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Un prix Nobel de Physique avec un petit parfum chimique

Le prix Nobel de Physique 2023 a été décerné à trois chercheurs Anne L’Huillier, franco-suédoise, professeur à l’université de Lund, Pierre Agostini, professeur émérite à l’université d’Ohio et Ferenc Krausz du Max Planck
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Le prix Nobel de Physique 2023 a été décerné à trois chercheurs Anne L’Huillier, franco-suédoise, professeur à l’université de Lund, Pierre Agostini, professeur émérite à l’université d’Ohio et Ferenc Krausz du Max Planck Institute de Garching. Les deux premiers lauréats d’origine française ont démarré leurs recherches au CEA à Saclay. Ils ont ouvert la voie aux spectroscopies ultrarapides pour traquer les électrons et les molécules (1) lors de réactions chimiques. Ils ont pratiquement réussi à traquer les électrons par arrêt sur image lors d’un « flash » d’une durée ultra courte de l’ordre d’une attoseconde qui est d’un milliardième de milliardième de seconde (10-18 s). Lorsque l’on sait que la vitesse des électrons libres autour du noyau de l’atome est proche de la vitesse de la lumière soit 300.000 km/s (3.105 km/s) soit 3.1011 mm/s ou encore 3.1017 nm/s, une séquence de 10-18 s permet donc de « photographier » un électron avec une résolution de moins d’un nanomètre. Nous avons tous vu les images qui décomposent le saut d’un danseur étoile lors d’un ballet, c’est une succession de photos prises par une caméra à défilement rapide d’environ un millième de seconde.

Peut-on faire la même chose pour décrire le parcours d’un électron ?

Les prix Nobel répondent oui à condition d’avoir un flash tous les 10-18 secondes. Ce fut la découverte en 1988 par Anne L’Huillier d’opérer avec un laser au xénon (2) et de constater qu’il va émettre de la lumière sous forme « de génération d’harmoniques d’ordre élevé » très courtes, c’est-à-dire des émissions faibles de très hautes fréquences. C’est Pierre Agostini qui trouva le moyen de produire et de mesurer ces impulsions laser ultra courtes au Laboratoire d’Optique Appliquée du CEA en 2001. Les mesures donnaient alors un temps de 250 attosecondes à ces impulsions. Ferenc Krausz à Vienne, à cette même époque, mesura aussi quelques centaines d’attosecondes à ces impulsions similaires.

Quelles applications sont alors possibles ?

En observant et en contrôlant la présence d’un électron dans un matériau dans une molécule il serait possible d’en changer son état ou ses propriétés. Déjà fin 2020 des chercheurs de Rennes utilisant un laser rayons X ultra rapide avec des impulsions de la femtoseconde (10-15 s) avaient pu observer un transfert d’électron entre le fer et le cobalt dans une molécule de « bleu de Prusse » mixte (FeCo)4[Fe(CN)6]3 qui en changeait les propriétés magnétiques.

Avec des impulsions mille fois plus courtes la précision de la position de l’électron doit encore être meilleure. On peut aussi avec ces impulsions ultra courtes savoir près de quel atome se trouve l’électron et sans violer le principe d’Heisenberg le transférer sur un autre pour par exemple transformer un diélectrique en semi-conducteur (3). On peut ainsi avec l’imagination rendre plus efficace certaines réactions chimiques ou catalytiques. Cette nouvelle forme de spectroscopie ultra précise pourrait être utilisée pour déceler les prémices d’un cancer sur un échantillon sanguin (4). Elle devrait aussi permettre de mieux étudier l’état électronique de molécules biologiques comme l’ADN.

Cette nouvelle physique des temps ultra courts nous ouvre un domaine encore inexploré celui des mouvements électroniques autour des atomes et des molécules (5) que de nombreux chimistes aimeraient maitriser avec des retombées immenses en recherche fondamentale et appliquée.

Jean-Claude Bernier
octobre 2023

 


Les mouvements des électrons dans les atomes et les molécules sont si rapides qu’ils sont mesurés en attosecondes. Une attoseconde est à une seconde ce qu'une seconde est à l’âge de l’univers. © Johan Jarnestad/The Royal Swedish Academy of Sciences.

 

Pour en savoir plus
(1) L’atome boite à électrons (video, La Physique Autrement)
(2) Nouvelles techniques d’imagerie laser, M. Blanchard-Desce, Colloque La Chimie et la santé, Fondation de la Maison de la chimie (2010)
(3) La chimie à la lumière du laser : un intérêt réciproque, S. Forget, conférence et article, Colloque Chimie et lumière, Fondation de la Maison de la chimie (2020)
(4) Nano-diagnostic (vidéo, Des idées plein la Tech)
(5) Voir l’infiniment petit : les outils pour le nanomonde (vidéo CEA)

 

Crédit : Pierre Agostini, Ferenc Krausz et Anne L'Huillier. Prix Nobel de Physique 2023. Ill. Niklas Elmehed © Nobel Prize Outreach.

 

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Le sport, c’est de la chimie

Cette année la Fête de la science, année préolympique oblige, est consacrée au sport. La Fondation de la Maison de la Chimie et Mediachimie.org ont déjà largement étoffé le sujet. Rappelons le colloque « La Chimie et le
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Cette année la Fête de la science, année préolympique oblige, est consacrée au sport. La Fondation de la Maison de la Chimie et Mediachimie.org ont déjà largement étoffé le sujet. Rappelons le colloque « La Chimie et le sport » de mars 2010 qui va être renouvelé et actualisé par le prochain colloque en février 2024 « Chimie et sports olympiques ». En effet, le sport par ses multiples facettes fait appel à la chimie. C’est d’abord dans notre corps avec tous nos systèmes biologiques, puis dans notre cerveau où des hormones sont libérées, le tout avec une alimentation équilibrée et sans dopage. Mais si les performances s’améliorent c’est aussi grâce aux nouveaux matériaux.

La machine biologique

Quand on a une activité sportive nos muscles ont besoin d’énergie (1) (2). Cette énergie est stockée et transportée dans nos cellules sous forme de molécules d’ATP (adénosine triphosphate) qui par hydrolyse va donner un phosphate inorganique Pi et l’ADP (adénosine diphosphate) avec surtout de l’énergie libérée utilisable par l’organisme. L’ATP nous est fournie à chaque fois que nous respirons par l’oxygène transporté dans nos milliards de cellules et par le glucose ou les acides gras qui viennent de notre alimentation et sont transformés en ATP. Nos muscles sont composés de fibres où se juxtaposent deux types de protéines, l’actine et la myosine. Lorsque le cerveau commande un mouvement, le message acheminé vers le muscle comporte l’ATP mais aussi des ions calcium qui vont agir sur ces deux protéines et commander la contraction ou le relâchement. Pour que notre corps marche bien pour pratiquer un sport retenons qu’il faut de l’oxygène et donc bien respirer et des sucres et des protéines, donc bien s’alimenter.

Le cerveau

Ces molécules ne sont pas seules motrices pour la pratique du sport, il y a aussi des hormones qui sont fabriquées dans le cerveau (3) surtout par deux glandes, l’hypophyse et l’hypothalamus. C’est par exemple l’endorphine qui donne une sensation de bien-être. Notons aussi que pour les grands champions qui dépassent leurs limites les endorphines comme toute morphine a une capacité analgésique qui masque la douleur d’un effort intense (4). Une autre hormone, la dopamine, procure une sensation de plaisir et diminue la fatigue. On voit souvent son action lorsqu’un grand champion a gagné une course : son bonheur efface un peu les séquelles de son effort final. N’oublions pas non plus l’adrénaline que procure toujours un challenge que l’on se donne : elle augmente notre résistance au stress. Enfin une dernière sécrétion, celle de la sérotonine qui a une action sur la détente et le sommeil. Ce sont évidemment des libérations exacerbées par des entrainements intenses de nos grands champion. Mais nous en bénéficions lorsque nous pratiquons à notre niveau (5) un sport, des molécules qui ont des effets bénéfiques sur notre santé mentale et notre santé tout court !

Les matériaux de la performance

Usain Bolt est recordman du 100 m grâce à ses capacités naturelles et à son entrainement, mais aussi grâce aux super-chaussures (6) avec au moins 4 couches : une semelle externe élastique avec des crampons légers, une semelle interne rigide en composite carbone – carbone, une couche de mousse polyester, une tige et un tissu qui maintiennent le pied en PTFE. Les records en demi-fond le doivent aussi aux nouvelles pistes d’athlétisme en polyuréthane disposant en sous-couches de granulés de caoutchouc ménageant de petites poches d’air. La piste absorbe l’énergie mais le renvoie au coureur avec un effet « trampolino ».

Si Armand Duplantis a franchi 6,23 mètres au saut à la perche en septembre, c’est bien sûr dû à ses aptitudes acrobatiques et à son entrainement, mais aussi à sa perche fabriquée en matériau composite (7) avec des fibres de carbone noyées dans des polyesters. S’il avait eu un bambou ou une perche en aluminium il aurait plafonné à 4 ou 5 mètres.

Oui l’entrainement est essentiel mais la chimie des matériaux booste les performances en athlétisme mais aussi en ski, en canoé kayak, en voile et en vélo.

Pour courir il faut de l’essence

Vous avez déjà entendu ces commentaires de reporters sportifs concernant un battu à l’arrivée : « oui il n’avait plus de jus ». En effet il y a a nécessité pour les sports qui demandent un effort de longue durée, vélo, tennis, marathon…, d’avoir une bonne alimentation avant, durant et après l’effort : une bonne hydratation, des protéines légères ou des sucres assimilables rapidement durant l’effort et avant la compétition des sucres lents ou au contraire un aliment hyper protéiné et sans sucres. Eviter les boissons vitaminées et surtout les aliments dits « dopants ». Il y a toujours suivant les disciplines des soupçons de dopages, souvent avec des molécules de médicaments que l’on détourne de leur usage. Heureusement de plus en plus les fédérations internationales augmentent le nombre de substances interdites et les contrôles. La chimie analytique a développé pour cela des moyens de détection.

Bougez, courez, pédalez, sautez, lancez, jouez, vous allez déjouer le stress, vous éloignerez les maladies cardiovasculaires, l’obésité, l’ostéoporose et le « mal de dos ». En un mot vous vivrez mieux !

Octobre 2023
Jean-Claude Bernier

 

Pour en savoir plus
(1) Quelle chimie dans le sport ? épisode 1 : le métabolisme énergétique aérobie (video), R. Blareau, Blablareau au labo / Mediachimie
(2) Quelle chimie dans le sport  ? épisode 2 : les métabolismes énergétiques anaérobies (vidéo), R. Blareau, Blablareau au labo / Mediachimie
(3) Sport et cerveau, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie dans le sport, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2014), isbn : 978-2-7598-1238-7
(4) La fabrique des champions, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie dans le sport, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2014), isbn : 978-2-7598-1238-7
(5) Effets de l’exercice physique et de l’entrainement sur la neurochimie cérébrale : effets sur la performance et la santé mentale Ch.-Y. Guezennec Colloque La chimie et le sport, Fondation de la Maison de la chimie (2010)
(6) Chimie et pluie des records aux jeux de Tokyo, J.-Cl. Bernier, éditorial Mediachimie.org
(7) Les matériaux dans le sport, (r)évolutionnaires !, P. Bray, O. Garreau et J.C. Bernier, Fiche Chimie et… en fiches Mediachimie.org

 

Crédit : Image par Vectorportal.com, CC BY

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Un prix Nobel pour la « nanochimie »

Le prix Nobel de chimie qui vient d’être décerné ce 4 octobre par l’Académie royale des sciences de Suède couronne trois chercheurs Moungi G. Bawendi (MIT), Louis E. Brus (Columbia University) et Alexei I. Ekimov
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Le prix Nobel de chimie qui vient d’être décerné ce 4 octobre par l’Académie royale des sciences de Suède couronne trois chercheurs Moungi G. Bawendi (MIT), Louis E. Brus (Columbia University) et Alexei I. Ekimov (Nanocrystals Technology Inc.) pour le développement des « points quantiques » dénommés encore « boites quantiques » ou en anglais « quantum dots ».

Sous ces noms énigmatiques on trouve une très belle découverte due au savoir-faire des chimistes qui savent fabriquer des nanoparticules de semi-conducteurs tels que des séléniures ou tellurures comme CdSe et CdTe mais aussi PbSe et ZnSe. On part de précurseurs organométalliques et par un réducteur doux sont obtenues des suspensions colloïdales maitrisables où l’on peut arrêter la croissance des particules à quelques nanomètres (entre 2 et 10 nm). C’est plus de 10 000 fois plus petit qu’un cheveu.

Qu’arrive-t-il à ces minuscules particules de semi-conducteurs ?

Alors que dans un semi-conducteur les électrons se partagent entre 2 bandes d’énergie séparées par un gap, le fait que l’on diminue exagérément la taille du semi-conducteur, les niveaux d’énergie ne s’organisent plus en bandes mais se réduisent à des niveaux individuels discrets : on dispose alors de niveaux « quantiques » et les transitions électroniques s’accompagnent d’une émission lumineuse qui dépend de la taille de la nanoparticule bleu pour 2 nm, vert pour 3 nm, rouge pour 6 nm…

Déposés sur un écran plat de télévision éclairés par une LED bleue ils émettent par fluorescence des fréquences qui élargissent l’espace colorimétrique avec une énergie abaissée. Avec les téléviseurs QLED différents des OLED on gagne en intensité lumineuse et en nombre de couleurs.

Une autre qualité de ces nano semi-conducteurs c’est que sous l’influence de la lumière ils sont capables d’émettre des électrons et donc un courant. Avec un bon drainage de celui-ci on peut disposer de vitres transparentes puisque leur taille est plus petite que certaines longueurs d’onde du visible. Même si leur rendement est faible (moins de 3%) on commence à imaginer pour les immeubles des vitrages photovoltaïques grâce aux « quantum dots ».

Enfin en imagerie médicale leur taille réduite permet d’avoir des pixels très petits et une définition d’image améliorée pour la détection de cellules cancéreuses.

Jean-Claude Bernier
Octobre 2023


Les quantum dots sont des nanoparticules de semi-conducteurs qui, éclairées par une LED bleue, émettent une lumière dont la couleur dépend de la taille. Source : Chimie et lumière (EDP Sciences, 2021) p. 144. ISBN: 9782759825073

 

Pour en savoir plus

 

Crédit : Moungi Bawendi, Louis Brus et Alexei Ekimov. Prix Nobel de Chimie 2023. Ill. Niklas Elmehed © Nobel Prize Outreach.
 

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Pourquoi recycler les anciennes radiographies médicales ?

À la suite du décès d’une personne âgée, la collecte des radiographies d’une longue vie peut atteindre plusieurs kilos. Qu’en faire ? Nous nous limiterons au cas des radiographies médicales argentiques que nos
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À la suite du décès d’une personne âgée, la collecte des radiographies d’une longue vie peut atteindre plusieurs kilos. Qu’en faire ?

Nous nous limiterons au cas des radiographies médicales argentiques que nos grands-parents et parents ont dans leurs placards et qui sont encore produites (cas des mammographies, des radios des hanches, clichés dentaires…). Celles-ci peuvent être déposées dans des centres de radiologie ou des pharmacies ou dans des déchetteries ayant des contenants dédiés.

Les radiographies médicales de type argentiques doivent être éliminées dans des filières spécifiques : enfouies elles entrainent une pollution de la nappe phréatique et incinérées une pollution de l’air en raison de la présence d’argent (1).

Premier tri

Les radiographies sont d’abord triées manuellement pour séparer le papier (emballage, compte-rendu) du film proprement dit. Celui-ci est avant impression un support en PET (PolyEthylene Terephthalate en anglais) recouvert d’une émulsion (contenant des cristaux d’halogénures d’argent (i) de 0,2 à 4 µm dans de la gélatine (ii)) et d’un revêtement de protection en gélatine pure (2). L’obtention de la radiographie se fait par réduction des ions Ag+ en argent métallique. Lorsque la radiographie arrive au circuit de recyclage elle se compose du support PET et d’un dépôt d’argent métallique incrusté dans la gélatine.

Le papier récupéré (avec un pourcentage massique de 3 à 40%) est broyé puis recyclé dans la filière papier.

Quant au film, il est plongé successivement dans des bains enzymatiques constituées de gélatinases. La gélatine recouvrant le film est alors hydrolysée et devient soluble dans l’eau. On sépare ainsi le support en PET (solide), qui sera recyclé dans la filière plastique, des jus de lavage (liquide) qui contiennent les enzymes et l’argent.

Recyclage du PET

Le PET est un polyester, polymère thermoplastique obtenu par la polycondensation de l’acide téréphtalique et de l’éthylène glycol selon (4) :

Un des recyclages possibles consiste depuis peu en une dépolymérisation à l’aide d’enzymes pour revenir in fine aux monomères, au diacide et à l’éthylène glycol (5).

L’autre mode de recyclage possible consiste à refondre le PET puis à l’utiliser dans une autre application comme les fibres polyesters par exemple.

Recyclage du jus pour obtenir l’argent

Ce jus est placé en filtre-presse : cet équipement permet la séparation liquide/solide à l’aide d’une filtration sous pression et de récupérer d’un côté le bain enzymatique qui est utilisé en boucle fermé et de l’autre les boues argentifères. Celles-ci sont alors calcinées. Les cendres de calcination sont fondues et on récupère ainsi l’argent métallique.

Ainsi chacun des constituants peut être recyclé : le papier, la matière plastique (PET) et l’argent qui représente moins de 1% du poids des films argentiques mais qui a une forte valeur ajoutée.

En résumé

Quelques chiffres

En France, en 2022 l’argent recyclé ne représente qu’une centaine de tonnes soit moins de 2% de l’argent recyclé mondialement (6), et seule une partie provient des radiographies mais « chaque geste compte ». Les besoins en argent sont pourtant importants : en particulier 90 % des cellules photovoltaïques sont formées d’une fine couche d’argent et représentent 15 % de leur coût de revient (7).

 

Lydie Amann et l’équipe question du mois

 

(i) Les halogénures d’argent utilisés sont des bromures d’argent AgBr ou chlorures d’argent AgCl.
(ii) La gélatine est un mélange de protéine et d’eau qui forme un gel.
 

Pour en savoir plus
(1) Voir les sites web des sociétés "Rhône Alpes Argent" et "Chastanier radiographies" (en particulier pour cette dernière société la page "Radiographies" et la page "Archives médicales > Visite virtuelle de l'usine")
(2) La réalisation du support est comparable à celle des films argentiques pour photographies. Consulter Photographie/Émulsions argentiques/Préparation des surfaces sensibles noir et blanc sur wikilivres.
(3.a) Fin de vie des plastiques : le mariage réussi des plastiques et des enzymes/ressource/fin-de-vie-des-plastiques-le-mariage-r%C3%A9ussi-des-plastiques-et-des-enzymes A. Marty, article et conférence, Colloque Chimie et biologie de synthèse, Fondation de la Maison de la chimie (2018)
(3.b) Vidéo sur la biodégradation du PET, Déchets plastiques : les enzymes font le ménage, Coproduction Fondation de la Maison de la Chimie/Virtuel
(4) Comment le recyclage en chimie contribue-t-il à l'économie circulaire ? Fiche Grand Oral Nathan Mediachimie pp. 6-7
(5) Recyclage des plastiques sur le site IFP Énergies nouvelles
(6) Enquête mondiale sur l’argent 2023 World Silver Survey sur le site The Silver Institute
(7) Données industrielles relatives à l’argent sur le site de l’Elementarium

 

Crédit illustration : com329329 / Pixabay

- Éditorial
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Comment est fabriqué le ballon de rugby ?

La Coupe du monde de rugby en France suscite en cet automne un engouement très britannique mais aussi très international avec ces vingt équipes venues du monde entier. On connait moins le rugby que le football avec ses
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La Coupe du monde de rugby en France suscite en cet automne un engouement très britannique mais aussi très international avec ces vingt équipes venues du monde entier. On connait moins le rugby que le football avec ses règles où se mélangent les passes en arrière et les mêlées organisées et où 30 athlètes affamés se disputent la possession d’un curieux ballon ovale.

En 2023 le ballon officiel de match « INNOVO » du fabricant du Sussex Gilbert n’a plus grand-chose à voir avec le ballon originel que prit à la main William Webb Ellis vers 1823 qui créa ainsi ce nouveau jeu. Il est probable que ce fut un ballon de football plutôt rond qu’ovale qui fut d’abord fabriqué par un cordonnier William Gilbert de la ville de Rugby.

C’est donc à lui qu’on attribue l’invention du ballon de rugby fait au départ de vessies de porc fraiches recouvertes de quatre panneaux de cuir. C’est à la demande des étudiants qu’il fait évoluer leurs formes avec des ballons de plus en plus ovales, plus faciles à attraper, à tenir en courant, roulant plus mal et sortant moins du terrain. De 1850 à 1880 la petite entreprise fabrique plusieurs milliers de ballons par an.

Une première modification est introduite par Richard Lindon qui invente une vessie en caoutchouc (1) qui se gonfle avec une pompe à air et évite de gonfler à la bouche les vessies de porc qui ont parfois contaminé les ouvriers chargés du gonflage. Progressivement les dimensions du ballon se normalisent autour de 30 cm de long et de 60 cm de circonférence du petit périmètre. Si la vessie reste en caoutchouc souple le ballon en cuir est lisse et donc glissant ; lorsqu’il pleut le cuir absorbe l’eau en augmentant son poids et se déforme plus facilement ce qui n’arrange pas le jeu au pied et complique la tâche des tireurs qui transforment les essais par tirs au but.

C’est dans les années 1990 que le ballon « synthétique » va s’imposer : le cuir va être remplacé par du caoutchouc plus dur, du polychlorure de vinyle (PVC) (2) ou du polyuréthane (PU) (3). La vessie en latex est de plus en plus substituée par un caoutchouc butyl (4) et à une pression de 9,5 PSI (i) elle se dégonfle moins.

Les nouvelles compétitions, Tournoi des Nations, Coupes d’Europe et Coupes du monde, vont voir une course à l’innovation. La petite entreprise Gilbert devenue grande reste encore une marque de référence devant Adidas et Summit. C’est elle qui est en 2023 la marque officielle de la Coupe du monde en France avec le ballon « INNOVO » qui contient une vessie en copolymère butyl (ii) protégée par 4 plis de polycoton et caoutchouc et une double valve brevetée « truflight » insérée dans une couture des 4 panneaux de polyuréthane sur lesquels sont moulés des « crips », picots en forme d’étoiles de hauteurs millimétriques différentes du centre vers les extrémités permettant une meilleure dispersion de l’eau, une bonne prise en main et un aérodynamisme amélioré. Dissimulées dans les coutures, faites à la main, la double valve et son contrepoids contribuent à un équilibre parfait. En 2023 cette double valve munie de capteurs donne naissance avec le partenaire de Gilbert Sportable Technologies à un « ballon intelligent » (5). Les entraineurs ou les équipes peuvent intégrer des ballons connectés et afficher sur écran d’ordinateur les statistiques du match, en temps réel. La vitesse du ballon, sa rotation, la distance de la passe, la précision du coup de pied… toutes données exploitables, ne serait-ce que pour préparer la prochaine Coupe du monde en Australie en 2027.

Plus simple et terre à terre pour les enfants et l’initiation à ce beau sport, préférez le ballon en mousse de polyester qui est aussi amusant.

Jean-Claude Bernier
septembre 2023

 

(i) Le PSI ou Pound-force/square inch est l'unité anglosaxone de mesure de pression. 1 PSI = 6,89476 kPa = 0,0689476 Bar donc 9,5 PSI = 0,655 bar.
(ii) La caoutchouc butyl est un copolymère d’isobutylène et d’isoprène
 

Pour en savoir plus
(1) Comment fabriquer des pneus à partir d’un arbre ? La vulcanisation,  Jean-Claude Bernier (fiche Une réaction en un clin d'oeil)
(2) PVC voir Produit du jour de la société chimique de France
(3) Chimie et pluie de records aux jeux olympiques de Tokyo, Jean-Claude Bernier (éditorial) ; PU voir Produit du jour de la société chimique de France
(4) Le caoutchouc synthétique BUP
(5) Shootez, vous êtes connectés, Jean-Claude Bernier (editorial)

 

Crédit illustration : Erwan Harzic- Travail personnel / Wikimedia Commons (licence CC BY-SA 4.0)

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Colloque Chimie, Recyclage et Économie Circulaire - mercredi 8 novembre 2023

Réservez votre journée du mercredi 8 novembre pour participer au colloque accessible au grand public à la Maison de la Chimie.  Colloque Chimie, Recyclage et Économie Circulaire  Mercredi 8 novembre 2023  Maison de la
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Réservez votre journée du mercredi 8 novembre pour participer au colloque accessible au grand public à la Maison de la Chimie.

 Colloque Chimie, Recyclage et Économie Circulaire
 Mercredi 8 novembre 2023 

Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris

 

Les programmes nationaux, les colloques et séminaires de réflexions nationaux et internationaux sur le thème du recyclage sont nombreux, notre objectif n’est pas de faire un nième colloque mais d’apporter sur ce sujet d’importance des exemples et des réponses aux questions que se posent le monde éducatif – élèves et enseignants – et le grand public. Ce thème est fondamental pour l’avenir de notre planète : ni la gestion des déchets envahissants , ni la mise en oeuvre des transitions énergétiques et écologiques ne pourront être mises en oeuvre sans le recyclage car les ressources en matières premières organiques et minérales n’y suffiront pas.

Il est nécessaire d’agir et nous souhaitons montrer l’importance mais aussi les difficultés de la chimie du recyclage qui est une chimie de la « dé et reconstruction » Il faut gérer à la fois la logistique des produits usagés et des déchets et l’économie des procédés en respectant les règles imposées en terme d’empreinte carbone.

Le recyclage apparaît comme une nouvelle discipline coûteuse mais indispensable dans laquelle les chimistes jouent et joueront un rôle important.

Les conférenciers ont été choisis parmi les meilleurs experts de l’industrie, de la recherche, de la politique et de l’économie, dans les différents domaines concernés.

Ce colloque est ouvert sur inscription à un large public avec une attention particulière aux jeunes et à leurs enseignants. Pour que ce colloque puisse être accessible au plus grand nombre, il sera diffusé en direct sur la chaine YouTube de Mediachimie.

Le niveau se veut accessible à tous pour permettre un large débat.

Danièle Olivier et Jean-Claude Bernier
Co-Présidents du comité d’organisation

 

En savoir plus

Inscription gratuite et obligatoire : INSCRIPTIONS

 

Conception graphique : CB Defretin | Images : Adobe Stock – © Therina Groenewald – © monticellllo – © saelim – © sida – © VisualProduction – © Janar Siniväli – © Andrei Merkulov – © Joaquin Corbalan

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Pourquoi économiser l’eau potable est-il aussi source d’économie d’énergie ?

Le 22 mars 2023 était la journée mondiale de l’eau qui met l'accent sur l'importance de l'eau douce. L’assemblée générale des Nations-Unies (1) soutient la réalisation de l'objectif de développement durable : eau propre
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Le 22 mars 2023 était la journée mondiale de l’eau qui met l'accent sur l'importance de l'eau douce. L’assemblée générale des Nations-Unies (1) soutient la réalisation de l'objectif de développement durable : eau propre et assainissement, pour tous d'ici à 2030.

Si l’eau recouvre 72 % de la surface du globe, son volume étant estimé à 1400 millions de km3 (2), elle est à 97,2 % salée et présente dans les océans et les mers intérieures. Il y a donc 2,8 % d’eau douce sur la Terre mais seulement 0,7 % sont disponibles (nappes phréatiques et minoritairement lacs et rivières) pour les besoins vitaux. En effet le reste de l’eau douce se trouve sous forme de glace et neige. L’augmentation de la population mondiale et le changement climatique accentuent cette demande sur cette réserve limitée en eau douce.

Mais l’accès à l’eau douce ne suffit pas. Encore faut-il qu’elle soit potable. 1/4 de la population mondiale, soit 2, milliards de personnes, vit sans accès à l’eau potable. En France l’eau courante au robinet n’est pas une pratique si ancienne. Cosette (3) allait chercher l’eau de la rivière avec son seau. C’était aux environs de 1820 et cette eau n’était pas contrôlée. Il a fallu attendre 1930 pour que 30 % des communes en France aient un réseau d’approvisionnement en eau potable et ce n’est qu’en 1980 que la quasi-totalité de la population y a eu accès. En 2020, en France, la consommation moyenne en eau potable quotidienne est de 149 L/personne (4).

De la source au robinet : comment obtient-on de l’eau potable ?

Plusieurs procédés de production d’eau potable existent selon l’origine de la ressource : eau souterraine (nappes phréatiques), eau de rivière, eau de surface, eau de mer.

Il s’agit in fine de fournir une eau propre à la consommation, c’est-à-dire claire et exempte de virus et de bactéries et de toute matière organique naturelle ou issue de pollutions (médicaments, pesticides…).

Le traitement des eaux issues des nappes phréatiques d’eau douce accessibles ou des eaux de rivières suit globalement les étapes suivantes (5) : pompage de l’eau, stockage provisoire d’eau brute à traiter, dégrillage puis tamisage, dans certaines unités élimination d’une partie du calcaire contenue dans l’eau (décarbonatation) par précipitation puis filtration, pré-ozonation, filtrations sur argile, post-ozonation, filtration sur charbon actif puis chloration avant acheminement via les canalisations jusqu’à l’usager final. Il y a passage par les châteaux d’eau pour maintenir la pression dans le réseau de distribution. Une étape supplémentaire pour éliminer les nitrates pourra être nécessaire dans certaines régions à l’agriculture intensive.

La molécule d’ozone ou trioxygène, de formule O3, est un gaz instable, donc produit sur le site de traitement de l’eau par décharge électrique (arc électrique) dans le dioxygène (6). L’ozone a un très fort pouvoir oxydant et est virucide et bactéricide. Il participe aussi à l’élimination des odeurs.

La pré-ozonation utilise de l’ozone faiblement concentré et permet de déstructurer les particules colloïdales et les macromolécules et d’oxyder le fer et le manganèse dans les eaux souterraines peu chargées en matière organique. Dans la post-ozonation, sa concentration est plus forte et le temps de contact plus long. Elle permet la destruction des molécules organiques.

La filtration sur charbon actif, permet in fine la rétention des micro-résidus issus de la post ozonation. Puis, l’eau de Javel (7) est utilisée pour l’étape dite de « chloration ». Cette chloration est nécessaire pour maintenir l’absence de virus et bactéries tout au long des kilomètres du réseau. L’ozone ne pourrait pas remplir ce rôle car, trop instable, elle ne reste pas dans l’eau contrairement à l’eau de Javel. Il y a toutefois des points de contrôles régulièrement répartis sur le réseau afin de réajuster si nécessaire sa concentration.

Toutes ces étapes consomment de l’électricité.

Le traitement de l’eau de mer

Avant de la rendre potable il faut préalablement ajouter l’étape de désalinisation. Deux procédés existent : la distillation et l’osmose inverse. Ces procédés consomment beaucoup d’énergie. L’osmose inverse est majoritairement préférée de nos jours car moins gourmande en énergie.

Le procédé d’osmose inverse nécessite l’usage d’une membrane semi-perméable (8) séparant deux compartiments, dont l’un d’entre eux contient l’eau de mer salée. Il faut alors exercer dans ce compartiment une pression supérieure à la pression osmotique (9), ce qui force alors l'eau à passer, via la membrane semi-perméable, dans l’autre compartiment où l’eau pure qui s’y accumule est sans sel. Dans la pratique la pression exercée évolue entre 50 et 70 bars. De nombreuses recherches ont lieu pour diminuer le coût énergétique et passent par l’amélioration de la perméabilité de la membrane permettant d’abaisser la pression à exercer, tout en conservant sa sélectivité. De grand espoirs sont mis dans des membranes biomimétiques hautement sélectives (10).

Près de 100 millions de m3 d’eau par jour sont produits par dessalement d’eau de mer, dans environ 15 000 installations situées dans 150 pays.

Une fois dessalée, l’eau doit être potabilisée selon les étapes préalablement citées. Il est aussi souvent nécessaire de réintroduire quelques sels minéraux pour la rendre consommable.

Du lavabo à la rivière : comment traite-t-on les eaux usées ?

Les eaux usées sont les eaux que nous rejetons vers les égouts, quand on fait la vaisselle et le ménage, quand nous nous lavons, quand nous allons aux toilettes… Il s’agit de dépolluer ces eaux usées, avant de les rejeter dans la rivière. Mais attention, cette eau dépolluée n’est pas potable.

Il est nécessaire dans un premier temps de séparer les matières en suspension des eaux usées.  Après une étape de décantation qui permet de séparer l’eau à traiter des huiles et graisses qui surnagent et des sables et solides plus denses, l’eau sale subit un traitement biologique aérobie. Des bactéries et micro-organismes naturels « digèrent » les contaminants organiques en présence de l’oxygène de l’air.

Ces traitements biologiques sont très efficaces, très résistants aux variations de température et peuvent être utilisés efficacement dans presque tous les climats. L’eau ainsi dépolluée est rejetée à la rivière.

Dans certaines unités, l’eau peut, avant rejet à la rivière, subir une ultrafiltration membranaire. Une membrane perméable est constituée d’un tube souple présentant des micro-perforations, jouant le rôle de filtre, capables de retenir des protéines ayant une taille de 0,03 µm. L’eau et les ions monovalents (comme les ions sodium et chlorure), ainsi que les ions divalents comme les ions calcium ou manganèse passent la barrière de la membrane avec l’eau. L’eau rejetée à la rivière a alors la qualité d’une eau de piscine.

Par ailleurs les boues issues du traitement biologique peuvent subir un traitement anaérobie, produisant du méthane, CH4, nommé biogaz, source d’énergie. Ainsi les unités d’épuration des eaux usées, tendent de plus en plus à être autonomes en énergie.

Comment recycler les eaux usées ?

On peut l’envisager pour l’irrigation et le nettoyage de la voirie par exemple. Aujourd’hui seulement 0,6 % des eaux usées sont réutilisées en France alors qu’en Italie le pourcentage est de 8 %, 14 % en Espagne et 84 % en Israël.

Aux Sables d’Olonne en Vendée vient de démarrer la construction d’une usine de recyclage des eaux usées afin d’obtenir de l’eau potable, dans le cadre du programme Jourdain (11). Cette usine est une usine pilote pour la France et pour l’Europe. Le nom Jourdain est à la fois inspiré du fleuve Jourdain et du Bourgeois gentilhomme de Molière ! (12)

Cette usine sera connectée à la station d’épuration voisine et l’eau sera nettoyée en cinq étapes : ultrafiltration, osmose inverse, traitement aux UV qui élimine les microbes pathogènes avec une fiabilité de 99,99%, puis une chloration à l’eau de Javel, une filtration et enfin une reminéralisation (13).

Eau et Énergie : l’interdépendance

Comme on vient de le voir, l’ensemble du cycle de l’eau consomme de l’énergie, du pompage à l‘épuration. Cela représente 2 à 3 % de l’énergie mondiale utilisée. Dans les zones urbaines, 1 à 18 % de l’électricité sont utilisés pour traiter et transporter les eaux potables et usées.

La figure 1, indique des fourchettes de valeurs concernant la consommation en électricité des différentes opérations décrites précédemment tout au long du cycle de l’eau. Selon les cas de figure, le captage, la potabilisation, la distribution, la collecte et l’épuration de 1 m3 nécessitent entre 1,8 et 9,5 kWh.

 
Figure 1 : Besoins en électricité dans le cycle de l’eau. Source : Eau et énergie sont indissociables p. 12 (14) 

La consommation énergétique dépend également de la nature de l’eau à traiter. Dans le tableau 1, les trois premières lignes concernent des eaux brutes toutes distribuées sans être embouteillées.

 
Tableau 1 : Consommation énergétique en fonction de l’eau à traiter. Source : Eau et énergie sont indissociables p. 12 (14) 

Concernant l’eau en bouteille : il s’agit d’eaux minérales ou de source (15), issues d’eaux souterraines, microbiologiquement saines, et non traitées. Leur impact énergétique très élevé provient majoritairement des matières premières et de l’énergie nécessaires à la fabrication des bouteilles.

On retiendra donc que « Économiser l’eau revient à économiser aussi l’énergie ».

 

On peut identifier trois axes principaux pour réduire la consommation d’énergie dans le cycle de l’eau :

  • développer de nouveaux concepts de stations d’épuration permettant de récupérer la chaleur et de produire de l’électricité́ à partir du biogaz ;
  • mettre au point des membranes d’ultrafiltration et d’osmose inverse moins énergivores ;
  • identifier tous les moyens de récupération de l’énergie consommée par les mises en pression au sein des procédés.

L’eau est essentielle à la vie. Il n’existe pas de substitut. Si l’énergie peut être renouvelable, l’eau n’est pas renouvelable ; depuis l’époque des dinosaures, la quantité́ d’eau douce sur la Terre n’a pratiquement pas évolué́. Il convient donc de la réutiliser au maximum. L’accroissement de la population, l’augmentation des standards de vie, la production de nourriture et l’industrialisation sans cesse croissante, engendrent une pression sur les ressources en eau qui n’a fait que croitre au cours des décennies. De plus, la pollution et la contamination des ressources en eau douce ont comme conséquence une diminution continue des réserves de qualité́ disponibles.

On notera qu’en France il existe un seul réseau de distribution d’eau à savoir d’eau potable et qu’il faut donc impérativement l’entretenir pour éviter les fuites (estimées à 20 %, soit pour 5 litres d’eau mis en distribution, 1 litre d’eau revient au milieu naturel sans passer par le consommateur) (16), ce qui est considérable. Et pour les citoyens que nous sommes, faisons tous ces petits et grands gestes pour ne pas gâcher l’eau (17).

Françoise Brénon et Odile Garreau

 

 

(1) Journée mondiale de l’eau des Nations-Unies
(2) L’Eau dans l'Univers, sur le site Eau France, le service public d'information sur l'eau
(3) Les Misérables de Victor Hugo
(4) Le service public d'information sur l'économie de l'eau
(5) Pour mieux comprendre ces étapes, consultez la fiche Chimie et… en fiches L’eau, une ressource indispensable pour la ville de A. Charles, A. Harari et J.-Cl. Bernier (Mediachimie.org) et le Memento degremont® Procédés et technologies  (SUEZ)
(6) Pour en savoir plus sur l’obtention de l’ozone, voir le Memento degremont® Génération de l’ozone (SUEZ) et sur l’ozone en général, la question du mois L’ozone : bon ou mauvais ? L. Amann (Mediachimie.org)
(7) L’eau de Javel est une solution basique contenant les ions hypochlorite ClO-. Compte tenu du pH de l’eau distribuée, qui est proche de 7,5, il y a coexistence de l’ion ClO- et de la molécule d’acide hypochloreux HClO qui est le composé le plus virucide et bactéricide des deux, car non ionique il traverse plus facilement la membrane cellulaire. L’eau de Javel : sa chimie et son action biochimique,  de G. Durliat, J.-L. Vignes et  J.-N. Joffin, Bulletin de l'Union des physiciens, n° 792, vol. 91 (mars 1997)  pp. 451-471
(8) Une membrane semi-perméable laisse passer l’eau mais pas les ions plus gros que la molécule d'eau, comme le sont les ions sodium Na+ et chlorure Cl-.
(9) La pression osmotique correspond à la différence des pressions exercées de part et d'autre d'une membrane semi-perméable par deux liquides contenant des ions de concentrations différentes.
Pour en savoir plus : L’osmose inverse, de J. Nahmias L’Actualité chimique n° 404 (février 2016) pp. 63-64
(10) Les canaux artificiels d’eau : des membranes biomimétiques pour le dessalement, de M. Barboiu, L’Actualité chimique n° 470 (février 2022) pp. 33-34
(11) Le Programme Jourdain sur le site Vendée Eau
(12) Le nom du programme évoque le fleuve Jourdain qui traverse Israël. Sa ressource partagée par les pays qui le bordent devient limitée. Israël est devenu un modèle pour sa réutilisation de plus de 90% de son eau potable et 50 % de son eau recyclée est consacrée à l’arrosage des terres cultivées.
Le nom fait aussi référence au Bourgeois gentilhomme ! Voir le Programme Jourdain sur le site de Veolia
(13) Pour en savoir plus consulter la fiche Chimie et… en fiches L’eau, une ressource indispensable pour la ville (figure2) de A. Charles, A. Harari et J.-Cl. Bernier (Mediachimie.org)
(14) Conférence et ressource Eau et énergie sont indissociables, de M. Florette et L. Duvivier, Colloque Chimie et enjeux énergétiques, Fondation de la Maison de la chimie (2012).
(15) Eaux conditionnées sur le site du Ministère, de la santé et de la prévention
(16) Rendement des réseaux d’eau potable, statistiques de 2012, sur le site Eau France, le service public d'information sur l'eau
(17) Consulter Comment économiser l’eau dans mon logement ?, sur le site Tout sur mon eau (SUEZ)

 

Crédit illustration : PublicDomainPictures/Pixabay

- Question du mois
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Comment les retardateurs de flamme (RF) minimisent-ils les risques d’incendie ?

Depuis toujours la sécurité incendie a été la préoccupation des sociétés. Dès le XVIe siècle, les tentures des théâtres parisiens ont été traitées pour les rendre ininflammables. Mais c’est Gay-Lussac qui a publié en 1821
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Depuis toujours la sécurité incendie a été la préoccupation des sociétés. Dès le XVIe siècle, les tentures des théâtres parisiens ont été traitées pour les rendre ininflammables. Mais c’est Gay-Lussac qui a publié en 1821 les premiers travaux scientifiques avec une note sur la propriété qu’ont les matières salines de rendre les tissus incombustibles (1).

Les feux de forêt souvent décrits dans les médias résultent de la combustion de l’élément carbone du bois. Le bois est un biopolymère composite tridimensionnel constitué de trois polymères de type polyglycoside : la cellulose (50%), l’hémicellulose (25%) et la lignine (25%). La combustion libère du dioxyde et du monoxyde de carbone (CO2 et CO), mais aussi des composés organiques volatils (COV), tels que des dérivés benzéniques ou terpéniques, qui sont très inflammables au contact de l’oxygène de l’air. De tout temps on a arrosé les feux avec de l’eau qui en se vaporisant chasse l’air et prive ainsi le feu en oxygène tout en faisant baisser la température. Peu à peu des additifs ont été ajoutés pour retarder les combustions et la propagation des flammes, ils sont appelés retardateurs de flamme (RF). Ils sont aussi ajoutés dans l’eau lors des largages aériens (2).

Pour protéger le bois des agressions extérieures (humidité, UV, champignons, insectes…), des revêtements ont été réalisés avec des peintures et des vernis. Ceux-ci contiennent des liants qui sont des polymères notés ici généralement R1H donc constitués principalement d’éléments réducteurs comme l’hydrogène et le carbone, et qui peuvent rendre inflammables ces polymères en présence d’une source de chaleur et de l’oxygène de l’air. Il est donc ajouté des RF aux peintures et vernis. De même des RF sont en général utilisés dans de nombreux plastiques de la vie courante pour atteindre des propriétés ignifugeantes reconnues.

Qualitativement on évoque les étapes suivantes quand un polymère brûle :

  • i) l’échauffement qui pour les thermoplastiques les ramollit et les fait fondre contrairement aux thermodurcissables à réseau 3D réticulés qui se ramollissent peu ou pas.
  • ii) la décomposition : au-delà d’une température critique, les liaisons se cassent pour former notamment des radicaux H. et O., engendrant des molécules organiques plus légères et inflammables.
  • iii) l’inflammation : qui dépend de la cinétique des décompositions des polymères, et des concentrations en dioxygène (O2) et en COV. L’inflammation se perpétue tant que la combustion des polymères continue pour générer des gaz combustibles (3).

Les modes d’action des RF sont présentés comme suit :

  • i) « empoisonner » la phase gazeuse en inhibant les réactions radicalaires par des réactions de transfert ou de recombinaison. Les premiers RF étaient des dérivés halogénés notés RX, qui conduisent aux équations de réaction : RX + R1H → R – R1 + HX
  • L’hydracide HX formé a un rôle inhibiteur vis-à-vis des radicaux H. et HO., qui sont présents dans la flamme selon les équations suivantes : HX + H. → H2 + X. et HX + HO. → H2O + X.
  • ii) refroidir et protéger le polymère en ajoutant des hydroxydes métalliques d’aluminium ou de magnésium. Ils doivent être incorporés en grande quantité (60% en masse !) pour avoir une efficacité notable mais ceci entraîne une perte sensible des propriétés mécaniques du polymère. Leur décomposition vers 200 °C s’accompagne de la formation respective d’oxydes d’aluminium ou de magnésium ce qui constitue une couche protectrice ralentissant la dégradation du polymère ; c’est l’étape dite de la céramisation.
  • iii) le matériau, chauffé au-delà d’une certaine température critique se gonfle en donnant une barrière alvéolaire, susceptible de protéger le polymère : c’est l’étape d’intumescence.

Ceci nécessite alors des formulations précises avec principalement trois composés :

  • a) d’abord une source acide avec souvent des phosphates d’ammonium (par exemple (NH4)3PO4) qui chauffés vers 200°C, se décomposent en ammoniac gazeux et en acide phosphorique ce qui conduit à un pH acide (i) voisin de 2, hydrolysant alors les liaisons chimiques du polymère ;
  • b) ensuite une source de carbone apportée par des sucres (ex : le maltose) ou des polyholosides (ex : l’amidon) et susceptibles de « charbonner » c’est à-dire conduisant à un résidu de carbone (appelé char) ;
  • c) enfin un agent gonflant de type azoté (par exemple la guanidine de formule (NH2)2 C=NH) qui par chauffage se sublime pour donner un dégagement gazeux d’ammoniac provoquant l’expansion du char. De même l’ammoniac libéré par la décomposition du phosphate d’ammonium participe au gonflement.

 

  • iv) des nanocomposites (de dimension inférieure à 100 nm) incorporés dans le polymère à des taux inférieurs à 10%, se sont révélés avoir des propriétés de tenue au feu remarquables : des argiles de type montmorillonite ou des nanoparticules d’oxyde de titane, de silice, des nanotubes de carbone par exemple ont été ainsi utilisés pour réduire de l’ordre de 50 % le risque d’inflammation du polymère (3).

Des normes de performances des RF ont été établies principalement par des mesures de calorimétrie : d’extinction de flamme (ISO 4589), d’inflammabilité (ISO 5660), de propagation de flamme (ISO 5658-2). Ces mesures sont utiles pour une approche prescriptive en particulier dans les secteurs du bâtiment, des transports publics (trains, avions, bateau…) mais aussi pour aider la recherche des causes des sinistres et valider les logiciels de simulation des incendies. Les mesures au calorimètre précisent le débit calorifique, soit le flux d’énergie thermique dégagée lors de la combustion du matériau. La technique consiste à mesurer la consommation en oxygène car la chaleur dégagée par la combustion est proportionnelle à la quantité d’oxygène correspondante. Le principe est simple : la combustion est provoquée dans un volume de contrôle et les effluents gazeux sont collectés via une hotte vers un conduit d’extraction dans lequel ils sont analysés (4).

Les RF peuvent dégager des fumées toxiques pour l’environnement et la santé humaine par migration et lessivage des produits lors de températures élevées et dans des atmosphères humides (5-6). Plus de 40 % des matières plastiques produits en Europe renferment des additifs de type RF. Leurs propriétés chimiques sont décrites sur le site européen ECHA. Parmi les 69 RF utilisés en Europe, 12 d’entre eux sont en cours de réévaluation de toxicité, notamment les dérivés bromés. Par ailleurs des RF contenus dans des polymères usagés sont triés par flottation (différence de densité) et détectés par transmission aux rayons X. Des unités encore au stade de pilote sont en cours pour fabriquer de nouveau des polymères ignifugés (7) ! Des normes de toxicité spécifiques sont éditées notamment dans les transports ferroviaires (8).

Pour obtenir des matériaux polymères possédant des RF, il faut créer des liaisons fortes entre le matériau polymère et les RF. Des travaux récents (2022) de M. Denis et al., de l’université de Montpellier, ont permis de mettre au point la synthèse d’un oligomère protégeant le bois, aux propriétés encore plus respectueuses de l’environnement. Il s’agit de la réaction d’un dérivé phosphoré fonctionnalisé avec un motif vinyle silane (de formule générale CH2 = CH -SiMe3) conduisant à une résine. Des peintures formulées avec ces résines modifiées ont été évaluées au calorimètre à cône et ont montré d’excellentes propriétés ignifugeantes : un bois recouvert d’un vernis, contenant 30% de cet oligomère, présente une réduction du dégagement de chaleur maximum de plus de 55 % (9)!

Jean-Pierre Foulon

(i) L’équation de réaction mise en jeu lors du chauffage s’écrit : (NH4)3PO4 → 3 NH3 (g) + H3PO4

 

Pour en savoir plus :
(1) Note sur la propriété qu'ont les matières salines de rendre les tissues incombustibles, de L.J. Gay-Lussac, Annales de Chimie et de Physique (1821), T. 18, p. 211-218 (consultable sur GALLICA), la bibliothèque numérique de la BNF et de ses partenaires
(2) La chimie des feux de forêt, de J.-C. Bernier, éditorial (30/08/2018), site Mediachimie.org
(3) Retardateurs de flamme et polymères des propriétés fonctionnelles, communication personnelle (2023) de S. Bourbigot et G. Fontaine (École Centrale-Lille) 
(4) La calorimétrie des procédés et de la sécurité, de F. Stoessel, L'Actualité chimique (Juin 2019) N°&nbs^p;441, p 28
(5) Retardateurs de flamme sur le site Wikipedia
(6) Propriétés dangereuses des retardateurs de flamme dans les plastiques, Rapport d’appui de l’INERIS (du 4 /12/2021)
(7) Site ECHA ( rechercher flame retardant)
(8) Réaction et résistance au feu des matériaux composant les trains EN 45545-2 et EN 45545-3 sur le site CREPIM
(9) Des résines alkydes hydrides aux propriétés ignifugeantes pour la formulation de revêtements, de M. Denis, L'Actualité chimique (Mai-Juin 2023) N° 484-485, p. 78
 

Crédit illustration : Hans/Pixabay

- Éditorial
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Quel avenir pour l’énergie solaire ?

Alors que l’Agence internationale de l’énergie note qu’en 2022 les énergies éoliennes et solaires ont dépassé les 11% de l’électricité sur le plan mondial, une conférence de Daniel Lincot au Collège de France et un
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Alors que l’Agence internationale de l’énergie note qu’en 2022 les énergies éoliennes et solaires ont dépassé les 11% de l’électricité sur le plan mondial, une conférence de Daniel Lincot au Collège de France et un rapport de l’Académie de technologie sur le photovoltaïque doivent attirer notre attention (1).

Les panneaux solaires

Pour rappel, l’énergie solaire via un panneau photovoltaïque s’appuie sur le fait que l’absorption de photons par un matériau semi-conducteur peut générer un courant électrique (i).

Parmi ces matériaux, le silicium est particulièrement bien placé car son « gap » correspond en énergie à celle du rayonnement solaire (2). Il reste à capturer les électrons excités pour en faire un courant électrique, avec un collecteur. Depuis 1955 et les premières cellules basées sur des jonctions P/N (ii) simples avec 6% de rendement on a d’abord amélioré le dopage avec des éléments comme le bore ou le phosphore. L’adjonction de grille pour drainer les électrons, la passivation de la surface et sa texturation pour réduire la réflexion de la lumière ont permis de monter le rendement entre 15 et 20%. L’innovation des hétéro-jonctions avec des dépôts de couches minces sur le silicium cristallin ont encore amélioré le rendement à 26%. Pour aller plus loin on pense à mieux absorber les photons dans l’ultra-violet ou ceux qui ont une grande longueur d’onde : on superpose alors à la cellule silicium d’autres cellules qui ont ces propriétés d’absorption, ainsi les cellules dites « tandem » peuvent atteindre 30 à 40% de rendement (3). La recherche est toujours très active en ce domaine avec les nouvelles pérovskites et les cellules organiques.

Pour l’instant face à la concurrence du silicium, la filière couche mince CIGS (iii) ou CdTe n’a pas encore réussi à s’imposer et ne dépasse pas 5% de la production. Cependant en France Solar Cloth produit des panneaux souples légers et performants puisque les modules en couche mince CIGS atteignent un rendement de 17% pouvant recouvrir les toits trop fragiles ou avoir des applications dans les tentes ou serres photovoltaïques (4).

Le silicium photovoltaïque

Pour fabriquer des panneaux photovoltaïques la chimie des matériaux est complexe et énergivore (5). On peut distinguer six étapes.

  1. Il faut réduire le sable (silice) par le carbone selon SiO2 + C = Si + CO2. Pour cela on utilise du coke à haute température, 1500 – 2000°C dans un four à arc.
  2. Le silicium est fondu à 1500 °C et par balayage de gaz on élimine la calcium et l’aluminium initialement présents dans le sable, pour obtenir le silicium métallurgique pur à 98%.
  3. Par attaque à l’acide chlorhydrique, HCl, on obtient le composé de formule SiHCl3 qui, une fois purifié par distillation à 300°C, est décomposé par le dihydrogène, H2, pour obtenir le silicium suivant la réaction SiHCl3 + H2 = Si + 3 HCl. Fondu sous vide on obtient du silicium pur à « cinq neuf » soit 99,999%
  4. Les lingots sont alors purifiés par zone fondue pour obtenir du « 7 neuf » (99,99999 %), par le procédé Czochralski). On amorce le bain fondu avec un germe et on étire un cylindre monocristallin (6).
  5. On découpe ensuite les « wafers (iv) » qui ont 0,2 mm d’épaisseur sur 20 cm et on opère les opérations de dopage dans des fours à atmosphère contrôlée.
  6. Viennent les opérations de surfaçage puis de montage avec les circuits de cuivre et insertion dans les cadres en aluminium et les protections en verre.

Toutes ces opérations exigent pas mal d’énergie, des réactifs chimiques, acide et bases, des quantités d’eau souvent pure de qualité électronique et inévitablement génèrent des effluents qui demandent à être traités.

La situation en France et en Europe

La France dispose de 17 GW de puissance photovoltaïque installée au premier trimestre 2023 et une production de l’ordre de 2,2% de l’électricité nationale. On est en retard sur le tableau de marche (20 GW en 2023 et 35 GW en 2028) ce qui imposerait d’installer au moins 3 GW par an (7).

Le problème est que si en 2022 les exportations de panneaux photovoltaïques (PV) représentaient 7% de l’excédent de la balance commerciale chinoise les importations de ces mêmes panneaux représentaient 2% du déficit commercial en France. Car la production de silicium de la silice aux wafers est à 95% aux mains de la Chine qui a investi des dizaines de milliards de dollars dans cette filière et qui investit encore dans les nouveaux produits hétérojonction et tandem. Le prix du Watt solaire s’est écroulé et le MWh est devenu compétitif dans les pays très ensoleillés, largement en dessous de 60 €. Cette redoutable machine chinoise a laminé l’industrie européenne du silicium. S’il reste un fondeur allemand Wacker et quelques fabricants de wafer notamment en Norvège, l’Europe n’est riche que de projets exigeants des milliards d’investissements pour espérer émerger sur ce marché en 2030. Et le pire c’est que ces modules PV sont fabriqués actuellement avec une énergie qui en Chine s’accompagne d’environ 600 g de CO2/ kWh, souvent issue de centrales thermique à charbon.

Des calculs très précis ont été faits sur les dépenses énergétiques des six stades de fabrication. La dépense énergétique la plus forte est paradoxalement le dernier stade, on n’est pas très loin de 3000 kWh par m² de modules. S’ils sont produits en Chine cela représente près de 1,8 tonnes de CO2 alors que s’ils étaient fabriqués en France cela ne représenterait plus que 180 kg, méritant mieux le label bas carbone. Sachant qu’un panneau PV produit en moyenne 300 kWh/m² par an on voit qu’il faut quelques années de production pour compenser l’énergie dépensée pour sa fabrication.

D’où l’intérêt en France et en Europe pour des solutions moins énergivores telles que les couches minces de CIGS développées par l’IPVF (l’Institut Photovoltaïque d'Île-de-France) à Saclay.

Les recommandations de l’Académie de technologie sont de dire que même si l’Europe est actuellement pieds et mains liés à un seul fournisseur, la Chine, comme le fut l’Allemagne au gaz russe, la situation est grave mais non catastrophique. Si au niveau européen on s’entend pour produire, du sable au wafer, des cellules de silicium européennes fabriquées avec une énergie plus propre, nous avons une carte à jouer en industrialisant au plus vite les technologies TOPcon (v) et Tandem à base de pérovskites pour avoir un avantage concurrentiel sur le rendement des cellules. Indépendamment, encourager l’industrialisation des panneaux couches minces qui peuvent s’avérer décisifs dans l’évolution du photovoltaïque et redonner une compétitivité européenne dans le PV bas carbone.

Enfin il faut, à l’instar du « Inflation Reduction Act » (IAR) des États-Unis, que l’Europe se donne les moyens d’un investissement colossal et des arrangements fiscaux pour une industrie capable de rivaliser avec les géants américains mais surtout chinois.

Jean-Claude Bernier
Juin 2023


(i) Le comportement électrique des semi-conducteurs peut être expliqué par le modèle de la théorie des bandes d’énergie. Dans ce modèle, les électrons dans l’état fondamental (état stable, non conducteur), sont répartis dans une bande d’énergie appelée bande de valence. Si un apport extérieur d’énergie est apporté au matériau, certains électrons peuvent absorber cette énergie et sauter dans une bande dite de conduction. Le matériau conduit alors le courant. L’écart d’énergie entre ces deux bandes est appelé bande interdite ou « gap ». Il faut donc que l’apport d’énergie extérieure soit supérieur à ce gap.

(ii) Pour en savoir plus sur les jonctions P/N : L’essentiel sur les cellules photovoltaïques sur le site du CEA

(iii) CIGS pour les éléments chimiques cuivre, indium gallium, et sélénium.

(iv) On appelle Wafer une « tranche » ou une plaque très fine de matériau semi-conducteur monocristallin.

(v) « Nous avons choisi la technologie TOPCon pour notre future gigafactory française de production de cellules solaires », L'Usine nouvelle, 23 mai 2022

 

Pour en savoir plus
(1) La solution photovoltaïque, D. Lincot, vidéo CNRS
Énergie solaire photovoltaïque et transition énergétique,  D. Lincot, leçon inaugurale au Collège de France - D. Lincot
Académie des technologies : pour le développement de productions industrielles de panneaux photovoltaïques en France et en Europe sur le site de l'IPVF
(2) La conversion photovoltaïque de l’énergie solaire, D Lincot, Revue du Palais de la découverte n° 344-345 (janvier-février 2007)
(3) Les nouvelles filières photovoltaïques, D. Lincot, vidéo CNRS
(4) Les filières photovoltaïques en couches minces et leurs perspectives d’application à l’habitat, D. Lincot, in La chimie et l’habitat (EDP Sciences, 2011)
(5) L’électronique, c’est de la chimie, P. Bray, O. Garreau et J.C. Bernier, fiche Chimie et en fiches… cycle 4, Mediachimie.org
(6) De la chimie au radar du rafale, Bertrand Demotes-Mainard, Colloque chimie et technologie de l’information (2013)
(7) La R&D au service de la décarbonation de l’industrie, J. Ph. Laurent, Colloque Chimie et énergie nouvelles (2021)
 

Crédit illustration : andreas160578/ Pixabay

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La chimie inquiète pour l’avenir ?

Fin avril une déclaration de France Chimie qui regroupe la plupart des industries chimiques en France a fait état de ses préoccupations face à l’inflation, à la crise de l’énergie et à la perte de compétitivité face aux
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Fin avril une déclaration de France Chimie qui regroupe la plupart des industries chimiques en France a fait état de ses préoccupations face à l’inflation, à la crise de l’énergie et à la perte de compétitivité face aux États-Unis.

L’industrie chimique européenne très énergivore a subi de plein fouet l’inflation des matières premières et le coût de l’énergie qui ont entamé sa compétitivité. Elle a vu sa productivité chuter de 6,2% en 2022 (11% en Allemagne) avec des périodes d’arrêt de production. En France le secteur s’est montré plus résilient avec une baisse en volume de 3%. C’est le secteur amont de chimie minérale et de chimie organique qui a le plus reculé (10%) comme ses voisins européens, avec comme exemples l’ammoniac et le PVC lourdement handicapés par le coût du gaz et de l’énergie. Dans l’Hexagone ce recul a été compensé par le secteur aval où les spécialités n’ont baissé que de 1,9% alors que celui des savons, cosmétiques et produits d’entretien a lui au contraire progressé de 6% en 2022. Une des caractéristiques de la chimie française est que ce secteur de spécialités des parfums, cosmétiques et détergents représente près de 60% de la valeur ajoutée.

La chimie reste encore le premier secteur exportateur avec 81,5 milliards d’euros devant l’agroalimentaire et un solde positif de 9,5 milliards devant l’aéronautique. En 2022 les investissements ont progressé de 7% à plus de 6 milliards d’euros, portée par le plan de relance France 2030. Ce sont surtout des projets de croissance et plus de 250 projets industriels sur le recyclage notamment des plastiques, sur la transition énergétique et écologique (1) et sur les filières haute performance comme celles des batteries et l’hydrogène. La branche emploie 225.000 salariés (2) et renouvelle ses compétences avec une nouvelle croissance de ses effectifs en accueillant 25.000 nouveaux employés y compris les alternants (3) .

Les perspectives pour 2023 ne sont pas flamboyantes, l’inquiétude vient du plan de soutien aux industries vertes aux États-Unis. Lourd de 400 milliards d’aide publique « l’Inflation Reduction Act » (IRA) va augmenter encore le manque de compétitivité européen. Les exemples du PVC et surtout de l’hydrogène décarboné (4) sont très illustratifs. Alors qu’en Europe son prix est de l’ordre de 5 à 7 euros le kilo aux États-Unis revient à 2 euros et même moins s’il est issu de l’électrolyse alimentée en électricité par l’énergie nucléaire. France Chimie demande à ce que les aides dans les projets d’investissements soient accrues comme aux USA et pousse à une réforme du marché de l’électricité en Europe, seuls moyens de conserver une industrie chimique sur notre continent.

Jean-Claude Bernier
avril 2023

Pour en savoir plus
(1) Pour une industrie chimique propre et durable, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny in La chimie et la sécurité des personnes, des biens, de la santé et de l'environnement, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2016)
(2) Les chimistes dans l’industrie chimique, fiche Les Chimistes dans…, site Mediachimie.org
(3) Village de la Chimie - 10 et 11 février 2023 , site Mediachimie.org
(4) Les derniers résultats de la production de l’ hydrogène « décarboné », Zoom sur... , site Mediachimie.org
 

 

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- Éditorial
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Contre la sécheresse faut-il ensemencer les nuages ?

Dès avril les média alertent les Français sur le faible niveau des nappes phréatiques et anticipent sur une crise de l’eau qui peut se produire en 2023 si la sécheresse due au manque de pluie s’installe à nouveau comme en
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Dès avril les média alertent les Français sur le faible niveau des nappes phréatiques et anticipent sur une crise de l’eau qui peut se produire en 2023 si la sécheresse due au manque de pluie s’installe à nouveau comme en 2022. L’an passé, 93 départements avaient pris des mesures de restriction d’usage de l’eau. En ce printemps, quelques communes font face à l’asséchement de leur réseau de distribution d’eau potable, d’autres mettent fin aux projets de nouveaux lotissements qui risqueraient de n’être pas alimentés. Les incidents violents dans les Deux-Sèvres entre les opposants aux réserves d’eau « les bassines » pour l’irrigation agricole et les forces de l’ordre montrent que les variations de la météo (1) peuvent enflammer nos concitoyens.

Comment faire pleuvoir ?

Et si nous nous intéressions aux nuages, sources d’eau, et pluies qui nous ont cruellement manquées en 2022. Les nuages sont composés d’une multitude de gouttelettes d’eau en surfusion qui ne demandent qu’à se transformer en glace, qui, en perdant de l’altitude, engendrent la pluie. Parlons un peu de ce phénomène physique qu’est la surfusion. En haute altitude, à des températures en dessous de zéro pour un liquide pur comme l’eau, sans impuretés, l’énergie libérée par la chaleur latente de solidification (2) ne compense pas l’énergie nécessaire pour créer l’interface solide–liquide. Cet état méta stable est perturbé par des germes comme des poussières, des aérosols, ou un abaissement brutal de la température, causes qui permettent à des micro-cristaux de glace (3) de se former et de croître en capturant l’eau des gouttelettes voisines ou en agglutinant d’autres cristaux.

Pour favoriser ces phénomènes, il y a deux types d’ensemencements ; le premier pour éviter la grêle on disperse de grandes quantités de particules d’iodure d’argent (AgI) qui est insoluble dans l’eau mais qui a une structure cristalline proche de celle de la glace. Ces milliards de petites particules vont multiplier les noyaux de croissance de cristaux de glace, empêcher qu’ils grossissent et favoriser leur fonte. Le second est d’ensemencer avec des sels solubles dans l’eau comme le chlorure de sodium, ils vont alors dissoudre la glace formée (4) et transformer les cristaux ou grêlons en gouttes de pluie. Il y a une troisième variante celle où est déversée de la glace sèche (de la neige carbonique) ou même de l’azote liquide, l’abaissement brutal de la température va former une myriade de cristaux de petite taille qui vont fondre rapidement en pluie dans les couches atmosphériques plus chaudes.

Une technique généralisée

Historiquement l’ensemencement des nuages pour provoquer la pluie a été utilisé en 1946 dans la région de New-York où sévissait une sécheresse durable. Elle s’est ensuite généralisée dans plusieurs pays du monde. En France c’est l’Anelfa (Association Nationale d’Études et de Lutte contre les Fléaux Atmosphériques) qui dès 1951 a mis en étude cette pratique en liaison avec des universités, notamment dans les régions vinicoles sujettes aux orages de grêles. Elle a mis au point un générateur de noyaux de congélation. À partir du sol les nuages vont pomper par courant ascendant l’humidité et les milliards de particules d’iodures d’argent dispersés à partir de quelques grammes d’AgI. Pour être efficace il faut intervenir le plus vite possible sur le nuage orageux, car lorsque la grêle s’est déclenchée on ne peut la stopper. D’autres moyens sont utilisés avec des mortiers qui lancent des fusées dispersant l’iodure dans le nuage ou des ballons qui supportent la charge d’iodure et commandés à distance lorsque le ballon est au-dessus du nuage. De nombreux pays ont recourt à ces techniques ; plus d’une dizaine de pays africains devant faire face aux pénuries d’eau les utilisent pour faire pleuvoir. Aux Émirats arabes unis de grosses quantités d’iodure semées par avion ont même réussi à faire tomber de la neige. La Chine a un ambitieux programme d’ici 2025 sur la moitié de son territoire soit plus de 5 millions de km2 de « géo-ingénierie » qui n’est pas sans inquiéter ses voisins. Car il n’y a pas de murs aux frontières entre les pays. On a ainsi vu l’Iran protester contre les programmes d’ensemencement d’Israël et des Émirats, les accusant de voler les nuages et donc la pluie à leurs profits. En réalité s’il est possible de faire pleuvoir un nuage plus vite que prévu, sous un ciel clair bien bleu il est impossible de créer un nuage qui va précipiter.

Une efficacité discutée

La communauté scientifique reste très mesurée sur l’efficacité des ensemencements. L’Anelfa, qui a un très bon réseau en France soutenue par les régions, a mis en place des « grêlomètres » et affirme qu’il y a une réelle diminution de 50% de l’intensité de la grêle lorsque les générateurs sont mis en action suffisamment tôt. Les experts de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) restent prudents sur la modification du temps (5) et soulignent que même s’il reste difficile de faire pleuvoir là où on veut, la recherche et les techniques se sont intensifiées et ont bien progressé avec le changement climatique. Reste un dernier point polémique la toxicité possible de l’iodure d’argent dans l’environnement qui sous les rayons UV du soleil se transforme en argent et en dérivés de l’iode. D’après l’Anelfa les quantités libérées sont 1000 fois inférieures au seuil de toxicité.

Un nouveau plan sur l’eau en France

Le président E. Macron a présenté le 30 mars un certain nombre de mesures pour planifier la gestion de l’eau en France ; bien sûr l’ensemencement des nuages n’en fait pas partie, mais quantité d’objectifs concernant l’anti-gaspi et la sobriété sont sous-tendus de budgets chiffrés. Quoique l’opinion publique puisse penser, la France n’est pas trop mal dotée (6) avec une moyenne de précipitations de 935 mm/an (avec bien sûr de grandes disparités régionales) c’est environ 500 milliards de m3 d’eau qui nous tombent dessus. Les prélèvements sont de l’ordre de 32 milliards dont une grande partie est restituée, la consommation en eau potable représente une faible partie de l’eau consommée, sa production est de l’ordre de 5 mrds m3. Or on sait que le réseau de distribution de 850 000 km qui commence à dater devrait être mieux entretenu car plus de 20% du débit est perdu et gaspillé par des fuites permanentes ou occasionnelles soit presque 1 mrd m3, on est évidemment loin des quelques millions de m3 obtenus par ensemencement et l’urgence est bien de mettre tout en œuvre pour réparer et moderniser le réseau d’ici 2030.

Jean-Claude Bernier
avril 2023


Pour en savoir plus
(1) Fluctuations climatiques extrêmes et sociétés au cours du dernier millénaire, E. Garnier, colloque Chimie et changement climatique (novembre 2015)
(2) Changement d’état, vidéo Palais de la Découverte
(3) Comment est la neige cet hiver ?, Question du mois, site Mediachimie.org
(4) Pourquoi met-on du sel sur les routes lorsqu’il gèle ?, Question du mois, site Mediachimie.org
(5) Faut-il fertiliser l’océan pour contrôler le climat ?, S. Blain, Colloque La chimie et la mer (2009)
(6) L’eau, une ressource indispensable pour la ville, A. Charles, A. Harari, et J. C. Bernier, fiche Chimie et… en fiches, Mediachimie.org

 

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- Question du mois
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Avec quels matériaux sont fabriquées les éoliennes et comment les recycler ?

Comment fonctionne une éolienne ?L’éolienne ou « aérogénérateur » est la version moderne du moulin à vent dont l’utilisation remonte au 7e siècle en Asie Mineure. Son nom vient d’Éole, « dieu du vent, vif, rapide,
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Comment fonctionne une éolienne ?

L’éolienne ou « aérogénérateur » est la version moderne du moulin à vent dont l’utilisation remonte au 7e siècle en Asie Mineure. Son nom vient d’Éole, « dieu du vent, vif, rapide, inconstant ».

Elle transforme l’énergie cinétique du vent - gratuite, renouvelable mais intermittente - en énergie mécanique. Celle-ci est ensuite convertie en énergie électrique via un alternateur. Par exemple dans une éolienne à entrainement direct, le vent agit sur des pales qui entraînent la rotation d’un axe (ou arbre) sur lequel est fixé un aimant cylindrique, lui-même placé au sein d’un bobinage en cuivre (stator), ce qui induit une tension électrique aux bornes de celle-ci.(i)

Cette électricité est ensuite acheminée à l'aide de câbles conducteurs vers le lieu de stockage ou d’utilisation.

L’alternateur transforme l’énergie mécanique (rotation d’une roue sous l’effet d’un courant liquide ou gazeux) en énergie électrique. C’est l’élément de base des centrales électriques à charbon, gaz ou pétrole ainsi que des centrales nucléaires et des éoliennes. Source : De la force musculaire aux énergies renouvelables in La chimie, l'énergie et le climat, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2017) p. 29

Quels éléments constituent une éolienne ?

Une éolienne comporte 3 parties principales :

  • Une tour (ou mât) qui élève le système dans les zones ventées. Elle est en acier et/ou en béton, solidement ancrée dans le sol ou dans les fonds marins s’ils sont peu profonds au voisinage des côtes. Il existe aussi désormais des éoliennes flottantes en pleine mer (offshore) ancrées aux fonds marins par des câbles.
    Le mât peut atteindre plus de 100 m de hauteur et ses fondations accueillent une masse de béton d’environ 600 à 800 tonnes (95% du poids de l’éolienne…).
  • Les pales (au nombre de deux ou trois) qui tournent sous l’action du vent peuvent avoir de 25 à 50 mètres de long. Elles doivent donc être mécaniquement solides, légères et résistantes à la corrosion. C’est pourquoi, pour pouvoir les mouler, elles sont fabriquées jusqu’à ce jour dans un matériau composite thermodurcissable(ii), qui répond à ces contraintes et qui est constitué de fibre de carbone ou de fibre de verre piégées dans une résine(iii) époxy ou polyester(iv). Malheureusement les polymères thermodurcissables ne sont pas recyclables. De nouvelles résines à caractère thermoplastique et recyclables voient le jour(v).
  • La nacelle qui est le cœur de la machine. Elle abrite tous les composants essentiels qui transforment l'énergie cinétique du vent, en énergie mécanique de rotation et in fine en électricité.
    On y trouve :
    • Un système mécanique d’engrenages et de moyeux pour la transmission et l’accélération de la rotation produite par le vent.
    • L'alternateur ; certains des aimants permanents utilisés contiennent au moins un des éléments magnétiques suivants : fer, cobalt ou nickel, alliés à des métaux de terres rares (néodyme, dysprosium, samarium).
      L’alliage à base de fer, néodyme et bore, noté FeNdB (de formule exacte Nd2Fe14B) est un exemple d’aimant puissant. À ce jour, l’usage de ces aimants puissants concerne essentiellement les éoliennes en mer, avec la technologie synchrone à entrainement direct et seulement 6,2% des éoliennes terrestres françaises recourent à celle-ci(vi). Les câbles pour injecter l’électricité produite dans le réseau ou pour la stocker via des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) ou dans des batteries.

Pourquoi et comment recycler une éolienne ?

La durée de vie moyenne est de 25 ans. Les plus anciennes éoliennes installées sont déjà en bout de course et doivent être remplacées.

La réglementation de plus en plus contraignante exige, lors d’un démantèlement, la remise en état des lieux d’implantation et le recyclage des matériaux au-delà de 90%.

Étant donné le développement attendu des parcs éoliens sur terre et en mer, le recyclage des éoliennes en fin de vie doit largement se développer, entre autres pour économiser les matières premières nécessaires.

Le prix de revient d’une éolienne industrielle de 5 MW est estimé à 5 millions d’euros, soit 1 million par MW. Ce coût élevé justifie la récupération et le recyclage des constituants.

Récupération du béton ou de l’acier

Elle est déjà opérationnelle, car le béton et l’acier sont présents en grande quantité dans maintes autres productions.

Les parties métalliques comme le mât (s’il est en acier) et le rotor (axe solidaire des pales) se recyclent sans problème dans les filières existantes. La valeur marchande de ces métaux justifie le démontage d’une éolienne.

Le béton, composé de ciment, d'eau, de sable et de gravillons, peut parfaitement être concassé ou broyé et réutilisé pour former de nouvelles briques, éléments de construction ou revêtements de route.

Pour les métaux tels que le cuivre, leur récupération et recyclage sont largement répandus.

Les problèmes se posent avant tout pour les pales et certains aimants et la recherche se concentre sur leurs recyclages.

Les aimants permanents

Actuellement, la technologie avec aimants permanents contenant des terres rares reste modeste en France(vii). Mais les quantités à recycler bien que minimes sont précieuses.

Ces terres rares proviennent majoritairement de Chine et leur coût est croissant. Toutefois l’exploitation de nouvelles sources se développe ailleurs, pour s’affranchir de cette dépendance(viii). Par ailleurs, leur extraction est très polluante et elles ont des propriétés physico-chimiques très voisines, rendant leur séparation difficile (dissolution sélective dans des solvants organiques).

Les aimants permanents sont actuellement traités par un procédé de décrépitation à l’hydrogène(ix) qui fournit une poudre qui présente une faible teneur en oxygène, réutilisable pour obtenir des aimants par frittage.

Un nouveau procédé chimique propose une alternative en remplaçant l’hydrogène par l’eau. Les aimants sont mis en contact avec de l’eau sous des pressions et températures modérées, ce qui conduit à la pulvérisation de l’aimant et permet une réutilisation des grains magnétiques.

Enfin, les grandes entreprises de l’éolien cherchent à développer des aimants de nouvelle génération pour s’affranchir de l’usage des terres rares.

Les pales

Le démontage et le transport des pales sont complexes. Comme le broyage et l’enfouissement ne sont plus autorisés, leur recyclage se limite pour l’instant au réemploi, par découpage ou usinage, des résines très solides qui les composent, ce qui fournit mobilier urbain, bouches à incendie, abris de vélos ou de bus, jeux de plein air, etc.

Cependant la recherche en matériaux développe une pale d’éolienne 100% recyclable, en composite fibres de carbone ou de verre piégées dans une résine thermoplastique(x). La méthode chimique de recyclage utilisée consiste alors dans un 1er temps à séparer la fibre de verre de la résine par fusion de celle-ci, puis à la dépolymériser complétement afin de récupérer les monomères purs qui permettront une nouvelle synthèse du polymère. Les tests grandeur nature sont en cours, en particulier sur les propriétés mécaniques de ce nouveau composite(xi). Dans le cas des fibres de carbone coûteuses et de plus en plus utilisées, des technologies sont mises en œuvre pour les récupérer(xii).

Conclusion

Le rendement d’une éolienne varie de 30 à 50% voire 65% de sa puissance théorique (en fonction de son implantation, de la taille des pales, de la force et des fluctuations du vent) ; l’éolienne fonctionne pour des vitesses du vent comprises entre 11 et 90 km/h.

L’énergie éolienne est la troisième source d'électricité décarbonée en France, (derrière les énergies nucléaire et hydraulique)(xiii). Elle est appelée à jouer un rôle majeur dans la transition vers des énergies décarbonées. Toutefois, l’obtention de l’acier et du béton nécessaires à sa construction et le démantèlement sont sources d’émission de dioxyde de carbone : en moyenne 14 g de CO2 par kWh pour l’éolien comparés à 4 g pour l’hydraulique, 16 g pour le nucléaire, 48 g pour le photovoltaïque, 469 g pour le gaz naturel et jusqu’à 1000 g pour le charbon(xiv).

On comprend donc la nécessité de bien choisir les matériaux et matières premières nécessaires à la construction des éoliennes et à leur fonctionnement optimal tout en ayant prévu dès leur conception le procédé de recyclage en fin de vie.

Andrée Harari et Françoise Brénon

 

 

(i) Il y a plusieurs types d’éoliennes : celles à entrainement direct dites synchrones, avec un rotor constitué d’aimants permanents et les asynchrones avec un rotor bobiné en cuivre, sans aimant, utilisées pour les éoliennes terrestres où l'entretien et révision sont plus faciles qu'en mer. Pour en savoir plus sur le fonctionnement d’une éolienne sans aimant, on consultera la ressource très pédagogique du blog de Timo van Neerden.
(ii) Un polymère thermodurcissable a une structure moléculaire tridimensionnelle, demeure à l’état solide une fois durci et sa forme ne peut alors plus être modifiée. Il ne peut pas être refondu.
(iii) On appelle résine le mélange liquide contenant des additifs et le ou les monomères réactifs initialement dilués.
(iv) Les composés de type époxy sont à base de Bisphénol A et les polyesters sont de type orthophtalique.
(v) On peut citer par exemple la résine Elium® de Arkema, à base de polyacrylate. Voir la fiche de préparation au Grand oral – Mediachimie/ Nathan « Quel rôle joue la chimie pour les matériaux stratégiques ? »
(vi) Selon un avis technique de l’Ademe datant d’octobre 2020, 6,2% des éoliennes terrestres françaises recouraient à cette technologie, soit 372 tonnes d’aimants permanents contenant 122 tonnes de néodyme et 17 tonnes de dysprosium. Les éoliennes asynchrones avec boites de vitesse n’utilisent pas d’aimant mais nécessitent plus d’entretien.
(vii) Terres rares, énergies renouvelables et stockage d'énergies Librairie Ademe
(viii) Ressources déjà connues au Brésil, au Viet Nam, en Russie, en Inde, en Australie… Nouveau gisement découvert en Laponie.
(ix) Décrépitation : l’aimant est placé sous hydrogène, qui diffuse et forme des poches qui font exploser la structure. La poudre obtenue est ultérieurement broyée et réutilisable pour obtenir des aimants par frittage.
(x) Un polymère thermoplastique est rigide à l’état solide mais se ramollit à la chaleur et peut être durci à nouveau.
(xi) Projet ZEBRA piloté par l’IRT Jules Verne et un consortium d’acteurs majeurs de l’industrie, dont Arkema, Corning…
(xii) Que faire des pales d’éoliennes ?, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
(xiii) Pour avoir une idée des productions d’énergie par l’éolien, dont les valeurs évoluent régulièrement, on pourra consulter les sites suivants : pour 2019 EDF l’éolien en chiffres 34,1 TWh représentant 6,3% de la production d’électricité et pour 2022 Ministère de la transition écologique avec 25,0 TWh au cours des trois premiers trimestres 2022, soit 7,4% de la consommation électrique française. Et le Vrai / faux sur l’éolien terrestre
(xiv) Rapport ADEME 2015- page 7- Impacts environnementaux de l'éolien français
 

 

Pour aller plus loin

Que faire des pales d’éoliennes ?, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
De la force musculaire aux énergies renouvelablesin La chimie, l’énergie et le climat, collection Chimie et junior (EDP Sciences, 2017) p. 29 à 31
Les enjeux matériaux pour la fabrication et le recyclage des éoliennes, Frédéric Petit (Siemens), résumé et conférence Colloque Chimie et matériaux stratégiques (9/11/2022)
Chimie métallurgique pour résoudre les problèmes des métaux rares, J.-C. Bernier, résumé et conférence Colloque Chimie et matériaux stratégiques (9/11/2022)

 

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Les traitements des cancers : petites ou grosses molécules ?

Actuellement en France, un homme sur deux et une femme sur trois seront atteints d’un cancer dans leur vie… on dénombre environ 380.000 nouveaux cas de cancer par an et on enregistre 140.000 décès ! [1]. Le cancer est une
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Actuellement en France, un homme sur deux et une femme sur trois seront atteints d’un cancer dans leur vie… on dénombre environ 380.000 nouveaux cas de cancer par an et on enregistre 140.000 décès ! [1]. Le cancer est une maladie complexe qui résulte d’une prolifération anormale des cellules. Comme chacun sait, il n’y a pas un cancer mais des cancers et ceci impose donc de posséder des stratégies curatives adaptées à chaque type de cancer. Les principales stratégies utilisées dans le traitement des cancers sont la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie, les thérapies ciblées, et l’immunothérapie. […]

Accédez au Zoom sur Les traitements des cancers : petites ou grosses molécules ?

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Un Salon de l’Agriculture sous tension

En cette fin de février et début de mars se tient à Paris le Salon de l’Agriculture qui après près de trois ans de pandémie renoue avec une tradition bien établie et avec probablement autant sinon plus de visiteurs
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En cette fin de février et début de mars se tient à Paris le Salon de l’Agriculture qui après près de trois ans de pandémie renoue avec une tradition bien établie et avec probablement autant sinon plus de visiteurs qu’en 2019. Cette fête du monde agricole ne doit cependant pas cacher les fortes préoccupations des agriculteurs sur la pérennisation de leur métier et de leurs exploitations (1).

Comme nombre de PME ils sont frappés par le coût de l’énergie, gaz, électricité et fuel ; s’y ajoute l’augmentation du prix des engrais et intrants, les diverses réglementations concernant les phytosanitaires et enfin la sécheresse qui semble s’installer durablement, indice du changement climatique.

1. L’énergie

Comme nombre d’entreprises qui ne bénéficient pas du bouclier tarifaire les agriculteurs doivent faire face à une augmentation plus ou moins forte des tarifs de l’électricité, du gaz et du fuel pour les engins agricoles. Ils peuvent cependant bénéficier de subventions du ministère et de l’ADEME dans le cadre de l’accélération des énergies renouvelables. Pour les installations de biométhane (2), on sait qu’il est possible par fermentation bactérienne anaérobie de traiter les déchets végétaux et déjections animales par hydrolyse acidogénèse puis acétogénèse donnant un acide acétique qui se transforme en gaz CH4 + CO2 en laissant un digestat riche en azote et ammoniaque. Il y a maintenant en France 1600 unités dont 966 produisant de l’électricité et 442 qui après purification injectent le méthane dans le réseau. GDF rachète le biométhane entre 95 € et 45 € le m3 et EDF 140 à 190 € le MWh ce qui peut faire un complément de revenu agricole.

Se met en place aussi l’agrivoltaïque, qui consiste à mettre au-dessus d’une culture habituelle des nouveaux panneaux solaires semi transparents qui fournissent de l’électricité en fonction de l’ensoleillement qui profite aussi aux cultures sous-jacentes. Les nouveaux panneaux (3) avec des rendements de l’ordre de 20% vont bientôt être concurrencés par les panneaux PV tandems qui mêlent silicium et pérovskites avec un rendement amélioré. L’IPV de Saclay que nous connaissons bien s’apprête à lancer une fabrication industrielle de tels panneaux en Alsace avec VOLTEC Solar.

2. Les intrants

Après la crise du gaz en Europe dont les prix avaient atteint des sommets en mars 2022, la pénurie d’ammoniac (4) avait aussi atteint les engrais azotés qui avaient dépassés les 1000 €/t en avril 2022 semant la panique notamment dans les exploitations familiales. Depuis, le cours du gaz est retombé à un niveau de l’ordre de 50 € le MWh, l’ammonitrate est aussi retombé à environ 500 €/t et l’urée à 400 €/t, niveaux qui cependant sont le double de ceux de 2020. Cela entraine une « sobriété » dans l’épandage de ces engrais qui, sans aller vers une agriculture « bio » qui représente en France environ 7 à 10 % des exploitations, va tout de même modifier le rendement des sols et probablement une baisse de revenus.

3. Les insecticides et l’Europe

Sans revenir sur « le glyphosate » interdit en Europe mais toujours pas sur d’autres continents, en janvier une directive de Bruxelles met fin aux dérogations nationales sur les néonicotinoïdes (5) enrobés autour de la graine de betterave. La France avait interdit dès 2018 plusieurs insecticides qui agissent sur le système nerveux des insectes dont l’imidaclopride et l’acétamipride. Huit États européens avaient profité de cette dérogation pour autoriser leurs agriculteurs à utiliser les semences déjà enrobées pour la campagne betteravière 2023. En France le ministre de l’Agriculture a l’interprétation la plus stricte, celle où le directive de Bruxelles s’applique immédiatement. Les betteraviers français protestent devant cette concurrence qui s’installe entre productions européennes en rappelant qu’en 2020 leur récolte avait été amputée de 30% suite aux attaques de pucerons ravageurs. Ils sont d’autant plus remontés qu’en Allemagne l’acétamipride est autorisé en pulvérisations.

   

Même si on voit dans la structure des deux molécules une assez forte différence dans la chaine azotée (6) il est probable que leur mode d’action sur les insectes ravageurs est de même type. Une fois de plus on constate que le principe de précaution vis-à-vis de l’environnement et de la biodiversité se heurte à des considérations de concurrence entre États.

4. L’eau recyclée

L’impact du changement climatique se fait ressentir, l’augmentation des températures et la baisse des précipitations se traduisent par une baisse des rendements et de la qualité des produits agricoles (7). Dès lors, la réutilisation des eaux usées (REUT) est une alternative qui devrait permettre la pérennisation de l’agriculture et la préservation des ressources en eau. Déjà pratiquée en Italie et en Espagne (8 et 14% respectivement), peu développée en France où sur le gisement de 8,4 Mrds de m3 seuls 8 à 10 millions de m3 sont utilisés chaque année, alors que le gisement exploitable est 1,6 Mrds.

Et pourtant ces eaux usées présentent de multiples avantages pour l’agriculture – elles pallient un problème temporaire d’accès à l’eau d’irrigation – leur volume n’est pas soumis aux arrêtés préfectoraux de restriction d’usage de l’eau - si aucun traitement de dénitrification et de déphosphorisation n’est réalisé par la station d’épuration leurs teneurs en éléments fertilisants organiques n’est pas négligeable (8).

Bien sûr elles doivent obéir à une réglementation stricte et à des prescriptions sanitaires pour ne pas mettre en danger la santé publique. Suivant leurs qualités elles sont classées en quatre classes en fonction de l’usage :

  • pour les cultures maraîchères, fruitières et légumières non transformées par un traitement thermique - qualité A
  • pour les cultures maraichères, fruitières et légumières transformées par un traitement thermique – qualité A ou B
  • pour les cultures céréalières et fourragères – qualité A ou B ou C*

 

Selon l’arrêté du 18 juillet 2015 relatif aux systèmes d’assainissement collectifs et non collectifs (legifrance.gouv.fr),
figure provenant du site Bonnes pratiques pour l’eau du Grand Sud-Ouest

Il ne faut pas se cacher que la procédure pour en arriver à l’irrigation est complexe, il faut avoir accès aux eaux usées par une collectivité ou une société locale d’eau et d’assainissement. Il faut ensuite confier le stockage et la distribution à une société prestataire agrée et financer ces opérations par le groupe d’agriculteurs concernés. Si dans les régions littorales le REUT est plus adapté car il vise à la réutilisation de l’eau douce avant son rejet à la mer dans les régions continentales il pose plus de problèmes. D’autant que les prescriptions européennes en matière de classement semblent se durcir en 2023. 

Jean-Claude Bernier
février 2023

Pour en savoir plus
(1) Série chimie et agriculture durable pour tous (vidéos), Mediachimie.org
(2) Les déchets valent de l’or ! (fiche Chimie et... en fiches, Mediachimie.org)
(3) Les nouvelles filières photovoltaïques (vidéo, CNRS)
(4) Comment fabriquer des engrais avec de l’air : la synthèse de l’ammoniac (série Une réaction en un clin d'oeil, Mediachimie.org)
(5) Chimie de synthèse et agriculture durable peuvent-elles faire bon ménage ? (fiche Chimie et... en fiches lycée, Mediachimie.org)
(6) Les chimistes dans : L’industrie des phytosanitaires (série Les Chimistes dans, Mediachimie.org)
(7) H2O, la molécule vedette de l’été (éditorial, Mediachimie.org)
(8) Fiche orientation : secteur du traitement de l’eau (Mediachimie.org)
 

 

Crédit illustration : Les Haines, licence CC BY 2.0, PxHere

- Question du mois
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Pourquoi la vitamine C est-elle indispensable ?

La première chose à savoir est que nous ne sommes pas capables de synthétiser la vitamine C (i). Nous devons donc la trouver dans l’alimentation : les fruits colorés (agrumes, cassis, fraise, kiwi, ananas...) et les
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La première chose à savoir est que nous ne sommes pas capables de synthétiser la vitamine C (i). Nous devons donc la trouver dans l’alimentation : les fruits colorés (agrumes, cassis, fraise, kiwi, ananas...) et les légumes frais (poivron, brocoli, chou de Bruxelles...). L'apport nutritionnel quotidien conseillé est d'environ 100 mg chez l'adulte. Comme elle est très fragile, il faut choisir des aliments frais et crus ou très brièvement cuits. Elle se trouve facilement en pharmacie, mais il faut prendre garde à ne pas en consommer plus de 1 g/jour, car en excès elle peut être métabolisée (ii) en oxalate (iii) de calcium et éliminée dans les urines où elle est le composant majeur des calculs rénaux.

Propriétés

Chimiquement, il s'agit de l'acide ascorbique (a).

(a) acide L-(+)-ascorbique(b) acide déshydroascorbique

Nomenclature IUPAC :
(5R)-5-((11S)-1,2-dihydroxyethyl))-3,4-
dihydroxy-5-hydrofuran-one
 

 

Ses propriétés viennent de sa capacité à s'oxyder en acide déshydroascorbique (b). C'est donc un antioxydant, qui élimine les dérivés réactifs de l'oxygène (ou radicaux libres). On dit qu'il protège les cellules contre le stress oxydatif, qui est une oxydation des constituants de notre organisme due à un excès de ces radicaux libres (iv) qui sont très instables et oxydent d'autres molécules, ce qui leur confère un important effet cytotoxique (v).

Il n'y a pas de véritable forme de stockage de la vitamine C, et lorsque l'apport cesse les réserves chutent de moitié en 10 à 20 jours.

Le nom ascorbique vient du préfixe a, privatif, et de scorbut. Le scorbut est devenu une maladie rare, mais était très fréquent dès la Renaissance et jusqu'au XIXe siècle chez les marins au long cours. Il s'agit d'une carence en vitamine C, qui provoque un déchaussement des dents, un pourrissement des gencives, des hémorragies et pour finir la mort. Les marins n'avaient pas toujours le loisir de faire escale pour s'approvisionner en fruits et légumes frais. On peut encore l'observer aux USA chez les adolescents suivant un régime alimentaire aberrant (beignets et café noir, sandwich au beurre de cacahuète !).

Rôles physiologiques

On la pare de toutes les vertus : combat la fatigue, le vieillissement de la peau, améliore le tonus, aide à combattre les infections... Sans qu'elle soit la molécule magique que pensent certains, elle possède bien ces propriétés, ce qui sera expliqué plus loin. En 1970, le prix Nobel de chimie Linus Pauling écrivit un article "Vitamin C and the Common Cold" (vi) où il prescrivait de combattre un rhume débutant par la prise de 1 g par jour de vitamine C, ce qui a plutôt fait consensus. Utilisée pendant de courtes périodes à cette dose, elle ne semble pas toxique, puisqu'il a vécu jusqu'à 93 ans !

Elle catalyse l'hydroxylation des acides aminés proline (c) et lysine (d), constituants du collagène, qui entre dans la composition de la peau, de l’os, des dents, du cartilage (on comprend les symptômes du scorbut).

(c) proline(d) lysine

 

La carnitine (e), obtenue à partir de ces mêmes acides aminés, est importante dans la synthèse des acides gras et aussi dans la maintenance de la masse osseuse ; elle joue aussi un rôle dans l'athérosclérose et le risque cardiovasculaire. La vitamine C est essentielle à la synthèse de la carnitine.

(e) carnitine

 

Enfin ses propriétés anti-oxydantes lui confèrent de multiples rôles (synthèse d'hormones, fonctionnement des enzymes, du système immunitaire, absorption du fer par l'intestin).

Plus généralement, les carences en vitamine C, même plus discrètes que dans le scorbut, se manifestent par de l’asthénie, de l’amaigrissement, des céphalées, des douleurs osseuses, une moindre résistance aux infections et des troubles hémorragiques. Le traitement curatif et prophylactique des carences, d’origine alimentaire ou provoquées par des conditions particulières, constitue une indication indiscutable de la vitamine C. Elle est aussi préconisée comme stimulant des défenses de l’organisme au cours des infections virales comme la grippe et le coryza. Il est donc essentiel d'en consommer journellement (fruits et légumes frais).

Nicole Moreau et l’équipe question du mois

 

(i) La vitamine C est découverte en 1928 par Albert von Szent Györgyi, un scientifique hongrois (prix Nobel de médecine en 1937)
(ii) Le métabolisme est l'ensemble des réactions chimiques qui se déroulent à l'intérieur des cellules d'un être vivant, soit pour lui permettre de synthétiser les molécules qui lui sont essentielles pour se maintenir en vie et se reproduire (anabolisme), soit pour dégrader des molécules en excès voire toxiques (catabolisme).
(iii) Acide oxalique C2H2O4    oxalate de calcium Ca2+, OOC-COO ou Ca(COO)2
(iv) Un radical libre est une espèce chimique qui possède un électron non apparié et est très réactif.
(v) Cytotoxique: du grec cyto, cellule et toxique. Il s’agit d’un effet toxique pour les cellules d'un organisme
(vi) « La vitamine C et le rhume »
 

 

Pour aller plus loin

Chimie et alimentation : produits de synthèse / produits naturels, Pierre Feillet, in La chimie et l'alimentation (EDP Sciences, 2010) p. 17

Le vieillissement cutané : prévention et réparation, Philippe Piccerelle, Colloque Chimie, dermo-cosmétique et beauté (2016), Le rôle des vitamines dans le vieillissement cutané §4.4. p 102-103

La découverte des vitamines, Louis Irissou, Revue d'Histoire de la Pharmacie (1953) n° 137

François Martin apothicaire et explorateur, Louis Irissou, Revue d'Histoire de la Pharmacie (1946) n° 116, sur le premier apothicaire français s’étant rendu à Sumatra et qui a fait paraitre en 1604 un « Traité du scorbut » à la suite de son voyage où il recommande comme traitement l'emploi du jus de citron.

 

Crédit illustration : balt/Pixabay

- Éditorial
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La chimie vous aide à économiser l’énergie

En cet hiver 2023 les prix de l’énergie jouent avec nos nerfs, plus de 15% pour l’électricité pour les particuliers, 400% pour certaines industries ou PME. Le prix du gaz durablement élevé autour de 140 €/MWh, sans
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En cet hiver 2023 les prix de l’énergie jouent avec nos nerfs, plus de 15% pour l’électricité pour les particuliers, 400% pour certaines industries ou PME. Le prix du gaz durablement élevé autour de 140 €/MWh, sans oublier l’essence et le gasoil qui ne bénéficient plus des remises de 2022.

Les entreprises et industries adoptent des solutions radicales afin de diminuer leurs consommations, baisse de production, fermeture partielle, baisse de la température et de l’éclairage dans les halls ou les bureaux, etc. Mais que peuvent faire les particuliers chez eux dans la vie de tous les jours ?

L’isolation pour une meilleure efficacité thermique des bâtiments

Comment empêcher les calories de courir d’une source chaude vers une source froide ?

Il faut interposer une barrière avec des matériaux qui ont une faible conduction thermique (1).

Les maisons sont des passoires thermiques, les calories sont perdues par le toit (30%), les murs (15%), les fenêtres (15%) et la ventilation (20%).

Plutôt que construire avec de bêtes parpaing en béton, on peut :

  • utiliser des briques céramiques avec des alvéoles et des ponts thermiques labyrinthes ;
  • isoler les combles et doubler les murs avec des isolants de fibres de verre ou de laines de roches obtenus par filages à 1500°C ;
  • utiliser des plaques de plâtres doublées de polystyrène expansé ou de mousses phénoliques pour les murs intérieurs, des polyuréthanes expansés pour l’isolation des sols et plafonds ou de nouveaux isolants tels que les aérogels de silice obtenus par élimination de l’eau des polymères Si-O-Si-O-SiOH-
  • utiliser de nouveaux venus avec des nanoparticules comportant des pores inférieures au libre parcours moyen des molécules de l’air O2 et N2.

Pour les fenêtres : pourquoi chauffer le jardin ? (2)

Utiliser les vitrages super isolants qui entre deux lames de verres emprisonnent de l’argon deux fois moins conducteur que l’air et où sur l’une des faces intérieures du verre sont déposés de micro-cristaux métalliques qui réfléchissent le rayonnement infrarouge vers l’intérieur de la maison.

La moyenne des constructions et maisons a une dépense énergétique annuelle de l’ordre de 250 kWh/m2 (classement efficacité énergétique D). Les nouvelles constructions avec le règlement thermique 2020 doivent obtenir le label A (moins de 50 kWh/m2 ou 0 pour la maison passive) (3). Dans la nouvelle réglementation du ministère de l’Écologie les logements avec la classification F et G (300 à 450 kWh/m2) ne pourront plus être loués après 2025, ce qui rien qu’en région Île-de-France représente plusieurs centaines de milliers de logements.

La rénovation du parc existant est essentielle car la consommation énergétique du tertiaire et résidentiel représente plus de 48% de l’énergie totale en France. Pour les propriétaires et bailleurs sociaux cela représente parfois un vrai casse-tête. Dans Paris les immeubles haussmanniens ne peuvent être rénovés que par l’intérieur, la mise en place d’isolants thermiques diminue la surface des appartements de 2 à 5% ce qui au prix au m² à Paris représente des fortunes. Dans les immeubles collectifs la décision par assemblée des copropriétaires n’est pas facile et les travaux prennent plusieurs années de retard. Enfin nombre de propriétaires se plaignent de faibles résultats sur leur consommation après travaux, nombre d’entreprises n’étant pas vraiment qualifiées ou formées.

Et la chaleur latente ?

La physicochimie et la thermodynamique vous permettent de faire des économies, vous pouvez utiliser la chaleur de condensation lorsque qu’un gaz devient liquide, ou de solidification quand un liquide devient solide (4).

Prenons l’exemple de l’eau : pour élever la température de 0° à 100°C, il faut dépenser 418 kJ, alors que la chaleur latente de condensation est de 2250 kJ à 100°C soit 5 fois plus. Pour en profiter il faut essayer de récupérer la vapeur d’eau pour la condenser. C’est ce qui arrive dans les chaudières à gaz à condensation, la vapeur d’eau présente dans les fumées se condense pour réchauffer le circuit d’eau chaude et booste le rendement de la chaudière à 95%.

Plus simple encore, il vaut mieux couvrir avec un couvercle la casserole où vous cuisinez, les vapeurs se condensent sur le couvercle et vous récupérez les calories de la chaleur latente ce qui permet d’économiser de 15 à 20% d’énergie.

C’est aussi le principe du chauffage par pompe à chaleur comme son nom l’indique on va chercher les calories à l’extérieur dans l’air ou le sol avec un gaz généralement fluoré (les HCFC ou hydrochlorofluorocarbone qui ont remplacé les CFC) (5) et on le condense sous pression dans un échangeur qui chauffe la maison grâce à sa chaleur de condensation.

Si vous êtes riches !, vous pouvez aussi doubler vos murs par des cloisons d’un type placoplâtre particulier qui comportent des alvéoles avec des cires ou paraffines dont le point de fusion est compris entre 20°c et 26°C. Lorsque le mur est ensoleillé le jour, les paraffines fondent et la nuit lors du refroidissement les paraffines se solidifient en redonnant à la paroi la chaleur latente de solidification.

Dans la vie de tous les jours

Pour bouger, pour travailler, pour respirer, nous avons besoin d’énergie, dans notre corps la réserve est fournie par l’ATP, l’adénosine triphosphate, qui est le relais moléculaire pour toutes nos cellules. Par la nourriture nous consommons environ 2000 kcal/24 h contenues surtout dans les glucides et lipides (6). Leur conversion en ATP a un rendement d’environ 50%, l’autre moitié sert à dégager de la chaleur pour maintenir notre corps à 37°C. Pour absorber cette nourriture il faut la rendre agréable et souvent la cuire ou la réchauffer. Pour économiser l’énergie, utiliser à cet effet l’électromagnétisme avec les plaques à induction (7) : le courant haute fréquence généré à 25 kHz par des bobines à induction en cuivre placées sous la plaque vitrocéramique, entraîne des courants de Foucault dans le métal de votre récipient qui se renversent 25 000 fois par seconde et chauffent par effet Joule. Le gros avantage de l’induction est que l’on chauffe seulement le récipient et pas les bruleurs ou la plaque chauffante, l’économie d’énergie se chiffre à 30%.

De même avec le four à micro-ondes, on fait vibrer les molécules d’eau à environ 2450 MHz. Les dipôles constitués par les molécules d’eau (H2O) entrent en résonnance et le liquide chauffe très vite. Ici encore on ne chauffe que le contenu et pas le contenant d’où une économie d’énergie de 20 à 40% par rapport à un four classique.

Mais pour maintenir le bien être en hiver, en plus de l’isolation de nos maisons, des chauffages plus ou moins sophistiqués pour maintenir 19°C, nous avons aussi toute une panoplie de vêtements avec de nouvelles fibres agréables en hiver : les microfibres en polyéthylène recyclé, des pulls polaires à base de bouteilles en polyester (PET) recyclés, les fibres acryliques creuses légères donnant une bonne isolation thermique « Froid moi ? Jamais, j’ai mon…. !!!». Sans aller aux textiles imper-respirants et même thermo-régulants, les nouvelles fibres nous offrent un large panel qui nous permet de lutter contre une éventuelle panne d’énergie.

Jean-Claude Bernier
janvier 2023

 

Pour en savoir plus
(1) Quelles solutions pour améliorer la performance énergétique de l’habitat ?, S. Steydli, Chimie et... en fiches (lycée), Mediachimie.org
(2) La discrète révolution dans la performance énergétique des bâtiments, F. Michel, colloque Chimie et grandes villes, 9 novembre 2016 (Maison de la Chimie)
(3) Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories, J.-C. Bernier, colloque La chimie et l’habitat (2011)
(4) Changements d’état, vidéo Palais de la découverte / SFRS / Université Pierre et Marie Curie 1997
(5) Chimie, atmosphère, santé et climat, une histoire partagée, E. Durocher, N. Baffier et J.-C. Bernier, Chimie et... en fiches (collège), Mediachimie.org
(6) La chimie dans la vie quotidienne : les apports de l’alimentation C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie dans la vie quotdienne, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2018)
(7) Les objets du quotidien : dans la maison et la cuisine C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie dans la vie quotdienne, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2018)
 

Crédit illustration : sumit kumar/Pixabay

- Éditorial
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Les jeunes et la science

La parution à la même période de l’interview d’Alain Aspect prix Nobel de physique 2022 (1) et de l’enquête sur la désinformation scientifique des jeunes à l’heure des réseaux sociaux (2) m’interpelle sur notre rôle, nous
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La parution à la même période de l’interview d’Alain Aspect prix Nobel de physique 2022 (1) et de l’enquête sur la désinformation scientifique des jeunes à l’heure des réseaux sociaux (2) m’interpelle sur notre rôle, nous chercheurs et enseignants en science.

Le premier message d’Alain Aspect est destiné aux jeunes, montrant que l’on ne va pas régler les problèmes de la planète et de la société contre la science. Au contraire, l’amélioration des modèles complexes insuffisants pour le climat et la résolution des pandémies est le résultat d’encore plus de recherches en informatique et en biochimie. Il rappelle aussi combien à l’école et au lycée il a été marqué par les expériences simples des leçons de choses et par ses enseignants qui lui ont transmis les méthodes de base qui lui ont bien servi jusqu’à maintenant.

Alain Aspect insiste aussi sur la nécessité de donner des moyens financiers et humains à la recherche exploratoire sans laquelle par exemple son sujet l’intrication quantique n’aurait pu déboucher sur ce qu’on appelle « la seconde révolution quantique ». Pour lui un meilleur financement des start-ups et surtout une diminution des délais administratifs des financements parait aussi essentiel. Car le plan quantique peut déboucher sur d’importantes applications comme les ordinateurs quantiques et la cryptographie quantique susceptibles de développements remarquables. En conclusion il revient sur un message aux jeunes en leur rappelant que la sobriété en énergie du calcul quantique devrait leur parler.

Ce message et ces rappels de l’importance de la science sous tous ses aspects, santé, énergie, climat, pollution, environnement, est d’autant bienvenu qu’il télescope de front l’enquête IFOP sur la désinformation des jeunes (11 à 24 ans) sur la science. Qu’y apprend-on en effet ?

  • Que seuls 33 % perçoivent positivement les bienfaits de la science (55% en 1972) et que 17% en pensent plus de mal que de bien (6% en 72).
  • Qu’ils adhèrent de plus en plus aux vérités alternatives.
  • 27% nient la longue évolution des êtres humains.
  • 32% assurent que les vaccins anti-covid à ARN génèrent des protéines toxiques et des dommages irréversibles.
  • 20% pensent que les Américains ne sont jamais allés sur la lune et 31 % que l’élection américaine a été faussée au détriment de D. Trump.
  • Au total plus des 2/3 croient au moins à l’une de ces contre-vérités scientifiques y compris que la terre est plate (16%).

L’analyse sociologique montre que les populations les plus « désinformées » font partie des plus démunies, que leur religion a une influence mais surtout qu’ils sont très « addicts » aux réseaux sociaux YouTube et surtout TikTok et son moteur de recherche chinois, qu’ils consultent plusieurs fois par jour. On s’aperçoit que cette génération (11-24 ans) s’informe essentiellement sur internet (64%) en délaissant les journaux télévisés (23%) et qu’ils accordent la crédibilité de préférence aux influenceurs qui ont le maximum de « followers ».

Alors comment remonter la pente ? Alain Aspect nous en trace quelques chemins :

  • illustrer des phénomènes physiques et chimiques de base par les professeurs des écoles ;
  • donner les bases de l’esprit critique au sein de l’enseignement au lycée.

La Fondation de la Maison de la Chimie contribue à ces deux chemins. Elle soutient la Fondation de la Main à la Pâte qui met à disposition des enseignants des écoles et du collège, des ressources et des aides variées pour mener à bien des activités de sciences et de technologie, dont la chimie (3).

La Fondation de la Maison de la Chimie a également créé le site Mediachimie.org sur lequel sont disponibles de nombreuses données en chimie, vérifiées et scientifiquement sûres (4). En effet, cela fait maintenant plus de 10 ans qu’une bonne vingtaine d’enseignants et chercheurs bénévoles œuvrent pour mettre à disposition des jeunes, de leurs enseignants et du grand public, des documents, des fiches, des vidéos, des colloques sur la chimie et la science et aussi donner l’occasion de rencontrer ou de voir les témoignages d’hommes et de femmes de science ou de l’industrie leur parler d’expériences, de vécus et de métiers d’avenir. Il faudrait encore plus de sites dévolus à la science, si possible agréables et vivants.

Continuons à apporter notre pierre pour aider nos collègues enseignants du primaire et secondaire au service de l’information scientifique vraie. Ensemble nos efforts conduiront peut-être à de nouveaux prix Nobel pour cette tranche d’âge.

Jean-Claude Bernier et Françoise Brenon

 

Pour en savoir plus :
(1) On ne réglera pas les problèmes de la planète contre la science mais avec elle, interview d’Alain Aspect, Les Echos (13 janvier 2023)
(2) La mésinformation scientifique des jeunes à l’heure des réseaux sociaux Enquête IFOP pour la Fondation Jean Jaurès et la Fondation Reboot (12 janvier 2023)
(3) Partenariat LAMAP-Fondation de la Maison de la chimieSéquences La main à la pâte – Mediachimie, site Mediachimie.org
(4) Site Mediachimie.org, Espace enseignants Mediachimie.org

 

Crédits : image d'illustration, Fox@Pexels , licence

- Question du mois
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Pourquoi se faire vacciner contre la grippe et la COVID ?

En raison de la probabilité de circulation concomitante cet hiver des virus grippaux et de la Covid-19, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande de coupler les campagnes de vaccination contre la grippe et la Covid-19 à
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En raison de la probabilité de circulation concomitante cet hiver des virus grippaux et de la Covid-19, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande de coupler les campagnes de vaccination contre la grippe et la Covid-19 à partir du 18 octobre 2022.

Plusieurs ressources ont fait le point sur les vaccins en général et sur le coronavirus (1). Le lecteur pourra s'y reporter. Rappelons que les vaccins dont nous allons parler ici sont des vaccins prophylactiques (2), et non thérapeutiques (3).

1. Le vaccin antigrippal

La grippe est une maladie respiratoire et aiguë qui est de retour chaque automne et ne disparaît qu’au printemps. Appartenant à la famille Influenza, les virus à l’origine de cette maladie sont de type A, B ou C.

Le vaccin contre la grippe est fabriqué à partir de virus inactivés et fragmentés. Il ne contient pas de virus vivant, et ne présente aucun risque de transmettre la grippe. L’organisme, au contact de ces fractions rendues inoffensives, va développer des anticorps, défenses immunitaires spécifiques qui le protégeront face au virus environ 15 jours après la vaccination.

Quelle est la composition du vaccin 2022-2023 ?

Les virus grippaux étant très changeants, il faut adapter chaque année le vaccin aux virus susceptibles de circuler (4) et revacciner chaque année. Le vaccin antigrippal pour l'hiver 2022-2023 cible les virus appartenant aux quatre différentes souches suivantes : un virus de type A/Victoria/2570/2019 (H1N1) ; un virus de type A/Darwin/9/2021 (H3N2) ; un virus de type B/Austria/1359417/2021 ; un virus de type B/Phuket/3073/2013.

On connaît déjà bien les virus H1N1 et H3N2, responsables essentiels de la grippe de 2018 caractérisée par 8 semaines d’épidémie en France et à l’origine de 1,8 million de consultations, de 65 600 passages aux urgences, de 11 000 hospitalisations et de 8100 décès (5).

Comment fabrique-t-on le vaccin contre la grippe ?

Les vaccins vivants atténués sont utilisés depuis 1921 comme le célèbre BCG (6) contre la tuberculose. Depuis une cinquantaine d'années, on fabrique les vaccins à l'aide d'œufs fertilisés. On injecte le virus par un petit trou à l'intérieur de ces œufs qui sont incubés 3 jours à 35°C. Le virus se multipliera à l'intérieur des cellules qui composent l'embryon de poulet. Une nuit à 5°C fait mourir les embryons, puis on récupère et purifie le blanc d'œuf. On tue alors le virus - et les bactéries éventuellement présentes - à l'aide d'un produit chimique (7), puis on purifie ces virus inactivés qui sont ensuite fragmentés (8), ce qui augmente la réponse immunitaire et diminue encore les risques. Le vaccin est alors prêt.

2. Le vaccin contre la COVID-19

Cette année en France, la Haute Autorité de Santé a recommandé des vaccins bivalents (9) qui protègent contre la souche initiale SARS-CoV-2 et son variant Omicron. Ce sont des vaccins à ARNm (10) dirigés contre les protéines de pointe (11) des virus. Les vaccins précédents restent efficaces contre les formes graves, les hospitalisations et les décès, mais les vaccins bivalents sont mieux adaptés aux virus qui circulent actuellement et peuvent éviter l'infection.

Le vaccin à ARNm est-il sans danger ?

La figure 1 montre comment la cellule eucaryote (12) va fabriquer les protéines : une cellule se compose d'un cytoplasme (13) à l'intérieur duquel est le noyau, séparé par une membrane difficile à franchir. À l'intérieur du noyau, l'ADN porteur de l'information génétique va être copié, c'est la réplication ; cet ADN va être reproduit sous forme d'ARN c'est la transcription ; cet ARN va perdre des fragments non utiles, c'est l'épissage qui conduit à l'ARN messager. Ce dernier traverse la membrane pour passer dans le cytoplasme, où il est traduit en protéines.

 

Figure 1.

Pour préparer le vaccin, comme l'ARNm est détruit dès qu'il pénètre dans l'organisme, on enveloppe l'ARNm fabriqué par synthèse (14) et codant pour les fragments de protéine de pointe dans une membrane artificielle (15) qui mime la membrane externe de la cellule. Lors de la vaccination, ce vecteur va pénétrer dans le cytoplasme où il introduit l'ARNm, mais il ne peut pas pénétrer dans le noyau. Il n'y a donc a priori pas de risque de modification du génome.

Mais ce premier vaccin à ARNm, préparé si vite, est-il vraiment sûr ? Il y a plusieurs arguments qui montrent que sa préparation n'a pas été « bâclée » :

  • i) Depuis 1990, une chercheuse hongroise, Katalin Karikó, a proposé d'utiliser l'ARNm dans des buts thérapeutiques (16)
  • ii) Ce nouveau type de vaccin a bénéficié des études de 2003 lors de l'épidémie de SARS CoV-1
  • iii) La synthèse du fragment d'ARN codant pour un fragment de la protéine de pointe a été très rapide, ce qui a accéléré les choses par rapport aux vaccins classiques
  • iv) La circulation très rapide du virus a permis d'obtenir des résultats plus rapidement.


3. Co-vaccination grippe Covid : est-ce sans danger ?

Selon une étude de Santé publique France (17), 25 % des personnes à risque comptent faire les deux vaccins en même temps. Dans un communiqué, l'Assurance maladie rassure : « la co-vaccination est sans danger : les données disponibles indiquent que la co-administration est généralement bien tolérée ». D'ailleurs, lors de la campagne de vaccination contre la grippe 2021-2022 qui était couplée avec celle contre la Covid-19, « aucun signal particulier n’a été identifié ». En cas d'impossibilité ou de refus de recevoir les deux vaccins en même temps, aucun délai n'est à respecter entre deux vaccinations.

Une question assez curieuse se pose : « pourquoi les gens ont-ils plus peur des vaccins que des médicaments ? " Il semblerait que ce soit d'abord la peur de la seringue ! Et le vaccin est une invention récente, du XIXe siècle, alors que l'homme se soigne avec des emplâtres, des tisanes depuis plus de mille ans. Enfin, de tout temps les hommes ont été plus préoccupés par la guérison des maladies que par leur prévention.

Nicole Jeanne Moreau et l’équipe Question du mois


 

(1) Zoom sur les vaccins (02/10/2020) ; Ensemble de ressources et de liens relatifs au coronavirus SARS-CoV-2 et à la pandémie de COVID-19 (mediachimie.org)
(2) Pour prévenir ou atténuer les effets d'une éventuelle infection par un agent pathogène naturel.
(3) Pour soigner ou aider le patient à lutter contre une maladie déjà survenue, par exemple un cancer.
(4) C’est l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui est chargée, en amont, de leur surveillance.
(5) Selon Santé publique France
(6) Bacille de Calmette et Guérin
(7) Formaldéhyde et/ou détergent
(8) Les vaccins à virions fragmentés contiennent des virus inactivés, qui ont été fragmentés au moyen d’un détergent, d’un solvant ou de ces deux substances. Réf: https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/rapports-publications/releve-maladies-transmissibles-canada-rmtc/numero-mensuel/2018-44/numero-6-7-juin-2018/article-2-resume-vaccin-sous-unitaire-vaccin-antigrippal-virion-fragmente.html
(9) Moderna ou Pfizer-BioNTech
(10) ARN messager
(11) Spicule ou spike
(12) Du grec eu, bien et caryos, noyau. Ce sont les cellules de tout être vivant autre que les bactéries.
(13) Du grec cyto, cellule et plasma, forme
(14) Ils sont synthétisés in vitro à l’aide d’une matrice d’ADN et d’une enzyme, l’ARN polymérase. L’ARN est ensuite purifié sur des colonnes de chromatographie, qui profitent des propriétés chimiques (pH ou affinité) pour séparer les composants de la solution et isoler le produit d’intérêt.
(15) Formée de lipides, de phospholipides et de cholestérol
Exemple de l’excipient du vaccin Pfizer :


 source  : wikipedia, domaine public, Lien

(16) Elle rejoint en 2013 BioNTech, un des deux laboratoires, avec Moderna, à l'origine du vaccin.
(17) https://www.has-sante.fr/jcms/p_3288855/fr/covid-19-et-grippe-la-has-precise-les-conditions-d-une-co-administration-des-vaccins

 

 

Crédits. Illustration : MasterTux/Pixabay ; Figure 1 : © N.J. Moreau

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Colloque Chimie et Intelligence Artificielle - mercredi 8 février 2023

Le cycle des Colloques “Chimie &…” s'enrichit d'un nouvel opus :  Chimie et Intelligence Artificielle  Mercredi 8 février 2023  Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris  Bien que des mouvements sociaux
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Le cycle des Colloques “Chimie &…” s'enrichit d'un nouvel opus :

 Chimie et Intelligence Artificielle 
 Mercredi 8 février 2023 

Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris 

Bien que des mouvements sociaux sont annoncés par la RATP et la SNCF pour les 7 et 8 février prochain, le colloque Chimie et Intelligence Artificielle est maintenu.

De nos jours, les nouvelles technologies permettent de générer des données et de les stocker dans des supercalculateurs. À l’aide d’algorithmes, on peut les trier et les interpréter plus vite qu’il n’est humainement possible pour prendre des décisions complexes. Le but de l’intelligence artificielle (IA) est de permettre à des ordinateurs de penser et d’agir comme le feraient des humains. De nouvelles puissances et infrastructures de calcul permettent de disposer des masses de données sans précédent, le « Machine Learning » et le « Deep Learning » les interprètent pour des tâches aussi complexes qu’innovantes.

L’intelligence artificielle est un sujet d’actualité dont la mise en application touche tous les domaines de l’industrie, de la recherche et de notre vie quotidienne. Bien que déjà présente dans la R&D, l’IA est encore pratiquement ignorée de la majorité des chimistes, n’apparaissant dans l’enseignement au niveau supérieur que depuis peu alors que tout le monde est convaincu de la place qu’elle est en train de se créer. Nous souhaitons donc présenter dans ce colloque un nouveau domaine en développement non seulement dans la recherche universitaire et industrielle, mais aussi dans l’enseignement indispensable pour préparer l’avenir.

Pour cela nous avons fait appel d’une part, aux experts universitaires et industriels des principaux domaines d’utilisation dans lesquels chimie et IA sont associés, d’autre part, aux enseignants chercheurs des établissements d’enseignement supérieur qui ont mis en place des formations initiales et continues dans cette nouvelle spécialité.

Ce Colloque est ouvert sur inscription à un large public avec une attention particulière aux jeunes et à leurs enseignants. Pour que ce colloque puisse être accessible au plus grand nombre, il sera diffusé sur la chaine You Tube de Mediachimie.

Le niveau se veut accessible à tous pour permettre un large débat.

Danièle Olivier et Jean-Claude Bernier
Co-Présidents du Comité d’Organisation

 

Voir le direct sur Mediachimie ou sur Youtube.

 

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Inscription gratuite et obligatoire : INSCRIPTIONS

 

Retrouvez le quiz "Chimie et intelligence artificielle"

- Question du mois
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Noël : la magie des bougies. Comment les bougies nous éclairent-elles ?

Le principe de la bougie, vieux comme le monde, consiste en un corps gras (combustible) et une mèche inflammable. Lorsqu’on enflamme la mèche, la chaleur dégagée fait fondre le corps gras. Ce liquide cireux va alors
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Le principe de la bougie, vieux comme le monde, consiste en un corps gras (combustible) et une mèche inflammable.

Lorsqu’on enflamme la mèche, la chaleur dégagée fait fondre le corps gras. Ce liquide cireux va alors grimper le long de la mèche par un phénomène appelé capillarité et se vaporiser sous l’action de la chaleur. Les gaz formés brûlent au contact du dioxygène de l’air : c’est la flamme de la bougie.

Cette combustion consomme la cire et le dioxygène et elle dégage de la chaleur. Elle va donc permettre la fonte de la cire restante et fournir en continu l’apport en combustible dans la mèche, ce qui entretient le processus, bien que la mèche se consume peu à peu.

En l’absence d’air (donc de dioxygène) - ou de mèche - la bougie s’éteint.

Les composants des bougies

Historiquement, la mèche était un jonc, il était trempé dans de la graisse fondue animale, suif de bœuf ou de mouton, graisse de cochon… ou cire d’abeille (beaucoup plus coûteuse et essentiellement réservée aux usages religieux) qu'on laissait ensuite durcir.

L’identification au début du XIXe siècle de la stéarine (i) extraite de graisse animale ou végétale et dont l’acide stéarique est issu puis, à la fin de ce siècle de la paraffine solide, issue du pétrole, a permis la production industrielle des bougies, formées avec des mèches en coton ou en chanvre tressé entourées d’une cire pouvant être moulée et solide à température ordinaire. Lors de leur fabrication, les bougies peuvent être colorées, si l’on introduit des pigments, ou parfumées par exemple par des huiles essentielles.

Les températures de fusion varient selon les produits utilisés. La température de fusion de la paraffine se situe entre 52 et 56°C, celle de l’acide stéarique est de 69-70°C et celle de la cire d’abeille se situe entre 62 et 65°C.

De nos jours, les bougies commercialisées sont essentiellement fabriquées à partir de paraffine.

Les constituants chimiques

Les graisses végétales ou animales sont composées de triesters du glycérol et d’acides à très longue chaine carbonée appelés acides gras (ii). Ainsi, la stéarine est le triglycéride de formule C57H110O6) (iii) dont on tire l’acide stéarique de formule CH3-[CH2]16-COOH. C’est l’acide stéarique qui a permis la production à grande échelle de bougies tout au cours du XIXe siècle (iv).

La paraffine est un mélange obtenu en raffinerie à partir de résidus solides du pétrole. Elle est constituée d’alcanes, molécules d’hydrocarbures saturés, de formule brute CnH2n+2, où la valeur de n se situe entre 18 et 32.

La paraffine qui est utilisée dans la production industrielle de bougies est en général complétée par l’apport d’un mélange appelé « acide stéarique technique » composé d’acides palmitique(v)et stéarique, et improprement appelé « stéarine »(vi). Ce mélange permet de rendre la cire plus opaque, plus dure ou encore d’augmenter la durée de combustion de la bougie.

La cire d’abeille est un mélange naturel complexe dont les constituants chimiques ne sont pas tous identifiés. Elle est composée d'environ 15% d'hydrocarbures linéaires à longues chaînes, 71% d'esters (dont 44% de monoesters d'acide gras et d'alcool gras, 12% d'hydroxyesters, 14% de di et triesters et 1% d'esters de stérols), 3% d'acides libres (vii) et 1% d'alcools libres, auxquels s’ajoutent des composés variables selon l’origine de la ruche.

La combustion de la bougie

La combustion complète des substances constituant une bougie conduit à la formation de CO2 et H2O. Mais si elle est incomplète, par manque d’oxygène elle produit aussi du monoxyde de carbone CO et des dépôts de carbone (suie).

De plus, une fois chauffés, la paraffine et les éventuels adjuvants parfumés ou colorés libèrent un peu de substances (acétone, benzène, toluène) toxiques et agressives pour les poumons. La combustion d’une bougie parfumée donne aussi naissance à des particules ultrafines associées à des HAP, hydrocarbures aromatiques polycycliques que l’on retrouve lors d’une combustion incomplète, et dont la toxicité est connue.

S’il y a de la fumée ou de la suie visibles, c’est que la bougie contient des substances polluantes.

La cire d’abeille ne dégage pas de fumée en brûlant ce qui donne des bougies moins polluantes.

Il est donc conseillé d’utiliser les bougies dans un milieu suffisamment aéré pour profiter de la magie qu’elles offrent.

Andrée Harari, Françoise Brénon et l’équipe question du mois

 

 

(i) La stéarine a été découverte par Michel Eugène Chevreul au XIXe siècle lors de ses travaux sur les corps gras entre 1813 et 1823. Voir son traité Recherches chimiques sur les corps gras d’origine animale (sur le site Gallica -BNF)

(ii) Un acide gras est un acide carboxylique dont la chaine carbonée présente de 4 à 36 atomes de carbone.

(iii) La stéarine est le triester formé à partir du glycérol (ou propan-1,2,3-triol) HOH2C–CHOH–CH2OH et de l’acide stéarique CH3-[CH2]16-COOH. Sa formule développée est :

Image illustrative de l’article Tristéarine
Domaine public, Lien

(iv) M. E. Chevreul et J. L. Gay-Lussac avaient entrevu l’innovation issue de leurs travaux d’isolement des acides gras, en particulier de l’acide stéarique, et avaient pris un brevet pour la réalisation de la bougie stéarique au cours des années 1830. Source « Des produits chimiques très recherchés: les acides gras pour la fabrication des bougies. La naissance de la lipochimie industrielle au cours du XIXe siècle », Gérard Emptoz, Culture technique, n° 23 (1991), pp. 33-45.

(v) L’acide palmitique a pour formule CH3(CH2)14COOH

(vi) Voir la définition du dictionnaire Larousse

(vii) Sources "Manuel des corps gras", Technique et Documentation, Lavoisier, Paris, 1992, pages 297 et 306 et Cires et cirages E. Gomez § 2.2.2.
Pratiquement un quart de la cire d'abeille est du palmitate de myricyle C15H31-COO-C30H61 et on trouve également une quantité de l'ordre de 12% de cérotate de myricyle C25H51-COO-C30H61.

 

Pour en savoir plus

[1] Histoire d’une chandelle, de M. Faraday : pages 29 et suivantes (J. Hetzel (Paris) Ed.) (sur le site Gallica - BNF)
[2] Pour les différents parties éclairantes de la flamme, l’article : The candle, the light bulb and the radio, de R. de Hilster, CNPS Proceedings 2017, p. 13

 

Crédits illustration : DR. A. Harari pour Mediachimie

- Éditorial
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Plus de gaz… Plus d’engrais ?

La crise européenne sur le gaz naturel (le méthane) et sur l’énergie a ses plus vives répercussions sur l’industrie et notamment sur l’industrie chimique qui est énergivore. En effet, outre les besoins en électricité et
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La crise européenne sur le gaz naturel (le méthane) et sur l’énergie a ses plus vives répercussions sur l’industrie et notamment sur l’industrie chimique qui est énergivore. En effet, outre les besoins en électricité et en chaleur pour les réactions chimiques industrielles, le gaz n’est pas seulement un carburant énergétique mais aussi une matière première pour des produits essentiels.

Prenons comme exemple la chaine des engrais azotés passant par le dihydrogène, l’ammoniac, l’acide nitrique et enfin les nitrates. En effet depuis la découverte du procédé industriel de synthèse de l’ammoniac dit Haber-Bosch en 1913, les engrais azotés ont permis à l’agriculture de multiplier les rendements agricoles notamment sur le blé et le maïs et aussi d’autres cultures vivrières, par un facteur 5 qui n’a pas été l’un des moindres à contribuer à l’augmentation de la population mondiale après 1920.

La synthèse de l’ammoniac, dont la réaction N2 + 3 H2 = 2 NH3, parait simple, exige hautes pression et température (300 bars ; 500°C), donc consomme de l’énergie électrique pour les compresseurs et de la chaleur pour le réacteur.

Mais il faut aussi préalablement produire le dihydrogène et le diazote ce qui s’accompagne de consommation de méthane et de formation de CO2. En effet le dihydrogène H2 est majoritairement issu de la réaction du méthane sur l’eau à haute température et le diazote N2 est obtenu en éliminant le dioxygène de l’air par combustion du méthane (réaction dont la chaleur est récupérée pour la réaction précédente). Le détail de ces réactions est consultable sur le site Mediachimie (1).

On peut aussi obtenir du dihydrogène par combustion partielle de charbon qui conduit à 1200°C au « syngas » (2) dont on peut séparer l’hydrogène. Ce procédé est notamment utilisé en Chine.

Dans le monde on fabrique près de 100 millions de tonnes de dihydrogène s’accompagnant hélas de l’émission de près de 1 milliard de tonnes de CO2 (3).

La fabrication des engrais azotés nécessite préalablement de transformer une partie de l’ammoniac en acide nitrique puis de faire réagir l’ammoniac avec une solution d’acide nitrique. On obtient du nitrate d’ammonium NH4NO3 pouvant être utilisé en solution ou en granulés (4). Un autre engrais utilisé largement est l’urée CO(NH2)2. On le fabrique industriellement par réaction de l’ammoniac sur CO2 à 180°C et sous pression de 150 bars en 2 étapes :

CO2 + 2 NH3 = NH2COONH4

suivie de NH2COONH4 = CO(NH2)2 + H2O   (5)

La consommation d’engrais dans le monde s’élève à près de 180 millions de tonnes dont environ 120 Mt azotés qui exigent, rien qu’en matière première, 72 Mt de gaz naturel. On estime que rien que la production de 170 Mt d’ammoniac est responsable de 2% des émissions de CO2 mondiales.

Des procédés plus propres ?

C’est alors qu’intervient la recherche de procédés alternatifs « plus propres ». On trouve alors plusieurs couleurs pour NH3 comme pour le dihydrogène (6) :

  • l’ammoniac « gris » par le procédé traditionnel Haber-Bosch issu du méthane ou d’hydrocarbures,
  • l’ammoniac « bleu » avec encore Haber-Bosch mais avec la capture du CO2,
  • l’ammoniac « vert » toujours Haber-Bosch mais avec de l’hydrogène obtenu par électrolyse de l’eau.

Pour l’instant seule une installation en Arabie Saoudite et un projet au Canada sont ou seront capables de fournir et commercialiser de l’ammoniac bleu qui, à cause du transport vers l’Europe, devient un peu gris-bleu !

Les deux plus importants producteurs d’ammoniac européens YARA et BASF penchent vers une solution de décarbonation en utilisant de l’hydrogène produit par des électrolyseurs proches des réacteurs d’ammoniac. Si l’électricité utilisée vient d’éoliennes alors il sera vert, si c’est de l’électricité issue du nucléaire il tendra vers le jaune. En fait techniquement on peut se passer de sources de méthane mais le problème est économique car l’ammoniac « vert » a un prix de revient lié au prix du MWh et est bien plus élevé que le « gris » sauf si le prix du gaz reste anormalement élevé.

La recherche pour des procédés « durables »

Y a-t-il des méthodes « douces » pour obtenir l’ammoniac ? Le principal problème chimique est de casser la molécule de diazote dont la liaison N≡N est particulièrement forte. Plusieurs recherches sont menées pour y parvenir, une équipe américaine a réussi à hydrogéner l’azote de l’air en solution grâce à un complexe hydrocarboné de zirconium. Des chercheurs de Rice University ont réussi par électro catalyse à produire environ 10 g d’ammoniac par heure à partir d’un catalyseur constitué de microcouches 2D de sulfure de molybdène où les atomes de soufre sont partiellement remplacés par du cobalt. Une autre équipe coréenne a simulé la même réaction d’un enzyme nitrogénase que certaines bactéries utilisent pour fabriquer l’ammoniac à partir de l’azote de l’air avec des feuillets de nitrure de Bore BN. C’est la même stratégie qu’a suivi une équipe de Montpellier en s’attaquant aux nitrates dispersés dans l’environnement pour les transformer par électro catalyse en NH3.

Ces réactions ont en commun de ne pas dégager de gaz à effet de serre (CO2) et aussi d’être à l’échelle du laboratoire capable de générer quelques grammes par heure. Il faudra encore des années avant qu’un procédé industriel robuste puisse concurrencer le procédé classique.

L’industrie européenne

Oui l’industrie de l’ammoniac en Europe est vitale. Le cours du gaz qui inférieur à 50 € le MWh en 2020 a dépassé les 300 € au plus fort de la crise en août 2022 pour revenir à des valeurs proches de 100 € pénalise fortement la production d’ammoniac et celle d’engrais azotés. Le nitrate et l’urée ont vu leurs prix multipliés par 3 entre 2021 et 2022 ce qui contraint les agriculteurs à diminuer drastiquement les intrants et même à les supprimer pour les petites exploitations avec des répercussions sur les rendements (7).

Même la chaine des constructeurs automobile est atteinte. Devant le prix du gaz et de l’énergie les chimistes européens ont partiellement arrêtés les unités d’ammoniac et réduit les fabrications d’au moins 30% d’où un manque d’urée pour la dépollution automobile (AdBlue) et industrielle. D’un point de vue plus général, la chimie européenne suivant la déclaration du président de BASF en Allemagne se pose la question de sa survie ou de ses délocalisations si la situation tendue sur l’énergie et le gaz perdure.

Jean-Claude Bernier et Françoise Brénon

 

Pour en savoir plus :
(1) Comment fabriquer des engrais avec de l’air ? La synthèse de l'ammoniac, Françoise Brénon (Réaction en un clin d’œil, Mediachimie.org)
(2) Comment fabriquer de l’essence avec du charbon ? La réaction de Fischer-Tropsch, Jean-Claude Bernier (Réaction en un clin d’œil , Mediachimie.org)
(3) Vision de l’hydrogène pour une énergie décarbonée, conférence et article de Xavier Vigor Colloque Chimie et énergies nouvelles, 10 février 2021
(4) Le nitrate d’ammonium, un engrais dangereux ?, Jean-Claude Bernier (éditorial, Mediachimie.org)
(5) La première synthèse organique, Marika Blondel-Mégrelis (Mediachimie.org)
(6) Qu’est-ce que l’hydrogène « vert » ?, Françoise Brénon (Question du mois, Mediachimie.org)
(7) Agriculture du futur : s’appuyer sur les savoirs et non sur les croyances, Jean-Yves Le Deaut, Colloque Chimie et Agriculture durable, un partenariat en constante évolution scientifique, 10 novembre 2021

 

Crédits : image d'illustration, licence CC0, PxHere

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La chimie recrute ?

La chimie est partout et emploie des opérateurs, techniciens, ingénieurs et docteurs dans de très nombreux secteurs d’activité, la chimie mais aussi la pharmacie, la cosmétologie, l’énergie, la plasturgie, la métallurgie,
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La chimie est partout et emploie des opérateurs, techniciens, ingénieurs et docteurs dans de très nombreux secteurs d’activité, la chimie mais aussi la pharmacie, la cosmétologie, l’énergie, la plasturgie, la métallurgie, l’électronique, les matériaux, la protection des cultures et même dans la police scientifique… La chimie se diversifie dans la chimie du végétal, la biomasse, le recyclage, l’environnement, la santé…

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter :

En recherche, en développement, en production, en commercial…, les compétences sont et seront encore plus recherchées au cours des prochaines années.

Lycéens et étudiants, vous qui décidez de vos choix futurs, découvrez les domaines d’activité en entreprise, les fonctions ou métiers associés ainsi que des vidéos dans l’espace Métiers.

Pour vous aider à trouver la bonne voie consultez :


Une rubrique « ? Métiers, des réponses à vos questions » complète les informations.
 

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Pourquoi réduire la consommation de sel dans l'alimentation ?

C’est un problème de santé publique et aussi de chimie analytique !  Nous avons besoin de sel (chlorure de sodium de formule NaCl) pour maintenir constant notre équilibre électrolytique : c’est-à-dire les rapports entre
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C’est un problème de santé publique et aussi de chimie analytique ! 

Nous avons besoin de sel (chlorure de sodium de formule NaCl) pour maintenir constant notre équilibre électrolytique : c’est-à-dire les rapports entre les concentrations des différents ions (sodium, potassium, chlorure, calcium, magnésium, phosphate) et l’eau contenus dans notre organisme. Or on perd du sel dans l’urine et la sueur et c’est pourquoi nous devons consommer du sel. Si le sel est vital pour notre organisme un excédent de sel entraine une augmentation de la pression artérielle conduisant à des maladies cardiovasculaires et des AVC. Il est à signaler que l’organisme a besoin d’un minimum de sel pour bien fonctionner car si nous n’en absorbions pas du tout les effets de toxicité seraient les mêmes que ceux décrits lors d’une trop grande consommation. L’OMS recommande de diminuer la consommation de sel depuis une dizaine d’années pour atteindre un objectif de 30% de baisse en 2025.

Pour réduire la consommation en sel, il faut : i) diminuer la dose journalière qui est située actuellement entre 6,5 et 12,5 g de sel/jour, ii) réduire le taux de sel dans les aliments consommés, iii) réduire l’usage du sel de table, en ne dépassant pas le taux de 1,5 % en masse d’aliment, iv) abaisser l’optimum de préférence au goût en utilisant par exemple des arômes de cacahuète ou des ajouts d’herbes aromatiques (persil, basilic, origan… qui renforcent la perception du sel. Des tests sont actuellement en cours sur l’utilisation des différentes variétés de sel (sel fin, fleur de sel, sel micronisé) [1].

La saveur salée fait partie des cinq saveurs fondamentales dont l’amer, l’acide, le salé, le sucré et l’unami (qui vient du japonais : goût protéine des viandes). Leur carte de répartition n’est pas localisée dans des zones précises de la langue contrairement à une idée répandue jusque dans les années 70 [2]. La saveur salée est perçue par toutes les papilles de la langue par un mécanisme transmembranaire qui déclenche un influx nerveux transmis au cerveau nous permettant d’apprécier cette saveur. Les seuils de détection varient avec l’âge de 0,3 g/L pour les juniors à 0,8 g/L pour les seniors, sans différence observable entre les hommes et les femmes. Mais il n’y a pas que le cation sodium du chlorure de sodium qui est responsable de la saveur salée : l’ion potassium, le lithium (non consommable) et l’ion ammonium participent aussi à cette saveur. Le chlorure d’ammonium est utilisé dans les pays du Nord où les rennes sont domestiqués de cette manière car ils en raffolent !

Disposer de mesures précises de la teneur en sel de nos aliments est donc nécessaire.

Des observations qualitatives de fluorescence ont montré que le sel pénètre peu dans la viande grillée de bœuf mais assez profondément dans la chair du poulet cuit [1] .

Des mesures IRM (imagerie par résonance magnétique) issues de la résonance magnétique nucléaire (RMN) du sodium (23Na), nécessitant d’utiliser des champs magnétiques forts de l’ordre de 4,7 teslas (environ cent mille fois le champ magnétique terrestre !) permettent de doser avec une grande précision la teneur en sodium des aliments [1]. Par exemple on a pu mesurer exactement la quantité de sel dans des jambons après un séchage de plus de six mois (8 g de sel pour 55 g d’eau !) Mais cette méthode permet aussi d’obtenir une cartographie de la répartition du sel à l’intérieur des aliments (sans la destruction de cet aliment). Des carottes cuites dans des solutions classiques de cuisine ont été analysées et la concentration du sel au bord des carottes est égale à 7,2 g/L tandis qu’à l’intérieur de la carotte elle est deux fois plus faible ! Une étude plus fine des formes des spectres montre l’existence d’ions sodium libres mais aussi d’ions sodium liés aux molécules voisines contenues dans l’aliment, ce qui donne des informations sur la relation entre la saveur salée plus ou moins longue en bouche et la nature des aliments !

À noter que l’emploi du glutamate de sodium comme alternative au chlorure de sodium fait encore l’objet actuellement de travaux de recherche car il est responsable des saveurs : salée mais aussi unami !

Jean-Pierre Foulon et l'équipe Question du mois

 


Note : L’IRM du sodium est aussi utilisée avec succès pour doser les ions sodium dans le cerveau humain (travaux de recherche réalisés à l’hôpital de Marseille en 2022 !) permettant des diagnostics médicaux très précieux.

Pour en savoir plus :
[1] Comment réduire le sel dans notre alimentation ?  série de cinq conférences vidéos par H. This, C. Hugol-Gential, J.M. Bonny, T. Thomas-Danguin, J.P. Poulain, en libre accès sur le site de l’Académie de l’agriculture, séance 19/10/2022
[2] Le goût : de la molécule à la saveur, Loïc Briand, in La chimie et les sens (EDP Sciences, 2018) pp. 189-209 ; vidéo et chapitre du Colloque La chimie et les sens (22 février 2017).

 

Crédits : image d'illustration, licence CC0, PxHere

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Pourquoi utiliser de l’ammoniac ou de l’ammoniaque dans des applications domestiques ?

La molécule de formule NH3 appelée ammoniac(i) est un gaz, très soluble dans l’eau. On donne aussi le nom d’« ammoniaque » ou « solutions ammoniacales » à ses solutions aqueuses. La forme gazeuse est présente à l’état
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La molécule de formule NH3 appelée ammoniac(i) est un gaz, très soluble dans l’eau. On donne aussi le nom d’« ammoniaque » ou « solutions ammoniacales » à ses solutions aqueuses.

La forme gazeuse est présente à l’état naturel lors de la décomposition de substances protéiques. 80% de sa production industrielle par le procédé Haber-Bosch(ii) sert à la synthèse des engrais.

Pour ce qui est des applications domestiques, on trouve la solution aqueuse en magasin de bricolage, dans les rayons de produits ménagers ou sur Internet, avec les informations d’utilisations suivantes « nettoyant, décapant », « dégraisse, détache les tissus, ravive les couleurs », « nettoyer les tapis et moquettes, nettoyer les surfaces vitrées… ». Il existe aussi des mélanges prêts à l’emploi.

En ce qui concerne le nettoyage de l’argenterie, l’utilisation des solutions d’ammoniac est discutable(iii).

La solution d’ammoniac est également une des composantes utilisée pour réaliser des « frisures permanentes » sur cheveux(iv), ou dans des colorations capillaires.

Les noms rencontrés sur les étiquettes du commerce

Ammoniaque alcali 22° baumé ; ammoniaque 13° ; ammoniac 13% ; ammoniaque alcali 13 % ; alcali 13% ; ammoniaque (ou ammoniac) alcali 22° hydroxyde d’ammonium ref alcali en solution à 20% (en poids d’ammoniaque dans l’eau).

Ces noms recouvrent-ils la même chose et quelles sont les significations de toutes ces informations ?

Que se passe-t-il lors de la dissolution de l’ammoniac gazeux dans l’eau ?

Lors de la dissolution du gaz ammoniac dans l’eau il s’établit un équilibre dont l’équation bilan (A) est la suivante :

(A) NH3 (aq) + H2O (l) = NH4+(aq) + OH-(aq)

Mais cet équilibre ne produit qu’une très faible quantité d’ions ammonium NH4+. Ainsi la solution contient très majoritairement des molécules d’ammoniac hydratées. Par exemple, pour 17 g de gaz ammoniac NH3 dissout dans 1 L d’eau cela conduit à l’équilibre à avoir 99,6 % sous forme NH3,aq(v). Il se forme seulement 0,4 % sous forme NH4+ et simultanément la même faible quantité d’ions hydroxyde OH-.


Ainsi écrire que l’ammoniaque (correspondant à l’ammoniac en solution) aurait pour formule chimique NH4OH est donc inexact et source d’erreur(vi). Cette formulation date du XIXe siècle(vii).

La solution aqueuse d’ammoniac est aussi une solution basique en raison de la présence des ions OH-(viii).

Le mot « alcali » a pris plusieurs définitions au cours des siècles. En tant qu’adjectif il signifie que le produit est une base forte et donc que sa solution a concrètement un pH allant de 10 à 14 selon sa concentration(ix), ce qui est le cas de la solution d’ammoniac. En tant que nom, « l’alcali » ou « alcali volatil » est synonyme de solution d’ammoniac. Ce terme est toutefois désuet.

Pourquoi l’ammoniac peut-elle retirer des taches de couleurs ?

L’ammoniac NH3 peut donner des complexes en s’associant aux molécules responsables de la tache et ainsi « l’encapsuler » ou faire passer sous forme ionique un colorant qui sera alors soluble dans l’eau. Son caractère basique participe aussi au processus de dégraissage.

Ces propriétés étaient utilisées dès l’Antiquité ! À Pompéi et dans la Rome antique il existait des ateliers de foulonnerie où l’on nettoyait les vêtements des dignitaires. Le linge était foulé avec les pieds par des esclaves dans des bacs contenant des argiles et de l’urine humaine récoltée dans la ville. En effet l’urine contient de l’urée qui se transforme en ammoniac grâce à une enzyme uréase (naturellement présente dans l’urine) selon :

(NH2)2CO (urée) + H2O → CO2 + 2 NH3


Précautions à prendre dans un usage domestique(x)

En raison de son caractère basique, il est conseillé d’utiliser des gants lors de la manipulation d’une solution aqueuse d’ammoniac et d’éviter le contact avec les yeux et les muqueuses.

L’odeur caractéristique de l’ammoniac ne vous échappera pas ! Au moment de manipuler ce produit il est vivement conseillé d’ouvrir les fenêtres pour aérer la pièce et d’éviter de respirer les vapeurs.

Ne pas stocker ni manipuler le produit près d’une source de chaleur, car NH3 dissous peut facilement redonner de l’ammoniac gazeux s’échappant du flacon.

Ne pas stocker la bouteille d’ammoniac à proximité d’une bouteille d’acide chlorhydrique (éventuellement possédée comme détartrant). En effet les vapeurs de NH3 comme celles de chlorure d’hydrogène (HCl) pouvant s’échapper des flacons donneront des cristaux blancs de chlorure d’ammonium(xi), qui se déposeront sur les bouchons. On peut observer que les grandes surfaces ne respectent pas toujours ces règles de stockage !

Dans diverses circonstances vous pouvez identifier la présence d’ammoniac. Par exemple :

  • L’ammoniac apparait dans des processus de fermentation réalisés dans l’industrie agroalimentaire. Ainsi les caves d’affinage du Comté se distinguent par une forte odeur due à des vapeurs d’ammoniac(xii).
  • Le Hákarl, plat traditionnel de l'Islande obtenu par fermentation de chairs de certains requins, a une odeur très forte due à la transformation in fine de l’urée en ammoniac, comme vu pour les urines grâce à l’action de l’uréase. La chair du poisson passe alors d’un pH 6 à un pH 9.
  • L’émanation de l’ammoniac gazeux a lieu également si on laisse vieillir trop longtemps certains fromages ou certains poissons et est associée de façon générale aux processus de putréfaction.

Pour en savoir plus sur la concentration des solutions vendues

Pour les étiquettes indiquant un pourcentage, il s’agit du pourcentage massique(xiii) correspondant au rapport entre la masse de la quantité d’ammoniac introduite(xiv) dans l’eau sur la masse totale de la solution obtenue. Donc l’information « solution à 13% » signifie que 100 g de solution contient 13 g de NH3.

Qu’est-ce que le degré Baumé ?

Il est étonnant de trouver encore une information en degré Baumé, unité exclue des unités légales françaises depuis 1961. À 20 °C, la correspondance entre la densité et les degrés Baumé (noté B) pour les liquides moins denses que l'eau (densité < 1) est : d = 140 / (B + 130). Cela donne pour la solution d’ammoniac à 22° d = 140/(22+130) = 0.921 et donc une masse volumique(xv) de 0,921 kg/L.

Les étiquettes au laboratoire de chimie

Dans les laboratoires de chimie l’étiquette indique un pourcentage massique, P, une masse volumique ρ en g par litre (g.L-1) et une masse molaire M en g par mole (g.mol-1). Ces 3 données permettent de déterminer la concentration molaire en ammoniac, [NH3,aq], exprimée en mol par litre (mol.L-1) ; la relation à utiliser est C = P* ρ /M où bien sûr la masse molaire de l’ammoniac est M = 17 g.mol-1 et non 35 g.mol-1, comme on le trouve de façon erronée sur certains flacons, sur des sites Internet grand public et même sur la fiche officielle associée à son numéro CAS(xvi) ! Cette masse molaire erronée provient de l’hypothèse fausse que l’ammoniaque aurait pour formule NH4OH(xvii).

Conclusion

Si l’ammoniac est connu depuis l’Antiquité par ses usages qui perdurent et satisfont les consommateurs, son identification ne date que de la fin du XVIIIe siècle et est due à Claude Louis Berthollet(xviii).

Et qu’en est-il des dénominations ammoniac ou ammoniaque et des formules chimiques NH3 ou NH4OH associées ? Cette chronique illustre que la chimie est une science étudiant des phénomènes complexes à modéliser dont l’interprétation ne fait pas nécessairement l’unanimité et évolue en fonction des connaissances.

Lydie Amann et Françoise Brénon et l’équipe question du mois

 

 

(i) du grec Ammoniakon, « de Ammôn », nom grec d'Amon, dieu égyptien, car on extrayait près du temple d’Ammon en Lybie un minerai nommé salmiac, qui libérait ce gaz. Le salmiac contient du chlorure d’ammonium NH4Cl.

(ii) Consulter Comment fabriquer des engrais avec de l'air ? La synthèse de l'ammoniac

(iii) Pour l’argenterie, le noircissement de l’argent étant lié à la formation de sulfure d’argent très stable, l’ammoniac ne suffit pas à le détruire par complexation. Pour en savoir plus :  Nettoyer l’argenterie par « une recette de grand-mère » : comment ça marche ?

(iv) Pour en savoir plus Pourquoi ça frise ou ça défrise ?

(v) Ce calcul résulte de la valeur de la constante d’équilibre


 

On notera que 17 g de NH3 correspond à 1 mol d’ammoniac soit environ la dissolution de 25 L de gaz à température ambiante.

(vi) Voir la bonne définition du Larousse https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ammoniaque/2936

(vii) On lira avec intérêt cet article du Chemical Education Why We Are all Using a Nonexistent Substance: NH4OH

(viii) L’acidité et la basicité d’une solution aqueuse sont mesurées sur une même échelle par le pH, grandeur reliée à la concentration en ions H+aq par pH = - log[H+aq].

Les concentrations en H+aq et OH-aq étant toujours liées par la relation [H+aq] * [OH-aq] = Cte. On considère qu’une solution est basique si son pH est supérieur à 7 et acide si pH <7.

(ix) En prenant le même exemple que précédemment (cf. note v), le pH de cette solution vaut 11,6.

(x) On peut consulter la fiche de toxicologie de l’ammoniac sur le site de l’INRS ici.

(xi) La réaction mise en jeu est : HCl (gaz) + NH3 (gaz) → NH4Cl (s). À ce sujet consulter l’anecdote historique La chimie contre les mauvaises odeurs.

(xii) La teneur en ammoniac dans l’air y est de l’ordre de 23 ppm (partie par million en volume dans l’air (mL/m3) d’après le CIGC - Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté).

(xiii) Pourcentage massique :

(xiv) Compte tenu de l’équilibre (A) très peu déplacé, la masse d’ammoniac introduite est quasiment égale à la masse de NH3(aq) à l’équilibre.

(xv) La masse volumique se calcule par la relation ρ = d*ρ(eau) sachant que ρ(eau) = 1 kg/L

(xvi) Le numéro CAS de la solution aqueuse est : 1336-21-6 et celui du gaz est 7664-41-7.
Il s’agit de son numéro d'enregistrement unique auprès de la banque de données de Chemical Abstracts Service.

(xvii) Exemple : Le chimiste dans son laboratoire prend une bouteille et étudie l’étiquette pour en connaitre les caractéristiques. Il lit par exemple : P = 28%  ρ = 0,90 kg/L  et M = 35,05 g/mol. Une autre bouteille donne les mêmes informations sauf au niveau de la masse molaire M = 17 g/mol.
Or, l’expression de la concentration molaire exprimée en mol /L a pour expression : C = P* ρ /M .
Ainsi, l’application numérique pour la bouteille 1 donne donc C voisine de 7,2 mol. L-1 et pour la bouteille 2 de 15 mol. L-1, le facteur 2 provenant du facteur 2 entre les 2 masses molaires. Pourtant les dosages acido-basiques de ces 2 solutions montrent que chacune des 2 bouteilles a une concentration en ammoniac NH3 voisine de 15 mol/L. L’erreur provient du fait que l’ammoniaque est assimilée à l’hydroxyde d’ammonium NH4OH en solution (d’où M = 14 + 16 + 5 = 35 g.mol-1) ce qui est erroné comme l’a montré l’étude de l’équilibre de dissolution dans lequel l’ammoniac reste essentiellement sous la forme NH3(aq).

(xviii) voir Berthollet et la découverte de la composition de l’ammoniac

 

Crédits illustration : DR. F. Brénon pour Mediachimie

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Des Nobels de chimie pour la chimie click !

L’américain Barry Sharpless (pour la seconde fois après ses travaux sur la catalyse en particulier de réactions stéréospécifiques d’époxydation, couronnés par le Prix Nobel en 2001 !), le danois Morten Meldal et
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L’américain Barry Sharpless (pour la seconde fois après ses travaux sur la catalyse en particulier de réactions stéréospécifiques d’époxydation, couronnés par le Prix Nobel en 2001 !), le danois Morten Meldal et l’américaine Carolyn Bertozzi ont reçu le Prix Nobel de Chimie le 5 octobre 2022 pour « le développement de la chimie click et de la chimie bio-orthogonale » selon le communiqué de l’Académie Royale de Suède.

Qu’entend-on par chimie click ?

Il s’agit d’un concept simple envisagé par B. Sharpless au début des années 2000 : faire réagir deux molécules pour créer une liaison robuste, comme une ceinture de sécurité fait avec un « clic », pour reprendre la formulation du comité Nobel ; par exemple des réactions de cycloaddition mettant en jeu des molécules dipolaires 1-3 (les charges positives et négatives sont réparties sur trois atomes adjacents).

Parallèlement M. Meldal découvrait par hasard une réaction de cyclisation entre un alcyne (molécule à triple liaison carbone-carbone) avec une molécule dipolaire spécifique l’azoture (molécule à trois atomes d’azote) (i).Il généralisa alors en fonctionnalisant deux molécules l’une avez une extrémité azoture et l’autre avec une extrémité alcyne conduisant à des produits de cycloadditions variés. La réaction nécessite l’emploi d’un catalyseur à base de cuivre. Le rendement est quantitatif si on rigidifie l’alcyne dans une structure cyclique (cyclo-octyne) (ii).

Mais l’élément cuivre n’est pas très compatible avec des réactions dans les milieux biologiques in vivo et c’est là que C. Berzotti proposa en 2003 de fixer sur une molécule polymère de polysaccharide la partie azoture ce qui conduit à la réaction de cyclisation sans nécessité d’employer le catalyseur au cuivre !

Ce sont des réactions quantitatives (100% de rendement), rapides, très sélectives et surtout sans sous-produit ce qui correspond bien aux douze commandements de la chimie verte ! Elles sont souvent réalisées dans l’eau (donc pas de problème de toxicité ici !) et à température ambiante ou jusqu’à 37°C (température des êtres humains bien sûr !).

Qu’entend-on par chimie bio-orthogonale ?

C’est Carolyn Berzotti qui a introduit ce concept en 2003 et il faut comprendre par là qu’il s’agit de l’ensemble des réactions conduisant à la formation ou la rupture de liaisons au sein des milieux biologiques sans interagir (c’est le sens particulier du mot orthogonal ici !) avec les fonctions chimiques présentes dans des milieux complexes : intracellulaire, le sang ou même jusqu’à l’organisme tout entier. C. Bertozzi avec son équipe a généralisé la réaction entre des azotures et des alcynes greffés sur toutes les molécules type sucres d’un organisme vivant tels que les modèles du poisson-zèbre ou la souris en ajoutant sur les molécules des groupes fluorescents permettant de suivre l’évolution réactionnelle.

Cependant peu de réactions synthétiques sont vraiment bio-orthogonales et peuvent être réalisées dans un animal. Les réactions les plus courantes sont justement les cycloadditions entre les azotures et les cyclo-octynes !

La chimie bio-orthogonale peut alors conduire par ces réactions click à i) fonctionnaliser des matériaux tels que les NTC (nanotubes de carbone) ou des polymères pour créer des propriétés adhésives par exemple ii) des nouvelles stratégies thérapeutiques en construisant des médicaments in vivo et en contrôlant leur vitesse de libération dans des organes malades bien ciblés telles que des cellules cancéreuses.

Jean-Pierre Foulon
8 octobre 2022

 

(i) L’azoture a pour formule globale N3- et pour représentation

   (Wikimedia, domain public)

(ii) Cyclo-octyne

    (Wikimedia, domain public)
 

Illustrations et schémas disponibles sur http://nobelprize.org/
© Johan Jarnestad/The Royal Swedish Academy of Sciences

 

 

 

Pour en savoir plus
(1) Deux articles du numéro spécial de chemiobiologie de l’Actualité Chimique n° 468 de décembre 2021 :

(2) Reprogrammation de la réactivité du fer dans le cancer,  R. Rodriguez, article et conférence, colloque Chimie et Nouvelles thérapies du (13 novembre 2019)

 

Illustrations :

Portraits Carolyn R. Bertozzi, Morten Meldal, K. Barry Marshall © Nobel Prize Outreach. Ill. Niklas Elmehed. 

Autres illustrations © Johan Jarnestad/The Royal Swedish Academy of Sciences

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Fête de la science 2022

La Fête de la science 2022 se tiendra en France métropolitaine du 7 au 17 octobre et en Outre-mer et à l'international du 10 au 27 novembre sur la thématique du « Réveil climatique ». Mediachimie.org accompagne cette fête
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La Fête de la science 2022 se tiendra en France métropolitaine du 7 au 17 octobre et en Outre-mer et à l'international du 10 au 27 novembre sur la thématique du « Réveil climatique ». Mediachimie.org accompagne cette fête et vous propose une sélection de ressources en relation avec cette thématique.

Découvrez les vidéos de la série « Des Idées plein la Tech » qui vous invitent dans des laboratoires de centres de recherche et d'entreprises innovantes :

Amusez-vous en testant vos connaissances avec nos QUIZ :

Vous vous posez la question : « Comment la chimie et ses métiers peuvent-ils contribuer à la lutte contre le changement climatique » ? Vous trouverez des réponses dans l’espace métiers :

Découvrez aussi des fiches Grand oral pour le Bac, issues du partenariat Nathan / Mediachimie qui abordent ce sujet :

La Fête de la science, ce sont également des milliers d'animations gratuites, partout en France. Les activités proposées par chaque région de France et d’Outre-mer sont consultables sur le site https://www.fetedelascience.fr/

 

Illustration : Capture écran. Twitter @FeteScience

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H₂O, la molécule vedette de l’été

La sécheresse qui a sévi en 2022 et les vagues de chaleur estivales ont entrainé cet été des évènements extrêmes et des manifestations « hypohydriques » que nous n’avions pas souvent connus. La plus spectaculaire a été
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La sécheresse qui a sévi en 2022 et les vagues de chaleur estivales ont entrainé cet été des évènements extrêmes et des manifestations « hypohydriques » que nous n’avions pas souvent connus. La plus spectaculaire a été les nombreux départs de feux de forêts ou de broussailles facilités par une végétation asséchée mais aussi la faible croissance des cultures vivrières et le jaunissement des prairies que broutent les animaux, les coupures d’eau potables dans certains villages ruraux et les fissures apparues dans de nombreuses maisons individuelles bâties sur terrain argileux.

Tout ceci montre une fois de plus l’importance d’une molécule ; l’eau H2O indispensable à la vie quotidienne et à la vie tout court.

H2O l’indispensable

Notre corps est composé en moyenne à 65% d’eau (pour un adulte) (1). En cas de canicule il est indispensable de boire car si la teneur baisse de quelques % des troubles apparaissent. On peut être privé de nourriture pendant plusieurs jours mais pas d’eau. Toute activité physique nécessite une énergie chimique stockée dans notre corps sous forme d’une précieuse molécule l’ATP (2) qui se transforme en ADP en libérant de l’énergie PI utilisée par nos muscles. L’équation simplifiée dans un effort d’endurance (3) qui consomme du dioxygène est :

Glucose + O2 + ATP = PI +ADP + CO2 + H2O.

Lors d’un effort sportif on libère donc du CO2 mais aussi de l’eau. C’est pourquoi lors par exemple du tour de France les coureurs doivent boire beaucoup de litres d’eau car ils en perdent beaucoup sous forme de vapeur ou de sueur.

Cette eau essentielle à la vie combien en dispose-t-on ? Sur notre planète Terre, l’eau est essentiellement sous forme d’eau salée (97,5 %) et 70% de l’eau douce est sous forme de glace ou de neige. Pour l’humanité c’est bien sûr la ressource en eau douce qui est importante elle est de l’ordre de 35 millions de km3 dont la moitié est normalement accessible (4).

     

Peut-on craindre une pénurie ? Les experts de la FAO estiment les besoins à 14 000 km3/an soit moins de la moitié des ressources en eaux souterraines qui paraissent suffisantes surtout si on y ajoute une bonne fraction récupérable des 70 000 km3 eaux pluviales annuelles. Encore faut-il différencier la consommation de l’eau et son prélèvement. Pour faire tourner une turbine produisant de l’électricité l’eau prélevée à la rivière y retourne instantanément. En agriculture l’eau nécessaire à l’irrigation est consommée car elle passe dans la plante ou est évaporée.

Une végétation sans H2O

La photosynthèse utilisée par les plantes est une réaction d’oxydo-réduction utilisant l’eau et le dioxyde de carbone CO2 de l’atmosphère qui, sous l’action des photons venant du soleil, fabrique les réserves de la plante sous forme de molécules hydrocarbonées (ici le glucose).

La réaction globale peut s’écrire : 6 CO2 + 6 H2O + photons = C6H12O6 + 6 O2

La chlorophylle est le pigment de couleur verte des feuilles qui permet l’absorption des photons.

Lorsque l’eau vient à manquer les arbres avertis par leurs capteurs sécrètent de l’éthylène à partir d’un de leur acide aminé la méthionine et ne synthétisent plus la chlorophylle responsable de la couleur verte (5). D’où en cette période de sécheresse les couleurs jaunes des prairies et l’amoncellement de feuilles rouges ou marrons dans nos rues en pleine été plutôt qu’en automne.

Le manque d’eau limite également le rendement de la photosynthèse en diminuant les réserves de la biomasse en molécules hydrocarbonées sucres ou amidons d’où la maigreur des épis de blé et de maïs appauvrissant les récoltes de 2022.

H2O au secours des feux de forêts

Les végétaux asséchés sont des cibles choisies pour s’enflammer le plus souvent accidentellement. L’augmentation de la température et la pyrolyse des végétations entrainent l’émission de nombreux composés volatils. Sont présents des composés benzéniques et phénoliques et beaucoup de terpènes pour les pins sans compter l’émission forte d’éthylène en situation de stress hydrique et thermique qui transforme l’arbre en une torche enflammée (6).

Une fois de plus l’eau vient au secours de ces incendies. Lorsqu’on arrose les flammes avec de l’eau, celle-ci se vaporise en puisant des calories au foyer et grâce à sa chaleur latente de vaporisation élevée fait baisser la température de 750°C à 400°C. De plus la vapeur d’eau prive la combustion des composés carbonés de l’oxygène de l’air. Les célèbres Canadair© larguent sur le front de flammes 7 m3 d’eau avec des agents retardateurs tels que les polyphosphates ou argiles, des agents mouillants ou moussants comme l’hexylène glycol (ou 2-méthyl-2,4-pentanediol) qui isolent le végétal de l’air brulant environnant. La couleur rouge des largages est apportée par l’oxyde de fer (Fe2O3) en suspension pour que les avions suivants voient la trace de l’intervention précédente. Notons bien qu’une bonne pluie de 10 mm venue du ciel a bien plus d’efficacité car à elle seule elle représente 100 m3 d’eau par hectare.

Des conséquences du manque de H2O

Plus insidieux sont les effets de la sécheresse sur les réserves souterraines et les bâtiments. Lorsque les terrains souvent argileux sont très secs, ils deviennent durs et peu perméables car leur porosité diminue. En cas de pluie l’eau ruisselle et ne pénètre pas en profondeur pour rejoindre les nappes phréatiques et réserves souterraines qui s’épuisent ce qui entraine des coupures d’eau potable (7). Et comme souvent après les vagues de chaleurs surviennent des orages libérant des volumes de pluie importants en quelques heures qui provoquent par ruissellement des inondations en milieu rural comparables à celles des zones urbaines cimentées et bitumées. Plus grave aussi est la fissuration des habitations dont on dit que potentiellement 10 millions de foyers pourraient être touchés. Ceci est dû aux variations de volume de roches naturelles les argiles ou phyllosilicates lamellaires (8). L’exemple type est la montmorillonite Si4Al2O10(OH)2 où Al peut être partiellement substitué par Mg. La structure en feuillets s’équilibre électriquement alors avec des cations séparant les feuillets. Ces cations plus ou moins hydratés peuvent en fonction de l’hydratation faire varier les inter-distances entre 10 nm et 1000 nm. D’où une aptitude au gonflement et inversement au retrait lors d’une déshydratation qui peut provoquer des déplacements de terrain importants au gré des variations d’humidité. C’est ce qui arrive à nombre de maisons individuelles bâties sur des terres argileuses majoritaires en France.

Ces inconvénients et tracas ne sont rien comparés à ceux que subissent un milliard d’individus qui sur terre manquent d’eau potable et les 2 milliards qui en plus ne disposent pas d’installations de traitement des eaux usées… La chimie a encore beaucoup à faire !

Jean-Claude Bernier
Août 2022

Pour en savoir plus :
(1) Chez un nourrisson, l’eau représente 75 % de son poids total, chez l’adulte, elle descend à 65 % (soit par exemple 45 litres d’eau pour un homme de 70 kg).
(2) Optimisation des performances, complexité des systèmes et confrontation aux limites, in La chimie et le sport, collection Chimie et… junior (EDP Sciences) 2015
(3) Quelle chimie dans le sport ? Épisode 1 : le métabolisme énergétique aérobie , vidéo Blareaureau au labo - Mediachimie
(4) L’eau, un nouvel « or bleu », de J.-C. Bernier, L’actualité chimique n° 381 (janvier 2014) p. 4-5
(5) Pourquoi et comment les feuilles se colorent en automne et tombent en hiver ? de C. Agouridas et F. Brénon, Question du mois, Mediachimie.org
(6) La chimie des feux de forêts, de J.-C. Bernier, éditorial, Mediachimie.org
(7) L’eau, une ressource indispensable pour la ville, de A. Charles, A. Harari et J.-C. Bernier, série « Chimie et… en fiches », Mediachimie.org
(8) Cristaux, cristallographie et cristallochimie. Des symétries aux propriétés : fiche 4 - les systèmes monoclinique et triclinique, de A.Harari et N. Baffier, année de la cristallographie (2014), Mediachimie.org
 

Crédits :
Figures : DR Mediachimie.org
Illustration : Pxhere / licence CC0 Domaine public Lien

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Connaissez-vous le verre vert ?

À cette question je sens que nombreux vous répondrez : « mais oui bien sûr j’ai plusieurs bouteilles de bière qui sont de couleur verte ». Et vous aurez raison. Car en effet, du point de vue chimique, il se trouve que
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À cette question je sens que nombreux vous répondrez : « mais oui bien sûr j’ai plusieurs bouteilles de bière qui sont de couleur verte ». Et vous aurez raison. Car en effet, du point de vue chimique, il se trouve que dans les sables utilisés pour faire ces bouteilles en verre, il y a des impuretés de fer et notamment l’oxyde FeO qui contient du fer à l’état d’oxydation Fe2+. C’est lui qui donne cette coloration verte car il absorbe les rayonnements rouges. Par contre si on oxyde le fer en Fe3+ on obtient alors une coloration brune due à l’absorption des rayonnements bleus (1). La plupart des verres utilisés pour l’agroalimentaire, notamment les boissons, sont de ces couleurs et ils méritent en plus le « label vert » car ils sont majoritairement recyclés.

Fabrication

Revenons un peu sur la fabrication du verre (2). Il s’agit d’une réaction à haute température entre 3 composants : la silice SiO2 (sable), le carbonate de sodium Na2CO3 et le carbonate de calcium ou calcaire CaCO3. On forme alors à 1600°C un verre composé de SiO2, Na2O et CaO) à l’état liquide. Il y a simultanément un avec dégagement de CO2 issu de la décomposition des carbonates. Cette fabrication initiale dans des fours verriers exige une forte énergie fournie majoritairement par des carburants fossiles gaz ou fioul et des matières premières minérales . En France, on fabrique environ 5 millions de tonnes de verre par an sur 60 sites verriers qui consomment 3% de l’énergie totale et émettent aussi 3% du CO2 (3) émis par l’industrie.

Comment alors « décarboner » l’industrie verrière et « verdir » notre verre ?

Recyclage

Depuis les années 70, l’habitude de recycler le verre a été prise et de nombreux points de collectes des bouteilles, flacons et bocaux en verre ont été établis, ce qui permet de recycler près de 80% des verres creux. Sur le territoire plus de 3 bouteilles sur quatre sont recyclées, plus de 2 Mt sont collectées et sont à 100% recyclées.

Pour être efficace et renouvelable à l’infini, le recyclage (4) doit commencer par un tri très strict, et tout d’abord pour les particuliers, lorsqu’on dépose les bouteilles dans les containers. Après les collectes s’opère un tri mécanique qui permet d’éliminer les papiers et objets métalliques puis un tri optique automatique permettant d’éliminer les objets céramiques non fusibles et enfin un tri infra rouge qui permet de séparer les verres colorés des verres blancs transparents. Après ce tri sévère, les verres sont broyés et transformés en calcin, poudre qui peut alors être refondue à environ 1500°C puis à nouveau moulé et façonné en de nouvelles bouteilles.

Cette re-fusion est économique, peut se faire à température plus basse et économise de l’énergie ; elle évite aussi l’émission du CO2 issu de la décomposition des carbonates observé lors de la première fabrication. On estime que la fusion d’une tonne de calcin évite entre 400 kg et 700 kg de CO2 et permet l’économie de 1,300 t de matière première dont plus de 800 kg de sable.

Certaines verreries expérimentent l’oxycombustion qui consiste à remplacer l’air d’alimentation des brûleurs qui chauffent le four par de l’oxygène pur ce qui évite de réchauffer l’azote de l’air, et ainsi d’économiser 25% de gaz, et de réduire d’environ 15% les émissions de CO2 et surtout de diviser par 10 celles des oxydes d’azote (NOx.).

Le verre plat

Le recyclage du verre creux est plutôt bon. Il n’en est pas de même pour le verre plat et la laine de verre qui sont des déchets issus du BTP. La modernisation d’une ligne de production de verre feuilleté à Aniche dans le Nord a permis l’expérience d’une production bas carbone.

Dans le cas général, après la fusion, le verre fondu passe sur un bain d’étain fondu selon le procédé float, et se refroidit de 1100°C à 600°C. Après refroidissement les plaques sont découpées puis après stockage passent dans une ligne où elles sont lavées puis chauffées en salle blanche dans une machine hermétique où elles sont collées deux par deux avec une couche interne de polybutyral de vinyle (PBV)(i) qui améliore les performances acoustiques, d’isolation et anti-effraction des vitrages.

Une expérience en mai 2022 a constitué à produire 2000 t de verre plat zéro carbone avec une alimentation exclusive en électricité verte et biogaz et en recourant au calcin seul, évitant ainsi l’émission de 1000 t de CO2 et le recours à 2300 t de matières premières (sable et carbonates).

Cette expérience préfigure une évolution de la production du verre plat où l’introduction de calcin de verres plats doit progressivement augmenter. Le gisement en France de vitrages issus de la déconstruction ou du remplacement des fenêtres est de 200 000 t et seulement 5% sont utilisés. Cela tient aux difficultés de collectes lors des chantiers et de la qualité nécessaire à obtenir un calcin avec moins de 0,5% d’impuretés.

Il en est de même pour la laine de verre (5). Seule une usine à Orange pour l’instant collecte et recycle les panneaux et rouleaux fibreux qui souvent trainent sur les chantiers de déconstruction ou de rénovation avant d’être enfouis. Seules moins de 1000 t sont recyclées après tris et dissolution du polymère d’imprégnation sur un gisement national estimé 120 000 t. Ici encore la constitution d’un réseau regroupant les sociétés du BTP et les nombreuses entreprises artisanales de la construction parait nécessaire.

Ne soyons pas trop pessimistes ; même si les productions de verre ne sont pas encore « décarbonées », les vitrages isolants et intelligents (6) permettent d’économiser de l’énergie puisqu’ils sont 5 à 8 fois plus efficaces qu’une simple vitre et de nous préserver aussi des températures externes. De même les panneaux en laine de verre avec un coefficient de conduction de la chaleur λ très faible permettent de supprimer les passoires énergétiques et donc d’économiser des kWh et d’éviter l’émission de millions de tonnes de CO2.

Voilà des productions verrières « vertes » ?

 

Recyclage du verre 

 

Jean-Claude Bernier
Juillet 2022

 

(i) PBV : le motif répétitif de ce polymère synthétique a pour formule :

avec R = C3H7

 

Pour en savoir plus
(1) La couleur des verres, de Jacques Livage, colloque Chimie et lumière (20 février 2020)
(2) Comment faire des vitrages avec du sable ? La réaction de fusion du verre, de Jean-Claude Bernier, série Une Réaction en un clin d’œil, Mediachimie.org
(3) Le CO2, matière première de la vie, in La chimie, l’énergie et le climat, collection Chimie et… junior (EDP Sciences) 2017
(4) Recyclage et valorisation des déchets, Revue Chimie Paris (2013)
(5) Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !, de Jean-Claude Bernier, in La chimie et l’habitat (EDP Sciences) 2011
(6) Vers des vitrages intelligents et connectés pour des bâtiments durables et confortables, de Stéphane Auvray, colloque Chimie et lumière (20 février 2020)
 

Crédits :
Recyclage du verre : DR Mediachimie.org
Molécule PVB :CC BY-SA 4.0, Lien
Illustration : Nordseher /Pixabay Lien

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Un Chimiste du solide, médaille d’or du CNRS

La médaille d’or du CNRS est l’une des plus prestigieuses distinctions scientifiques françaises. Elle est attribuée cette année au professeur Jean-Marie Tarascon, aujourd’hui professeur au collège de France, mais sa
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La médaille d’or du CNRS est l’une des plus prestigieuses distinctions scientifiques françaises. Elle est attribuée cette année au professeur Jean-Marie Tarascon, aujourd’hui professeur au collège de France, mais sa carrière s’est déroulée dans plusieurs lieux scientifiques et pas exclusivement dans l’hexagone.

Jeune diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Bordeaux il fait sa thèse au laboratoire de Chimie du solide de P. Hagenmuller avec J. Etourneau sur la synthèse et l’étude des borures de terres rares. Après sa thèse il part à l’université de Cornell aux États-Unis pour un stage post doc, mais il est repéré par la Bell Telephone Company qui l’engage dans son laboratoire de recherche où il continue à travailler sur les chalcogénures et siliciures aux propriétés supraconductrices. C’est après 1985 qu’il est rattrapé par la folie des supra YBaCuO et à la Bell, nuit et jour il enchaine les synthèses et substituants dans la pérovskite pour élever la température de transition au-delà de 91K.

C’est le tremblement de terre en Californie qui coupe le courant au labo et montre la faiblesse des batteries au plomb de secours qui l’oriente vers l’électrochimie.

Il travaille d’abord sur un spinelle qu’il connait bien LiMn2O4 qui par substitutions l’amène progressivement aux LiMnCoO4 puis au LiCoO2. Les bases cathodiques des batteries lithium–ion étaient posées et il réalise avec l’équipe de la Bell la première batterie tout plastique largement brevetée.

C’est en 1995 à la suite du décès du professeur M. Figlarz qu’à la demande de plusieurs scientifiques il revient en France à l’université d’Amiens et prend la direction du Laboratoire de réactivité et chimie du solide. Il lui donne une orientation marquée vers les matériaux pour le stockage de l’énergie. Il développe une plateforme d’essais et de tests de batteries « boutons » prototypes en mettant à profit ses connaissances cristallographiques et l’apport d’équipements de diffraction RX et de microscopie électronique avec l’association au CNRS. Très vite le laboratoire picard devient un centre d’attractivité. Il réussit dans les années 2000 à fédérer un bon nombre de laboratoires sous le nom d’ALISTORE (i), qui réunit avec des crédits européens les meilleurs laboratoires d’électrochimie en Europe, académiques et industriels. En 2010 il obtient la création du réseau français RS2E (ii) qui permet à plusieurs unités du CNRS, des universités, du CEA et des industriels de mettre en commun leurs réflexions et leurs innovations sur le plan national. Il continue les innovations et avec son complice de la première heure Mathieu Morcrette, conscient que les quantités de lithium, de cobalt ou de nickel ne sont pas éternelles, il imagine la batterie au sodium qui est bien moins couteuses et plus respectueuse des ressources naturelles. Progressivement il augmente avec son équipe sa capacité de stockage et crée la société picarde TIAMAT energy (iii) qui produit et commercialise les nouvelles batteries ion–sodium. Nommé professeur au Collège de France en 2014, il se préoccupe maintenant plus particulièrement de la fiabilité des batteries en imaginant d’y mettre des capteurs et des éléments autoréparables pour prolonger leur durée de vie et améliorer leur longévité.

Jean-Marie Tarascon avec encore son bon accent du Sud-Ouest chère aux rugbymen est non seulement un chercheur remarquable et un entraineur d’hommes et de femmes innovants, c’est aussi un bon pédagogue qui a la passion de convaincre son auditoire ; voir par exemple les conférences sur les batteries et le stockage de l’énergie (iv) au collège de France. Il sait aussi avec des mots simples expliciter la chimie à l’intérieur d’une batterie pour les jeunes lycéens.

Lors d’une dernière conférence qu’il donnait sur une vision du stockage de l’énergie pour un développement durable, il jetait un regard lucide sur le développement des batteries et leur conditions d’usage : utiliser de l’énergie renouvelable pour charger les batteries, développer des matériaux d’électrodes à plus haute capacité et avec des métaux abondants, développer des batteries plus éco-compatibles, injecter de l’intelligence artificielle dans les batteries pour autoriser une longue voire une seconde vie, lancer une politique de recyclage massive incluant des circuits courts et des procédés de récupération avec des normes strictes.

Cela ressemble furieusement à une feuille de route R&D pour le futur du stockage électrochimique.

Merci Jean-Marie !

Jean-Claude Bernier
Juillet 2022

 

(i) https://alistore.eu/
(ii) https://www.energie-rs2e.com/fr
(iii) http://www.tiamat-energy.com/
(iv) Sélection de conférences et cours de M. Tarascon au Collège de de France

 

Illustration : capture Entretien avec Jean-Marie Tarascon, Collège de France, 2015, licence CC by-nc-sa 3.0

- Question du mois
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Pourquoi ne pas mélanger de l’eau de Javel et du détartrant ?

Peut-être avez-vous été tenté, en vous croyant plus efficace, de mettre simultanément de l’eau de Javel et du détartrant dans la cuvette des WC afin de la désinfecter et de la rendre plus blanche. Surtout ne faites pas
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Peut-être avez-vous été tenté, en vous croyant plus efficace, de mettre simultanément de l’eau de Javel et du détartrant dans la cuvette des WC afin de la désinfecter et de la rendre plus blanche.

Surtout ne faites pas cela ! Pour en être convaincu, découvrez la composition de ces produits et leurs rôles respectifs.

Le tartre ou calcaire

Ces deux termes sont synonymes. De formule chimique CaCO3, il s’agit du carbonate de calcium.

Le calcaire qui se dépose provient des eaux dites dures (car riches en ions calcium et magnésium mais aussi en ions bicarbonate (i)). En effet les eaux de pluie qui s’infiltrent, s’enrichissent en ions présents dans les couches géologiques traversées. Ainsi les régions calcaires vont conduire à des eaux dures dans les nappes phréatiques (ii).
La réaction de déposition du calcaire sur les canalisations et dans la cuvette des WC est la suivante :

Ca2+ + 2 HCO3-CaCO3 (solide) + CO2 (gaz) + H2O

Le détartrant

Comme son nom l’indique il a pour rôle de retirer le tartre.

Or l’ion carbonate présent dans le calcaire est une base (composé capable de capter des ions H+ (iii) ) et le détartrant est un acide (composé capable de libérer des ions H+). Ils peuvent donc réagir l’un sur l’autre selon

CaCO3 + 2 H+aq → Ca2+ + CO2 (g) + H2O

Les bulles que vous observez sont donc des bulles de dioxyde de carbone et le dépôt de calcaire est éliminé. Le dégazage du dioxyde de carbone rend la réaction totale (iv).

L’acide présent dans un détartrant de WC varie selon les marques (v). On rencontre essentiellement des mélanges sous forme de gels ou poudres contenant de l’acide chlorhydrique, de formule HCl ou de l’acide phosphorique H3PO4 ou de l’acide sulfurique H2SO4. Sur une échelle de pH allant de 0 à 14 dans l’eau, la solution acide d’un détartrant pour WC a un pH proche de 1 ou 2 selon les produits. Le vinaigre ne convient pas (vi).

L’eau de javel

L’eau de Javel est une solution basique contenant aussi des ions hypochlorite ClO- et des ions chlorure Cl-.

La solution basique est due à de la soude ou hydroxyde de sodium NaOH dissoute dans l’eau. Ainsi l’eau de Javel a un pH voisin de 12 ou 13 selon sa concentration.

Quand vous utilisez l’eau de Javel vous recherchez à utiliser les propriétés des ions hypochlorite. En effet leur propriété essentielle est d’être un oxydant puissant ce qui a pour effet de détruire pratiquement tous les composés comme les virus, les bactéries et autres microorganismes ainsi que les produits issus de la décomposition de la matière organique. Les colorants et les odeurs disparaissent aussi.

Que se passe-t-il donc lors d’un mélange de détartrant et d’eau de Javel ?

L’acide du détartrant va consommer les ions hydroxyde de la soude présente dans l’eau de Javel selon la réaction, H+aq + OH- → H2O. Donc le pH va diminuer. Si on se retrouve en excès de détartrant le milieu devient acide et les ions hypochlorite deviennent alors instables en présence des ions chlorures.

Il se forme un dégagement de dichlore, gaz très dangereux pour la santé selon

ClO- + Cl- + 2 H+ → Cl2(g) + H2O

Alors n’hésitez pas à avertir vos connaissances et les enfants qu’il ne faut pas réaliser un tel mélange.

N’oubliez jamais de lire la notice des produits ménagers que vous utilisez. Dans le cas du détartrant il expressément écrit : « ATTENTION : Ne pas mélanger avec du chlore ou de la Javel ». Dans le cas de l’eau de Javel, l’information est la suivante : « Attention ! Ne pas utiliser en combinaison avec d'autres produits. Peut libérer des gaz dangereux (chlore) ».

La bonne marche à suivre

Dans un premier temps éliminer le calcaire en laissant agir le détartrant. Une fois le calcaire éliminé, rincer abondamment la cuvette en tirant successivement 2 à 3 chasses d’eau.

Puis ajouter de l’eau de Javel et laisser agir. Enfin, rincer abondamment.

Dans la mesure du possible aérez la pièce.

Et prenez toujours des précautions quand vous manipulez de l’eau de Javel : portez des lunettes et des gants de ménage.

Françoise Brénon et l’équipe question du mois
 

 

(i) Le bicarbonate a pour autre nom hydrogénocarbonate et pour formule chimique HCO3-. L’eau naturelle ayant un pH voisin de 6 à 7 les ions carbonate passent sous la forme hydrogénocarbonate, en raison de la stabilité de ces espèces en fonction du pH.

  

(ii) Les régions de France où l’eau est dure sont celles où les terres sont calcaires (Ile-de-France, Champagne crayeuse, Nord, Alpes…). Les régions où l’eau est douce c’est-à-dire qu’elles contiennent peu d’ions calcium et magnésium sont les régions de la Bretagne et du Massif Central…).

(iii) L’ion H+ est aussi appelé ion hydrogène. On le note pour simplifier H+aq, notation que l’on lit « ion hydrogène aqueux ».

(iv) Vous avez déjà rencontré cette réaction dans la question du mois : Pourquoi le champagne, le vin ou du Coca-Cola® peuvent-ils abimer le marbre ?

(v) Pour en savoir plus on peut consulter les fiches techniques des produits commerciaux en cherchant "fiche technique" + nom du produit sur un moteur de recherche.

(vi) Le vinaigre blanc contient de l’acide acétique (avec un pH voisin de 3,5) ce qui n’est pas assez efficace pour détartrer les WC. On l’utilise plutôt par exemple pour détartrer les cafetières. La composition des détartrants commerciaux tout prêts pour cafetières sont plutôt les acides citrique, lactique, sulfamique… (gamme de pH 2 à 4).

 

Crédits illustration : DR. Mediachimie

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Colloque Chimie et Matériaux Stratégiques - mercredi 9 novembre 2022

Le cycle des Colloques “Chimie &…” s'enrichit d'un nouvel opus : Chimie et Matériaux StratégiquesMercredi 9 novembre 2022 Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris   Les métaux et matériaux stratégiques
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Le cycle des Colloques “Chimie &…” s'enrichit d'un nouvel opus :

Chimie et Matériaux Stratégiques
Mercredi 9 novembre 2022

Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris

 

Les métaux et matériaux stratégiques sont le plus souvent relativement rares ou difficilement accessibles, inégalement répartis sur la planète, mais mondialement indispensables dans des utilisations industrielles stratégiques, notamment la décarbonation de l’Énergie dans toutes ses applications industrielles et environnementales.

Les conflits géopolitiques actuels ne font qu’amplifier l’importance de ce thème, car ces matériaux sont indispensables à la vie d’un État et leur manque entraine des impacts industriels et économiques négatifs importants, liés à un approvisionnement ou à une exploitation difficile.

Dans le cadre de notre mission de formation des jeunes et d’information des citoyens, il nous est apparu important de faire un point scientifique objectif sur les différentes facettes de ce thème transdisciplinaire au cœur de l’actualité, dans lequel la chimie joue et jouera un rôle important. Les conférenciers ont été choisis parmi les meilleurs experts de la recherche, de l’industrie, de la politique et de l’économie, dans les différents domaines concernés.

Ce colloque est ouvert sur inscription à un large public avec une attention particulière aux jeunes et à leurs enseignants. Pour que ce colloque puisse être accessible au plus grand nombre, il sera diffusé en direct sur la chaine YouTube de Mediachimie. Le niveau se veut accessible à tous pour permettre un large débat.

Danièle OLIVIER | Vice-Présidente de la Fondation internationale de la Maison de la Chimie

 

Voir le direct sur Mediachimie ou sur Youtube.

En savoir plus

Inscription gratuite et obligatoire : INSCRIPTIONS

- Éditorial
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L’hélium, l’autre gaz indispensable

Depuis plusieurs semaines on entend parler de la crise du gaz, le conflit avec la Russie mettant les nations européennes dans une situation énergétique délicate du fait d’une dépendance non maîtrisée aux importations du
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Depuis plusieurs semaines on entend parler de la crise du gaz, le conflit avec la Russie mettant les nations européennes dans une situation énergétique délicate du fait d’une dépendance non maîtrisée aux importations du gaz russe. Il s’agit bien évidemment du méthane CH4 (1) utilisé comme combustible et aussi matière première pour l’industrie chimique. Il y a un autre gaz dont on parle peu mais qui est tout aussi indispensable, non dans le domaine de l’énergie, mais dans celui de la santé, de la soudure, de l’électronique, de la recherche et de la défense, c’est l’hélium.

Un gaz rare très curieux

L’hélium (symbole He) de numéro atomique 2 et de masse molaire 4 g/mol est un gaz plus léger que l’air (0,138 g/L), très bon conducteur de la chaleur. Il a une température de liquéfaction très basse – 269°C (4K). C’est, après l’hydrogène, l’élément le plus répandu dans la croute terrestre provenant des particules α (He2+) issues de la désintégration d’éléments radioactifs (2). L’hélium liquide est incolore et subit un changement de phase à son point lambda à – 271°C où il devient « superfluide » c’est-à-dire qu’il n’a pas de viscosité mesurable, qu’il passe à travers des capillaires quasi nanométriques et rampe le long des surfaces. 1000 fois plus conducteur thermique que le cuivre, ses propriétés sont expliquées en le classant comme un fluide quantique. Curiosité de laboratoire, il est très utile pour l’exploration du domaine proche du zéro absolu, des propriétés des « atomes froids » et bientôt des nouveaux calculateurs quantiques.

Un gaz industriel

L’hélium est un sous-produit de l’extraction du gaz naturel qui peut en contenir de 0,3% à 7%. C’est en 1927 que l’un des premiers gisements d’Hugoton Basin fut exploité aux États-Unis. D’autres réserves gazières naturelles comme celui du CO2 dans le Wyoming sont exploités depuis 1986.

Toute une série d’opérations est effectuée pour obtenir un gaz pur. On le débarrasse d’abord des impuretés comme l’eau, le mercure et le sulfure d’hydrogène (H2S) par adsorption sur du charbon actif puis on sépare le méthane par cryogénie. On refroidit ensuite à – 196°C pour éliminer l’azote et les restes de méthane. Enfin on brûle le gaz avec de l’oxygène sur catalyseur pour éliminer l’hydrogène (3). Enfin on brûle l’hydrogène restant en présence de l’hélium avec de l’oxygène sur catalyseur (4).

Une dernière purification donne un gaz hélium pur à 99,99% qui peut être stocké.

Les États-Unis sont les principaux producteurs, viennent ensuite le Qatar, l’Algérie, l’Australie, la Russie et la Pologne. La production mondiale est de l’ordre de 160 millions de m3 dont 50% aux États-Unis.

La saga de la production d’hélium est assez intéressante. Dans les années 1970 les États-Unis sont en situation de quasi-monopole. Le gouvernement fédéral a financé avec un partenariat privé un pipe-line de 600 km reliant les installations de production aux cavités de stockage texanes. Les volumes extraits de l’ordre de 4000 tonnes sont multipliés par 5 pour atteindre 20 000 t en 1970. Le gouvernement juge que les stocks sont suffisamment importants et la production diminue largement.

Le processus est accéléré avec la fin de la guerre froide dans les années 90 et compte tenu de la dette des sociétés fédérales de maintenance des infrastructures et de stockage, la loi de privatisation de l’hélium en 1996 précipite l’écoulement du milliard de m3 stockés mais fait baisser les prix qui n’encouragent pas les nouveaux investissements US. La forte demande internationale qui s’accélère pour l’électronique et la fibre optique en Europe et en Asie va multiplier le prix au m3 qui passe de 2 $ à plus de 6 $, l’hélium devenant un produit critique. La production va alors s’internationaliser d’abord en Algérie où une alliance Air Products – Air liquide – Sonatrach va mieux exploiter l’extraction à partir des ressources gazières. Puis c’est le Qatar, avec les entreprises allemande Linde et française Air liquide, qui voit sa production sera multipliée par trois. Le tableau indique la production mondiale internationalisée actuelle maintenant en millions de m3 :

paysUSQatarAlgérieRussieAustraliePologne
M m3835114541

Un gaz très utile

Sa faible température d’ébullition (4K) le fait abondamment utiliser en cryogénie. Les bobines des aimants en NbTi (nobium, titane) ou NbSn (nobium, étain) des supraconducteurs des IRM en contiennent chacun plusieurs dizaines de litres, le grand collisionneur de Hadrons (LHC, Large Hadron Collider) du CERN en contient 120 t et les bobines des aimants du projet ITER en contiendront des milliers de litres (5); dans nos laboratoires les spectromètres RMN sont également refroidis à l’hélium liquide (6).

Gaz inerte et ininflammable il est utilisé pour purger les réservoirs d’hydrogène liquide et aussi pour pressuriser les réservoirs d’oxygène liquide utilisé comme propergol (7) pour les moteurs Vulcain des fusées Ariane. La NASA pour sa part utilise plusieurs millions de m3 par an. Son inertie le fait utiliser dans la soudure à l’arc pour l’inox, le cuivre et l’aluminium ; il protège les métaux de l’oxydation et il est moins couteux que l’argon. Il protège sous pression le tirage des monocristaux de silicium ou germanium et celui des fibres optiques. Plus léger que l’air il sert à gonfler les ballons et dirigeables, à la place de l’hydrogène ; rien que pour les ballons sondes la météo en utilise près de 4 millions de m3 annuellement.

Du fait de sa moindre solubilité dans les solutions aqueuses et notamment dans le sang il remplace l’azote dans les bouteilles servant à la respiration des plongeurs et évite ainsi les embolies gazeuses par dégagement d’azote dans les artères lors de la décompression.

Bien plus fluide que l’air il est utilisé dans les disques durs scellés des serveurs du « cloud » : on peut ainsi empiler plus de disques durs et l’hélium favorise la vitesse de lecture des données. Il peut les garder en température à 4 ou 5°C améliorant leur longévité.

Enfin il permet de faire la fête : on gonfle facilement les ballons multicolores (8) des anniversaires et en inspirant l’hélium à la place de l’air sa faible densité change la voix vers les aigus pour amuser l’assistance.

Plus sérieusement, l’Europe avait déclaré en 1994 l’hélium produit critique et stratégique compte tenu de sa production géographiquement centrée et de son utilisation indispensable pour certaines industries. En 2020 sa criticité a été annulée. En France il y a une capacité faible de production au Blanc-Mesnil et une société 48-Energy a déposé un permis de recherche dans la Nièvre.

Jean-Claude Bernier
Juin 2022



Pour en savoir plus
(1) Le biogaz, une énergie d’avenir ? de Jean-Claude Bernier, éditorial Mediachimie.org
(2) Les réactions nucléaires dans les étoiles, par Lucien Ransinangue, dossier pédagogique Nathan / Mediachimie.org
(3) Gaz de schistes : pour aujourd’hui ou pour demain ? de Julien Lefebvre, Noël Baffier et Jean-Claude Bernier, une fiche Chimie et…en fiches, cycle 4, Mediachimie.org
(4) Zoom sur les derniers résultats de la production d’hydrogène « décarboné » de Jean-Pierre Foulon et Françoise Brénon, Zoom sur, Mediachimie.org
(5) Quelle échéance dans la disponibilité pour l’option « fusion de l’hydrogène » ?, de Bernard Bigot, Colloque Chimie et énergies nouvelles (10 février 2021)
(6) La résonance magnétique nucléaire au service de la biologie structurale, de Nicolas Birlirakis et al.,  L’Actualité Chimique n°353-354 (juin-juillet-août 2011) p. 100-109
(7) La propulsion des fusées et des futurs avions chez Air Liquide, de Pierre Crespi, Colloque Chimie, aéronautique et espace (8 novembre 2017)
(8) Pourquoi mon ballon s’envole ? Question du mois, Mediachimie.org