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Quels rôles jouent les auxiliaires technologiques lors de la fabrication de bières ?

Collection : Questions du Mois
Mots clés : brassage, adsorption, acidification, eau, sels, bière, clarification
Quels rôles jouent les auxiliaires technologiques lors de la fabrication de bières ?

Pour fabriquer une bière les quatre ingrédients indispensables sont : une céréale maltée, de l’eau, du houblon et des levures. Mais les procédés de brassage nécessitent l’ajout d’auxiliaires technologiques.

Qu’est-ce qu’un auxiliaire technologique ?

L’ANSES(i) donne la définition : Les auxiliaires technologiques sont des substances non consommées comme ingrédients alimentaires en soi. Elles sont volontairement utilisées lors du traitement ou de la transformation de matières premières, de denrées alimentaires ou de leurs ingrédients afin de répondre à un objectif technologique donné.

Leur utilisation est réglementée par Décret n° 2011-509 du 10 mai 2011 (modifié en 2023) fixant les conditions d'autorisation et d'utilisation des auxiliaires technologiques pouvant être employés dans la fabrication des denrées destinées à l'alimentation humaine.

Il est à noter que les substances utilisées en tant qu’auxiliaires technologiques sont exemptées d’indication dans la liste des ingrédients des denrées alimentaires(ii).

Pour le brassage les auxiliaires les plus communs sont les suivants.

Les agents d’acidification, d’alcalinisation ou de neutralisation

L’étape d’empâtage (macération à chaud du malt en présence d’eau) provoque une hydrolyse enzymatique de l’amidon(iii). On obtient alors les sucres fermentescibles (comme le glucose ou le maltose qui seront convertis en alcool au cours de la fermentation) et des sucres non fermentescibles (dextrine, lactose…). À cette étape le pH doit avoir une valeur de 5,4 à 5,8 afin que les enzymes aient une activité optimisée. Le pH de l’eau ajoutée étant souvent supérieur à cette valeur, on peut ajouter un mélange d’acide phosphorique et d’acide lactique(iv). Le phosphore apporté par l’acide phosphorique aura un effet positif sur la multiplication des levures ; quant à l’acide lactique sa quantité ne doit pas dépasser 200 mg/L lors de l’ajout, puisque la fermentation produit aussi de l’acide lactique et que son goût (lacté) est perceptible à partir de 400 mg/L(v). D’autres acides peuvent être utilisés : de l’acide chlorhydrique (HCl) ou de l’acide citrique(vi).

La composition en sels minéraux de l'eau

La composition en sels minéraux de l'eau est cruciale pour le brassage. C'est pourquoi les bières d'une même région ont des caractéristiques distinctes, et certaines marques capitalisent sur la qualité de leur eau comme argument de vente. D'autres brasseurs optent pour l'eau de ville, qu'ils traitent par adoucissement sur résines échangeuses d'ions et osmose inverse pour obtenir une eau totalement déminéralisée. L’ajout d’auxiliaires technologiques permet alors d’obtenir une eau de composition bien définie en différents ions : calcium Ca2+, magnésium Mg2+, sodium Na+, sulfates SO42-, chlorures Cl- et hydrogénocarbonates HCO3-. Les sels utilisables sont les chlorures de calcium ou de magnésium (CaCl2 ou MgCl2), les sulfates de calcium ou de magnésium (CaSO4 ou MgSO4), les carbonates de calcium ou de sodium (CaCO3 ou Na2CO3), même si tous ne sont pas utilisés. Le brasseur peut alors, suivant le type de bière souhaitée, jouer sur les proportions des ions et obtenir ainsi des bières différentes. Ainsi pour une bière plus foncée les quantités d’ions seront augmentées ; pour une bière plus « maltée » le rapport sulfate sur chlorure sera diminué alors qu’il sera augmenté pour une bière plus amère.

Les agents de clarification ou de filtration

La colle de poisson, permet la sédimentation à froid des levures et des complexes protéine-polyphénol ; le dépôt est éliminé au bout de 3 à 5 jours.

La terre de diatomée (Kieselguhr ou célite), roche siliceuse extraite de mines à ciel ouvert et donc ressource naturelle épuisable et difficilement réemployable peut être remplacée par de la perlite, roche volcanique composée majoritairement de silice, de coût moindre que la terre de diatomée. 

Les fibres de cellulose d’origine végétale et donc renouvelables sont aussi utilisées, mais leur coût est plus élevé et l’encrassement des filtres est plus fréquent.

Les agents de stabilisation

Les agents de stabilisation consistent à éliminer certaines protéines ou des polyphénols.

Les gallotanins(vii), ajoutés en cuve de garde formeront des complexes insolubles avec les groupements amines (NH2) et thiols (SH) des protéines et élimineront aussi les ions fer et cuivre par complexation. L’élimination des protéines s’effectue par adsorption sur la bentonite(viii), ou de la silice colloïdale.

Quant à l’élimination des polyphénols (qui donnent le trouble de la bière), elle se fait grâce à la polyvinylpolypyrrolidone(ix) (PVPP), polymère réticulé de surface spécifique élevée(x) insoluble dans l’eau, qui adsorbe les polyphénols. Pourtant ces derniers sont des procyanidines(xi), qui pourraient jouer un rôle positif (grâce à leurs propriétés antioxydantes entre autres) dans la prévention des maladies cardiovasculaires, des cancers et des dégénérescences dues à l’âge.

Conclusion

Ainsi la fabrication de la bière nécessite bien plus d’ingrédients que les traditionnels « malts, eau, houblon, levure » et la lecture de l’étiquette ne vous donne pas toutes les informations. Les denrées alimentaires, tels les laitages, les produits de boulangerie, les confiseries, etc. nécessitent d’autres auxiliaires technologiques : des antimousses, des catalyseurs, des agents de dessication, des antitartres et bien d’autres encore.

 

 

(i) L'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) créée en 2010 contribue principalement à assurer la sécurité sanitaire humaine dans les domaines de l'environnement, du travail et de l'alimentation

(ii) Qu’est-ce qu’un auxiliaire technologique ? sur le site du Ministère de l’agriculture

(iii) Amidon : polymère de molécules de glucose

(iv) Acide phosphorique H3PO4 ; acide lactique CH3-CHOH-COOH

(v) Certaines bières (type Gueuze) peuvent avoir des concentrations en acide lactique bien supérieure au seuil de 400 mg/L (1500 à 3500 mg/L) alors que les bières blondes américaines ont des concentrations de l’ordre de 40 à 150 mg/L.

(vi) Acide citrique sur le site de la société chimique de France

(vii) Les gallotanins sont des esters d’acide gallique greffés sur un glucose : 
 Molécule acide galliqueacide gallique

(viii) Bentonite :  un silicate d’aluminium hydraté 
 

(ix) PVPP aussi appelée crospovidone (C6H9NO)n
 molécule PVPP

(x) Surface totale des particules d’un échantillon rapportée à sa masse et exprimée en m2/g

(xi) Les procyanidines ou procyanidols sont des polymères de catéchol et d’épicatéchol, ces 2 molécules étant des épimères (configuration du carbone pointé en rouge R ou S) c’est-à-dire des diastéréoisomères qui ne diffèrent que par la configuration d’un carbone asymétrique.

Molécule catéchol
catéchol, appelé aussi catéchine

 

Crédit illustration : © Bernd Amann
 

Auteur(s) : Lydie Amann
Niveau de lecture : pour tous
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