L'airbag tueur

Date de publication : Mardi 23 septembre 2025
Rubrique(s) : Éditorial

En juin sur l’autoroute près de Reims, après avoir heurté un muret de protection, une conductrice a perdu la vie suite à l’explosion de son airbag suivie de projections de pièces métalliques qui se sont révélées mortelles. Cet accident s’est déjà produit, causant plus de 16 victimes décédées et 24 blessés, d’abord en France d’outre-mer puis dans le sud de la France. Ces répétitions dramatiques ont entrainé un large rappel des véhicules concernés par au moins une dizaine de marques automobiles européennes. Des spots à la télévision, des messages dans les journaux, des rappels lumineux sur autoroute ou sur le périphérique incitent les conducteurs à changer les airbags défectueux.

Qu’est-ce qu’un airbag ?

La préoccupation de protéger le conducteur puis les usagers d’un véhicule automobile lors d‘un accident s’est manifestée dans les années 1970. C’est dans les années 80 que la solution d’utiliser un sac rempli de gaz par des moyens pyrotechniques rapides a été retenue. Invention au départ pour l’aéronautique, elle a été appliquée d’abord par Mercedes dans les automobiles. En cas de choc, le sac d’environ 70 litres se déploie devant le conducteur en un clin d’œil, c’est-à-dire 150 millisecondes, puis, quelques fractions de seconde plus tard, le sac de sécurité se dégonfle sous la pression du corps pour éviter un effet rebond et aussi pour faciliter l’intervention des secours en cas d’extraction de l’automobiliste hors de l’habitacle. Ce dispositif a sauvé des milliers de vie humaine à condition qu’il soit associé à un deuxième accessoire de sécurité, les ceintures de sécurité, qu’il n’est nullement destiné à remplacer et qui ne doivent pas être supprimées. On rappellera que le nombre de tués par accidents de la route en France a été divisé par quatre entre 1975 (14000) et 2024 (3200) grâce notamment à l’obligation de ces équipements de sauvegarde.

Comment fonctionne l’airbag  ?

Pour gonfler le sac de sécurité on utilise des explosifs qui génèrent un grand volume de gaz comme l’azoture de sodium NaN3 qui se décompose par choc selon la réaction :

2NaN3 = 3 N2 + 2 Na (1).

130 g d’azoture de sodium libèrent 67 litres de diazote et il faut piéger le sodium avec un sulfate.

Plus tard, des fabricants comme le japonais Takata ont utilisé le nitrate d’ammonium NH4NO3 qui se décompose en brûlant selon

2 NH4NO3 = 4 N2 + 4 H2O + O2

et dans ce cas, 80 g de nitrate d’ammonium libèrent 100 L de diazote, de vapeur d’eau et de dioxygène.

Lors d’un accident le calculateur de l’automobile, branché sur un capteur, un accéléromètre qui mesure les accélérations et décélérations du véhicule, envoie un signal électrique qui fait détonner la charge de quelques grammes d’explosifs stockés dans une cartouche étanche. Les gaz libérés gonflent le sac en nylon ou en polyamide assez doux, accompagné d’un nuage blanc de talc, pour ne pas blesser l’usager.

Lorsque le fabricant Japonais Takata a commercialisé son airbag avec son propulseur stabilisé de nitrate d’ammonium (2), il n’a pas pris suffisamment de précautions pour protéger ce composé déjà connu pour des catastrophes comme celle d’AZF à Toulouse en 2001 et au port de Beyrouth au Liban en 2020. En effet, en milieu humide et chaud, il se déstabilise et peut spontanément se décomposer avec des conséquences trop prévisibles. C’est ce qui est arrivé dans les départements ultramarins caractérisés par un climat chaud et humide, puis maintenant en métropole avec le réchauffement climatique.

En réalité, pour le fournisseur Takata les ennuis ont commencé dès les années 2010. Mal protégé par une enveloppe insuffisamment étanche, le nitrate d’ammonium peut devenir instable et exploser spontanément en projetant des pièces métalliques ou devenir inopérant en cas d’accident, l’airbag ne se déclenchant pas.

Malgré les premières alertes, Takata triche sur les contrôles et modifie les résultats des tests pour répondre aux prescriptions des constructeurs et des millions d’airbags non conformes partent sur les lignes de production des véhicules dans le monde entier. Les dégradations et non-conformités apparues en 2008 se sont multipliées. Après 2013, 20 millions de véhicules de toutes marques (Fiat, Ford, Honda…) sont rappelés. En 2015 plus de 60 millions ! Takata croule alors sous les procès et la dette de plus de 10 milliards de dollars. L’entreprise dépose le bilan en 2017. C’est à ce jour la plus grande faillite industrielle japonaise.

En Europe, les Citroën C3 et DS3 construites entre 2009 et 2017 sont particulièrement concernées mais plus de 130 modèles VW, Audi, BMW, Skoda… font l’objet de rappel. Le coût n’est pas mince pour le constructeur qui doit approvisionner de nouveaux airbags conformes, au garage démonter le système défectueux et monter le nouveau : le coût est de l’ordre de 1000 à 2000 € suivant les modèles.

Pour savoir si votre véhicule est concerné, renseignez sur le site du constructeur le numéro de série (VIN à 17 caractères) au champ E de votre carte grise, et il vous sera précisé si votre type d’airbag est défectueux. Prenez alors rendez-vous. Ou encore allez sur le site du ministère de l’écologie, https://www.ecologie.gouv.fr/rappel-airbag-takata, mis à jour le 30 juillet  2025, très complet sur les marques concernées et les données régionales en France.

La pensée du jour : Tacata, tacata… Voilà les ennuis !

Jean-Claude Bernier

 

Pour en savoir plus

(1) L’azoture de sodium « Produit du Jour » de la Société Chimique de France
(2) Le nitrate d’ammonium,  un engrais dangereux ?, J.-Cl. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)

Crédit illustration :  thieury/ Adobe Stock