Un Nobel de chimie teinté de nostalgie

Date de publication : Jeudi 09 octobre 2025
Rubrique(s) : Éditorial
Susumu Kitagawa, Richard Robson et Omar M. Yaghi.  Prix Nobel de chimie 2025, Ill. Niklas Elmehed © Nobel Prize Outreach

Le prix Nobel de chimie 2025 couronne trois chercheurs en science des matériaux. Susumu Kitagawa, japonais, Richard Robson, australien, et Omar M. Yaghi, américain d’origine jordanienne. Ce prix leur est attribué pour les travaux sur une nouvelle classe de matériaux au croisement de la chimie minérale et de la chimie organique : les « MOF » ou « Metal Organic Framework ». Ces matériaux peuvent être constitués de molécules géantes. Celles-ci sont formées d’ions métalliques dans leur polyèdre de coordination reliés par des ligands organiques suivant une structure tridimensionnelle présentant des pores qui peuvent être ajustés à la demande. Ces solides ont alors une surface spécifique prodigieuse qui leur confère des propriétés d’adsorption, de stockage, de capture ou de catalyse tout à fait exceptionnelles. Omar M. Yaghi a établi les principes de la chimie réticulaire qui permet de créer des assemblages de blocs moléculaires sur mesure, Richard Robson a jeté les bases théoriques de l’existence de ces structures et Susumu Kitagawa s’est plutôt penché sur leurs applications et amélioré leurs stabilités.

Par leur structure, les MOF et leurs cages poreuses ajustables ont des applications remarquables. Ils permettent le stockage des gaz (notamment CO2 et H2), l’adsorption des polluants dans l’eau (notamment des PFAS), la capture de la vapeur d’eau atmosphérique dans les zones désertiques et donc un espoir de la restituer sous forme liquide, enfin ils se prêtent à la catalyse chimique dans de nombreuses réactions en réduisant la consommation énergétique.

Nous ne saurions conclure sans rappeler les résultats d’un chercheur pionnier français Gérard Férey qui, avec l’équipe de l’institut Lavoisier de Versailles, avait réussi nombre de structures de MOF en jouant aux « legos », dont le « MIL-101 », structure miracle d’après lui, doté de cages idéales pour le stockage des gaz, breveté par le CNRS et testé avec succès par BASF dans une unité pilote pour piéger le CO2. Il avait même testé avec des amis biochimistes et médecins ces nanoporeux comme vecteurs de principes actifs dans le sang. Médaille d’or du CNRS en 2010, il est malheureusement décédé en août 2017. Le cancer l’a arraché trop tôt à notre amitié et peut-être aussi à la gloire du Nobel… Nostalgie, nostalgie quand tu nous tiens…

Jean-Claude Bernier 
octobre 2025

MIL-101, G. Férey, communication personnelle

MIL-101 (G. Férey, communication personnelle)

 

Illustration :  Susumu Kitagawa, Richard Robson et Omar M. Yaghi.  Prix Nobel de chimie 2025, Ill. Niklas Elmehed © Nobel Prize Outreach