il obtient et nomme une série d’acides gras : les acides oléique (Fig. 2), butyrique, caproïque, caprique, caprylique, margarique…
Enfin, il explique la réaction de saponification, réaction chimique qui produit un alcool et un savon (ou sel d’acide gras) à partir d'un corps gras et d'une base forte (soude ou potasse). Ses travaux sur les graisses animales ont duré jusqu’en 1823. À la même époque (1813), il isole à partir de calculs biliaires humains un composé nouveau, insaponifiable, qu’il caractérise et nomme cholestérine (c’est le cholestérol).
Nature des acides gras
Les acides gras sont des molécules constituées d’une chaîne linéaire d’atomes de carbone portant des atomes d’hydrogène (-CH2-), dont l’une des extrémités est un groupement acide carboxylique (-COOH) et l’autre généralement un méthyle (-CH3). Ils peuvent comporter des insaturations (doubles liaisons) qui sont de configuration cis (Fig. 2) si les deux atomes d’hydrogène de la double liaison sont du même côté de la chaîne carbonée. S’ils sont de part et d’autre de cette chaîne, la double liaison est nommée trans (Fig. 3). La conversion d’un isomère cis en isomère trans augmente la température à laquelle l’acide gras devient liquide : cette augmentation du point de fusion est due à un arrangement plus régulier des molécules trans entre elles.
Figure 1 : acide stéarique C18H36O2 linéaire saturé
Figure 2 : acide oléique C18H34O2, CH3-(CH2)7-CH=CH-(CH2)7-COOH insaturé avec une double liaison cis
Figure 3 : doubles liaisons trans (A) et cis (B)
Les triglycérides
Lorsque trois molécules d’acides gras (identiques ou différentes) s’assemblent avec une molécule de glycérol on obtient un triester d’acides gras nommé de façon générique triglycéride. Cela correspond à la réaction d’estérification (Fig. 4). Les triglycérides sont une source d’énergie pour les organismes. On les trouve principalement dans les tissus adipeux.
Figure 4 : écriture de la réaction de synthèse d’un triglycéride (Source R. Blareau, Vidéo La chimie du chocolat)
La variété des acides gras
Constituants essentiels des cellules, il en existe de multiples variétés, selon la longueur des chaînes, la présence et le nombre d’insaturations (doubles liaisons), la stéréochimie. Ils peuvent être saturés, c’est-à-dire sans double liaison, ou être insaturés, c’est-à-dire comporter une ou plusieurs doubles liaisons.
Acides gras saturés
Ces structures « linéaires » comportent un groupement acide carboxylique numéroté 1, suivi d’un certain nombre de -CH2- et se terminent par un –CH3. Des exemples classiques sont les acides, butyrique (isolé du beurre) à 4 carbones (H3C-CH2-CH2-COOH), palmitique (issu de l’huile de palme) à 16 carbones et stéarique à 18 carbones (Fig. 1).
La chaîne carbonée peut contenir de 4 à 28 atomes de carbone (parfois un peu plus) et toujours en nombre pair car ils sont biosynthétisés à partir de l’acide acétique (CH3-COOH) qui comporte deux atomes de carbone.
Un acide gras saturé, donc sans double liaison, forme des structures quasi rectilignes dont l’assemblage lui donne peu de souplesse. Ils ont tendance à cristalliser à température ambiante.
Acides gras insaturés
Ils ont une ou plusieurs doubles liaisons. Comme dit précédemment, elles sont de configuration « cis » ou « trans » (Fig. 3).
Un acide gras avec une ou plusieurs doubles liaisons trans a une structure étendue (« rectiligne ») similaire aux acides gras saturés c’est-à-dire linéaire et globalement peu souple.
En revanche une double liaison cis impose un angle dans la structure de l’acide gras, créant un coude dans la chaîne carbonée, ce qui induit du désordre dans leur assemblage et donc lui donne de la flexibilité comme c’est le cas avec l’acide oléique (Fig. 2).
Dans la nature, les doubles liaisons des acides gras insaturés ont très majoritairement une configuration cis. Les huiles végétales sont en général riches en acides gras insaturés cis, notamment celles de colza, de maïs et d'olive.
Les principales sources naturelles d'acides gras insaturés trans sont les produits laitiers, les graisses de bœuf et de mouton. Mais ils sont également produits industriellement par hydrogénation partielle de diverses huiles végétales et se retrouvent ainsi dans de nombreux produits industriels tels que pains, sandwichs, gâteaux, viennoiseries, pâte à pizza…
Nomenclature des acides gras insaturés cis, oméga(ω)-3, -6 et -9
Cette nomenclature caractérise des acides gras insaturés, comportant une ou plusieurs doubles liaisons où la position de la 1re insaturation est numérotée en partant du groupe CH3, donc du côté opposé au groupe acide (Fig. 5). Ce groupe CH3 est considéré comme en position oméga (c’est-à-dire terminale, oméga étant la dernière lettre de l’alphabet grec). Ainsi, ces acides ne sont donc pas numérotés à partir du groupe -COOH comme habituellement en nomenclature, mais à partir du méthyle terminal. Dans cette notation inversée on rencontre les positions ω-3, ω-6 ou ω-9 (Fig. 5).
Figure 5 : numérotation des atomes portant les doubles liaisons des acides gras insaturés
Ces acides gras sont ainsi classés en familles : oméga-3, oméga-6 et oméga-9.
Exemples :
- l’acide oléique est un acide monoinsaturé cis oméga 9 (Fig. 2) ;
- l’acide linoléique est un acide polyinsaturé cis oméga 6 (Fig. 6).
Figure 6 : acide linoléique
L’acide alpha-linolénique est un acide polyinsaturé cis oméga 3 (Fig. 7).
Figure 7 : acide alpha-linolénique
Les acides gras polyinsaturés, oméga-3 et -6, n’existent pas naturellement dans l’organisme et doivent être apportés quotidiennement par l’alimentation : de ce fait, ils sont dits essentiels.
Les acides gras monoinsaturés oméga-9 ne sont pas essentiels car, si on les trouve dans l’alimentation, l’organisme en produit également.
Les acides gras saturés ne sont pas essentiels mais sont utiles.
Pour en savoir plus
(1) Chimie, biologie, métabolisme, le trio gagnant pour comprendre la nutrition, conférence par Jean-Michel Lecerf, Colloque Chimie et alimentation (février 2025)
(2) Acide gras, Wikipedia
(3) Zoom sur les sources des acides gras et leurs effets sur la santé, B. Bodo et F. Brénon, Mediachimie.org
(4) [Quiz] Chimie du vivant - 2 - Les lipides, un quiz pour se tester sur Mediachimie.org
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