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Döbereiner et les premiers essais de classification des éléments chimiques

Mots clés : élément chimique, triade, pharmacien, Berzélius, halogène, alcalin
Döbereiner et les premiers essais de classification des éléments chimiques

Johann Wolfgang Döbereiner (1780–1849), d’origine modeste et n’ayant reçu qu’une éducation scolaire limitée, devient apprenti pharmacien à 15 ans. Il complète sa formation par 5 ans de voyages en tant que compagnon pharmacien (Dillenburg, Karlsruhe, Strasbourg) et est nommé professeur surnuméraire en 1810 à 30 ans à Iéna (chimie, pharmacie, technologie).

Ses publications suscitent l’intérêt d’un savant à la cour du duc de Weimar, un certain Johann Wolfgang Goethe (1749-1832), chargé de l’organisation des travaux publics. Döbereiner travaille avec lui entre autres sur des éclairages de villes à l’aide de lampes à gaz. 

Mais sa principale occupation est la catalyse hétérogène, et il découvre ainsi la possibilité de réaction spontanée d'hydrogène avec l'oxygène de l'air sur une éponge de platine. Cette découverte lui réserve une place parmi les fondateurs de la chimie. En 1823, il présente un briquet générateur d'hydrogène contrôlable par l'action d'acide sulfurique sur du zinc (un précurseur de générateur de gaz connu sous le nom d'appareil de Kipp, 1840) et la combustion catalytique de cet hydrogène sur une petite quantité de platine. La nouvelle de cette invention parcourt rapidement l’Europe – on en trouve mentions dans un grand nombre de journaux, notamment le corps militaire se montre très intéressé.

La deuxième découverte, moins spectaculaire, résulte d’analyses précises de minerais. Au début du 19e siècle une cinquantaine d'éléments chimiques sont déjà connus, mais une classification systématique fait grand défaut. Des grands groupes ou des similitudes entre des classes de substances étaient remarqués. Citons la table des affinités d’Étienne-François Geoffroy (1672-1731) de 1718, reprise et augmentée par Pierre Macquer (1718-1784) dans ses « Elemens de Chymie Théorique » en 1766, puis Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794), qui aboutit au livre de John Dalton (1766-1844) « A New System Of Chemical Philosophy » de 1808, où l’on trouve des poids encore approximatifs faute d’instruments précis de mesure. Par ailleurs, Goethe publie ses « Affinités électives » en 1809, transposant des réactions chimiques aux personnages de son roman.

En 1829 on trouve un article de Döbereiner dans un journal de physique allemand, qui porte le titre prudent d’« Essai de regroupement des substances élémentaires selon leurs analogies ». La lecture nous montre pourquoi ce titre a été choisi. Si la première page contient le nom de Jöns Jakob Berzelius (1779-1848), le savant chimiste suédois et référence incontestée, Döbereiner mentionne des expériences faites par lui-même, dans un lointain passé et qui lui ont fait formuler une idée qu’il n’avait pas publiée, mais seulement utilisée dans ses cours. Il avait eu la patience d’attendre pendant 16 ans des mesures plus précises. En 1829, le moment est venu : les résultats de Berzelius montrent que la moyenne des poids atomiques du chlore et de l’iode est très proche de celui du brome, les trois éléments faisant partie du groupe des halogènes, capable de s’unir avec l’hydrogène pour former des acides HCl, HBr et HI, mais aussi des acides contenant de l’oxygène tels que HClO, HClO2, etc. Döbereiner lui-même trouvait la même relation dans la triade Ca, Sr et Ba, plus précisément les oxydes, CaO, SrO, BaO. Et il y a aussi Li, Na, K, les alcalins. Pour les éléments phosphore et arsenic, le troisième élément semble manquer – mais pas de panique, il nous assure qu'Eilhard Mitscherlich (1794-1863) va le trouver s’il existe. Soufre, sélénium, tellure forment une autre triade ; mais le fluor est exclu, malgré son appartenance au groupe des halogènes. Qu’en est-il du quatuor hydrogène, oxygène, carbone et azote ? Les trois derniers forment certes une triade par leur poids, puisque l’azote se trouve entre les deux. Cependant, chimiquement, ces trois éléments sont trop différents pour pouvoir parler d’un groupe. Puisqu’on trouve dans la nature des oxydes de Fe, Mn, Co ensemble, on pourrait parler d’une triade, et de même pour Ni, Cu, Zn. Pourtant, le poids atomique déterminé pour Cu semble trop loin pour en faire partie. Un autre groupe – les amorces – est formé par les métaux Pt, Pd, Rh, Ir et Os, puis plurane, dont l’existence n’est pas certaine.

Ces 12 triades couvrent déjà plus que la moitié des éléments connus à l’époque, ce qui souligne l’importance de cette observation, mais aussi le mot « essai », car loin de s’appliquer en toute généralité. D’autres « essais » suivront.

 

     
À gauche : Tableau des substances simple de Lavoisier (1789). Au centre : Vis tellurique de Chancourtois (1862) . À droite : Tableau périodique de Mendeleïev (1869). Sources : Wikimedia Commons, domaine public

 

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Pages consultées le 23/12/2025

 

Crédits illustrations : 

 

Auteur(s) : Peter Reinhardt
Niveau de lecture : pour tous
Nature de la ressource : article

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